samedi 30 novembre 2024

Le trompe-l'oeil de 1520 à nos jours au musée Marmottan en novembre 2024

Une exposition didactique :
Le musée Marmottan Monet célèbre son 90° anniversaire avec une exposition dédiée au trompe-l'oeil de 1520 à nos jours, construite autour du fonds initial de Jules et Paul Marmottan. À partir du XVIe siècle, l'art du trompe-l'œil de chevalet obéit à des règles précises: le tableau doit s'intégrer à l'environnement dans lequel il est présenté, requérant ainsi une mise en scène tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'oeuvre. Il exige également que la représentation du sujet soit figurée grandeur nature, dans son intégralité sans être entravée par le cadre. La signature de l'artiste, quant à elle, doit être dissimulée dans le tableau pour garantir l'illusion.
Au cours des siècles, le trompe-l'oeil se diffuse grâce à des médiums divers et prend des formes différentes. Si certaines sont bien connues, comme les vanités, les trophées de chasse ou les porte-lettres, le parcours aborde d'autres thèmes dont les déclinaisons décoratives (mobilier et faïences) jusqu'aux versions modernes et contemporaines de ce genre. Sans vouloir être exhaustive, l'exposition propose un parcours varié et didactique où le trompe-l'oeil constitue un clin d'œil aux pièges que nous tendent nos propres perceptions.


GENÈSE ET ÂGE D'OR DU TROMPE-L'ŒIL
Le XVIIe siècle
L'Antiquité définit la peinture comme mimêsis, le moyen privilégié d'imiter la nature. C'est précisément le défi que se lancèrent Zeuxis et Parrhasius: l'un ayant dupé des oiseaux par l'image de raisins et l'autre, son concurrent avec un rideau peint (Ve et IVe siècles avant J-C).
Si la période médiévale se préoccupe peu de ces jeux optiques, ils réapparaissent à la Renaissance. Les recherches sur la perspective amènent certains artistes à concevoir de véritables décors en trompe l'œil. À partir du début du XVIe siècle, la figuration illusionniste d'objets du quotidien séduit collectionneurs et amateurs. L'Armoire aux bouteilles et aux livres (musée d'Unterlinden, Colmar) constitue un exemple significatif de l'une des plus anciennes natures mortes en trompe l'oeil connue.
Les Pays-Bas au XVIIe siècle voient l'apogée de ces recherches menées par les artistes. À travers la peinture à l'huile, la perspective, les effets de lumière, l'artiste rivalise avec la réalité. Flamand, Cornelis Norbert Gijsbrechts, peintre de la cour de Copenhague au service des rois Frédéric III puis Christian V, amateurs de cabinets de curiosité, conçoit pour eux des trompe-l'œil dont la virtuosité reste inégalée

NICOLAS DE LARGILLIERRE
(1656-1746)
Deux Grappes de raisin
1677
Huile sur panneau Paris, fondation Custodia, collection Frits Lugt
Largillierre est l'un des portraitistes les plus admirés des XVII et XVIIIe siècles. De sa première formation, il conserve, tout au long de sa carrière, un goût affirmé pour la nature morte qu'il associe à certains de ses portraits. Plus rares sont ses peintures illusionnistes telles ses Deux Grappes de raisins, suspendues à même un mur, hommage à Zeuxis, peintre de l'Antiquité, célèbre pour avoir peint des raisins qui attirèrent des oiseaux qui tentèrent de les picorer, trompés par leur réalisme.

ANONYME,
Allemagne, Westphalie?
Armoire aux bouteilles et aux livres
vers 1520-1530
Huile sur bois
Colmar, musée Unterlinden, ancienne collection Mortimer Brandt; acquis en 1986 dans le commerce d'art new-yorkais
Ce tableau singulier donne à voir un placard feint dont l'une des deux portes est entrouverte. Dans la niche inférieure sont disposés des objets qui renvoient à la pratique de la médecine. Lors de son apparition dans le commerce d'art new-yorkais vers 1950, cette œuvre fut considérée comme l'incunable de la nature morte indépendante. Le tableau est avant tout un trompe-l'oeil, placé dans un environnement dont nous n'avons plus la trace et côtoyant de véritables meubles. Il s'agissait de faire illusion en suscitant l'envie de vérifier la réalité de ce placard et des objets à grandeur qui s'y trouvent et ont l'air si vrais.

Détail du tableau précédent

CORNELIS
NORBERTUS GIJBRECHTS
(vers 1610 - après 1675)
Armoire en trompe-l'oeil
1665
Huile sur toile
Rouen, musée des Beaux-Arts,
don Henri et Suzanne Baderou

CORNELIS NORBERTUS
GIJSBRECHTS
(vers 1610 - après 1675)
Trompe-l'oeil
1665
Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet, legs Paul Marmottan, 1932
Des lettres froissées, pliées, des gravures, un bâton de cire retenus par des rubans cloués à un panneau de bois son disposés dans un désordre apparent mais savamment organisé. Le porte-lettres appelé également quodlibet est l'un des sujets privilégiés des artistes au XVIIe siècle, grâce auquel Gijsbrechts a été considéré, de son vivant, comme l'un des grands maîtres de cet âge d'or du trompe-l'oeil, réputation qu'il l'a conduit à devenir le peintre officiel des rois de Danemark Frédéric III et Christian V entre 1668 et 1672. Cette facture et ces coloris chaleureux ont certainement amené Jules Marmottan à acquérir cette œuvre avant de la transmettre à son fils Paul.

CRISTOFORO MUNARI
(1667-1720)
Trompe-l'oeil aux instruments du peintre et aux gravures
avant 1715
Huile sur toile
Paris, collection Farida et Henri Seydoux
Installé à Florence de 1706 à 1715, au service de la cour de Ferdinand III de Médicis, Cristoforo Munari, se spécialise dans le genre de la nature morte. Trompe-l'oeil aux instruments du peintre et aux gravures présente un format découpé dit chantourné: les gravures dans la partie supérieure, la palette dans le bas, ainsi que le bâton de peintre dépassent du rectangle initial du châssis. L'illusionnisme est ici exprimé par les gravures plaquées sur un battant de placard en bois, ainsi qu'une toile peinte sans châssis dont le paysage évoque l'art de Dughet.

JEAN FRANÇOIS DE LE MOTTE
(1635?-1685?)
Trompe-l'oeil
2e moitié du XVIIe siècle
Huile sur toile
Dijon, musée des Beaux-Arts, legs Chenagon-Gautrelet, 1957
L'artiste a été reçu maître peintre à l'Académie de Saint-Luc de Tournai en 1653. Dans cette même ville, il a ouvert son atelier où il forma de nombreux artistes. Sur ce panneau de bois, l'artiste offre au regard des œuvres d'art dont une marine, des lettres, un bas-relief en terre cuite, un buste de femme en plâtre, des lettres maintenues par un cordon et des outils de peintres, des pinceaux, une boîte métallique et une palette. La réunion de ces objets semble constituer un portrait matériel de son atelier et un portrait symbolique de l'artiste dont la signature est apposée sur la lettre repliée à proximité du bâton de cire.

Détail du tableau précédent

JEAN FRANÇOIS DE LE MOTTE (1635?-1685?)
Nature morte au trompe-l'oeil
1660
Huile sur toile Collection Kugel
Au vu du nombre d'œuvres du peintre connu à ce jour, cette Nature morte est considérée comme le plus grand format réalisé par l'artiste et l'une de ses plus importantes toiles. Sa singularité réside dans sa composition scindée en deux parties, l'une en pleine lumière et l'autre dans l'ombre. Fourmillant de détails et d'objets tel un véritable cabinet de curiosités, elle cristallise toutes les conditions faisant d'une nature morte un trompe-l'oeil. La virtuosité dans son exécution traduit l'influence des écoles du Nord et notamment de Cornelis Norbertus Gijsbrechts que l'artiste a probablement rencontré en 1664.

Détail du tableau précédent 

ANTONIO CIOCI
(actif de 1750 à 1792)
Nature morte
en trompe l'oeil avec un autoportrait
vers 1771
Huile sur toile
Florence, Opificio delle Pietre Dure
Détail du tableau précédent
Autre détail du tableau précédent 

FRANCISCUS GIJSBRECHTS
(1649-après 1676)
Vanité
2e moitié du XVIIe siècle
Huile sur toile
Rennes, musée des Beaux-Arts, acquis en 1871
Cette Vanité à échelle réelle est emblématique de l'œuvre de Gijsbrechts, peintre anversois formé par son père au trompe- l'oeil.La composition en cascade envahit l'espace du spectateur et dramatise l'accumulation d'objets autour d'un crâne. C'est là un symbole de l'insignifiance du luxe et des plaisirs fugaces de la vie face à la mort inéluctable. Le passage du temps y est symbolisé par un sablier alors que le parchemin sigillé ancre dans l'époque. Ce memento mori pourrait néanmoins porter un message d'espoir par la présence d'épis de blés, allusion à la résurrection autant qu'aux cycles naturels.

EDWAERT COLLIER
(1642-1708)
Trompe-l'oeil
vers 1703
Huile sur toile
Leyde, musée de Lakenhal

DU TROPHÉE AU QUODLIBET
Du XVIIe siècle au XVIIIe siècle
Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, dans la production des natures mortes illusionnistes, les trophées et les quodlibet trouvent leur place dans les intérieurs aisés. Les trophées de chasse deviennent de véritables portraits de gibiers et volatiles faisant la fierté des maisons qui les commandent. Louis XV sollicite le pinceau de Jean-Baptiste Oudry, peintre du roi, pour immortaliser ses prouesses à la chasse à courre. L'artiste joint aux côtés des animaux un cartellino, petit papier froissé relatant l'histoire du trésor débusqué.
Le quodlibet (forme latine quod libet), qui peut se traduire par "ce qu'il vous plaît" met en scène un désordre savamment organisé. Traditionnellement, des rubans ou des lanières sont cloues sur des planches de sapin retenant des objets (lettres, bésicles, œuvres d'art, etc.). Au-delà de la technicité de ces composi- tions permettant de lire les documents imités, les artistes pouvaient y dissimuler, tel un rébus, certains messages plus ou moins explicites selon son destinataire, que le spectateur se plaisait à reconstituer Ces quodlibet, avec l'éparpillement des papiers froissés et déchirés, renvoient le plus souvent à une pensée moralisatrice, celle de la vanité du savoir et du temps qui passe.


JEAN-BAPTISTE OUDRY
(1686-1755)
Tête bizarre d'un cerf pris par le Roi dans la forêt de Compiègne le 3 juillet 1741
1741
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre,
dépot au musée national du château de Fontainebleau
Louis XV s'adonnait avec passion à l'art de la chasse à courre. Jean-Baptiste Oudry, le peintre des chiens et des chasses du roi en témoigne à travers ses portraits de trophées appelés «tête bizarres» ou  "massacres" qui représentent de manière naturaliste des bois de cerfs chassés accompagné d'un cartel. Il en exécuta cinq entre 1741 et 1752. Jean-Jacques Bachelier a poursuivi cet ensemble après la mort d'Oudry. À la fois, trophée royal, leçon d'histoire naturelle, curiosité historique, cette toile constitue une véritable leçon de peinture où la virtuosité technique se mêle à la passion officielle et intime de Louis XV pour la vénerie.

Détail du tableau précédent 

JEAN ANTOINE HOUDON
(1741-1828)
La Grive morte
vers 1775
Bas-relief en marbre Collection particulière
Le sculpteur Jean Antoine Houdon expose son Oiseau mort au Salon de 1775 et de 1777. Le volatile attaché est suspendu tel un trophée de chasse. Le rendu du duvet et des plumes d'une exécution remarquable, renforcé par la préciosité et la transparence du marbre, remportèrent un large succès au Salon dont l'auteur et critique Friedrich Melchior Grimm témoigne lorsqu'il découvre l'oeuvre en 1775:  "ce morceau est d'un effet prodigieux: plus on le voit de près, plus il fait illusion". Ce rendu virtuose permet à Houdon de rivaliser avec les meilleurs artistes animaliers de son temps comme Oudry.

GUILLAUME DOMINIQUE
DONCRE
(1743-1820)
Trompe-l'oeil
1785
Huile sur toile
Arras, musée des Beaux-Arts
Constant Aimable Géry, juge au Tribunal d'Arras et membre de nombreuses sociétés savantes, a été l'un des premiers biographes de Doncre, en 1868. Dans son ouvrage, il souligne la multiplicité et la diversité de ses productions. Dans la liste qu'il établit, une seule œuvre, datée de 1785, qui était alors déjà conservée au musée d'Arras, est précisément décrite : le trompe-l'oeil où il s'est peint lui-même, à proximité d'outils d'architectes, dans une imitation de gravure, avec ces mots : "Ego sum pictor".

Détail du tableau précédent 

GUILLAUME DOMINIQUE
DONCRE
(1743-1820)
Trompe-l'oeil aux putti: panneau au putto dessinant
milieu du XVIIIe siècle
Huile sur toile
Bourg-en-Bresse, musée du Monastère royal de Brou, don Miriam et Boris Milman
Clouées sur des planches de bois, de petites toiles représen- tent l'une des angelots dessinant un buste en marbre au pied de colonnes antiques (d'après une composition peinte par François Boucher), l'autre des putti assoupis sur des tonneaux parmi des grappes de raisin (œuvre non exposée). L'oisiveté et l'ivresse s'opposent ainsi à l'étude et au savoir. Les cartes à jouer appartiennent à un jeu créé à Paris vers 1750. La lettre décachetée dévoile le nom de son destinataire : l'orfèvre Bert documenté à Dunkerque vers la fin du XVIIIe siècle pourrait ainsi être le commanditaire des deux pendants.


GASPARD CRESLY
(1712-1756)
Portes de bibliothèque (librairie),
recto et verso
vers 1750.
Huiles sur toile marouflée
Bourg-en-Bresse, musée du Monastère royal de Brou, don Miriam et Boris Milman
Simulant les deux côtés d'une porte vitrée de bibliothèque, ces deux peintures constituent l'un des chefs-d'œuvre de Gresly, qui les a signées. Portant l'ancienne trace d'un trou de serrure, elles devaient être fixées sur un véritable abattant. L'idée de peindre de faux meubles ouverts sur un grand désordre remontait au XVIIe siècle, avec Gijsbrechts et Hoogstraeten. Mais Gresly l'adapta à une situation réelle, laissant entrevoir le monde d'un maître de danse. En effet, devant les livres aux belles reliures de cuir figurent un sablier et une pochette bateau », servant à marquer le pas, ainsi que plusieurs partitions musicales.

GASPARD GRESLY
(1712-1756)
Trompe-l'oeil à la gravure de Bouchardon au verre brisé
après 1738
Huile sur toile
Besançon, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie
Repoussant les limites du leurre en simulant l'apparence d'une gravure encadrée dont le verre est brisé en plusieurs morceaux, ce trompe-l'oeil présente la planche Il du Premier Livre de diverses figures d'académies dessinées d'après le naturel par Edme Bouchardon, gravées par Pierre Aveline, publié en 1738'. Ce petit tableau, d'une évidente qualité plastique, ravive la question d'un séjour parisien de l'artiste et de son éventuelle rencontre avec le cercle des amateurs éclairés évoluant autour du Comte de Caylus²

GASPARD CRESLY
(1712-1756)
Trompe-l'oeil avec une gravure de Callot
après 1750
Huile sur toile
Bourg-en-Bresse, musée du Monastère royal de Brou, don Miriam et Boris Milman
Specialisé dans le trompe-l'oeil, Gresly suit une recette immuable: sur un fond en bois noueux, il accroche divers objets ou papiers, recréant une réalité familière. Ici, l'estampe de Jacques Callot publiée vers 1622 fait allusion au spectateur qui se laisserait tromper par sa vue, car il s'agit de L'Aveugle et son compagnon. La carte à jouer est un valet de trèfle provenant d'un jeu allemand, rappelant les liens de la Franche- Comté avec l'Empire germanique, auquel elle avait appartenu jusqu'en 1678.

GASPARD GRESLY
(1712-1756)
Trompe-l'oeil à l'almanach, aux gravures et à la bourse
1739
Huile sur toile
Béziers, musée des Beaux-Arts
Assez tôt dans la carrière de l'artiste, ce tableau aligne déjà les éléments familiers de son répertoire : suspendues sur un panneau de sapin brut aux vigoureuses nervures, deux gravures dont l'une est en partie dissimulée par l'Almanach du solitaire sur lequel figure la date, «< 1739 ». La seconde aux coins déchirées, est tirée des vues italiennes des Pérelle que Gresly va utiliser à de nombreuses reprises remplaçant la signature du graveur par la sienne. Un cachet de cire rouge aux armes incertaines l'oblitère partiellement. La bourse en soie aux chatoyants coloris apporte une note colorée et raffinée.

GASPARD GRESLY
(1712-1756)
Trompe-l'oeil à la gravure du Rieur d'après Frans Hals
vers 1740
Huile sur toile
Besançon, musée des Beaux-Arts et d'Archéologie
Scènes de genre ou trompe-l'oeil, l'artiste à ses débuts, prend son inspiration dans le répertoire des écoles nordiques dont il trouve les exemples largement diffusés par le commerce florissant des estampes. Ce trompe-l'oeil est inspiré par une gravure de Wallerant Vaillant (1623-1677), Deux enfants rieurs, d'après une toile de Frans Hals. Choisissant une inter- prétation plus libre, Gresly, ne représente qu'un seul des enfants. Le sens du sujet, inversé par rapport à l'original gravé de Vaillant, laisse supposer que le modèle utilisé par Gresly est une copie d'après l'œuvre de Vaillant

ARCHITECTURE
ET TROMPE-L'ŒIL
Les fouilles archéologiques sur le site d'Herculanum commencées en 1738 puis sur celui de Pompéi initiées à partir de 1748 contribuent à créer un véritable engouement pour tout ce qui a trait à l'antique. De ce goût nouveau naît le néoclassicisme qui se diffuse dans la mode et les arts. L'art de l'illusion se révèle notamment au travers des œuvres réalisées à des fins décoratives par Jacob de Wit et Piat Joseph Sauvage visant à l'imitation de bas-reliefs.
Ainsi au-delà de la peinture de chevalet, la peinture en trompe l'oeil peut également se définir comme élément de décor architecturé, faisant partie intégrante des intérieurs d'une société aristocratique séduite. Le peintre Dominique Doncre, établi dès 1770, à Arras, où il effectue l'essentiel de sa carrière, est l'un des plus éminents spécialistes du décor en trompe l'oeil et en grisaille. Paul Marmottan a collectionné les œuvres de cet artiste, comme celle du Musée des Beaux-Arts d'Arras exposée ici. Au sein des prestigieux hôtels particuliers arrageois, ses angelots et ses enfants rythment les dessus-de-porte, les devants de cheminées et ses médaillons ornèrent les murs
de ces demeures.

ANNE VALLAYER-COSTER
(1744-1818)
Trompe-l'oeil avec une faunesse et des putti, 1774, 1776
Huile sur toile Collection particulière
Anne-Vallayer-Coster est la première femme à avoir été admise à l'Académie des beaux-arts en 1770 à l'âge de 26 ans et a été peintre à la cour de Marie-Antoinette. Célèbre pour ses portraits, elle l'est également pour ses nature mortes. Dans ces deux Trompe-l'oeil en camaïeu de gris, sa technicité et sa virtuosité laisse voir sa pleine maîtrise de l'art de l'illusion feignant de peindre avec une touche rapide deux bas-reliefs antiques réalisés à des fins décoratives. Si le spectateur averti se doute que les bas-reliefs sont en fait une peinture, il se laisse prendre au piège des cadres feints.

AUGUSTIN-VICTOR PLUYETTE
(1820-1870)
Trompe-l'oeil au crucifix et au bas-relief
n.d.
Huile sur toile
Saint-Cloud, département des Hauts-de-Seine / musée du Grand Siècle - donation Pierre Rosenberg
Pluyette ne s'est pas intéressé à la peinture religieuse, c'est donc probablement plus le tour de force technique que le sujet de cette composition qui l'a motivé. Au-delà d'un rideau, le visiteur entrant dans une pièce découvre, sur sa droite et en raccourci, accrochés au mur, un grand Crucifix de bois - identique à celui du Trompe-l'oeil au crucifix en ivoire et en bois peint par Boilly, en 1812 - dans lequel est glissé une branche de buis et une Déploration du Christ, probablement de plâtre est accrochée à proximité.

Attribué à
PIAT JOSEPH SAUVAGE
(1744-1818)
Napoléon Bonaparte, Premier consul, vers 1799-1804
Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet, legs Paul Marmottan, 1932
Originaire de Tournai, Sauvage s'est formé à l'atelier de Spaendonck à Anvers. Il s'installe à Paris en 1774 avant d'être reçu à l'Académie royale de peinture et de sculpture en 1783. Il se spécialise dans l'imitation en trompe l'oeil de sculptures en bas-relief reproduisant de manière saisissante les effets de matière. Ce portrait rappelant les médaillons antiques, style alors en vogue, présente Napoléon Bonaparte en tant que Premier consul, fonction qu'il a occupé entre 1799 et 1804 avant de devenir empereur. Sa popularité est telle que d'autres versions de cette même œuvre ont été réalisées et sont aujourd'hui conservées au musée Carnavalet, à la Bibliothèque de l'Institut de France ou encore au château de Malmaison.

JACOB DE WIT
(1695-1754)
Allégorie des quatre éléments en trompe l'oeil de bas-relief
vers 1750
Huile sur toile
 Collection Kugel

ANNE VALLAYER-COSTER
(1744-1818)
Non identifié 
Huile sur toile 
Collection particulière

ANNE VALLAYER-COSTER
(1744-1818)
Trompe-l'oeil aux putti jouant
avec une panthère ou Le Printemps, 1776
Huile sur toile 
Collection particulière

GUILLAUME DOMINIQUE
DONCRE
(1743-1820)
Génies funèbres
1783
Huile sur toile
Arras, musée des Beaux-Arts, don Paul Marmottan, 1932.
Dominique Doncre s'est formé à Saint-Omer puis à Anvers. Après avoir été reçu académicien, à Paris, le 19 août 1758, il est venu s'installer à Arras, vers 1770. Il y a été < admis à la bourgeoisie », en 1772, année où il a exécuté un Christ pour la cathédrale. Dès l'année suivante, il apparait comme "peintre de grisaille" et participe au décor de plusieurs hôtels particuliers arrageois. Ce panneau a probablement appartenu au décor aujourd'hui démembré de la chapelle d'une de ces résidences.

GUILLAUME
DOMINIQUE DONCRE
(1743-1820)
Quatre Enfants jouant
1803
Huile sur toile
Arras, musée des Beaux-Arts, dépôt à la Préfecture du Pas-de-Calais

JACOB DE WIT (1695-1764)
Les Vestales
1749
Huile sur toile
Montauban, Musée Ingres Bourdelle
Cet élément de décor représente des vestales, prêtress s de Vesta, déesse du foyer, dans la Rome antique, au moment où elles allument le feu sacré de son temple. En marge de l'acte sacré, de Wit, lecteur de la Vie des hommes illustres de Plutarque, n'omet pas de faire figurer un médaillon sur l'autel, portrait d'homme de profil accompagné de la mention << Numa rex »>, honorant ainsi le fondateur du culte de Vesta. Signé et daté de 1749, ce tableau préfigure le néo-classicisme, grand amateur de décor feint.

GABRIEL GERMAIN JONCHERIE
(1785-avant 1864)
Trompe-l'oeil figurant des animaux, un œuf et un bas-relief
vers 1820-1825
Huile sur toile 
Collection Kuge

Arts décoratifs
LA CÉRAMIQUE
Au XVIIIe siècle, la volonté de créer l'illusion s'étend à la production de la céramique au service d'objets utilitaires. Elle prend son origine dans la production des Della Robbia, une célèbre famille de sculpteurs en terre cuite emaillée et de leurs suiveurs pendant la Renaissance en Italie et évolue au cours des siècles suivants. Des thématiques inédites apparaissent au gré des nouvelles techniques dont celle de la porcelaine dure. Soupières en forme de choux, de salades, de courges, assiettes garnies de fruits et légumes ou terrines de forme animalière décorent les tables d'apparat aux côtés de plats plus traditionnels.
Entre les XVIIe et XVIIIe siècles, ce goût pour le trompe-l'oeil en céramique s'autonomise et connaît un véritable succès à travers toute l'Europe grâce à des manufactures prestigieuses dont Meissen en Allemagne et celles de Sceaux ou encore de Niderviller en France. Au XIXe siècle, Avisseau fait redécouvrir les secrets du céramiste de la Renaissance, Bernard Palissy qui peupla ses plats d'animaux et insectes exécutés en relief. Avisseau fonde alors l'école de Tours et influence d'autres céramistes passionnés. La tradition du trompe-l'oeil dans les arts décoratifs se renouvelle au XXe siècle avec des décors posés à la surface des objets à la manière d'une peinture illusionniste, technique utilisée par l'artiste Pierre Ducordeau et le designer milanais Piero Fornasetti.

NICOLAS-JOSEPH RICHARD (peintre et doreur à Sèvres, actif 1820-1872)
Portrait peint de Louis-Rémy Robert peint en camée, 1869
Portrait peint de Denis-Désiré Riocreux peint en camée, 1869
Porcelaine dure; montage dans un cerclage en métal doré formant un rang de perles et cadre en bois noirci mouluré Sèvres, manufacture et musée nationaux
Ces portraits sous forme de camées peints renvoient à une forme de décoration apparue à la manufacture dès la fin du XVIIIe siècle et qui participent au goût pour l'Antiquité. On les retrouve sous forme d'ornements de décor représentant des figures antiques sur des pièces de formes ou des pièces de services. Ils prennent également l'aspect, comme ici, de médaillons honorant des personnalités contemporaines saisies dans leurs apparences et leurs costumes d'hommes et de femmes du XIXe siècle.

CHARLES-JEAN AVISSEAU
(1795-1861)
Bassin rustique, plat en trompe l'oeil vers 1853-1854
Faience émaillée
Tours, musée des Beaux-Arts
MANUFA
de melon
Faiences stanni Lyon, musée des
Surnommé le «Bernard Palissy de la Touraine», Charles- Jean Avisseau redécouvre les secrets de fabrication des terres cuites vernissées autour de 1843. Plus qu'un simple imitateur des rustiques figulines» du maître du XVIe siècle, Avisseau crée des effets de trompe-l'oeil aux airs de micro- cosme foisonnant, et élargit la palette des émaux. Chez lui, l'effet esthétique prime sur le vérisme scientifique, situant ses œuvres entre le caprice néo-renaissance et le fantasme des théories de l'Evolution qui agitent le siècle.

ATELIER PARISIEN POST-PALISSÉEN 
SUITE DE BERNARD PALISSY
Plat ovale à décor de rustiques figulines
1e moitié du XVIIe siècle
Terre cuite à glaçure plombifère
Paris, musée Gustave Moreau
Géologue, chimiste et céramiste, Bernard Palissy (1510-1590)
a marqué la Renaissance française avec ses poteries naturalistes. Inventeur des rustiques figulines, une technique de trompe-l'oeil en terre cuite émaillée, il créait des marécagesen relief à partir d'espèces naturelles moulées sur le vif. Ce plat, attribué aux ateliers parisiens post-palisséens du XVIIe siècle, est exposé dans l'atelier de Gustave Moreau, II témoigne du goût des artistes romantiques et symbolistes pour ce type de décor durant la seconde moitié du XIXe siècle.

Non identifié 

MANUFACTURE HANNONG,
STRASBOURG
Terrine en forme de laitue, 1750
Faïence stannifère, décor à petit feu polychrome Paris, musée de Cluny - Musée national du Moyen-Âge, dépot à la manufacture et au musée nationaux, Sèvres
Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Manufacture Hannong de Strasbourg produit et diffuse des pièces util- itaires, des terrines en trompe l'oeil, des récipients conçus pour contenir des ragoûts. Cette manufacture s'inspire des productions allemandes et fait venir de talentueux artisans dont Johann Wilhelm Lanz et Johan Louis venus de Meissen, qui y élaborent des objets, à l'image de cette terrine en forme de laitue, qui témoigne du haut talent de technicité de ces artisans capables de recréer des formes complexes et les couleurs délicates de la matière végétale.

ÉPANOUISSEMENT AU XVIIIE SIÈCLE
Peinture illusionniste
Au cours du XVIIIe siècle, période de l'âge d'or de la gravure en France, plusieurs artistes dont Gaspard Gresly, Étienne Moulineuf, Dominique Doncre et Louis Léopold Boilly s'attellent à peindre des éléments ou des compositions entières en grisaille. Ces peintures réalisées en camaïeux de gris deviennent alors des œuvres extrêmement abouties imitant les techniques de la gravure alors qu'au siècle précédent ces œuvres en grisaille sont le plus souvent préparatoires à un tableau ou à une estampe. Ces gravures feintes sont ainsi fixées sur une planche de sapin brut peinte en trompe l'œil. Les sujets représentés par ces artistes peuvent rendre hommage à des maîtres de l'histoire de l'art comme le peintre hollandais Frans Hals ou le graveur lorrain Jacques Callot. D'autres artistes, quant à eux, mettent à profit la maîtrise de cette technique pour souligner les traits de leurs modèles comme ceux de Madame Chenard par Boilly ou leur virtuosité. La toile de Moulineuf présentée dans cette section démontre l'habilité du verre cassé feint.


FRANZ RÖSEL VON ROSENHOF (1626-1700)
Trompe-l'oeil avec un singe capucin dans sa caisse, 
dit aussi Le Singe effronté
dernier quart du XVIIe siècle
Huile sur toile
Paris, collection Farida et Henri Seydoux
Le caractère illusionniste de la caisse représentée par le peintre autrichien Rösel von Rosenhof, est renforcé par la découpe géométrique du support qui la projette dans l'espace et donne l'illusion d'un objet tridimensionnel. De la partie inférieure de la porte s'échappent des brins de paille et leurs ombres, tandis qu'au centre de la façade, projetée sur le fond sombre de l'intérieur de la caisse, apparait la tête du singe ou sapajou capucin, réaliste, dans une ouverture qui la laisse à peine passer.

Détail du tableau précédent 

CHARLES BOUILLON (actif à Paris vers 1704 - 1707)
Plis et objets en trompe l'oeil
1704
Huile sur toile
Collection particulière
La biographie de Charles Bouillon qui signe Bouillon Flammant reste très méconnue à l'exception de son séjour parisien entre 1704 et 1707. C'est au cours de cette période qu'il peint ce quodlibet présenté pour la première fois depuis des décennies dans une exposition. Il témoigne en ce début du XVIIIe siècle de l'intérêt constant que portèrent les artistes à cette thématique du porte-lettres. Pour sa réalisation, l'artiste s'est probablement inspiré des composi- tions à l'équilibre harmonieux des maîtres du genre, Cornelis Norbertus Gijsbrechts ou Jean François de Le Motte.

JEAN PILLEMENT
(1728-1808)
Trompe-l'oeil avec ruban turquoise devant le paysage de la campagne portugaise
vers 1780-1800
Hui.e sur toile
Paris, collection Farida et Henri Seydoux
Dans l'œuvre de Pillement, ce trompe-l'oeil fait figure d'exception. Un ruban paraissant pris sous la moulure du cadre pend par-dessus un paysage semblable à ceux que peignait l'artiste. Il rappelle ceux que Pillement dessina pour le Cahier de six nœuds de rubans paru en 1770, ainsi que ses liens avec les soyeux lyonnais. La virtuosité avec laquelle sont rendus les plis et les brillances du ruban démontrent les qualités de l'ornemantiste, tout en rappelant le caractère illusionniste de la peinture.

Détail du tableau précédent 

Jean Valette-Falgores dit
VALETTE-PENOT (1710-après 1777)
Le Désordre de l'atelier
1770
Huile sur toile
Collection particulière


Jean Valette-Falgores dit
VALETTE-PENOT (1710-après 1777)
Sainte Famille
vers 1770
Huile sur toile Montauban, Musée Ingres Bourdelle

JEAN ÉTIENNE LIOTARD (1702-1789)
Trompe-l'oeil au portrait de Marie-Thérèse d'Autriche
vers 1762-1763
Huile sur panneau Paris, Sylvie Lhermite-King
L'oeuvre du Genevois atteste de sa rigueur d'observation, pour la ressemblance des sujets et des objets reproduits, ainsi que de son exigence à rendre atmosphères et textures. Marie-Thérèse d'Autriche (1717-1780) est un sujet récurrent du portraitiste. La demi-figure de l'impératrice émerge ici d'une boîte dont le couvercle a coulissé. L'artiste conjugue trompe-l'oeil et nature morte pour servir sa quête : confondre représentation et réalité. Accentuant l'effet du leurre, le panneau de bois partiellement peint donne l'impression qu'un médaillon en bas-relief v a été cloué

LOUIS LEOPOLD BOILLY
(1761-1845)
Trompe-l'oeil aux cartes et pièces de monnaies
vers 1808-1815
Huile sur vélin marouflé et enchâssé sur la plateau d'un guéridon en acajou Lille, Palais des Beaux-Arts
Boilly réinvente ici l'illusion picturale en déployant sa virtuosité sur le support horizontal d'un plateau de meuble. Ce guéridon de style Empire, pourrait avoir décoré le château de Saint-Cloud, résidence de Napoléon ler, selon un document découvert dans un de ses tiroirs. La pièce à l'effigie de ce dernier serait alors peut-être un clin d'oeil à l'illustre comman- ditaire de ce trompe-l'oeil. L'efficacité de ce piège peint repose sur la composition sobre et la diversité des effets produits par des éléments anodins, tels qu'un morceau de verre brisé et une loupe, ou encore les gouttes de colle tombées par inad- vertance sur le papier

Dessus du meuble 

LAURENT DABOS
(1761-1835)
Trompe-l'oeil, dit aussi Traité de paix définitif entre la France et l'Espagne
1801 ou après 1801
Huile sur bois
Paris, musée Marmottan Monet, legs Paul Marmottan, 1932
L'œuvre du musée Marmottan Monet, restaurée récemment, offre à voir sous un verre feignant d'être brisé en plusieurs endroits des documents savamment éparpillés. Une gravure de paysage va même au-delà du cadre, créant ainsi grâce à son ombre l'effet d'une troisième dimension. À ce désordre organisé, Dabos joint une dimension politique grâce à la présence des portraits de Bonaparte, alors Premier consul et de Charles IV, roi d'Espagne, symboles de l'alliance entre la France et la monarchie absolue espagnole contre la Grande- Bretagne qui aboutira à la signature du traité d'Amiens le 25 mars 1802

ÉTIENNE MOULINEUF
(1706-1789)
Trompe-l'oeil au verre cassé d'après le Bénédicité de Jean Siméon Chardin (1699 - 1779)
après 1744
Huile sur toile
Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou, don Miriam et Boris Milman
Étienne Moulineuf, co-fondateur de l'Académie de peinture et de sculpture de Marseille, est l'auteur de trompe-l'oeil si réussis qu'il était soupçonné de coller des estampes au lieu de les reproduire au pinceau. Pour répondre à ses détracteurs, il réalisa un autoportrait. Ici, sous un verre cassé lui permettant de donner profondeur et véracité à sa peinture, il représente le célèbre Bénédicité peint par Jean-Siméon Chardin. Cette scène de prière récitée avant le repas nous plonge dans une intimité familière.

Détail du tableau précédent 

LOUIS LEOPOLD BOILLY
(1761-1845)
Trompe-l'oeil: portrait de Madame Chenard, grisaille à l'imitation de l'estampe
1813
Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet, legs Paul Marmottan, 1932
Lié par une forte amitié au chanteur Simon Chenard, Louis Léopold Boilly peint plusieurs portraits de membres de sa famille, parmi lesquels celui de son épouse, Madame Chenard. Cette œuvre, restaurée à l'occasion de cette exposition, peinte en grisaille, c'est-à-dire dans un jeu de camaïeu gris donnant l'illusion du relief et de la sculpture, prend ici pour but d'imiter la gravure. La signature de l'artiste en bas à gauche «Boilly pinxit» (Boilly a peint) qui s'inscrit dans une longue tradition de la peinture occidentale, révèle le caractère feint de la technique simulée.

LOUIS LEOPOLD BOILLY
(1761-1845)
Trompe-l'oeil : les Petits Soldats, grisaille à l'imitation de l'estampe, dit aussi Trois enfants de l'auteur faisant de l'exercice ou La Vocation militaire de l'enfance
1809
Huile sur toile
Douai, musée de la Chartreuse
Les Petits Soldats met en scène les trois fils du peintre, Julien, Édouard et Alphonse déguisés en soldats, et témoigne d'un genre particulier dans l'œuvre du peintre, consistant à reproduire - à l'identique l'estampe», une précédente peinture polychrome (huile sur en grisaille à l'imitation de toile, 1809, Douai, musée de la Chartreuse). Ce type de trans- position monochrome copie généralement la gravure au pointillé, une technique caractérisée par sa dimension plus picturale et ses tons riches, rendant ainsi la frontière entre peinture et gravure plus ténue.

LOUIS LEOPOLD BOILLY
(1761-1845)
Trompe-l'oeil : Ah! Ça ira,
grisaille à l'imitation de l'estampe, dit aussi Mère jouant avec ses enfants ou L'Oiseau chéri
vers 1789-1793
Huile sur toile Saint-Omer, musée Sandelin

LOUIS LEOPOLD BOILLY
(1761-1845)
Un Trompe-l'œil
vers 1800-1805
Huile sur toile Collection particulière
Les trompe-l'oeil constituent un pan majeur de l'œuvre Boilly: dès 1789, il multiplie les peintures imitant des cadres encombrés de feuilles manuscrites et d'images, maintenues derrière un verre brisé qui donne l'illusion de la tridimensionnalité. L'artiste connaît un succès populaire avec des œuvres qui jouent du rendu illusionniste des matières autant que d'une mise en abyme de l'image en feignant diverses techniques picturales : des esquisses à l'huile jouxtent des dessins au fusain, à la sanguine, des gravures aquarellées... Ces éléments sont familiers du public avec qui Boilly établit une connivence.
Détail du tableau précédent 

LOUIS LEOPOLD BOILLY
(1761-1845)
Trompe-l'oeil : une collection de dessins, dit aussi Réunion de peintures et de dessins. Trompe-l'oeil
vers 1801-1807
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre
Outre un recours à des objets du quotidien du public, comme cette pièce de monnaie républicaine, Boilly crée des compo- sitions peuplées de références à la culture visuelle. Dans ses trompe-l'oeil se mêlent des fragments de ses propres œuvres: sont notamment reconnaissables ici des portraits du peintre François Swebach et du dramaturge Benoit Hoffmann représentés dans la Réunion d'artistes dans l'atelier d'Isabey (1798, Paris, musée du Louvre). Ces clins d'œil, tout comme la loupe agrandissant la signature de l'artiste, incitent le spectateur à voir Boilly en contemporain de son époque

Détail du tableau précédent 

LE RENOUVEAU DU TROMPE-L'ŒIL
Le XIXe siècle aux États-Unis
Sous la Révolution française,
le trompe-l'oeil devient un support pictural à visée politique. Dès le Premier Empire, la peinture illusionniste gagne en popularité et connaît même un succès commercial grâce à des artistes comme Louis Léopold Boilly. Ce dernier intitule, pour la première fois l'une de ses œuvres Trompe-l'œil au Salon de 1800 et y fait sensation. Boilly fait du spectateur le complice de ses jeux esthétiques en convoquant avec dérision les codes traditionnels de l'illusion.
La pratique
du trompe-l'oeil connaît un renouveau aux États-Unis avec la dynastie de peintres philadelphiens autour de Charles Winston Peale dès la fin du XVIIIe siècle. Au siècle suivant, le peintre William Harnett, après une formation à Munich où il admire l'art des Pays-Bas du XVIIe siècle, revient à Philadelphie où il rencontre John Frederick Peto. Avec John Haberle, ils sont parfois assimilés à ce que l'on nomme commodément la "seconde École de Philadelphie". Ils réinterprètent de manière moderne cette tradition en utilisant des objets quotidiens et contemporains.
William Michael
Objets
d'un moment de loisir 
Ce mouvement, resté méconnu en France, a largement influencé les peintres américains des générations suivantes qui s'intéressèrent de nouveau à ce genre.

TOULAND (XIXe siècle)
Trompe-l'œil
aux assignats et cartes à jouer
XIXe siècle
Huile sur carton Collection particulière

JOHN FREDERICK PETO
(1854-1907)
Pour la piste
For the Track
1895
Huile sur toile
Washington, National Gallery of Art,
don de Jo Ann et Julian Ganz Jr. en l'honneur d'Earl A. Powell II
Dans cette œuvre tardive, Peto a réuni divers objets en rapport avec les courses équestres, adossés à un panneau de bois peint en vert foncé. Il s'agit probablement d'une porte dont les charnières apparaissent à gauche et introduisent, avec l'entrée de serrure, les seules courbes de la composition. La ferrure du bas, cassée, laisse apparaître l'unique touche claire qui s'oppose au fond sombre et aux éclats de couleur, le rouge de la casquette de jockey, le vert d'une affiche déchirée, ou le bleu d'un papier glissé dans la feuillure.

Détail du tableau précédent 

ADOLPHE MARTIAL POTÉMONT
(1828-1883)
Lettres d'Alsace et de Lorraine
Après 1871
Huile sur toile
Pau, musée des Beaux-Arts
Lettres et enveloppes, ont été souvent intégrées aux trompe- l'oeil. Leur présence permet de révéler le nom du peintre ou du commanditaire, elles peuvent aussi fournir d'autres informa- tions. Avec cette œuvre de Potémont, peinte au lendemain de la perte de l'Alsace-Lorraine, l'allusion est claire : les enveloppes déchirées, les lettres ouvertes qui ont laissé s'échapper des fleurs séchées, ne révèlent pas leurs destinataires mais les timbres et les cachets rendent compte ue la douloureuse séparation, ferment d'une « revanche».

JOHN HABERLE (1856-1933)
Petite monnaie
Small Change
1887
Huile sur toile
Bentonville (Arkansas), Crystal Bridges Museum of American Art
Suruneplanche de bois, le peintreaméricain Haberleintervient de diverses manières. De haut en bas, il indique, à droite, son nom, la date de 1887 et la mention de New Haven au-dessus du dessin caricatural d'un personnage à l'allure dansante. Plus bas, apparaissent une pièce de monnaie tenue en place par trois clous à tête dorée, deux billets usagés de 10 et 25 cents aux portraits de William Meredith et de George Washington. En bas à droite, figurent encore une pièce de monnaie et un ultime clin d'œil du peintre, son portrait photographique.

Détail du tableau précédent 

JOHN FREDERICK PETO
(1854-1907)
Le Vieux Violon
The Old Violin
vers 1890
Huile sur toile
Washington, National Gallery of Art, don de l'Avalon Foundation
Longtemps confondue avec celle de William Harnett, l'œuvre de l'américain Peto ne fut redécouverte qu'à partir des années 1960 par l'historien de l'art de San Francisco, Alfred Frankenstein. Ce violon - qu'il a représenté à plusieurs reprises sous le titre The Old Cremona, évoquant son origine italienne et faisant probablement référence aux temps anciens de l'immigration -, a fait partie du premier corpus de vingt oeuvres sur lequel se sont construits le catalogue et la réputation de son auteur.

Détail du tableau précédent 

LES TROMPE-L'ŒIL CONTEMPORAINS
Le groupe des peintres de la Réalité
À partir de 1911-1912, Georges Braque et Pablo Picasso posent la question du lien entre la peinture et le réel à travers le cubisme. L'ordonnance spatiale en une série de plans verticaux y est novatrice, et leur permet de mêler des jeux d'illusion et de matière comme le montre la Nature morte à la chaise cannée de Picasso (musée national Picasso-Paris)
Le monde des objets va également intéresser les surréalistes qui en feront un support onirique. Pierre Roy, peintre membre du groupe surréaliste, développe une peinture
en trompe l'oeil et s'amuse
à inverser l'échelle des objets du quotidien tel que le fait également René Magritte.
Un intérêt renouvelé pour le genre du trompe-l'oeil apparaît chez les artistes et le public après-guerre. En 1960, au Salon Comparaisons, le groupe des peintres de la réalité créé par Henri Cadiou expose des trompe-l'oeil. Jacques Poirier, Pierre Ducordeau et plus tard Pierre Gilou, fils de Cadiou, se rallient à l'artiste pour fonder le groupe Trompe-l'oeil/Réalité. En 1993, ils exposent au Grand Palais lors de la manifestation sur "le Triomphe du trompe-l'oeil" suscitant l'intérêt de milliers de visiteurs.

PIERRE ROY (1880-1950)
Papillon, 1933
Huile sur toile
Nantes, musée d'Arts, achat en 1967 (Papillon) et achat en 2005 (La Terre)
Originaire de Nantes, Pierre Roy a fait partie du cercle surréaliste grâce à son amitié avec Giorgio De Chirico. Restant en marge du groupe, il poursuit ses activités d'illus- trateur de livres, de décorateur de théâtre et ses recherches illusionnistes. Il fait preuve dans ces deux toiles d'une grande maîtrise technique présentant à la fois des objets manu- facturés et des spécimens naturels, teis que la carapace de tortue, métaphore du monde, rassemblés dans des cadres feints et créant ainsi de véritables cabinets de curiosités en relief.
PIERRE ROY (1880-1950)
La Terre, 1926
Huile sur toile
Nantes, musée d'Arts

MARTIN BATTERSBY
(1914-1982)
Trompe-l'œil
vers 1960
Huile sur toile
Collection Patrick Mauriès
Martin Battersby, expert du trompe-l'oeil au XXe siècle en Angleterre, allie architecture et design pour créer des illusions visuelles saisissantes. Dans ses œuvres, comme celle-ci, il utilise la technique du faux bois et des ombres portées afin de créer de la profondeur. Cette main gantée de velours semble ainsi sortir du cadre tendant au spectateur ce bouquet de fleurs fermé par un ruban. Ses talents de peintre sont sollicités pour des décors d'intérieur, notamment la maison des Mellon à Oak Spring en Virginie (États-Unis), où il réalise une biblio- thèque en trompe l'oeil abritant une variété d'objets, tel un cabinet de curiosité

JACQUES POIRIER
(1928-2002)
Le Reliquaire
Années 1980
Huile sur panneau, 44 x 38 cm Lyon, galerie Saint-Hubert
Illustrateur pour la presse et l'édition, Jacques Poirier se consacre exclusivement à la peinture dès 1981. Il se spécialise dans le genre de la nature morte illusionniste et devient l'un des membres du groupe Trompe-l'oeil/Réalité fondé par Henri Cadiou.
Avec Le Reliquaire, il crée des simulacres de rebuts ayant appartenu à Picasso. L'oeuvre est un hommage amusé maître espagnol, que l'on identifie par son portrait. Poirier appose sa signature dans le phylactère, à la base du cadre, et se représente en buste, dans le médaillon.

HENRI CADIOU
(1906-1989)
Transcendance spatiale
1960
Huile sur toile Collection particulière
Graphiste publicitaire, Henri Cadiou a finalement choisi d'embrasser une carrière de peintre et devient l'un des membres fondateurs du groupe Trompe-l'œil/Réalité. En 1960, il peint son premier trompe-l'oeil, Transcendance spatiale, citation des célèbres Entailles (Tagli) du peintre Lucio Fontana, série reconnaissable à ces lacérations de toiles par une lame de rasoir initiée en 1958. Si, à première vue, il peut s'agir d'un hommage à l'artiste argentin, Cadiou critique sous la forme du pastiche illusionniste l'art abstrait.

HENRI CADIOU (1906-1989)
La Déchirure
1981
Huile sur toile Collection particulière
Henri Cadiou représente l'image iconique de Monna Lisa qui apparaît partiellement à travers un emballage froissé et lacéré à peine retenu par des bandes adhésives d'un grand réalisme. La carte de visite glissée laisse entrevoir la signature et l'adresse de l'artiste. La présence de l'œuvre de Léonard de Vinci fait semble-t-il référence à l'œuvre de Marcel Duchamp. Admiratif de cet artiste, Cadiou lui a dédié deux oeuvres, son Hommage à Marcel Duchamp peint en 1969 (en mains privées) reprenant son fameux urinoir (Fontaine) et cette toile faisant écho à la parodie de la Joconde pourvue d'une moustache réalisée par Duchamp en 1919.

TON DE LAAT
(1946-2016)
Raquet postal
1986
Aquarelle sur papier Collection ING
Héritier de la tradition de la peinture des Pays-Bas du XVIIe siècle, Ton de Laat réactualise le thème du porte-lettres ou des tables à dessus. La simulation du relief est obtenue par des jeux de contrastes colorés aux tons ocres et par la métic- ulosité apportée aux détails des objets qu'il représente. Les caractéristiques tactiles des documents la rugosité des enveloppes en papier kraft, la souplesse du papier journal et la rigidité des cartes postales - démontrent sa parfaite maîtrise de la peinture illusionniste à l'aquarelle.

PIERRE DUCORDEAU
(1928-2018)
Tableau en déplacement
1966
Huile sur toile
Paris, collection Ducordeau
Pierre Ducordeau, décédé en 2018, a fait partie du groupe Trompe-l'oeil/Réalité. Cette œuvre peinte en 1966 est certainement l'une de ses œuvres les plus célèbres. Entre un cadre en bois doré feint dépourvu de toute représentation et son passe-partout vert, il insère non sans humour un bon d'enlèvement informant que la toile a quitté son écrin pour rejoindre les cimaises de l'exposition des « Chefs-d'œuvre français organisée à la National Gallery de Londres. Telle une mise en abyme, cet encadrement peut être considéré comme un autoportrait démontrant la virtuosité de Ducordeau.

LES TROMPE-L'OEIL CONTEMPORAINS
Les illusionnistes de la Réalité
L'Arte Povera, mouvement d'avant-garde apparu en Italie dans les années 1960 incarne une certaine défiance vis-à-vis de la société de consommation. Ses artistes, tels que Michelangelo Pistoletto, Giovanni Anselmo et Giuseppe Penone, privilégient l'utilisation de matériaux naturels ou de récupération. À partir de 1962, Pistoletto réalise la série des Tableaux-miroirs démontrant que le monde de l'image est scindé en deux : une part tenant de la reproduction picturale, une autre plus spéculaire, objective.
Daniel Spoerri a pris part, dans les années 1960, à l'émergence du mouvement des Nouveaux réalistes. Dès 1963, il dénonce, comme le groupe de l'Arte Povera, les excès de la société de consommation à travers la représentation de repas consommes dans ses «
En 2018, Giuseppe Penone crée pour la Manufacture de Sèvres, Envelopper la terre avec la terre démontrant la capacité du céramiste à donner l'illusion de la feuille froissée sur laquelle repose l'empreinte de son poing serré.

DANIEL FIRMAN
(né en 1966)
Jade
2015
Résine peinte, acier, vêtements, perruque Courtesy Ceysson & Bénétière
Daniel Firman s'intéresse au langage du corps. Il s'est fait connaître notamment avec sa série "Attitude". Moulés d'après nature, habillés de véritables vêtements, et portant perruque, les corps humains sont saisis dans des poses singulières appuyés contre un mur. Ses sculptures anthropomorphiques abandonnent l'aspect figé des œuvres hyperréalistes américaines au profit d'une représentation du mouvement qui semble arrêtée. Jade nous trompe sur la réalité de la personne accoudée au mur : absence du visage et utilisation de véritables vêtements et accessoires.

DANIEL SPOERRI
(né en 1930)
Tisch n°5
4 novembre 1968
Panière à pain, coupelle en céramique, trois verres, cendrier, mégots, sucrier, moulin à poivre, salière, pot à crème, assiette, couverts, boîte à fromage vide, deux titres de transport, une pièce de monnaie Objets divers collés sur bois peint
Grenoble, collection du musée de Grenoble, achat en 1987
Dès 1963, l'artiste propose des expériences culinaires perturbant les papilles et les coutumes alimentaires et culturelles. À la fin des repas, les restes sont fixés sur la table avant d'être basculés à la verticale. Ce théâtre d'objets réels invite à reconstituer la scène pétrifiée. Identifiable par son panneau bleu, Tisch n°5 a été réalisé en 1972 au Restaurant Spoerri à Düsseldorf. Ce piège optique prend pour cible la peinture classique et ses représentations mimétiques. Il interroge les frontières entre la réalité et l'illusion, le vrai et le faux, renverse l'ordre établi, déstabilise le regard et les préconçus.

Détail du tableau précédent 

CARLO GUARIENTI
(1923-2023)
Trompe-l'oeil au porte-courrier
1955
Huile sur panneau Collection particulière
Guarienti est un artiste italien rattaché aux Peintres modernes de la réalité (Pittori moderni della realtà), qui, à la fin des années 1940, revendiquent une filiation à la grande tradition picturale. Cette toile est l'une des dernières réalisées par le peintre avant son éloignement du groupe et pourrait symboliser cette rupture. Malgré une composition illusion- niste assez cryptique, divers indices étayent cette hypothèse. Ainsi, Sandro Rubboli, critique d'art et lié au mouvement, est dé igné par une enveloppe lui étant adressée et par le dessin d'un mannequin, un motif hérité de l'art de Giorgio de Chirico et central dans la collection personnel'e de celui-ci. Le sécateur et une lettre signée de l'artiste précédée d'un "cordial salut" vont en sens.

GIUSEPPE PENONE
(né en 1947)
et la Manufacture nationale de Sèvres
Envelopper la terre avec la terre
Avvolgere la terra con la terra
2018
Grès et biscuit de porcelaine Sèvres, manufacture et musée nationaux
Réalisée par Giuseppe Penone à la manufacture.de Sèvres, Avvolgere la terra con la terra (envelopper la terre avec late.re) fixe dans le grès l'empreinte du poing serré de l'artiste, posé sur une feuille froissée en biscuit de porcelaine. Les plis natu- ralistes de la feuille offrent un saisissant effet de trompc-l'œil et évoquent la texture d'un papier ou d'un tissu, la blancheur et le velouté de la porcelaine accompagnant ce trouble de la perception.
Rappelant ce geste premier de l'humanité de pétrir la terre, Penone inscrit dans la matière l'acte de toucher, de prendre, de serrer.

MICHELANCELO PISTOLETTO
(né en 1933)
Sacrée conversation, Anselmo, Zorio, Penone, 1974
Sérigraphie sur acier inoxydable, miroir poli Biella, Collection Cittadellarte - Fondation Pistoletto Courtesy GALLERIA CONTINUA
Formé auprès de son père, restaurateur de tableaux et peintre de natures mortes, Michelangelo Pistoletto commence à partir de 1962 la cérie de tableaux-miroirs, basés sur un miroir inframince confundu avec le mur et dont la surface réfléchissante renvoie à des figures se positionnant au même plan que l'image du reflet du spectateur. À partir de 1971, il utilise un processus sérigraphique de reproduction de l'image photo- graphique. Dans Sacra conversazione: Anselmo, Zorio, Penone, les trois artistes du mouvement Arte Povera sont élevés au rang de personnages saints avec lesquels nous sommes conviés à converser.

MICHELANCELO PISTOLETTO
(né en 1933)
Déposition, 1973

JUD NELSON (né en 1943)
Chemise I (Cardin), série Holos
1985
Marbre de Carrare
New York, Louis K. Meisel Gallery
Dès 1971, Jud Nelson réalise des répliques minutieuses d'objets issus d'un consumérisme ordinaire qu'il regroupe en une série intitulée «Holos»>. Chemise I (Cardin) est la première version de six sculptures prenant pour modèle une chemise en coton. L'artiste s'attache à évoquer la légèreté, la souplesse et la douceur du tissu par l'emploi du marbre blanc de Carrare, par essence lourd, dur et froid. L'écart produit entre la banalité du sujet et la noblesse de la matière déplace le thème de la vanité en trompe l'oeil dans la société consumériste américaine des années 1980.

TROMPER L'ADVERSAIRE
L'art du camouflage
La Société d'études d'histoire militaire la Sabretache rassemblant des passionnés d'histoire militaire dont les peintres Édouard Detaille et Ernest Meissonier est à l'origine de la fondation du musée historique de l'Armée, ancêtre du musée de l'Armée, décrétée en octobre 1896. Paul Marmottan, érudit et collectionneur du style Empire, s'est impliqué dans sa création en tant que membre fondateur de la Sabretache et donateur d'une partie de sa collection. Ainsi, les liens étroits entre nos deux musées nous ont permis d'interroger comment tromper l'ennemi avec l'art de la dissimulation à usage militaire.
Un an après le début de la Première Guerre mondiale, en août 1915, la section de camouflage est créée. Des artistes et des décorateurs de théâtre spécialistes de l'illusion développent des dispositifs stratégiques homologués par les généraux pour protéger les hommes et améliorer la défense. Cette nouvelle arme qu'est le camouflage va au fil des conflits du XXe et du XXIe siècle se perfectionner pour que le soldat se confonde avec son environne- ment. Les photographies contemporaines de Daniel Camus et de Lisa Sartorio en proposent une vision mêlant realisme et esthétisme.

JEAN-BAPTISTE EUGÈNE CORBIN
(1867-1952)
Maquette de canon peinte pour des études sur le camouflage, Toul (France)
août 1914
Modèle réduit en bois et fer peint Paris, musée de l'Armée, achat, 2005.
Cette maquette, peinte dans des tons verts, ocre et marron, illustre les premières recherches sur le camouflage des pièces d'artillerie. Elle a été réalisée en août 1914 par Eugène Corbin, un entrepreneur et mécène nancéen mobilisé dans l'artillerie. L'objectif est de dissimuler les canons et leurs servants à la vue de l'aviation ennemie. Par la suite, Corbin réalise les premières bâches de camouflage et devient l'un des précurseurs du camouflage militaire.

André Villain dit DRÉVILE
(1878-1938)
imprimerie G. Delattre & Cie
Frise des camoufleurs
1916
Lithographie sur papier marouflée sur toile Paris, musée de l'Armée,
achat auprès de la galerie Laura Pecheur, 2015
André Villain représente ici quarante artistes français mobilisés à la section de camouflage. Créée en 1915, et commandée par le peintre Victor Lucien Guirand de Scevola (1871-1950), visible au centre, elle comprend des peintres, décorateurs, spécialistes du trompe-l'oeil..., chargés de camoufler à la fois les hommes, le matériel et les voies de communication. Tous sont identifiés. Au centre, Jean-Louis Forain (1852-1931) inspecteur général de la section, est appuyé sur sa canne. L'auteur de la frise s'est représenté face au décorateur Louis Guingot (1864-1948), en avant-dernière position à droite.

Détail du tableau précédent 

Grande-Bretagne
Ghillie suit Chamelon ® Woodland
1998
Coton, polyester, plastique, métal, tissu velcro, caoutchouc Paris, musée de l'Armée
Véritable camouflage en 3D, le ghillie suit est un vêtement utilisé par les tireurs d'élite, les unités de recherche humaine (URH) pour les missions de renseignement ou les chasseurs. Il leur permet de se dissimuler en se fondant dans l'environnement immédiat, grâce à une combinaison de fils de couleurs, de morceaux de toile découpés, dont la forme et les teintes reprennent celles du sol ou du feuillage, et l'ajout de matériaux naturels (branches, feuilles ...).

LISA SARTORIO
(née en 1970)
M14-Ebr, série L'écrit de l'Histoire
en cours depuis 2014
Épreuve jet d'encre pigmentaire sur papier Fine Art, contrecollée sur aluminium
Paris, musée de l'Armée, achat auprès de la galerie Binome, 2018
À distance, le regard se perd dans une masse végétale. De près, l'oeil distingue des milliers de fusils d'assaut, actuellement vendus dans le monde entier et hier utilisés par l'armée américaine lors de la guerre du Vietnam. Le sujet jaillit de la trame qui le camouflait, créant une surprise autant qu'un sursaut. Lisa Sartorio interroge la façon de redonner aux images de guerre trop médiatisées leur force de témoignage. En transformant plastiquement la matière à partir d'images préexistantes, l'artiste provoque un déplacement du regard et convie à un réveil des consciences et de la mémoire.

Détail du tableau précédent 

DANIEL CAMUS
(1929-1995)
Le retour dans la jungle est aussi pénible que l'aller. La montée est dure sous le soleil
et maintenant la descente difficile et fatigante car la piste est devenue glissante et les chutes sont nombreuses
Photographies 19 et 22 
du reportage intitulé
Coup de main sur les positions Vietminh au nord de Diên Biên Phu, 2 février 1954
Tirages gélatino-argentiques noir et blanc sur papier baryté Paris, musée de l'Armée, don du général Pierre-Élie Jacquot, 1955
Daniel Camus, jeune pigiste pour Paris Match, devient photographe militaire au sein du Service presse information. En service officiel pendant la guerre d'Indochine, il couvre entre 1953 et 1954 les actions des soldats français engagés dans une âpre lutte contre les forces indépendantistes du Vietminh. Avec un grand sens de la composition, ses photographies témoignent des conditions de vie particulièrement difficiles des combattants, ici en progression dans la jungle au nord de Diên Biên Phu, entre soleil ardent, boue humide, et ennemis tapis sous le couvert végétal.

Détail d'une des photos précédentes

Détail de l'autre photo 


En quittant l'exposition, aperçu de ce tableau ci-dessous présenté dans le hall: 

Adrienne Marie Louise Grandpierre-Deverzy (1798-1869) L'Atelier d'Abel de Pujol, 1822
Huile sur toile
Legs Paul Marmottan, 1932, Inv. 892
À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, des ateliers de formation artistique privés ouvrent leurs portes aux femmes. L'un d'eux est représenté ici, celui du peintre d'histoirc reconnu Alexandre-Denis Abel de Pujol (1785-1861). Entourées de modèles antiques, des élèves y écoutent les conseils du maître ou en copient les œuvres comme La mise au tombeau de la Vierge (1819, Valenciennes, musée des Beaux-Arts). Adrienne Grandpierre-Deverzy est elle-même l'assistante de Pujol qu'elle épousera par la suite. Dans une seconde version réalisée en 1836 (Valenciennes, musée des Beaux-Arts), l'artiste offre un autre point de vue de l'atelier qui lui est si familier.

Détail 

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