Se souvenir de Théodore Rousseau
À Barbizon, le nom de Théodore Rousseau apparaît sur l'ancienne maison de l'artiste derrière le monument aux morts élevé par Révillon au centre du village, sur une plaque de rue à quelques mètres de là, sur un val enfin, ou sentier des Gorges d'Apremont, dans la forêt voisine. Mais le peintre semble avoir été desservi face à la postérité par ce patronyme assez courant, porté qui plus est par de plus illustres que lui (Jean-Jacques tout d'abord, Henri dit le Douanier ensuite).
Encore sous-estimé et bien souvent incompris, Théodore Rousseau a pourtant été reconnu comme l'un des plus grands paysagistes de son temps et fit l'admiration de maints artistes, à commencer par les futurs Impressionnistes. Tempérament libre, indiscipliné, rebelle, il symbolise l'opposition à l'art académique et à la toute puissance du jury du Salon. Refusant le paysage historique (qui fait de la nature un simple décor) et l'étape obligée du voyage en Italie, il opte pour des excursions à travers les campagnes et montagnes fran- çaises et reconnait pour modèles les paysagistes anglais contemporains (John Constable surtout) ainsi que les maîtres du Siècle d'or hollandais (Jacob van Ruisdael et Meindert Hobbema). Dans sa quête, il n'eut de cesse d'arpenter les paysages des heures durant, par tous les temps et en toute saison, multipliant en plein air, sur le motif, les études de « dé- tails de la nature », avant de tenter (parfois en vain) d'achever ses compositions en atelier. Sensible, sauvage pour certains, il se consacra tout entier à l'observation et à
la transcription du réel et des phénomènes naturels pour eux-mêmes, tentant de manière périlleuse tout à la fois de «fouiller le visible» et d'y mêler son âme.
En écho à la rétrospective «Théodore Rousseau: la voix de la forêt » présentée au Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, le musée départemental des peintres de Barbizon organise une ex- position visant à «se souvenir de Théodore Rousseau (1812-1867)» et à faire revivre son lieu de vie et de travail, à souligner la force de son œuvre et à interroger l'em- preinte laissée par l'artiste après sa mort dans l'imaginaire collectif.
Dans ce qui fut, à Barbizon, la maison et l'atelier du peintre, cette proposition, entre documentaire et fiction, rend hommage à celui qui joua, malgré son goût pour la solitude, un rôle central au sein de ce qu'on appela a posteriori, à tort ou à raison, «l'école de Barbizon ». Figure mythique de «grand refusé» du Salon à la suite de nombreux refus et d'autant de renoncements, qui tous contribuèrent en définitive à une certaine notoriété et à un succès critique et commercial indiscutable. Dessinateur inlassable des arbres de la forêt, expérimentateur audacieux qui se joua en particulier des frontières entre trait et couleur, esquisse et œuvre achevée.
L'exposition célèbre également l'ar- tiste engagé, pionnier de la défense de la forêt de Fontainebleau, celui qui, face aux coupes massives de chênes centenaires et aux plantations "inintelligentes" de pins, dénonça Le Massacre des innocents et obtint de l'empereur, avec le soutien de maints artistes et intellectuels dont Georges Sand.
Si l'objectif premier du peintre était bien de préserver intacts des motifs
pour ses tableaux, l'amour pour le vivant qu'il ressentait et sa conception novatrice de la nature comme un tout organique
dont l'homme fait partie ne peuvent que résonner fortement dans notre société contemporaine, marquée non plus tant par le positivisme et la révolution industrielle, que par l'entrée dans l'anthropocène, cette nouvelle époque géologique ca- ractérisée par l'impact de l'humanité sur la Terre. Puisse le souvenir de Rousseau nous faire voir, entendre, sentir mieux et davantage la voix des arbres, leur leçon de vie, le chemin qu'ils nous montrent. Ici et partout ailleurs.
Gabriel Thurner (1840-1907)
La maison de Rousseau à Barbizon
Huile sur Toile
Vincent Chevillard (1841-1904)
De la maison de Rousseau
Huile sur toile
Alexandre Defaux (1826-1900)
Vue prise dans le jardin de Rousseau
Huile sur toile
Georges Cassies (1829-1919)
La maison de Rousseau
Huile sur toile
Portrait de Théodore Rousseau
Estampe d'après une photographie d'Adolphe Dallemagne
Attribué à André Gill(1840-1885)
Portrait d'homme
Huile sur papier
Série de lithographies
d'après Théodore Rousseau
de divers peintres
Louis-Gustave Ricard (1823-1873)
Portrait d'Alfred Sensier
Huile sur toile
Théodore Rousseau
Divers paysages
Huile sur toile
Monument à Millet et Rousseau
Julia Dupont née en 1990
Dans la forêt, Rougoiements
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