Quelques beaux tableaux dans cette exposition assez inégale dont voici la présentation et la plupart des œuvres :
"Picasso et après... "
Ou "d'après Picasso" ? Le double sens du titre (After Picasso) du premier ouvrage consacré aux Néo-Romantiques en 1935 par leur ami, critique et collectionneur américain, James Thrall Soby (1906-1979), donne une clef de lecture essentielle du mouvement.
"Après Picasso": comme les maniéristes du 16ème siècle italien, qui eurent à s'affirmer devant les œuvres écrasantes de Léonard, Raphaël ou Michel-Ange, Bérard, Tchelitchew et les frères Berman se trouverent confrontés à la création déjà immense et multiple de Picasso et durent trouver une façon d'y répondre. "D'après Picasso" : ils le firent en partie en retournant pour ainsi dire cette œuvre contre elle-même, et en s'appuyant sur la thématique mélancolique, le chromatisme contenu des périodes rose et bleue pour tracer une nouvelle voie face à celles du cubisme et de l'abstraction dans lesquelles Picasso était alors engagé et qui dominaient la scène artistique, au risque de se figer en un nouvel académisme.
On ne saurait évidemment réduire l'approche néo-romantique à cette seule grille de lecture: le premier surréalisme, l'œuvre de Giorgio de Chirico, la peinture "Métaphysique" italienne - que les jeunes artistes découvraient alors chez des galeristes influents comme Paul Guillaume les œuvres des frères Le Nain, de Degas, Manet ou Vallotton comptent aussi parmi les sources d'inspiration puissantes du nouveau «climat» néo-romantique qui apparaît au tournant des années 1920.
Une peinture oubliée
Il est plutôt réconfortant de penser que l'histoire de l'art moderne, dont on imagine connaître les moindres détails, recèle encore des zones d'ombre et des terres inexplorées. C'est que le grand récit de cette histoire de l'art au cours du xxe siècle se paie de silences et d'omissions que le temps contribue à réparer. Tel est le cas du courant néo-romantique resté dans les marges des mouvements artistiques, tout en jouissant d'une réputation discrète et du soutien de personnalités aussi fameuses que l'esthète et poètesse Gertrude Stein, l'écrivain Julien Green ou le cinéaste, peintre et dramaturge Jean Cocteau.
La présente exposition est la première d'une telle ampleur à être consacrée à ce mouvement depuis son apparition en 1926. Elle rassemble à nouveau, à près de cent ans d'écart, les participants de la manifestation initiale qui, organisée à l'improviste par de jeunes artistes liés d'amitié, devait cristalliser une nouvelle sensibilité et trouver un écho non seulement en France mais en Europe et aux États-Unis jusque dans les années 1970.
Une académie imaginaire
Artiste excentrique et touche-à-tout, Sir Francis Rose (1909-1979), dont on retrouvera un ensemble d'œuvres dans le parcours de l'exposition, passa son adolescence dans le sud de la France et fréquenta très tôt un milieu dont sa mère, particulièrement fantasque, était familière: de la danseuse Isadora Duncan à Jean Cocteau, Christian Bérard ou l'écrivain et peintre Max Jacob. Il s'installa à Paris entre 1929 et 1936, se forma auprès des artistes Francis Picabia et José Maria Sert, avant de se voir chaperonné par Gertrude Stein qui lui témoigna une indéfectible amitié. Jamais à court d'entregent, il mena dès les années 1930 une carrière internationale entre Paris, Londres et New York.
La toile imposante que l'on présente ici, composée en 1938, fut exposée au Petit Palais l'année suivante et revient aujourd'hui à Paris pour la première fois. Elle rassemble des figures aussi diverses que l'historien Henry- Russell Hitchcock, le danseur Serge Lifar, le galeriste Georges Maratier, l'écrivain Louis Bromfield, le musicien Virgil Thomson ou la poétesse Natalie Clifford Barney; ils entourent Christian Bérard, Pavel Tchelitchew, Jean Cocteau, Gertrude Stein ou Alice B. Toklas dans ce que l'on peut considérer comme une sorte d'académie imaginaire du néo-romantisme.
Carlo Carrà 1881-1966
Ponte Caricatore
1930 Huile sur toile
Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne Centre de création industrielle
Carlo Carrà
1881-1966
Marine à Forte dei Marmi
1940 Huile sur carton
Faenza, Pinacoteca Comunale
Carlo Carrà
1881-1966
Marine avec figures Vers 1940
Tempera sur toile
Faenza, Pinacoteca Comunale
Giorgio de Chirico 1888-1978
Mélancolie d'un après-midi
1913 Huile sur toile
Paris, Centre Pompidou - Musée national d'art moderne - Centre de création industrielle
Pablo Picasso
1881-1973
Le Repas Frugal 1904 Eau-forte et grattoir. sur zinc
Londres, Frederick Mulder Ltd
Galerie Druet, Rue Royale, février 1926
Fin février 1926, quelques jeunes artistes, tout juste sortis de l'académie Ranson où ils avaient suivi les cours des peintres Edouard Vuillard, Félix Vallotton et Maurice Denis, profitèrent des liens de l'un d'entre eux, Pierre Charbonnier (1897-1978), avec la galerie Druet, pour organiser un accrochage de fortune. Outre ce dernier, artiste encore largement sous- estimé, il s'agissait de Christian Bérard et Thérèse Debains, d'un jeune prodige hollandais, Kristians Tonny, et de trois jeunes Russes ayant fui la révolution de 1917: Pavel Tchelitchew, Eugène Berman et son frère Léonide. Ils se distinguaient à quelques traits : le retour à la figuration dans le contexte du cubisme triomphant, une certaine prédilection pour la représentation du visage et celle de paysages plutôt fantomatiques, une pâte souvent épaisse et granuleuse, le refus des contrastes de valeurs au profit d'infimes variations tonales dont résultait une surface picturale sombre, parfois à la limite du monochrome. C'était une peinture de la mélancolie, de l'exil et de la nostalgie. Aussi discrète et improvisée qu'elle fut, cette exposition précipita un sentiment et une attente diffuse et fut considérée par des personnalités aussi diverses que Gertrude Stein, le critique Waldemar-George et James Thrall Soby, auteur, quelques années plus tard, d'un livre fondateur sur le mouvement, comme la manifestation d'un nouvel esprit du temps qui devait passer dans l'histoire sous le terme de néo-romantisme
Denis Polge né en 1972
Dix portraits 2023
Peinture à l'huile sur bois
Peintre, sculpteur, céramiste, Denis Polge s'intéresse depuis longtemps aux Néo-Romantiques, dont on retrouve un certain écho dans son œuvre. Il a dressé, à l'invitation du musée Marmottan Monet, et spécialement pour l'exposition, une galerie de portraits des principaux protagonistes du mouvement.
Man Ray 1890-1976
James Thrall Soby
1938. Tirage argentique
Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art, Auerbach Art Library and Museum Archives
Denis Brihat
né en 1928
Portrait de Julien Levy 1965
Tirage argentique
Collection de l'artiste
Ambassadeur essentiel du néo-romantisme, Julien Levy (1906-1981) fut aussi l'introducteur aux États-Unis du surréalisme et le galeriste de Joseph Cornell, Marcel Duchamp ou Frida Kahlo, dont il présenta les premières œuvres en 1938. Il fut également un ardent défenseur de la photographie, exposant aussi bien Eugène Atget qu'Henri Cartier-Bresson, Walker Evans ou Lee Miller. N'ayant jamais varié dans son soutien aux Néo-Romantiques, Levy consacra plusieurs ouvrages à Eugène Berman et présenta régulièrement l'œuvre de Pavel Tchelitchew, ce dernier prenant souvent pour modèle la femme de Levy, Joella, comme on peut le voir dans la suite de l'exposition.
Julien Levy ferma sa galerie en 1949, mais conserva par-devers lui un nombre considérable d'oeuvres de ses amis. Il fallut attendre le siècle suivant pour que sa collection, qui constituait le fonds de sa galerie, soit finalement dispersée lors de deux ventes mémorables à Paris, en 2004 et 2006. La plupart des ceuvres avaient été directement achetées aux artistes lors de leur création; on en retrouve souvent la reproduction dans les ouvrages de Soby et de Levy; et beaucoup figurent dans cette exposition: ayant travers to temps intactes, elles nouent d'émouvante façon un lien direct entre la collectionneur d'alors et le spectateur.
Eugène Berman
1899-1972
Les chevaux d'Apollon 1932
Huile sur toile
Paris, collection José Quiroga
Léonide Berman
1898-1976
Marais salants
1931 Huile sur toile
Collection particulière
Jean-Francis Laglenne
1899-1962
Fleurs
1923 Huile sur toile
Paris, Centre national des arts plastiques. En dépôt au Musée d'Art et d'Industrie André Diligent - La Piscine, Roubaix
Christian Bérard
1902-1949
Autoportrait
Vers 1930 Huile sur toile
Paris, collection José Quiroga
Eugène Berman
1899-1972
Portrait de jeune fille
1928 Huile sur toile
Paris, collection José Quiroga
Christian Bérard
1902-1949
Portrait de femme
à la manière du Fayoum 1926
Encre, aquarelle et lavis sur papier contrecollé
Paris, collection Patrick Mauriès
C'est sous le règne de Charles X (1824-1830) que le musée du Louvre acquit pour la première fois quelques-uns de ces portraits dits du Fayoum. Ces images funéraires, uniques exemples de portraits peints de l'Antiquité, n'ont depuis cessé de fasciner. Christian Bérard ne pouvait qu'être sensible à ces visages réalistes, expressifs, et en même temps mystérieux. Peut-être en entrevit-il certains en 1922, lors de son premier voyage transalpin en compagnie des frères Berman, périple aux allures d'épiphanie qui lui révéla les couleurs et paysages de I'Italie et de la romanité, lesquels devaient imprégner durablement son imaginaire et son inspiration, ainsi qu'en attestent le présent portrait et la Scène de théâtre antique présentée en fin de parcours.
Pierre Charbonnier 1897-1978
Portrait de Georges Hugnet
n.d Huile sur toile
Collection particulière
Passé par l'École des beaux-arts de Lyon, puis celle de Paris, Pierre Charbonnier (1897-1978) suivit les cours de l'académie Ranson. C'est là qu'il fit la connaissance de Christian Bérard et des autres futurs Néo-Romantiques. Il fut d'ailleurs l'initiateur de l'exposition de 1926 à la galerie Druet. Mais s'il était au nombre des peintres exposés, il demeura extérieur au mouvement et suivit son propre chemin, s'intéressant notamment au cinéma. Il est l'auteur d'un remarquable film d'animation, La Fortune enchantée (1936), et reste aujourd'hui connu pour avoir été pendant 40 ans le décorateur des films de Robert Bresson. Son œuvre picturale, discrète, loin des modes, reste à découvrir.
Christian Bérard
1902-1949
Portrait de Boris Kochno
1929 Huile sur toile
Monaco, Nouveau Musée National de Monaco. Ancienne collection Boris Kochno
Christian Bérard 1902-1949
Autoportrait
1934 Huile sur toile
Collection particulière
Christian Bérard se prit à de multiples reprises comme modèle, surtout au début de sa carrière, mais curieusement jamais sous l'apparence qu'on lui connaît, et que nous ont conservée de nombreuses photographies, de mage à la chevelure et à la barbe ondoyantes. Il ne se représente jamais, dans ses autoportraits des années 1930, que le visage imberbe et légèrement poupin, justifiant le surnom de "Bébé" qui lui resta attaché sa vie durant. Rien de l'innocence enfantine, pourtant, dans ces œuvres souvent sombres, dont le modèle fixe le spectateur de façon interrogatrice ou inquiète. Elles contrastent avec celles qu'il peignit quelques années plus tard - le paravent pour Claire Artaud ou Deux autoportraits sur la plage (dont il existe une autre version, aujourd'hui au Musée d'Art Moderne de New York) ici présentés. Exécutés dans des couleurs denses, à la limite de l'acidité, ces tableaux remarquables accentuent, en effaçant le corps sous d'amples tuniques, l'ambiguïté, sinon l'androgynie, présente dès l'origine dans l'image que Bérard a voulu laisser de lui-même.
Christian Bérard
Fils unique d'une famille bourgeoise parisienne, Christian Th Bérard (1902-1949) montre très tôt des dispositions (19 pour le dessin et passe dès le début des années 1920 par l'académie Ranson. C'est là qu'il fait la connaissance d'Eugène et Léonide Berman, de Thérèse Debains et de Pavel Tchelitchew avec lesquels il participe à l'exposition séminale de la galerie Druet en 1926.
Le succès de ses premiers décors de théâtre dans les années 1930, et celui des illustrations - tant de livres que de magazines - qu'il exécutait avec une rapidité et une virtuosité déconcertantes, l'éloignent peu à peu de la peinture et lui vaut une réputation de touche-à-tout mondain et frivole qui le desservira longtemps.
II exprimait son désir de retourner à la peinture lorsqu'il meurt prématurément en 1949, usé par le travail, le succès when et la drogue.
Clochard magnifique aux vêtements maculés de peinture et à la barbe « constellée de diverses créatures », selon l'une des rédactrices de mode qu'il côtoyait, Bérard reste aujourd'hui connu du grand public pour les décors et costumes qu'il imagina pour les films La Belle et la Bête (1946) ou L'Aigle à deux têtes (1947) de Jean Cocteau. Mais son œuvre picturale fut constamment et discrètement recherchée par des amateurs aussi éclairés que Julien Green, l'écrivaine, peintre et mécène Marie-Laure de Noailles ou le couturier Yves Saint Laurent. Le temps semble être venu désormais d'apprécier à leur juste mesure ses toiles poétiques et troublantes, qui enchantent par leur beauté mélancolique.
Christian Bérard 1902-1949 et Jean-Michel Frank 1895-1941
Paravent à quatre feuilles réalisé pour l'appartement de Claire Artaud
1936. Huile sur toile, bois moulé doré
Paris, Alexandre Biaggi
Christian Bérard
1902-1949
Portrait d'une femme (Hélène Anavi)
1948. Huile sur toile
Collection particulière
Née à Beyrouth dans une famille juive d'origine roumaine, de nationalité américaine, Hélène Anavi (1904-1984) fut avec son mari, le banquier Claude Hersaint, une figure du tout Paris artistique et mondain du milieu du xxe siècle. Le couple constitua une impressionnante collection d'artistes contemporains, de Miró à Balthus (qui fit d'elle un célèbre portrait), et de Dalí à Georges Mathieu. Après son divorce en 1960, Hélène Anavi s'installa dans un moulin du sud-ouest de la France, entourée du plus clair de la collection. Très proche de Christian Bérard, elle possédait plusieurs œuvres de l'artiste - dont ce portrait.
Christian Bérard
1902-1949
Portrait d'une femme (Denise Bourdet)
1944 Huile sur toile
Collection particulière
Christian Bérard
1902-1949
Portrait d'une femme
(Hélène Gordon-Lazareff)
1939. Huile sur toile
Collection particulière
Victor Grandpierre et Christian Bérard
1902-1949
Christian Bérard dessinant les costumes du Songe d'une nuit d'été au château de Montredon
Juillet 1942. Tirage argentique avec rehauts d'aquarelle de Christian Bérard
Paris, Alexandre Biaggi
Alexandre Serebriakoff
1907-1994
L'Antichambre de Christian Bérard et Boris Kochno - rue Casimir- Delavigne
1948 Aquarelle, crayon graphite, encre noire et brune rehaussée de gouache sur papier vélin
Paris, collection Patrick Mauriès
Alexandre Serebriakoff
1907-1994
Intérieur - Le vestibule
Rue Casimir Delavigne
1947 Aquarelle, crayon graphite, encre noire et brune rehaussée de gouache sur papier vélin
Monaco, Nouveau Musée National de Monaco
Christian Bérard
1902-1949
Portrait de Jacques Dupont
1930 Huile sur toile
Grenoble, Musée de Grenoble
Christian Bérard
1902 1949
Autoportrait
1930 Huile sur toile
Monaco, Nouveau Musée National de Monaco. Ancienne collection Boris Kochno
Christian Bérard
1902-1949
Portrait de femme
1947 Pastel sur papier
Collection particulière
Christian Bérard
1902-1949
Portrait de Jean Cocteau
1927. Huile sur toile
Collection particulière
Christian Bérard
1902-1949
Deux autoportraits sur la plage
1933 Huile sur toile
Collection particulière
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Autoportrait 1924. Huile sur toile
Paris, Centre Pompidou. Musée national d'art moderne
Pavel Tchelitchew
Issu de l'aristocratie russe, scénographe avant d'être peintre, Pavel Tchelitchew (1898-1957) fuit son pays natal après la révolution d'Octobre 1917. II se réfugie avec sa famille à Kiev et suit pendant deux ans les enseignements de la peintre constructiviste Alexandra Exter et d'Isaac Rabinovitch, qui exerceront sur lui une profonde influence. Un nouvel exil à Odessa précède un séjour à Istanbul où il réalise sa première scénographie de théâtre, travail qu'il poursuivra dans le Berlin des années 1920.
II s'installe à Paris en 1923 et décide de se consacrer exclusivement à la peinture. Il présente au Salon d'automne de 1925 quelques tableaux, dont un mythique Panier de fraises, immédiatement remarqués par Gertrude Stein qui lui propose d'acheter l'ensemble de son œuvre. Il participe II l'année suivante à l'exposition de la galerie Druet et trouve très vite des amateurs inconditionnels en la personne de la poétesse Edith Sitwell, à Londres, ou du balletomane, critique et collectionneur Lincoln Kirstein, à New York. Le galeriste Julien Levy, inlassable défenseur des Néo- Romantiques, organise en 1934 la première exposition personnelle de Tchelitchew aux États-Unis et ce dernier s'y installe la même année avec son compagnon, l'éditeur et poète Charles Henry Ford.
II se voit consacrer une exposition monographique au Musée d'art moderne de New York dès 1942, et développera ensuite diverses manières qui s'éloignent toujours plus du chromatisme sombre et resserré de ses années parisiennes pour aboutir à des œuvres aux contrastes violents, à l'imagerie hallucinée, dans lesquelles certains ont pu voir la préfiguration de l'art psychédélique des années 1970. Il passe ses dernières années en Italie, où il meurt en 1957.
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Le cheval
1956 Crayon de couleur et pastel sur papier noir
Paris, collection José Quiroga
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Trois portraits de Joella Levy n.d⚫ Encre brune et lavis sur papier
Collection particulière
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Portrait de Patrice de La Tour du Pin 1933 Lavis sur papier
Collection particulière
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Portrait de Charles Henri Ford
1945. Encre sur papier
Collection particulière
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Clown (dit aussi Clown vert)
1929 Huile sur toile
New York, collection halley k harrisburg et Michael Rosenfeld
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Interior Landscape
1947. Huile sur toile
New York, collection halley k harrisburg et Michael Rosenfeld
"En fait, pour Tchelitchew, rien n'est simultané; tout s'ordonne pour la vision dans un mouvement de préséance où les couleurs se succèdent prestement. Pour apprendre à voir dynamiquement, j'ai écouté la leçon du peintre. L'oeil, m'a-t-il dit, obéit à la loi des quatre éléments. L'œil d'abord voit l'ocre, la couleur solide, la couleur sans drame, symbole de la terre. Puis l'oeil soumis à la dialectique la plus simple, celle du haut et du bas, voit le bleu symbole des légèretés aériennes. La chimie rétinienne commence: ocre et bleu donnent ensemble «l'illusion du vert»; l'illusion de l'élément trompeur qu'est l'eau féminine. Cette eau n'a pas de géométrie personnelle, elle prend pour ses reflets la géométrie des autres. Mais voici enfin le principe floral qui enflamme les objets: le rose le plus léger, le rose complémentaire pictural du vert, le rose qui est le premier feu. Pour Tchelitchew, un blanc naîtra au terme de toutes ces couleurs légendaires, un blanc de pure lumière, un blanc éthéréen."
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Nu
1926 Huile, sable et café sur toile Monaco, collection Georgy et Tatiana Khatsenkov
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Sans titre
1949. Encre sur papier
Paris, collection François Gibault. Ancienne collection Pierre Le Tan
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Portrait de Edulji Dinshaw
1940. Gouache sur panneau
Monaco, collection Georgy et Tatiana Khatsenkov
Pavel Tchelitchew
1898-1957
The Sun
1945. Tempera sur isorel
New York, avec l'aimable autorisation de la Michael Rosenfeld Gallery LLC
Pavel Tchelitchew
1898-1957
Portrait de Fidelma (paysage intérieur) Vers 1947. Huile sur toile
New York, avec l'aimable autorisation de la Michael Rosenfeld
Gallery LLC
Eugène Berman
Eugène Berman (1899-1972) appartenait à une famille aisée de Saint-Pétersbourg, ville qu'il dut fuir, en même temps que son frère Léonide, lors de la révolution de 1917. À Paris, ils s'inscrivent, sur la recommandation de leur professeur, Nicolas Roerich, à l'académie Ranson, où ils ne tardent pas à se lier avec certains de leurs condisciples parisiens, futurs membres du courant néo-romantique. Un premier voyage en Italie, la découverte de Giorgio de Chirico, mais aussi la rencontre avec deux architectes et décorateurs, Emilio Terry et Jean-Charles Moreux sont autant d'éléments qui décident assez tôt de l'inspiration et des sujets de Berman, dont les toiles aux teintes sourdes se couvrent de mystérieuses scènes urbaines, de paysages mélancoliques, déserts ou parsemés de ruines, qui rappellent ceux de certains peintres et graveurs italiens du XVIIe siècle.
Il est tout naturellement appelé à prolonger cet imaginaire dans des décors et scénographies - de théâtre, de ballet et d'opéra, aussi bien en France qu'aux États-Unis, où il s'installe au milieu des années 1930. Une rupture s'opère dans sa peinture, dont les couleurs se font plus vives, contrastées, voire saturées, tandis qu'il développe un nouvel univers visuel fondé sur la transfiguration du paysage américain.
Le suicide de sa femme, l'actrice Ona Munson, qui inspira d'innombrables variations sur le thème d'une créature mythologique à la chevelure flamboyante, compte sans doute parmi les motifs de son départ des États-Unis après- guerre, et de son installation définitive à Rome, où il peut donner libre cours à sa fascination pour le monde antique et les objets archéologiques. Il lègue à l'État italien, à sa mort en 1972, l'importante collection qu'il a rassemblée lors de ses voyages - véritable musée qui fait écho à celui, imaginaire, de son œuvre.
Eugène Berman
1899-1972
Tête
1963. Encre et aquarelle sur papier
Collection particulière
Eugène Berman
1899-1972
Sunset (Medusa) 1945 Huile sur toile
Raleigh, North Carolina Museum of Art. Don du North Carolina State Art Society (Robert F. Phifer Bequest) en l'honneur de Beth Cummings Paschal
Eugène Berman
1899-1972
Dormeurs près d'une statue et d'un campanile
1932 Huile sur toile
Monaco, collection Georgy et Tatiana Khatsenkov
Eugène Berman 1899-1972
Marie-Laure de Noailles
1938 Huile sur toile
Collection particulière
Mécène, écrivain et peintre, égérie mondaine des années 1920 aux années 1960, Marie-Laure de Noailles (1902-1970) servit de modèle aux nombreux artistes qu'elle côtoyait - de Picasso à Valentine Hugo en passant par Balthus, Dora Maar ou Giacometti. Christian Bérard, puis Eugène Berman réalisèrent son portrait, deux toiles qui eurent les honneurs du fumoir de l'hôtel particulier de la place des États-Unis qu'elle possédait avec son mari. On notera dans la composition du grand tableau de Berman, au mur de ce que l'on imagine être l'atelier de l'artiste, une variation de ce portrait de Marie-Laure de Noailles en bohémienne, où elle se tient debout, en extérieur et, surtout, de dos, singularité éminemment bermanienne.
Eugène Berman
1899-1972
À la recherche des nuages évanouis
1940 Huile sur toile
Paris, Alexandre Biaggi
Eugène Berman
1899-1972
Mélancolie
1937 Huile sur toile
Collection particulière
Eugène Berman
1899-1972
Vase en verre de Murano, série "Ruines",
pour la maison Venini
Vers 1950
Collection particulière
En 1951, Eugène Berman répondit, en même temps que les artistes et designers Gio Ponti, Piero Fornasetti ou Tobia Scarpa, à l'invitation de Paolo Venini (1895-1959), fondateur de la célèbre verrerie vénitienne éponyme, qui souhaitait donner un tour contemporain à sa production. Berman imagina une série de vases et d'objets qu'il rassembla sous le titre de Rovine (« Ruines »). Exécuté selon la technique du « scavo», qui cherche à retrouver, par l'application d'une poudre minérale sur la surface de l'objet, l'aspect des verres antiques après leur extraction lors de fouilles (scavi), le vase de couleur verte est ponctué d'applications rubanées et de mascarons à têtes de lion. On retrouve le même motif dans le vase de couleur bleue, moins travaillé, mais toujours exécuté selon la technique du scavo, qui pourrait être un essai ou un prototype dont les exemples sont rares.
Eugène Berman 1899-1972
Scène de la Vie des Bohémiens pour la salle à manger de James Thrall Soby 1936 Cinq huiles sur panneau
Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art. Don de James T. Soby en mémoire de son père, Charles Soby
Auteur de l'étude séminale sur les Néo-Romantiques (After Picasso, 1935), James Thrall Soby (1906-1979) fit partie du petit groupe de collectionneurs, conservateurs et galeristes qui prirent fait et cause aux États-Unis pour le mouvement dès les années 1930. Inlassable défenseur de Berman en particulier, il lui commanda en 1936 une série de panneaux en trompe-l'oeil pour la salle à manger de sa résidence à Farmington, près de Hartford. Marqués par le souvenir d'un récent voyage de Berman en Sicile, ces panneaux retrouvent l'esprit des grands décors du baroque italien et comptent parmi les œuvres les plus remarquables de l'artiste.
Eugène Berman
1899-1972
Vase en verre de Murano Vers 1950
Collection particulière
Léonide Berman
La vie de Léonide Berman (1896-1976) reste étroitement liée jusqu'à la déclaration de guerre de 1939 à celle de son frère Eugène. Même enfance privilégiée à Saint-Pétersbourg, mêmes dispositions pour le dessin et l'art en général, même exil à Paris quand ils sont chassés de leur Russie natale par les événements d'octobre 1917. Et c'est ensemble qu'ils s'inscrivent a l'académie Ranson, ou Léonide est rapidement emporté dans un imbroglio sentimental avec Thérèse Debains et Christian Bérard. Il trouve une inspiration particulière dans le paysage littoral français, depuis la Côte d'Azur jusqu'à la mer du Nord, qui confère à son œuvre une tonalité chromatique restreinte, d'ocres et de camaïeux perlés de verts, et lui permet de jouer du contraste entre l'immensité de l'espace et les limites de la toile.
Il s'installe en 1946 aux États-Unis et reprend, sous le nom de Leonid, le fil d'une œuvre dont les paysages, d'une palette désormais différente, sont aussi bien americains que japonais, indiens, thaïlandais, anglais, italiens ou portugais. Il a laissé un important journal, écrit en français, dont une partie, source précieuse sur les débuts du néo-romantisme, a été publiée en 1976 à New York sous le titre The Three Worlds of Leonid
Léonide Berman
1898-1976
Pêcheuses de crevettes
1948 Huile sur toile Collection particulière
Si les premiers rivages français que découvrit Léonide Berman furent sans doute méditerranéens, ce sont ceux de la Manche et de la mer du Nord, révélés lors d'un séjour à Boulogne-sur-Mer en 1929, qui devaient le marquer et fixer pour de longues années son imaginaire topographique et sa palette. « J'avais trouvé mon sujet », écrivit-il plus tard, << la mer, l'espace et la solitude. » Par la suite, jusqu'à son départ de France, il exploita inlassablement ces côtes et ces lumières sur des petites toiles aux coloris sourds, plus proches de certains tableaux vénitiens d'un Francesco Guardi que des impressionnistes, où l'espace semble se déployer à l'infini, piqueté ici et là par les silhouettes plus ou moins ténues des humains et de leurs outils
Leonide Berman
1898-1976
Malamocco, Lagune Vénitienne 1948 Huile sur toile
Monaco, collection Georgy et Tatiana Khatsenkov
Léonide Berman
1898-1976
Portrait de Georges Hugnet
1931 Huile sur toile
Collection particulière
Léonide Berman
1898-1976
Sachuest Point, Sakonnet River, Rhode Island
1951 Huile sur toile
New York, avec l'aimable autorisation de la Michael Rosenfeld Gallery LLC
Détail du tableau précédent
Léonide Berman
1898-1976
Le Chalutier
1935 Huile sur toile
Paris, collection Patrick Mauriès
Léonide Berman
1898-1976
Pêcheurs avec nasses
Vers 1940 Huile sur toile
Collection particulière
Léonide Berman
1898-1976
Fillette à l'araignée
Vers 1946 Huile sur toile
Collection particulière
Thérèse Debains
Née en 1897 à Versailles, où elle vécut longtemps en compagnie de sa mère et de sa sœur, Thérèse Debains est sans conteste la figure la plus elusive du néo- romantisme, au point d'être régulièrement ignorée jusque dans les chroniques de l'époque. Elève à l'académie Ranson, elle fit pourtant partie du premier cercle du mouvement: d'une beauté solaire, elle était considérée comme l'un des talents les plus prometteurs du groupe et avait noué une amitié passionnée avec Bérard, auquel elle était liée par une culture et un goût communs. Le duo fascinait en particulier Léonide Berman qui y voyait, ainsi qu'il l'écrivit plus tard, << deux êtres qui étaient typiquement français, au physique comme au moral ». Un triangle amoureux ne tarda pas à se nouer aux conséquences plutôt désastreuses.
Quoiqu'elle ait poursuivi une longue carrière de peintre jusqu'à sa disparition en 1974, Thérèse Debains s'effaça très tôt derrière son œuvre, produisant essentiellement des portraits, des tableaux de fleurs et des paysages de Bretagne dans une gamme de couleurs claires et transparentes qui semblent marquer comme un retour vers le post-impressionnisme de ses débuts. Il est permis d'espérer que la présente exposition marque le début de sa redécouverte et permette de retracer enfin le parcours de cette artiste injustement sous-estimée
Thérèse Debains
1897-1975
Bouquet de fleurs n.d. Huile sur panneau
Collection particulière
Thérèse Debains
Portrait de jeune garçon
n.d-Huile sur panneau
Collection particulière
Christopher Wood, Sir Francis Rose
Figures intermédiaires entre l'Angleterre et la France, dont ils étaient également familiers, fréquentant les cercles de Gertrude Stein et des Noailles comme ceux de l'establishment artistique britannique, Christopher Wood (1901-1930) et Sir Francis Rose (1909-1979) offrent deux éminentes figures d'«< irréguliers », proches en esprit comme dans leurs parcours des Néo-Romantiques parisiens.
Artiste remarquable à la vie aventureuse, disparu prématurément, le premier partagea l'opium avec Jean Cocteau et fut lié au poète Max Jacob, au compositeur Georges Auric, à Christian Bérard et au peintre Jean Hugo. Restreinte, par la force des choses, son œuvre est cependant d'une grande richesse stylistique. L'admirable portrait de Jean Bourgoint a ceci d'exemplaire qu'il représente une figure de la bohème artistique et littéraire de l'époque, modèle supposé, avec sa sœur Jeanne, des Enfants Terribles de Cocteau.
En 1925, peu avant sa mort, Wood rencontra Sir Francis Rose qui devint son amant, complice et modèle. Peintre, scénographe, illustrateur, familier du beau monde comme des milieux interlopes, ce dilettante émérite bénéficia du soutien inébranlable de Gertrude Stein. II eut droit en 1938 aux honneurs du Petit Palais où fut présenté, en même temps que des œuvres inspirées par un voyage en Chine, l'Ensemble que l'on peut voir à l'entrée de l'exposition. Sir Francis Rose appartient de plein droit à l'histoire de ces excentriques anglais dont Edith Sitwell disait qu'ils étaient le produit de l'incomparable "sens de l'infaillibilité qui est l'apanage et la particularité de la nation Britannique"
Sir Francis Rose
1909-1979
L'Ange et le prince
1932. Huile sur isorel
Paris, collection Patrick Mauriès
Christopher Wood
1901-1930
Garçon avec un chat (Jean Bourgoint)
1926 Huile et graphite sur toile
Cambridge, Kettle's Yard, University of Cambridge
Sir Francis Rose
1909-1979
Portrait aux étoiles
n.d
Encre, crayon, gouache et aquarelle sur papier
Collection particulière
Sir Francis Rose
1909-1979
Personnage d'après Le Nain
n.d. Huile sur panneau
Collection particulière
Kristians Tonny
D'origine hollandaise, arrivé à Paris en 1913 Kristians Tonny (1907-1977) commença une carrière d'enfant prodige, exposant pour la première fois dans une galerie parisienne en 1920 puis à Amsterdam quatre ans plus tard. Dessinateur remarquable, il fut l'objet, comme Tchelitchew ou Berman, de l'engouement de Gertrude Stein, puis se gagna le soutien de Chick Austin qui lui commanda une fresque pour l'auditorium du Wadsworth Atheneum en 1937. En dépit de sa profonde implication dans le mouvement néo-romantique, l'œuvre de Tonny garde une qualité particulière et s'inscrit dans la continuité de la tradition de fantaisie extravagante et grotesque qui, notait James Thrall Soby, remonte à Jérôme Bosch et Brueghel. Il cultive d'un côté un univers grouillant, un dessin touffu, saturant l'espace de la toile ou du papier; et de l'autre, des portraits fouillés, « nordiques, précis plutôt que teintés de sentiments comme pouvaient l'être ceux de Bérard >> (Soby).
Après avoir quitté Paris pour Tanger, puis les États-Unis et le Mexique à la fin des années 1930, Tonny revint en Europe juste avant la guerre et se rallia au surréalisme qu'il essaya d'acclimater aux Pays-Bas. De retour à Amsterdam en 1949, il passa la dernière partie de sa vie à poursuivre dans le silence une œuvre abondante et solitaire jusqu'à sa mort en 1977.
Kristians Tonny
1907-1977
Autoportrait
n.d Huile sur toile
Collection particulière
Non identifié
Kristians Tonny
D'après Van Eyck (Gertrude Stein)
1930-1936 Encre noire et tempera sur isorel collée
sur carton
1907-1977
Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art. The Ella Gallup Sumner and Mary Catlin Sumner Collection Fund
Italies
L'Italie, son paysage et son art, qu'il soit ancien ou moderne, rayonne au cœur de l'imaginaire néo-romantique. Christian Bérard et les frères Berman en particulier firent plusieurs voyages dans la péninsule dès les années 1920, et ils s'avouèrent marqués de façon indélébile tant par la peinture << métaphysique >> d'un de Chirico ou d'un Carlo Carrà, comme on l'a vu au début de ce parcours, que par la remise en lumière des maîtres du Quattrocento ou encore par la peinture du Baroque italien. À quoi s'ajoutait, dans le cas d'Eugène Berman, la fascination pour l'architecture du classicisme et du Barocco.
Si Waldemar-George essaya de rapprocher les Néo-Romantiques de certains courants artistiques et critiques italiens proches du fascisme, lesquels prônaient le retour à une « romanité » originaire, il est clair que le rêve italien des Néo-Romantiques tenait plus à la nostalgie et à la réinvention d'un héritage ou d'une mémoire ; les frères Berman ainsi que Tchelitchew furent profondément impressionnés par l'architecture de Saint-Pétersbourg, ville « italienne » s'il en est; Pavel Tchelitchew et Eugène Berman choisirent de retourner à Rome, après la guerre, et d'y passer leurs dernières années.
Christian Bérard
1902-1949
Les Musiciens, Projet de décor pour Marie-Blanche de Polignac
Vers 1937. Peinture à l'huile sur maquette en plâtre Londres, collection Julia and Michael Pruskin
Eugène Berman
1899-1972
Pisan Fountain
1957 Encre de Chine sur papier
Rome, Galleria del Laocoonte
Eugène Berman
1899-1972
Rome I
1951 Aquarelle, encre et gouache sur papier
Paris, Alexandre Biaggi
Eugène Berman
Italian Symphony
1939. Encre et gouache sur papier
New York, avec l'aimable autorisation de la Michael Rosenfeld Gallery LLC
1899-1972
C'est pour les Ballets russes du «colonel W. de Basil» qu'Eugène Berman travailla en 1939 aux décors d'un ballet chorégraphié par David Lichine sur la Symphonie n° 4 en la majeur, dite « Italienne », du compositeur du xixe siècle, Felix Mendelssohn. La déclaration de la Seconde Guerre mondiale mit un terme prématuré à ce projet, dont il ne reste que des esquisses préparatoires, dont celle-ci, destinée au quatrième mouvement de la symphonie. Bâtiments en ruines, étoffes déchirées et flottant au vent, ouvertures aux allures de cadres vides ouvrant sur d'autres décors: comme souvent dans ses contributions scéniques, Berman n'est pas ici simple décorateur; il se fait aussi peintre, sculpteur et architecte, livrant une scénographie baroque, exaltant les équivoques et les mirages, le vertige du vrai et du faux, de l'original et de la copie, de l'allusion et de la citation.
Leonor Fini
1908-1996
La Peinture et l'Architecture 1938-1939 Deux huiles sur panneau Collection Warren H. Lortie, avec l'aimable autorisation de la Weinstein Gallery
Eugène Berman
1899-1972
Garde-robe en trompe-l'oeil pour la galerie
René Drouin, place Vendôme 1939 Toile peinte sur châssis en pin
Londres, Victoria and Albert Museum
Cette impressionnante garde-robe fut présentée lors de l'exposition inaugurale de la galerie Drouin, en 1939, et à l'invitation de l'artiste Leonor Fini. La forme est un simple parallélépipède surmonté d'un fronton triangulaire, et couvert d'un savant trompe-l'oeil où l'artiste donne libre cours à sa fascination pour les architectures de Palladio et de Serlio, mais aussi pour la thématique de la ruine qui traverse toute son œuvre. Rare mobilier que Berman ait réalisé dans sa carrière, cet objet en trompe-l'oeil lui permit de mener plus loin encore ses recherches sur l'illusionnisme en peinture, passant de la toile à un objet en trois dimensions.
17 place Vendôme, 5 juillet 1939
En 1939, René Drouin, qui avait jusqu'alors mené une carrière de designer au goût moderniste, s'associa avec un ami fraîchement arrivé de Roumanie, Leo Castelli, pour ouvrir une galerie place Vendôme, dans l'immeuble mitoyen de celui de la créatrice de mode Elsa Schiaparelli. Ils confièrent la direction artistique de l'exposition inaugurale à une jeune artiste, native de Trieste comme Castelli, et déjà bien introduite dans les milieux artistiques et mondains parisiens, Leonor Fini (1907-1996).
Amie de Max Ernst, Paul Éluard et Salvador Dalí, elle l'était aussi de Pavel Tchelitchew et d'Eugène Berman; et elle associa ce dernier au projet de l'exposition dont le thème était les meubles oniriques. Il imagina un cabinet-ruine qui répondait à l'« armoire anthropomorphe »>, bordée de créatures ailées aux chevelures ondoyantes, qu'avait pour sa part composée Fini et qu'elle compléta de deux panneaux en grisaille, dans l'esprit des Costumes grotesques imaginés vers 1700 par Nicolas de Larmessin, représentant la Peinture et l'Architecture. L'armoire de Berman, conservée au Victoria & Albert Museum de Londres, et les deux panneaux de Leonor Fini, provenant d'une collection privée américaine, sont réunis ici pour la première fois depuis l'exposition de juillet 1939, qui marqua une césure importante dans l'histoire du néo-romantisme.
Scènes de théâtre
Le théâtre, le ballet, l'opéra occupent une place fondamentale tant dans la pratique que dans la thématique des Néo-Romantiques. Thématique dérivée pour une part du Picasso des périodes rose et bleue, de ses familles de saltimbanques, de ses personnages de commedia dell'arte et de ses travestissements multiples qui seraient, selon Jean Starobinski, « une façon détournée et parodique de poser la question de l'art». Elle trouvait aussi son origine, particulièrement dans le cas des Berman et de Tchelitchew, dans la fréquentation du théâtre et de l'opéra dès leur adolescence et dans leur proximité avec l'univers de Diaghilev et des Ballets russes. C'est donc tout naturellement qu'ils furent ensuite amenés à collaborer directement avec les plus grandes scènes, du Théâtre des Champs-Élysées au Metropolitan Opera et à la Scala.
Christian Bérard, de son côté, marqua profondément de son empreinte le monde du théâtre parisien, par ses collaborations avec Louis Jouvet, et celui du cinéma, avec les décors et costumes qu'il exécuta pour Jean Cocteau. Art de la représentation, du décalage, de la citation et de la métamorphose, la scénographie, au sens large, correspondait parfaitement à l'un des aspects de la sensibilité des Néo-Romantiques ; ils y excellèrent souvent, sans que cela soit porté à leur crédit, dans la mesure où l'on a souvent considéré ce genre de création comme une forme d'art secondaire ou impure.
Christian Bérard
1902-1949
Scène antique
Vers 1930 Gouache sur papier
Paris, collection Patrick Mauriés
Christian Bérard
La Chambre du poète 1941. Gouache sur papier
Collection particulière
Eugène Berman
1899-197
Les Vents
1945 Encre et gouache sur papier découpé
Collection particulière
Christian Bérard
1902-1949
Mozart
1945 Gouache sur papier noir Collection particulière
La figure de Mozart est un des liens qui unissent étroitement Christian Bérard et Eugène Berman. Le premier imagina dès 1933 les décors et costumes d'un Mozartiana pour les Ballets russes, ne cessant ensuite de revenir sur le thème dans de nombreux lavis et aquarelles; le second dessina un Così fan tutte pour la Scala de Milan en 1956, Don Giovanni pour le Metropolitan Opera de New York, après avoir imaginé, à son tour, des Mozartiana, recueil de huit lithographies publié pour le bicentenaire de la naissance du compositeur. Celui-ci incarnait pour l'un et l'autre la plus belle expression de la légèreté mélancolique, d'une nostalgie essentielle, et d'une vision de l'existence aussi sensuelle et enjouée que foncièrement tragique
On profite des collections permanentes de ce délicieux musée pour prendre quelques photos au gré de la visite :
JACQUES LOUIS MICHEL GRANDIN NÉ EN 1780
SAPHO ET DEUX DE SES COMPAGNES
Achevé en 1808
Huile sur toile
Restaurée en 2017 grâce au soutien de l'Association des Amis du musée Marmottan Monet.
Legs Paul Marmottan, 1932.
JACQUES-ANTOINE VALLIN 1760-1831
JEUNE VIOLONCELLISTE
1810
Huile sur toile
Legs Paul Marmottan, 1932
MAÎTRE DE CESI
TRIPTYQUE : L'ASSOMPTION DE LA VIERGE Peinture à tempera sur bois
Dépôt de la Fondation Ephrussi de Rothschild.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire