Quand l'art rencontre la psychanalyse ...en fait plus d'analyse que d'art !
"Lacan, l'exposition", la première d'envergure consacrée au psychiatre et psychanalyste Jacques Lacan (1901-1981), retrace les grandes étapes de sa vie et son oeuvre et rend compte de son intérêt insatiable pour l'art, dont témoignent notamment sa collection (il possédait L'Origine du monde
de Gustave Courbet) ainsi que sa relation avec Salvador Dalí et André Masson. L'exposition présente à la fois les œuvres de tous les temps que Lacan a indexées lui-même dans ses écrits et dans son enseignement - des peintures rupestres à Marcel Duchamp, en passant par Diego Velasquez, Francisco de Zurbarán et Hans Holbein le Jeune-, les artistes qui lui ont rendu hommage, mais également les oeuvres modernes et contemporaines qui peuvent faire écho aux grandes articulations conceptuelles de sa pensée Stade du miroir, Lalangue, Le Nom-du-Père, Objet a, La femme, Il n'y a pas de rapport sexuel, Jouissances et Topologies. Se revendiquant de l'enseignement de Sigmund Freud, Lacan ouvre un champ novateur et subversif qui s'inscrit tant au cœur de notre modernité que de notre actualité. Sa pensée résonne aujourd'hui dans les débats sur la sexualité, l'amour, l'identité, le genre, le pouvoir, les croyances ou l'incrédulité, autant de questions auxquelles Lacan a apporté non pas des remèdes, plutôt des repères, parfois surprenants, délibérément précieux.
Dans cette traversée des notions formalisées par le psychanalyste s'esquisse la leçon de Lacan en matière d'art: regarder les oeuvres non comme des objets à interpréter mais comme des puissances capables de donner à voir et à penser le monde.
JACQUES
LACAN
1901-1981
Jacques Lacan a fréquenté au plus près l'art et les artistes du xxe siècle et n'a eu de cesse au cours de son enseignement
de puiser dans l'art de tous les temps. Il a tenu sur celui-ci des discours aussi neufs qu'insolites, qui ont su retenir, intriguer et provoquer nombre d'artistes contemporains. Il a interprété les œuvres non seulement comme des puissances capables de donner à voir, mais bien comme des objets-regards éblouissants, dardés sur les spectateurs.
Cette exposition consacrée à Jacques Lacan entoure son personnage fascinant d'une multitude de regards. On est loin ici d'une interprétation psychanalytique de l'artiste. Le psychanalyste est tout le contraire d'un maître : il se met à l'école de l'œuvre d'art, il se fait docile à sa vérité originale, il tente de déchiffrer le savoir inédit qu'elle recèle. C'est pourquoi ce parcours n'est pas seulement un hommage à la psychanalyse: il célèbre également ce qui demeure, au-delà de toute élucidation, le mystère de l'art. Lacan, à la fin de sa vie, ne l'entendait pas autrement.
1901-1919
Jacques Lacan naît à Paris, le 13 avril, dans une famille bourgeoise, aîné de Madeleine et Marc. La foi catholique de leur mère conduira ce dernier à se faire moine bénédictin, en dépit des objurgations de son frère. Il effectue sa scolarité au collège Stanislas, à Paris.
1920-1932
Lacan, étudiant en médecine, se spécialise en psychiatrie, et passe par l'Infirmerie spéciale à la préfecture de police à Paris, dirigée par Gaëtan Gatian de Clérambault, son «seul maître en psychiatrie >>.
1921
Comme Louis Aragon, André Breton, Paul Claudel, André Gide, etc., il fréquente les librairies de Sylvia Beach et d'Adrienne Monnier, où il assiste à la première présentation en français d'Ulysse de James Joyce. Il est aussi étudiant en lettres, dès 1925.
1932
Il commence une analyse avec
Rudolph Loewenstein, formé à Berlin par un analysant de Sigmund Freud, et soutient sa thèse, "De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité".
1933
Lacan assiste, avec Raymond Aron, Georges Bataille, Maurice Merleau-Ponty et Raymond Queneau, au séminaire d' Alexandre Kojève sur la Phénoménologie de l'esprit de Frédéric Hegel.
1934
Il adhère à la Société psychanalytique de Paris (SPP). Il épouse Marie-Louise Blondin, avec qui il aura trois enfants : Caroline, Thibaut et Sibylle.
1936
Au Congrès de l'International Psychoanalytic Association (IPA), à Marienbad, il tente d'exposer sa théorie du stade du miroir.
SALVADOR DALÍ (ES, 1904-1989)
Dormeuse, cheval,
lion invisibles
1930
Huile sur toile, 50,2 x 65,2 cm Don Association Bourdon, 1993 Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1993-26
En 1930, année de réalisation de Dormeuse, cheval, lion invisibles, Salvador Dalí livre sa méthode, qu'il qualifie de «paranoïa critique » dans une conférence donnée à Barcelone : « Récemment, au travers d'un processus nettement paranoïaque, j'ai obtenu l'image d'une femme dont la position, les ombres et la morphologie, sans altérer ou déformer en rien son aspect réel, sont en même temps un cheval. On peut penser que c'est seulement à cause d'une intensité paranoïaque plus violente que peut se faire l'obtention de l'apparition d'une troisième image et d'une quatrième et de trente images. Dans ce cas-là, il serait curieux de savoir ce que représente en réalité l'image en question, quelle est la vérité et, par la suite, on se pose le doute mental de savoir si les images mêmes de la réalité sont uniquement un produit de notre faculté paranoïaque. »
1938
Coup de foudre réciproque de Lacan et Sylvia Bataille, actrice repérée par Jean Renoir, épouse séparée de Georges Bataille et belle-sœur d'André Masson.
1940-1945
Lacan décide «de ne rien publier pendant l'Occupation, et de s'abstenir de parler en public >>. Il se plonge dans l'étude de la langue chinoise aux Langues orientales, à Paris.
1941
Fille de Lacan et de Sylvia Bataille, Judith naît en zone libre. Lacan divorce de sa première épouse. Il s'installe au 5, rue de Lille, où il exercera la psychanalyse toute sa vie.
1949
Parution des Structures élémentaires de la parenté de Claude Levi-Strauss; devenu ami de Lacan, il lui presente le linguiste Roman Jakobson.
1951
Lacan commence son séminaire dans l'appartement familial, au 3, rue de Lille ; son cabinet reste au numéro 5.
1953
Divergences dans la SPP sur la formation des analystes : Lacan démissionne et crée avec Françoise Dolto la Société française
de Psychanalyse (SFP). Il écrit le texte fondateur de son enseignement, « Fonction et champ
de la parole et du langage en psychanalyse >> et initie un « retour à Freud », par lequel il renouvèle la psychanalyse. Son séminaire a lieu à l'hôpital Sainte-Anne, devant une centaine d'auditeurs, la plupart psychiatres et psychanalystes. Mariage avec Sylvia
1955
Lacan acquiert avec Sylvia L'Origine du monde ; André Masson peint le Panneau-masque,
qui voile et dévoile le tableau de Gustave Courbet.
1959-1960
Séminaire sur L'Éthique de la psychanalyse, ainsi définie : « ne pas céder sur son désir »>.
ANDRÉ MASSON (FR, 1896-1987)
Dessin d'après le tableau
de Jacopo Zucchi réalisé à la demande de
Jacques Lacan pour son
Séminaire VIII, Le Transfert
1961
Encre et gouache sur papier, 106 x 76 cm Collection particulière
En 1960-1961, dans le Séminaire Le Transfert, Jacques Lacan commente le tableau de Jacopo Zucchi Psyché découvre Éros, dont il analyse la ligne, l'ombre, la lumière et, en son centre, l'objet du désir caché derrière un vase de fleurs : le phallus. Si, selon la thèse de Lacan, le tableau «montre», une constante se repère: derrière le pot de fleurs, comme sous la jupe de l'Infante peinte par Diego Vélasquez, qu'il commentera en 1966: il n'y a rien. Et pourtant la pulsion de voir opère à plein dans ce piège à regard. Le Dessin d'après le tableau de Jacopo Zucchi est réalisé par André Masson à la demande de Lacan pour son séminaire.
Les Ménines
Au mois de mai 1966, lors de son Séminaire XIII, consacré à L'Objet deda psychanalyse, Jacques Lacan s'est employé méticaléasement à analyser l'allégorie cardinale de la peinture que constituent Les Ménines de Diego Velasquez. Ce tableau déjoue tous les codes de la perspective,, mais, en tant que mise en abîme du processus de la représentation, il est aussi comme un écran qui cache autant qu'il donne à voir.. Lacan perçoit un «objet secret», dans la « brillante vêture>>> de l'infante doña Margarita Teresa, «personnage central, modèle préféré de Velasquez, qui l'a peinte sept ou huit fois»>. Sertie dans la robe de l'Infante, la fente est à la fois évidente et cachée, visible et invisible. Il n'est pas meilleure définition de l'objet a, l'oeuvre Les Ménines faisant appel aux registres du fantasme et de la pulsion scopique freudienne. La fente, cet objet central, se référant à la théorie freudienne de fa division du sujet (Spaltung), trouve, selon Lacan, un écho visuel dans les facérations des «Concetti spaziali » de Lucio Fontana.
JEAN-LUC GODARD (FR. 1930-CH, 2022)
Pierrot le fou
1965
Film couleur, sonore, 110" (extrait)
STUDIOCANAL et Société nouvelle de Cinématographie
En 1964, Jacques Lacan évoque et analyse dans le Séminaire XIII le tableau Les Ménines
de Diego Velasquez, qu'il met en relation avec la figure d'Alice de Lewis Carroll. Troublante coïncidence, un an plus tard, Jean-Luc Godard, dans la scène inaugurale de Pierrot le fou, met en scène Jean-Paul Belmondo, alias Ferdinand Griffon, prenant son bain la cigarette aux lèvres et lisant un texte d'Élie Faure à propos de la peinture de Vélasquez, avec pour auditrice privilégiée une petite fille.
MIRA SCHOR
(US, 1950)
Sexuality Surfboard II
(or Sexuality Stele)
[Planche de surf de la sexualité II (ou stèle de la sexualité)]
1994
Huile sur toile, 203 x 40 cm Paris, Marcelle Alix
Les Ménines
Les Ménines
L'Origine du monde de Gustave Courbet a été acquise
par Jacques Lacan et sa femme Sylvia en 1955
La même année, le psychanalyste commande à
André Masson, beau-frère de Sylvia, ami du couple et de Georges Bataille, un cache sous la forme d'un mínce panneau de bois peint coulissant, qui vient masquer ou quí révèle l'oeuvre de Courbet. Devenue mythique, L'Origine du monde a fait l'objet de nombreuses interprétations de la part d'artistes femmes, qui ont soit pris le parti d'afficher plus ouvertement le sexe féminin, soit d'y ajouter, dans une démarche plus conceptuelle, des patronymes célèbres féminisés.
ANDRE MASSON (FR. 1896-1987)
Panneau-masque de L'Origine du monde
1955
En 1965, Sylvia et Jacques Lacan font l'acquisition de L'Origine du monde de Gustave Courbet.
A leur demande, André Masson peint le Panneau-masque de L'Origine du monde, destiné à voiler le tableau.
Huile sur beis, 45,5 x 54,5 cm
Succession Judith Miller, collection particulière
DEBORAH DE ROBERTIS (LU, 1984)
Miroir de l'Origine
2014
Photographie encadrée, 50 x 70 cm Collection de l'artiste
Le 29 mai 2014, Deborah De Robertis expose son sexe au musée d'Orsay, à Paris, au-dessous de L'Origine du monde de Gustave Courbet. Sa performance
est accompagnée par un texte enregistré et l'Ave Maria de Franz Schubert. Selon l'artiste, qui se situe dans la filiation de Genital Panic de VALIE EXPORT, « il y a un "trou" dans l'histoire de l'art, le point de vue absent de l'objet du regard. Dans sa peinture réaliste, le peintre montre des cuisses ouvertes, mais le sexe reste fermé. Je ne montre pas mon sexe, mais je dévoile ce que l'on ne voit pas dans le tableau, cet ceil enfoui, qui au-delà de la chair répond à l'infini, l'origine de l'origine..
VALIE EXPORT (AT, 1940)
Aktionshose: Genitalpanik
[Pantalon d'action :
panique génitale]
1969-2001
Tirage gélatino-argentique noir et blanc sur aluminium, 162 x 121 cm
Italie, collection La Gaia
En 1969, VALIE EXPORT se rend dans la salle
de projection d'un cinéma pornographique de Munich vêtue d'un jean découpé laissant entrevoir son sexe. Par cette performance, elle engage une réflexion sur le pouvoir de l'image, dont elle transcende les limites en incarnant l'objet de désir masculin. Dans la photographie qui subsiste, elle apparaît avec les cheveux ébouriffés, le regard provocateur, une arme à la main. Elle bouscule ainsi les déterminismes, son sexe visible étant l'incarnation du « pouvoir exercé par la position féminine de non avoir », que la philosophe Judith Butler revendique dans son ouvrage Trouble dans le genre.
JEAN JACQUES LEQUEU (FR, 1757-1826)
L'Infâme Vénus couchée. Posture lubrique d'après nature
[s. d.]
Dessin, plume, lavis, en couleurs, 32,8 x 21,4 cm
Paris, Société de Géographie, en dépôt à la Bibliothèque nationale
BETTY TOMPKINS (US, 1945)
Fuck Painting #59 [Peinture de baise nº 59]
277
Acrylique sur toile, 152/4 x 147,3 cm
Courtesy de Yartiste et rodolphe janssen, Bruxelles
A la fin des années 1960, Betty Tompkins représente des scènes de rapports hétérosexuels hyperréalistes et peintes sur des toiles de grand format.
ART & LANGUAGE COLLECTIF D'ARTISTES
Study for Index VII (Now They Are) [Étude pour index VII (Ils le sont maintenant)]
1992
Crayon Conté et tampon encreur sur papier, 43 x 49 x 3,5 cm
Montsoreau, collection Philippe Méaille,
château de Montsoreau - musée d'Art contemporain, AL 0084
LOUISE BOURGEOIS (FR, 1911-US, 2010)
The Birth [La naissance]
2007
ROSEMARIE TROCKEL
(AL, 1952)
Replace Me [Remplacez-moi]
2009
Impression digitale noir et blanc, 32,6 x 40 cm Berlin, galerie Sprüth-Magers
MARCEL DUCHAMP
(FR, 1887-1968)
Feuille de vigne femelle (Female Fig Leaf)
1950-1951
Plátre peint en vert, 8,5 x 13 x 11,5 cm
Achat, 1990
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1990-104
VICTOR MAN
(RO, 1974)
Moonlight (All Nations Flag)
2022
Huile sur toile sur bois, 40 x 30 cm Galerie Max Hetzler
Affiche
1963
Blâmant la pratique hétérodoxe de Lacan, I'IPA décide de l'interdire d'enseignement, ce qu'il assimile à une «excommunication » ; il quitte, avec Dolto, la SFP.
1964
À l'invitation de Louis Althusser, il déplace son séminaire dans une salle prêtée par l'École normale supérieure (ENS), rue d'Ulm, ce qui lui vaudra un public de 300 personnes, dont nombre d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes, plus un groupe de jeunes normaliens, parmi lesquels se distingue Jacques-Alain Miller. Le 21 juin, Lacan fonde l'École freudienne de Paris (EFP).
1966
Lacan invite Michel Foucault à la séance de son Séminaire, où il donne des Ménines de Diego Velasquez un commentaire psychanalytiqu très différent de celui des Mots et les Choses.
Publication des Écrits aux Éditions du Seuil,
grand succès de librairie.
Judith Lacan et Jacques-Alain Miller se marient
1968
Lacan s'adresse aux étudiants à Vincennes, invite Daniel Cohn-Bendit à parler à l'EFP
1969
Voyant en Lacan l'un des inspirateurs de la révolte étudiante, le directeur de l'ENS lui retire sa salle. Le séminaire émigre à la faculté de droit du Panthéon.
ZAO WOU-KI (CN, 1920-2013)
12.10.70
1970
Huile sur toile, 130 x 162 cm Suisse, collection particulière
Jacques Lacan a acheté trois peintures de Zao Wou-Ki : deux auprès de l'artiste, en 1962, et la troisième lors de la grande exposition du peintre à la galerie de France, à Paris, en novembre-décembre 1970. Ce tableau de 1970 incarne les notions spécifiquement lacaniennes du Vide et de sa compréhension dans la pensée chinoise.
1969-1973
Lacan étudie la langue chinoise avec le sinologue et écrivain François Cheng.
FRANÇOIS ROUAN (FR, 1943)
Sans titre
1966
Gouache et aquarelle sur papier de soie tressé, agrafé sur toile, 239 x 160,5 cm
Achat, 1976
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1976-254
En 1972, François Rouan rencontre Jacques Lacan
à la Villa Médicis. Les tressages de l'artiste, qui entremêle par ce procédé différentes couches de peinture et divers motifs, entrent en résonance avec les ronds de ficelle de l'analyste. Dans sa postface (conçue comme une préface) au catalogue de la rétrospective consacrée à Rouan au musée Cantini, à Marseille, en 1978, Lacan prône la tresse, l'opération à trois brins, plutôt que l'interpénétration des bandes en chaîne et en trame, et trouve l'étymologie du mot tresse non pas dans trois (tricha) mais dans thrix (« cheveux ») et trichae (>) (trick) et le tricheur (trickster).
La Femme
Lacan's statement "Woman does not exist" means that
it is not possible to give a universal definition of the woman. Women exist, unquestionably, but there is no category or article capable of qualifying them. According to Lacan, they are inherently plural and their existence cannot be linked to any signifier: "She is called woman and defamed" (Encore, The Seminar, Book XX). Lacan put forward this premise to deconstruct, through the use of language, the normal vision that takes root in patriarchal structures, countering it with the multiplicity of the female construct. In My Collection of Proverbs (1974), produced at the same time as Lacan's Encore Seminar dedicated to female jouissance, Annette Messager embroiders derogatory, jokey aphorisms and colloquialisms about women. The female bodies that Tracey Emin tirelessly draws and paints are never set in a particular form because "not all" of a female can be described, shown or painted
SUZY LAKE (US, 1947)
Miss Chatelaine
1973
Photographie gélatino-argentique teintée au sélénium, 50,5 x 40,5 cm
mfc-michèle didier
Par l'autoportrait photographique, l'un des médiums de prédilection des avant-gardes féministes des années 1970, Suzy Lake propose une satire des représentations diffusées par les revues de mode féminines. Dans Miss Chatelaine, elle mime les poses stéréotypées des mannequins du magazine canadien Chatelaine, le visage enduit de maquillage blanc et surmonté de cheveux découpés, impeccablement coiffés. En métamorphosant son propre corps, elle critique le contenu superficiel et prétendument féministe de la revue et tente de déconstruire l'expérience féminine universelle normalisée par les médias de masse.
MAURIZIO CATTELAN (IT, 1960)
Untitled [Sans titre]
2007
Résine, vêtements, cheveux humains, tissu d'emballage, bois, vis et ancre en bois, 235 x 137 x 47 cm
Collection particulière, courtesy Maurizio Cattelan's Archive
Cette statue de femme dans une caisse trouve sa source dans une photographie de Francesca Woodman de 1977, qui montre celle-ci suspendue à une porte, les bras tendus et le visage détourné du regard de la caméra. Impressionné par cette image énigmatique,
Maurizio Cattelan la transpose pour cette sculpture hyperréaliste, dont la ressemblance avec une crucifixion met en avant le paradoxe de l'image, le symbole religieux détonnant ici par la mise en scène d'un corps de femme entravé.
ANNETTE MESSAGER
(FR, 1943)
Ma collection de proverbes
1974
Tissu brodé en rouge, bordeaux, bleu et vert, 35 x 28 cm chacun
Metz, collection 49 Nord 6 Est - Frac Lorraine, 2000 02 30 (01, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 12)
Déployant une collection de dictons misogynes brodés et encadrés, l'œuvre s'imprègne d'archétypes féminins et masculins, en usant de la broderie, un savoir-faire artisanal traditionnellement dévolu à la sphère domestique et aux femmes, ici confronté à un contenu machiste. La réécriture « au fil » et l'isolement de chaque déclaration dans un objet unique renforcent le sentiment d'indignation et la symbolique sexiste. L'artiste crée des images allusives à fort potentiel critique qui mettent en lumière nombre de clichés et présupposés
avec des objets ou avec des expressions du quotidien.
Dicton
Dicton
Dicton
Dicton
Dicton
SARAH LUCAS (GB, 1962) Girl [Fille]
2019
Collants, fil de fer, chaussures noires, peinture acrylique grise, chaise en bois et en vinyle, 103 x 49 x 43 cm
Courtesy de l'artiste et Sadie Coles HQ, Londres
MADELEINE ROGER-LACAN (FR, 1993)
Baubô-mon sexe est mon cœur
2022
Huile et laque sur toile, 210 x 100 cm Collection de l'artiste
CINDY SHERMAN (US, 1954) Untitled (Line-Up)
1977-2011
Ensemble de 12 photographies noir et blanc encadrées, 44,4 x 36,9 x 3,4 cm
Paris, Fondation Louis Vuitton
Détail de l'oeuvre précédente
TRACEY EMIN (GB, 1963)
O.C.I.T.A.F.Y.
2016-2018
Acrylique sur toile, 184 x 214,3 x 4,5 cm Paris, Fondation Louis Vuitton
Tracey Emin est l'une des fondatrices du mouvement des Young British Artists, à la fin des années 1980 en Grande-Bretagne. Son œuvre provocant est intrinsèquement lié à ses expériences personnelles. Dans O.C.I.T.A.F.Y. - dont les lettres forment le sigle de la phrase « Of course I thought about fucking you»-, le geste expressionniste coutumier de l'artiste s'exprime dans une palette de tons roses, rouges, bleus, gris et noirs. La matière autobiographique est suggérée
par le titre-message, qui se répand comme une confession dans la toile, où le corps est saisi dans le souvenir d'un instant.
ANNETTE MESSAGER (FR, 1943)
Les Effroyables Aventures d'Annette Messager truqueuse
1975
64 photographies noir et blanc encadrées et dessins, 271 x 332 cm
Courtesy de l'artiste et Marian Goodman Gallery
Mascarades
Dans le Séminaire XI, consacré aux Quatre Concepts fondamentaux de la psychanalyse, Jacques Lacan reconnaît la paternité du concept de mascarade à la psychanalyste britannique Joan Rivière et le décrit comme tel : « la femme crée un paraître qui se substitue à l'avoir pour masquer le manque ». Il est possible de considérer ce masque, que l'on peut porter ou retirer, comme une position de résistance à la domination patriarcale, le jeu exagéré de codes et de signes ultra-féminins constituant un défi au regard masculin. Le déguisement et le travestissement occupent la création artistique depuis la comtesse de Castiglione, en passant par des figures historiques comme Marcel Duchamp alias Rrose Sélavy, ou Claude Cahun, qui revêt des masques aussi bien masculins que féminins. Dans les années 1970, de nombreuses artistes femmes dénoncent par ce biais les archétypes de la féminité (Suzy Lake), allant jusqu'à la parodie lorsque Hélène Delprat rejoue les mises en scène de Claude Cahun ou de Pierre Molinier. Cindy Sherman, quant à elle, redouble cet art du « Je est un autre » en endossant des avatars, de manière à faire disparaître la dualité féminin-masculin au profit de l'espace libre du multiple que s'approprient les femmes.
MAN RAY
(US, 1890 - FR, 1976)
Rrose Sélavy
1921
Épreuve gélatino-argentique, contact récent, 12 x 9 cm Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, TEX 1995-281 (578)
Alors qu'il est toujours en train de travailler à son Grand Verre, et qu'il envisage d'abandonner la peinture de chevalet, Marcel Duchamp décide de changer d'identité et de sexe. Il choisit de s'appeler Rose Sélavy et apparaît pour la première fois sous ces traits en 1921. Il faut bien sûr aussi entendre, derrière ce nom, «c'est la vie »>, autrement dit une conception du monde qui fait de la vie sa pierre angulaire. Un peu plus tard, à Paris, Duchamp ajoute un second R à Rose en signant L'Œil cacodylate de Francis Picabia, ce qui rend cette conception encore plus évidente et précise : Éros, c'est la vie.
BRICE DELLSPERGER (FR, 1972)
Body Double 33 [Corps double 33]
2014
Film 16/9, couleur, sonore, 5'
Courtesy de l'artiste et galerie Air de Paris, Romainville
CLAUDE CAHUN (FR, 1894-1954) Autoportrait
1919
Épreuve gélatino-argentique, 23,8 x 17,9 cm Achat, 1993
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1993-146
PIERRE MOLINIER (FR, 1900-1976) Autoportrait
s.d.
Tirage argentique noir et blanc, 15 x 11 cm Paris, Mennour
Androgyne
1965
Photomontage, tirage argentique noir et blanc, 12,3 x 17,5 cm
Paris, Mennour
L'anatomie n'est pas le destin
Pierre Molinier aux positions queer actuelles, en passant par les autoportraits d'Urs Lüthi, de nombreuses pratiques artistiques modernes et contemporaines questionnent la discordance entre le sexe biologique et l'identité revendiquée. À travers les œuvres de Michel Journiac, de Nan Goldin ou d'Edi Dubien, qui font valoir les pratiques liées aux travestissements et aux transidentités, se dessine une configuration qui mine le mot d'ordre selon lequel l'anatomie, en suivant la formule de Sigmund Freud, serait le destin. Jacques Lacan s'est éloigné de cette position normative. Pour lui, l'être sexué ne s'autorise que de lui-même, il a donc le choix de son identité sexuelle, au-delà des identités qui lui sont assignées par l'état civil et l'anatomie.
JEAN JACQUES LEQUEU (FR, 1757-1826)
Agdestis ou Agdistis, fils de Jupiter, il fut homme et femme tout ensemble
1794-1795
Plume, lavis, en noir, 50,4 x 26 cm
Paris, Société de Géographie, en dépôt
à la Bibliothèque nationale de France, RESERVE AE-15 (1)
MARTHA WILSON (US, 1947)
Mona Marcel Marge
2014
Photographie lenticulaire, 73,5 x 53 cm (encadrée) Paris, collection Lab'Bel
MARTHA WILSON (US, 1947)
Mona Marcel Marge
2014
Photographie lenticulaire, 73,5 x 53 cm (encadrée) Paris, collection Lab'Bel
AGNÈS THURNAUER (FR, 1962)
Portrait grandeur nature (Jacqueline Lacan)
2008-2009
Peinture époxy sur résine, Ø 120 cm Collection particulière
MICHEL JOURNIAC (FR, 1935-1995)
Hommage à Freud,
constat critique
d'une mythologie travestie
1972-1984
Tirages gélatino-argentiques sur toile, 250 x 200 cm Achat à l'artiste, 1984
Villeurbanne/Rhône-Alpes,
collection Institut d'art contemporain, 84.097
Cette série photographique présente simultanément Michel Journiac travesti en Renée et en Robert Journiac, ses parents, ainsi que ceux-ci «travestis en eux-mêmes »>, avec leur complicité et non pas contre eux,
comme le laisserait entendre la référence ironique au complexe d'Edipe contenue dans le titre.
Comme chez Marcel Duchamp (alias Rrose Sélavy) ou chez Claude Cahun, le travestissement est pour Journiac un outil permettant d'identifier l'Autre et de dépasser les conventions et les normes sociétales, morales et religieuses. Cette pratique récurrente dans son œuvre fait de sa figure une référence pour une génération d'artistes queer.
ANA MENDIETA
(CU, 1948-US, 1985)
Untitled (Facial Hair Transplants) [Sans titre (greffe de cheveux sur visage)]
1972/1997
Série de 7 photographies en couleurs, 33,7 x 50,8 cm chacune Collection LLC et galerie Lelong & Co, Ne
EDI DUBIEN (FR, 1963)
Sans titre
2023
Série de dessins, aquarelle, encre et crayon sur papier,
dimensions variables
Galerie Alain Gutharc
ANNETTE MESSAGER
(FR, 1943)
Annette Messager truqueuse,
Les Barbus
1975
2 photographies noir et blanc sur papier,
31,5 x 27 cm chacune
Courtesy de l'artiste et Marian Goodman Gallery
ANNETTE MESSAGER
(FR, 1943)
Annette Messager truqueuse, Les Femmes-Hommes
1975
2 photographies noir et blanc sur papier,
31,5x27 cm chacune
Courtesy de l'artiste et Marian Goodman Gallery
Il n'y a pas de rapport sexuel
«Il n'y a pas de rapport sexuel » est l'une des formules
les plus célèbres, mais aussi les plus commentées,
de Jacques Lacan. Le psychanalyste a beaucoup développé cette pensée en opposant l'«< acte » au « rapport »>. S'il existe bien des actes sexuels, les rapports entre les sexes ne sont pas, mathématiquement, équivalents. Les rapports sexuels sont, pour les êtres parlants, toujours de l'ordre du ratage, d'où l'amour qui justement supplée à l'absence de rapport sexuel, selon Lacan. Dans cette perspective, la réplique du Grand Verre de Marcel Duchamp initiée par Pascal Goblot déploie une narration où la jouissance de la mariée du registre du haut s'effectue sans qu'il y ait de contact physique avec les célibataires du registre du bas. Cette relation duelle complexe est également présente de manière explicite dans la sculpture The Impossible III de Maria Martins
MARIA MARTINS (BR, 1894-1973) The Impossible III
1946
Bronze, 80 x 82,5 x 53,3 cm
New York, The Museum of Modern Art, 138.1946
-
Des formes végétales et tentaculaires se fondent en une créature anthropomorphe dans la sculpture The Impossible III, au sein de laquelle s'unissent
la fascination de Maria Martins pour les divinités du fleuve Amazone et le folklore de la culture vernaculaire du Brésil, dont elle est originaire. Nourrie par un vocabulaire organique, où des tentacules côtoient l'imagerie vorace de la plante carnivore, l'étreinte représentée confronte à la fois violence et plaisir, et évoque la cruauté et les impossibilités de la relation amoureuse
PASCAL GOBLOT (FR, 1968)
Copie éphémère «To be broken >> [À briser] de La Mariée mise à nu par ses célibataires,
même de Marcel Duchamp
Paris, 2014 - Metz, mars 2024
Métal, verre, pigments, minium, vernis, fils de plomb, feuille de plomb, miroir, poussière, 288 x 176 x 110 cm Collection de l'artiste
L'œuvre sera détruite au cours d'une performance réalisée par l'artiste, le dimanche 24 mars 2024, dans le Studio du Centre Pompidou-Metz.
Créée par Marcel Duchamp à New York entre 1915 et 1923, l'œuvre appelée également Le Grand Verre
est composée de deux panneaux de verre assemblés, qui ont été endommagés lors de son transport en 1926. Duchamp décide d'en conserver les brisures. C'est cette version qui est exposée au Philadelphia Museum of Art. Il existe plusieurs copies de cette œuvre. Celle qui est montrée ici a été réalisée à l'initiative de Pascal Goblot, en 2014. Elle ne tient pas compte des brisures et a été reconstituée méticuleusement
à partir des notes de Duchamp. Cette copie sera détruite au cours de l'exposition
ANSELM KIEFER (AL, 1945)
Extases féminines
2013
Aquarelle sur papier, 148 x 177 cm Paris, collection particulière
Anselm Kiefer débute dans les années 2000 une série d'aquarelles influencées par sa lecture de l'ouvrage Extases féminines de l'écrivain Jean-Noël Vuarnet, qui décrit les expériences de mystiques chrétiennes. De la Transverbération de sainte Thérèse de Bernin, que Jacques Lacan commenta, à l'extase de Hadewijch d'Anvers, les dévotions de mystique furent la source d'inspiration de nombreux artistes à travers les siècles. Les «Extases féminines » d'Anselm Kiefer, quant à elles, sont des hommages où les inscriptions de noms de saintes célèbres se mêlent aux corps nus de femmes en pleine jouissance.
GHADA AMER (EG, 1963)
And the Beast [Et la bête]
2004
Acrylique, broderie et gel sur toile, 1,93 x 1,67 cm Courtesy de l'artiste et de Marianne Boesky Gallery, New York et Aspen
Dans And the Beast, Belle, l'héroïne du dessin animé La Belle et la Bête, rencontre des images de femmes cousues tirées de magazines pornographiques. Avec les couches de lecture successives, l'artiste rend caduc le fantasme masculin de la femme passive, romantisée et standardisée diffusé par les studios Walt Disney et lui oppose la possibilité d'un plaisir féminin résistant. Par cet acte, Ghada Amer subvertit l'espace de la toile et s'insère, par la broderie, dans une tradition féminine et domestique qu'elle détourne afin d'affirmer la portée émancipatrice de la jouissance féminine.
Jouissances
Pour Jacques Lacan, dire tout de la jouissance est impossible,
car elle est d'un autre ordre que le signifiant; la parole
ne suffit pas à exprimer ce qui affecte le corps, elle rate toujours son objet et, donc, elle se répète. La psychanalyse lacanienne définit la jouissance comme étant au-delà du plaisir et du désir. Selon Lacan, il existerait en effet deux types de jouissance : l'une, phallique (attachée à l'acte sexuel, à l'interdit, odipienne) ; l'autre féminine (au-delà du phallus, éprouvée dans le corps, dans le réel et dans l'imaginaire). Les deux sexes y ont accès. Blow Job d'Andy Warhol tout comme Arched Figure de Louise Bourgeois mettent ainsi en évidence le fait que chez l'homme la jouissance peut très bien se passer de la parole et que jouissance et amour ne sont pas nécessairement liés. Dans son Séminaire Encore, Lacan commente la Transverbération de sainte Thérèse de Bernin, et s'intéresse aux extases mystiques qui fascinent et parcourent aussi la scène artistique contemporaine.
LOUISE BOURGEOIS (FR, 1911 - US, 2010) Arched Figure [Figure arquée]
1993
Bronze, tissu et bois, 116,8 x 193 x 99,1 cm New York, The Easton Foundation, BOUR-14024
Louise Bourgeois s'est beaucoup intéressée à la psychanalyse et a elle-même suivi une analyse quatorze années durant, tout en le niant et en attaquant dans ses journaux intimes Sigmund Freud et
Jacques Lacan, ces « pères pontifiants » qui, dit-elle,
ne peuvent rien faire pour l'artiste. Elle a traité à plusieurs reprises le thème de l'hystérie, mais en montrant
un corps masculin, en posture d'arc, celui de son assistant et ami Jerry Gorovoy. Le premier exemple de ce moulage figure dans l'installation Cell (Arch of Hysteria), présentée à la Biennale de Venise de 1992, qu'elle décline ici en bronze poli, également posé sur un vieux lit.
JEAN-BAPTISTE CARHAIX
(FR, 1946-2023)
Extase, de la série
«Sisters of Perpetual
Indulgence >>
[Sœurs de l'indulgence
perpétuelle
ORLAN (FR, 1947)
Vierge blanche au nuage de plastique bulle
1984/2020
Cibachrome collé sur aluminium, 157 x 110 cm Courtesy de l'artiste et galerie Ceysson & Bénétière
ANDY WARHOL (US, 1928-1987) Blow Job [Fellation]
1963
Film 16 mm transféré sur vidéo, noir et blanc, muet, 41' Pittsburgh, The Andy Warhol Museum, W6692.10.AV
Topologies
Dès les années 1950, Jacques Lacan est intéressé par
les objets topologiques qui lui permettent de rendre physiquement con te du sujet divisé par l'objet qui le cause.
Parmi ceux-ci, la bande de Moebius, avec sa structure double,
à l'endroit et à l'envers, symbolise la division de l'inconscient
et du conscient, et donc celle du sujet de cette coupure. À partir du début des années 1970, influencé par
les travaux du mathématicien Pierre Soury, Lacan se passionne pour le nœud borroméen, qu'il dit lui avoir été donné « comme une bague au doigt» (RSI, Le Séminaire, Livre XXII, inédit), avec lequel il noue et dénoue les trois registres qu'il identifie ainsi: le Réel, le Symbolique et l'Imaginaire (RSI). Nombre d'artistes contemporains, parmi lesquels Raymond Hains, Jean-Michel Othoniel, Éric Duyckaerts, Pierre Huyghe, Jean-Luc Moulène ou encore Gary Hill, ont été influencés par les préoccupations topologiques de Lacan, sans oublier l'intérêt que ce dernier portait aux nœuds et tressages de François Rouan, artiste qu'il rencontra à la Villa Médicis, et pour lequel il écrivit un texte.
DORA GARCÍA (ES, 1965)
Jacques Lacan Wallpaper [Papier peint Jacques Lacan]
2013
Flexographie sur papier, dimensions variables Madrid, collection Juan Várez, avec la contribution du M HKA - musée d'Art contemporain d'Anvers, et de ProjecteSD
JEAN-MICHEL OTHONIEL
(FR, 1964)
Le Nœud de Lacan
2022
Inox, peinture noire, 150 x 135 x 50 cm Collection de l'artiste
JEAN-LUC MOULÈNE
(FR, 1955)
Blown Knot 6 3 2 (Borromean)-varia 10 [Noeud soufflé 6 32 (borroméen) varia 10]
Octobre 2012
Verre, 30 x 30 x 25 cm
Don de l'artiste, 2013
Musée d'Art moderne de Paris, AMVP 3936
GARY HILL (US, 1951)
Klein bottle with the Image of its Own Making
(after Robert Morris)
[Bouteille de Klein avec l'image
de sa propre fabrication (d'après Robert Morris)]
2014
Verre soufflé, vidéoprojecteur, lecteur multimédia et carte SD avec fichier multimédia, piédestal, 135 x 48 x 48 cm
GARY HILL (US, 1951)
Klein bottle with the Image of its Own Making
(after Robert Morris)
[Bouteille de Klein avec l'image
de sa propre fabrication (d'après Robert Morris)]
États-Unis, Quenza Collection
Cette sculpture renvoie à la curieuse bouteille de Klein- imaginée pour la première fois en 1882 par le mathématicien allemand Felix Klein-, qui n'a pas de bord, ni d'intérieur ni d'extérieur, car les surfaces se confondent. D'abord objet de spéculation pour les topologues, différentes sciences humaines (l'anthropologie avec Claude Lévi-Strauss
et la psychanalyse avec Jacques Lacan) s'en sont emparés comme outil conceptuel. La bouteille de Klein opère telle la métaphore du langage dans laquelle
la signification des signes et la signification sémantique se recouvrent et relèvent d'une double surface (comme la bande Moebius), où sens et signes pour signifier sont à la fois l'intérieur et l'extérieur de la langue.
RAYMOND HAINS (FR, 1926-2005)
Chaîne borroméenne « rigide »>,
selon Lacan
2005
Tubes de néon, 110 x 125 x 117 cm Collection Thomas Hains
Noeud borroméen, selon Lacan
2005
Tubes de néon, 123 x 130 x 17 cm Collection Thomas Hains
PIERRE HUYGHE (FR, 1962)
RSI, un bout de réel
2006
Néon (3 parties), 320 x 350 cm (ensemble) Courtesy de l'artiste et de la galerie Esther Schipper, Berlin/Paris/Séoul
Ce néon a été réalisé par Pierre Huyghe à partir d'un dessin de Jacques Lacan représentant l'entremêlement des trois registres identifiés par le psychanalyste: le Réel, le Symbolique et l'Imaginaire. Chaque registre de ce nœud borroméen étant interdépendant, si un anneau se brise, cela provoque la chute des deux autres.
Ce schéma est allégorique de la propre position de l'artiste, pour qui la réalité n'est accessible que sur le mode de la fiction, et dont l'œuvre fait s'imbriquer documentaire et fiction.
Miss Tic et Lacan
Intitulé CURIOSA, ce cabinet de curiosités est conçu comme un hommage ludique à la pensée fourmillante et multidirectionnelle de Jacques Lacan.
Y cohabitent des objets et des représentations rares et singulières ne correspondant pas aux canons,
le plus souvent de mise en la matière.
On y retrouve pêle-mêle des clins d'œil, des allusions, des proximités, des associations liés au monde conceptuel et visuel du psychanalyste, mais aussi à son personnage.
Émission
IDA TURSIC & WILFRIED MILLE
(RS, 1974; FR, 1974) Lacan
-
2016
Huile sur bois, 27 x 39 cm Dijon, collection particulière
SAMMY ENGRAMER (FR, 1968)
L'Oreille de Lacan
2015
Huile sur toile, 60 x 70 cm
Collection de l'artiste
BENOÎT MAIRE
(FR, 1978) Lacane
2006
Moulage en résine, canne blanche, 120 x 16 x 17 cm Collection Charbit
ALAIN SÉCHAS (FR, 1955)
Le Monument pour Jacques Lacan
2002
Moulage polyester et acrylique, 116,5 × 94,5 × 50 cm Dijon, Consortium Museum, 03/02
Oeuvre réalisée à la demande de l'Association de la Cause freudienne de Dijon, dan le cadre de l'action Nouveaux commanditaires initiée par la Fondation de France.
Stade du miroir
Inaugurale et fondamentale, la théorie du stade du miroir, élaborée par Jacques Lacan en 1936, met au jour le rôle remarquable de l'image pour l'Homme et livre le secret de l'étrange amour qu'il voue à sa propre image. Cette expérience, primordiale pour le développement psychique de l'enfant, engendre la prise de conscience de sa globalité, par son reflet. Le stade du miroir révèle le drame intime que chacun doit traverser afin de s'identifier à lui-même, d'accéder à l'unité de son corps et de pouvoir dire « Je ». Cette théorie est donc révélatrice de la question de l'identité, qui se constitue dans l'aliénation, à l'image du Narcisse peint par Caravage ou de la fameuse scène de Taxi Driver de Martin Scorsese. Opaque ou effacé chez Marcel Broodthaers et chez Bertrand Lavier, scindé en deux chez Felix Gonzalez-Torres, métaphore du tableau chez Michelangelo Pistoletto, le miroir est au cœur de l'expérience analytique, comme l'incarne l'installation de Leandro Erlich.
CARAVAGE (IT, 1571-1610)
Narcisse
1597-1599
Peinture à l'huile, 113,3 x 97 cm
Rome, Gallerie Nazionali di Arte Antica, Palazzo Barberini e Galleria Corsini, 1569
S'il n'a jamais commenté cette peinture de Caravage dans ses écrits ou lors de ses séminaires, Jacques Lacan est surpris lorsqu'il la découvre à Rome au début des années 1970, gesticulant devant le tableau pour essayer de comprendre la position du personnage central. L'histoire malheureuse de Narcisse, victime d'un amour impossible pour son propre reflet, ne pouvait en effet qu'intéresser Lacan, qui, de façon inaugurale, a pensé le destin de tout homme entrant dans la vie par l'identification à son propre reflet, en qualifiant ce moment de << stade du miroir »
FELIX GONZALEZ-TORRES (CU, 1957 - US, 1996)
«Untitled» (Orpheus, Twice) [Sans titre (Orphée, deux fois)]
1991
Miroir, dimensions variables Collection particulière
Dans le prolongement du langage de l'art conceptuel et de l'art minimal, Felix Gonzales-Torres s'exprime à travers des objets manufacturés qu'il imprègne des expériences de la perte et de la disparition qui ont profondément marqué sa vie et son œuvre.
Si le corps est suggéré de manière métaphorique dans ses installations constituées de tas de bonbons ou de piles de papier, il est incarné ici par le biais de son propre reflet grâce à deux miroirs identiques espacés de dix centimètres. En référence au mythe d'Orphée, l'oeuvre reflète la dichotomie entre présence et absence, le corps se trouvant à la fois seul face aux miroirs et morcelé par l'espace qui les sépare.
MICHELANGELO PISTOLETTO
(IT, 1933)
Uomo col panchetto [Homme avec escabeau]
1962-1980
Sérigraphie sur acier inox poli et miroir, 230 x 125 x 2 cm Schaerbeek, collection particulière
MARCEL BROODTHAERS (BE, 1924-AL, 1976)
Miroir M.B. M.B. M.B...
1971
Peinture sur toile, 107 x 319 cm Collection particulière
Lalangue
Jacques Lacan tient en 1955-1956 son Séminaire intitulé
Les Psychoses, au cours duquel il explique que « l'inconscient est structuré comme un langage », explication poursuivie lors de La Troisième. En 1971, il précise son point de vue en inventant le néologisme « lalangue », formulé à la faveur d'un lapsus, pour désigner une fonction du langage en prise avec ce qu'il qualifie de Réel. Autour d'une grande installation de Marcel Broodthaers reliant le « coup de dés » poétique de Stéphane Mallarmé à la pensée analytique de Lacan, les artistes fêtent les jeux de mots et d'esprit, déjà chers à Michel Leiris (François Morellet, Bruce Nauman, Jean Dupuy), la littéralité (René Magritte, Olivier Leroi), les lapsus, les jaculations sonores (Ghérasim Luca), le babil, voire la langue des oiseaux avec la palissade de skis « rossignolesques » de Raymond Hains, artiste lacanien par excellence, comme en témoignent ses annotations des nombreux livres du psychanalyste.
RENÉ MAGRITTE (BE, 1898-1967) Querelle des universaux
1928
Huile sur toile, 53,5 x 72,5 cm Achat, 1993
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1993-116
Cette œuvre appartient à la série des «peintures-mots»> - réalisées par René Magritte au cours de son séjour parisien, de 1927 à 1930-, qui proposent d'établir un nouveau rapport entre les mots et la peinture, révélant ainsi l'ambiguïté des liens entre les objets réels, leur image et leur nom. Magritte retrouve ici l'une des données essentielles de la linguistique moderne, particulièrement celle de l'arbitraire du signe, énoncée par Ferdinand de Saussure. Jacques Lacan, selon qui l'inconscient est «
OLIVIER LEROI (FR, 1962)
Lieux dits (Lacan Brousse)
2001
Photographies, 58 x 100 x 4 cm (chacune) Prises de vue : Philippe Magnon
Collection de l'artiste
RAYMOND HAINS (FR, 1926-2005)
Palissade rossignolesque
1997
Technique mixte, 137 x 212 cm Collection Gilles et Marie-Françoise Fuchs
ANNETTE MESSAGER (FR, 1943)
Je pense donc je suce
1991
Broderie sur tissu, 39,5 x 31,5 cm Collection particulière
CLAUDE CAHUN
(FR, 1894-1954)
Le Père
1932
Tirage sur papier au gélatino-bromure d'argent brillant,
23,7 x 17,8 cm
Musée d'arts de Nantes, 2000
Le Nom-du-Père
Jacques Lacan élabore cette notion dans les années 1950
comme signifiant de la fonction symbolique paternelle, pensée comme un semblant, une fiction. Le Nom-du-Père fait initialement référence à la tradition chrétienne, désignant un Père tout puissant, l'instance de la Loi et de l'interdit. Lacan va rompre avec cet ordre patriarchal, se faisant ainsi l'écho des mutations sociales contemporaines, en différenciant le père réel et le père imaginaire. Ce terme peut aussi être compris comme le « Non du Père »>, père contre lequel se révolteront des artistes comme Louise Bourgeois, Niki de Saint Phalle, Camille Henrot, qui ont hérité du patronyme, et fonderont leur œuvre sur le meurtre ou sur la destruction du Père. Nina Childress, quant à elle, évoque la relation de la fille au Père, avec Film Freud. Avant elles, Hans Bellmer ou Claude Cahun avaient déjà mis à mal la figure paternelle. Enfin, Lacan opérera à la fin de sa vie un glissement sémantique du «> à la formule «Les non-dupes errent », que reprend ironiquement Sophie Calle en voilant « La mère veille
NINA CHILDRESS (US, 1961)
Film Freud
2020
Huile sur toile, 130 x 88 cm Paris, collection David Teboul
Ce tableau est lié à une commande pour l'affiche du film de David Teboul Sigmund Freud, un juif sans Dieu (2019). Il fait explicitement référence aux relations ambiguës entretenues par le psychanalyste avec sa fille Anna. En effet, celle-ci, qui est devenue elle-même
une psychanalyste célèbre, avait été analysée deux fois par son père, au mépris des règles édictées par l'inventeur de la psychanalyse.
HANS BELLMER (AL, 1902- FR, 1975)
Portrait du Père
1955
Dessins, 20 x 17 et 26 x 10 cm Collection particulière
Il n'y a pas que les femmes qui règlent leur compte avec le Père, comme en témoignent ces deux dessins de Hans Bellmer. Dénigrer le Père quand on s'appelle «Belle-Mère » aurait sans doute plu à Jacques Lacan. C'est probablement pourquoi l'artiste lui dédicace l'un des dessins : « à l'étude du Pr Dr Lacan »>. Figure flasque grotesque informe avec un nez phallique et une bouche anale, ce père castré en dit long sur les relations de l'artiste avec la figure patriarcale. Bellmer a d'autres liens avec Lacan, qui fut l'un des rares, avec André Breton et le Dr Gaston Ferdière à le féliciter pour son traité Petite Anatomie de l'inconscient physique ou l'anatomie de l'image, écrit en 1946 et paru en 1957.
CAMILLE HENROT
(FR, 1978) Tycoon
2015
Aquarelle sur papier contrecollé sur Dibond, 203,2 x 152,4 cm Courtesy de l'artiste et Mennour, Paris
NIKI DE SAINT PHALLE
ET PETER WHITEHEAD
(FR, 1930-US, 2002; GB, 1937-2019)
Daddy
1972
Vidéo (extrait)
Santee, Niki Charitable Art Foundation
Objet a
Invention cardinale de Jacques Lacan, l'objet a, qui dès
la fin des années 1950 qualifie « l'objet cause du désir >> en tant que manque, reste et chute, trouve de spectaculaires échos dans les arts moderne et contemporain.
La liste que Marcel Duchamp dresse, en 1912, pour son
<< transformateur des petites énergies gaspillées >> apparaît comme une préfiguration de cette notion. Aux quatre objets emblématiques - le Sein, la Merde, la Voix et le Regard - s'ajoutent, par capillarité, la Chute, le Rien, le Corps morcelé, mais aussi le Phallus en tant qu'il est, pour Lacan, le signifiant du Manque. Dressés, anamorphosés, voilés et détumescents, les avatars phalliques de l'objet a sont légion dans les arts antique et renaissant (de la villa des Mystères aux Ambassadeurs de Hans Holbein), mais aussi, singulièrement, dans l'art de notre temps. Au sein de cette galaxie, l'objet Regard occupe une place centrale, jusqu'à nous faire glisser vers le Trou, par lequel le regardeur peut scruter le corps de la femme d'Étant donnés, l'œuvre ultime de Marcel Duchamp revisitée par Mathieu Mercier.
MARCEL DUCHAMP (FR, 1887-1968)
3 Stoppages-étalon
1913/1964
Fil, toile, cuir, verre, bois, métal, 28 x 129 × 23 cm Achat, 1986
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1986-287
En 1913, Marcel Duchamp laisse tomber trois fils d'un mètre d'une hauteur d'un mètre, obtenant trois lignes différentes à partir desquelles il réalise trois règles courbes dissemblables. Ces «gabarits du hasard >> renvoient au caractère normatif du mètre étalon. Ils se font les symboles de la « chute » des normes esthétiques et de l'effacement de la subjectivité
MARCEL BROODTHAERS (BE, 1924-AL, 1976)
Nous n'irons plus au bois
1972
Plaques en plastique embouti peint, 120 x 86 cm (chacune) Courtesy Estate of Marcel Broodthaers
et Marian Goodman Gallery
DOMENICO PIOLA (IT, 1627-1703)
Anamorphose au Rubens
XVIIe siècle
Huile sur toile, 68 x 83 cm
Rouen, musée des Beaux-Arts, 1975.4.102
L'intérêt de Jacques Lacan pour l'anamorphose date de 1960, et fut développé à l'occasion de son Séminaire VII, consacré à L'Éthique de la psychanalyse, dans lequel il la définit comme une peinture elle-même organisée «autour d'un vide »>. Lacan prend pour exemple l'anamorphose cylindrique réalisée par Domenico Piola, dont le cylindre constitue littéralement un vide autour duquel l'image déformée de l'Érection de la Croix de Pierre Paul Rubens s'étale de façon «inintelligible». C'est le cylindre-miroir, en lieu et place de ce vide, qui permet au tableau de Rubens de se reconstituer.
GAETAN GATIAN DE CLÉRAMBAULT
(FR, 1872-1934)
Sans titre [femme voilée]
1918-1919
[groupe de femmes voilées]
1918-1919
Tirage sur papier baryté, 27,2 x 38,3 cm
Paris, musée du Quai-Branly - Jacques-Chirac, PP0187557
À la fois psychiatre, ethnographe et photographe, Clérambault fut pour Jacques Lacan son «seul maître en psychiatrie » (Écrits, Paris, Seuil, 1966). Après des études de dessin aux Arts décoratifs, puis de droit, il choisit la médecine et la pathologie des âmes. Lors d'un séjour au Maroc, pendant la guerre, entre 1915 et 1917, il fait poser chez lui des femmes drapées, étudiant ainsi tous les plis et replis de leurs vêtements. Ces formes voilées, fantomatiques et phalliques Lacan il n'y a de phallus que voilé -, sans visage et sans regard le fascinent. Il sera d'ailleurs professeur de l'étude - pour du drapé à l'École des beaux-arts, de Paris
PAUL MCCARTHY (US, 1945)
Spaghetti Man [Homme spaghetti]
1993
Fibre de verre, silicone, métal, vêtement, fausse fourrure et poids en métal, 254 x 84 x 57 cm Montpellier, Frac Occitanie, 94S0487
CONSTANTIN BRANCUSI (RO, 1876 - FR, 1957)
Princesse X
1915-1916
Plâtre, 61,5 x 28 x 25 cm Legs Constantin Brancusi
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 4002-86
L'œuvre présentée est le modèle en plâtre ayant servi à l'élaboration de la sculpture en bronze poli Princesse X (1916). Le titre fait explicitement référence à la princesse Marie Bonaparte (1882-1962), qui a favorisé l'introduction en France de la psychanalyse freudienne, dès les années 1920. Constantin Brancusi a toujours considéré cette œuvre comme un portrait de la psychanalyste, alors que de nombreux spectateurs, tels que Pablo Picasso et Henri Matisse, y ont vu une forme ostensiblement phallique. Cela conforte la position de Jacques Lacan selon laquelle il existe une incompatibilité entre l'homme, qui est réputé avoir le phallus, et la femme, qui est « condamnée » à l'être.
JEAN JACQUES LEQUEU
(FR, 1757-1826)
Ce quelle voit en songe
1794-1795
Plume, lavis, en couleurs, 34 x 41,6 cm Paris, Société de Géographie, en dépôt à la Bibliothèque nationale
MAN RAY
(US, 1890 FR, 1976) Presse-papier à Priape
1
1920/1966
Argent, 12,5 x 9,5 x 9,5 cm Paris, collection particulière, courtesy de la galerie Eva Meyer
LOUISE BOURGEOIS (FR, 1911- US, 2010)
Fillette (Sweeter Version) [Fillette (Version adoucie)]
1968-1999
Caoutchouc uréthane pigmenté, pièce de suspension, 59,7 x 26,7 x 19,7 cm
New York, The Easton Foundation, BOUR-3931.02
En 1982, lorsqu'elle pose avec Fillette pour le photographe Robert Mapplethorpe, Louise Bourgeois déclare: «Je sais que de la tenir, de la bercer me réconforterait. Vraiment mon œuvre, c'est moi, bien plus que je ne le suis physiquement. »> Fillette (Sweeter Version) est tendre et excessivement violente, vulnérable et puissante, elle est l'alter ego protecteur de l'artiste. Elle est une forme polymorphe, à la fois sexe masculin, torse de femme, visage, nourrisson, enfant, et objet de désir où la pulsion sexuelle de plaisir-repression s'exprime par l'acte créatif.
LOUISE BOURGEOIS (FR, 1911 - US, 2010) Cumul I
1968
Marbre blanc, bois, 51 x 127 x 122 cm Achat de l'État, 1973; attribution, 1976 Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1976-933
Le titre, dit l'artiste, fait allusion aux nuages appelés « cumulus »>, mais ces bulles sphériques ou ovoïdes évoquent aussi bien des seins que des phallus, insistant ainsi sur l'ambiguïté féminin-masculin et sur la permutation possible des organes. Louise Bourgeois traite cette dualité de multiples manières à la fin
des années 1960, comme en témoignent Janus fleuri (1968), Fillette (1968) ou la Femme-couteau (1969-1970). Ici, les formes rondes et blanches semblent émerger d'un voile aux multiples plis, souple et fin comme une membrane de peau, s'inspirant des drapés baroques de Bernin.
LOUISE BOURGEOIS (FR, 1911-US, 2010) Janus fleuri
1968
Bronze, patine dorée, 25,7 x 31,8 x 21,3 cm
Don American Friends of the Centre Pompidou, 2022 Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 2022-687
ANNETTE MESSAGER
(FR, 1943) Agathe
2016
Tissu, plastique, kapok bourrage, 17 x 32 x 22 cm Courtesy de l'artiste et Marian Goodman Gallery
ROBERT GOBER
(US, 1954)
Sans titre [Untitled]
2007
Cire d'abeille, pigment, polymère de gypse coulé, brindilles et herbe, résine, peinture, 39 x 38 x 11 cm
Italie, collection La Gala
MARCEL DUCHAMP (FR, 1887-1968)
Prière de toucher
1947
Mousse de latex naturel, velours, bols peint, bois et carton,
tolle enduite, 41,8 x 34,7x7,1 cm
Donation M. Daniel Cordier, 1989
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1989-308, en dépôt aux Abattoirs, musée-Frac Occitanie, Toulouse
CAROLEE SCHNEEMANN (US, 1939-2019)
Portrait Partials [Portraits partiels]
1970/2007
Grille photographique noir et blanc de 35 tirages gélatino-argentiques sur papier dessin noir, 80 x 83,8 cm Courtesy Carolee Schneemann Foundation
et P-P-O-W Gallery, New York
Le corps est au cœur du photomontage Portrait Partials, un assemblage de 35 photographies en plan rapproché. Carolee Schneemann décompose, déhiérarchise et reconfigure des morceaux de corps de sorte que tout ou une partie des organes pourraient être déplacés à l'envi. Cette technique lui permet de déconstruire les archétypes de la féminité et de la masculinité. Elle s'appuie ici sur l'histoire intime qu'elle partage avec John Lifton, son partenaire de l'époque.
Par cette stratégie de la représentation, les organes
se dissolvent dans la structure de la grille pour réclamer et affirmer des corps politiques.
CINDY SHERMAN (US, 1954)
Untitled #261 from the Sex
Pictures series [Sans titre n° 261 de la série «Sex Pictures >>]
1992
Tirage chromogène couleur, 167,5 x 114 x 1,3 cm Paris, Fondation Louis Vuitton, 201579
FRANCISCO DE ZURBARÁN (ES, 1598-1664)
Sainte Lucie
1635-1640
Huile sur toile, 115 x 68 cm
Chartres, musée des Beaux-Arts, inv. 3807
Jacques Lacan a commenté les deux tableaux de Francisco de Zurbarán Sainte Agathe et Sainte Lucie. L'une perd ses seins, l'autre ses yeux, déposés sur un plateau. De ces morceaux de corps détachés, il fera une analyse percutante, bien loin de l'effroi qu'ils pourraient suggérer. Il remarque justement qu'en présentant
ces parties de corps détachées sur un plateau,
l'artiste espagnol transforme ces scènes réputées cruelles en situations domestiques qui désamorcent l'angoisse le plus souvent liée à ces deux martyres
SARAH LUCAS (GB, 1962)
China NUD 3
2019
Collants, peluches, fils, 51 x 38 x 38 cm
Courtesy de l'artiste et Sadie Coles HQ, Londres
ANNETTE MESSAGER
(FR, 1943) Mes vœux
1989
Photographies et cheveux encadrés, 215 x 100 cm Courtesy de l'artiste et Marian Goodman Gallery
Détail de l'oeuvre précédente
HANS BELLMER (AL, 1902-FR, 1975)
Photographie d'une poupée issue de la série
«Les Jeux de la poupée >>
1935
Tirage argentique d'époque colorié à l'aniline, 63,5 x 63,5 cm Paris, collection David et Marcel Fleiss, galerie 1900-2000
JEAN-CHARLES DE QUILLACQ
(FR, 1979)
Group
2019
Résine acrylique, baskets, genouillère, bas Nylon, botte en caoutchouc trouvée dans la mer, 79 x 40 x 44 cm Paris, galerie Marcelle Alix
Dans ses performances, Jean-Charles de Quillacq s'intéresse aux potentialités du corps fantasmé. Dans l'installation Group, deux répliques en résine acrylique de la jambe droite de l'artiste sont placées côte à côte, l'une et l'autre se soutenant, dans un geste résilient. Ces «
CAROL RAMA
(IT, 1918-2015)
Marta ("La Cagona")
1940
Aquarelle et crayon de couleur sur papier, 23 x 17,5 cm Turin, collection particulière
JACQUES LIZÈNE (BE, 1946-2021) Couleur Chocolat
1977/1993
Peinture, diptyque, 80 x 200 cm Angoulême, Frac Poitou-Charentes
IDA TURSIC & WILFRIED MILLE
(RS, 1974; FR, 1974)
W17
2023
Huile sur bois, 247 x 160 cm
Courtesy des artistes
et galerie Max Hetzler, Berlin, Paris, Londres
SALVADOR DALÍ (ES, 1904-1989)
Objet scatologique
à fonctionnement symbolique (Le Soulier de Gala)
1931/1973
Chaussure en cuir, bois, fil, papier et objets divers, 49 x 28 x 9 cm
Achat avec la participation du Fonds du patrimoine de la Société des Amis du Musée national d'art moderne, 2014 Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 2014-504
En 1931, dans le numéro 3 de la revue Le Surréalisme au service de la révolution, Salvador Dalí décrit un << objet à fonctionnement symbolique » qui renvoie parfaitement à l'objet scatologique de la même année : « Un soulier de femme, à l'intérieur duquel a été placé un verre de lait tiède, au centre d'une pâte en forme ductile de couleur excrémentielle. Le mécanisme consiste à plonger un sucre sur lequel a été peinte l'image d'un soulier, afin d'observer la désagrégation du sucre et par conséquent de l'image du soulier dans le lait. Plusieurs accessoires (poils du pubis collés à un sucre, petite photo érotique) complètent l'objet qu'accompagnent une boîte de sucre de rechange et une cuillère spéciale qui sert à remuer des grains de plomb à l'intérieur du soulier."
ANDY WARHOL
(US, 1928-1987)
Piss Painting [Peinture à la pisse]
1978
Urine et gesso sur toile, 43,2 x 27,9 cm Collection Thaddaeus Ropac, Londres, Paris, Salzbourg, Séoul
PIERO MANZONI
(IT, 1933-1963)
Merda d'artista [Merde d'artiste]
1961
Fer-blanc, papier, H. 5 cm x D. 6,5 cm Estate François Morellet
JOSEPH KOSUTH (US, 1945)
'Titled (A.A.I.A.I.)' [nothing] (Eng.-Fr.) [« Intitulé (A.A.I.A.I) » [rien] (Ang.-Fr.)]
1968
Photographie, 122 x 122 cm
Paris, galerie Almine Rech et collection Buffalo AKG Art Museum/The Panza Collection and by exchange: George B. and Jenny R. Mathews Fund, Bequest of Arthur B. Michael, Albert H. Tracy Fund and Bequest of John Mortimer Schiff, 2015
BERTRAND LAVIER
(FR, 1949) Silence
1974
Scie et lance, dimensions variables Collection de l'artiste
ALBERTO GIACOMETTI
(CH, 1901-1966) Pointe à l'oeil
1931-1932
Bois, fer peint en noir, 12,7 x 58,5 x 29,5 cm Achat, 1981
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, AM 1981-251
De Maurice Merleau-Ponty à Jacques Lacan,
de Georges Bataille à Jean-Pierre Vernant, il a été beaucoup question de la réversibilité de l'œil et du regard. L'œil serait bien l'organe qui prolongerait le sexe par d'autres moyens. La Pointe à l'oeil d'Alberto Giacometti rend à cet égard visible les deux versants complices d'une seule et même pulsion scopique, définissant le plaisir de posséder l'autre par le regard, qui fait du regard à la fois une arme (le regard est l'érection de l'œil) et une protection face aux menaces méduséennes que fait peser sur l'oeil de l'artiste la vue du sexe féminin.
FRANCIS PICABIA
(FR, 1879-1953) Jeune Fille
1920
Encre sur papier découpé, 28 x 22,3 cm Paris, collection Frédérique Destribats, courtesy de la galerie 1900-2000
RENÉ MAGRITTE (BE, BE, 1898-1967)
La Condition humaine
1933
Huile sur toile, 100 x 81 x 1,6 cm Washington DC, National Gallery of Art, don du Collectors Committee, 1987.55.1
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