lundi 6 mars 2023

Black is beautiful, une exposition de Faith Ringglod au musée Picasso en mars 2023

Intéressante exposition à l'hôtel Salé sur cette artiste américaine attachante dont voici l'essentiel :

Early Works #25: Self-Portrait
[Autoportrait]
1965
Huile sur toile
Brooklyn Museum Don d'Elizabeth A. Sackler, 2013. 2 13.96

Figure majeure d'un art engagé et féministe américain, depuis les luttes pour les droits civiques jusqu'à celles du mouvement Black Lives Matter, autrice de célèbres ouvrages de littérature jeunesse, Faith Ringgold a développé une œuvre qui relie le riche héritage de la Renaissance de Harlem à la scène artistique actuelle africaine-américaine. Elle mène, à travers ses relectures de l'histoire de l'art moderne, un dialogue plastique et critique avec l'art du début du XXe siècle, notamment avec Pablo Picasso et ses Demoiselles d'Avignon.
Née à New York en 1930, elle a grandi à Harlem, quartier nord de Manhattan devenu, dans l'entre- deux-guerres, la capitale symbolique de l'éveil culturel des communautés noires, encouragé notamment par l'ouvrage The New Negro (1925) de l'écrivain et philosophe Alain Locke. Dès ses premières œuvres, au début des années 1960, Faith Ringgold témoigne des relations interraciales conflictuelles aux États- Unis et s'emploie à créer un art africain-américain à l'identité propre. Elle ne cesse de transposer sa vision révolutionnaire du Black Power en une
approche inédite de la théorie des couleurs et des techniques, à travers une forme biographique proche de l'autofiction. Mêlant modernité et traditions vernaculaires, textes et images, elle développe un art original de la performance et du textile. Son œuvre radicale et populaire, remise à l'honneur notamment au moment de la nouvelle présentation des collections du Museum of Modern Art de New York en 2018, est fondatrice pour nombre d'artistes aujourd'hui.

Early Works #15: They Speak No Evil
[Ils ne disent pas de mal]
1962
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York

Early Works #20: Black and Blue Man [Homme noir et bleu]
Early Works #17: Black Man
[Homme noir]
Early Works #22: Uptight Negro
[Noir guindé]
1964
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York

American People Series #19: U.S. Postage Stamp Commemorating the Advent of Black Power
[Timbre postal américain commémorant l'avènement du Black Power]
1967
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York
Cette grande composition fait partie des trois grandes peintures qui concluent la série American People. Faith Ringgold reprend le format géant d'un timbre- poste dans lequel elle inscrit cent visages de Blancs, de métis et de Noirs, selon une grille blanche formée par le mot invisible mais structurant, « White Power ». La diagonale formée par les lettres noires plus petites du mot «Black Power » vient barrer la composition, selon un jeu typographique pop art.

Black Light Lumière noire
En 1963, l'année du Civil Rights Act qui est censée mettre fin à toutes les formes de ségrégation ou de discrimination, Faith Ringgold entreprend une longue série sur le racisme ordinaire, American People [Les Américains]. En 1967, alors que les tensions sont à leur comble, elle peint selon une palette sombre et subtile des toiles dites Black Light [Lumière noire]. Elle y célèbre la beauté afro nouvellement reconnue, notamment au travers du slogan «< Black Is Beautiful>>. Cette série de douze toiles monochromes qui jouent avec les codes de l'abstraction sera montrée en janvier 1970, lors de sa deuxième exposition personnelle à la galerie Spectrum de New York. En parallèle, l'artiste s'engage au sein du mouvement Black Power en réalisant des affiches militantes à partir de compositions typographiques.


Black Light Series #11: US America Black
[Noire Amérique]
1969
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York

American People Los Américains
Avec sa série American People [Les Américains], Faith Ringgold offre un commentaire acerbe sur l'American Way of Life au lendemain de la ségrégation, dans des compositions figuratives très stylisées, au style « super réaliste »>. Dans le contexte extrêmement violent du long été caniculaire (Long Hot Summer) de 1967, point d'orgue d'une série de soulèvements durement réprimés, l'artiste entreprend, pour clore sa série, trois larges tableaux programmatiques reflétant la situation politique et sociale: The Flag Is Bleeding [Le drapeau saigne]; U.S. Postage Stamp Commemorating the Advent of Black Power [Timbre postal américain commémorant l'avènement du Black Power] et Die [À mort!]. Conçus comme autant de monuments commémoratifs, ces tableaux à vocation politique s'inscrivent dans la lignée du Guernica de Pablo Picasso, présenté alors au Museum of Modern Art de New York, ou des œuvres des muralistes mexicains tels que Diego Rivera. Faith Ringgold recourt ouvertement à des références détournées du pop art (Flag de Jasper Johns, grille répétitive des sérigraphies d'Andy Warhol, composition typographique de Robert Indiana...)

American People Series #20: Die
[A mort!]
1967
Huile sur toile, deux panneaux
The Museum of Modern Art, New York Acquis grace à la générosité de The Modern Women's Fund Ronnie F. Heyman, Glenn and Eva dubin Lonti Ebers, michael S. Cvitz, Daniel and Brett Sundheim, et Gary et Karen Winnick
Pour cette représentation de rixe violente, quasiment de guerre civile, l'artiste s'inspire du grand tableau manifeste Guernica présenté alors au Museum of Modern Art de New York. L'oeuvre, scène de massacre d'un village basque, peinte par Pablo Picasso en 1937 pour l'éphémère République espagnole, est montré dès 1939 aux États-Unis alors que l'Espagne est devenue franquiste et que la guerre se déclare en Europe. Selon les voeux du peintre, le tableau restera à New York jusqu'à la chute du dictateur Franco. En 1981, il rejoint les cimaises du Museo Nacional del Prado à Madrid
Faith Ringgold recrée ainsi dans son propre tableau une frontalité agressive en juxtaposant au damier gris abstrait du fond l'entremêlement de figures stéréotypées semblables, signes du caractère fratricide de la scène.

American People Series #6: Mr. Charlie
[M. Charlie]
1964
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York
Portrait d'un Blanc, un « Charlie» en argot, que l'artiste décrit ainsi: «une grande tête souriante d'un Blanc condescendant», désignant une forme de bien- pensance charitable et de malaise sous-jacent.

American People Series #3: Neighbors
[Les Voisins]
1963
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York

American People Series #10. Study Now
[Étudiez !]
1964
Huile sur toile
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York
Ce portrait est celui de Charlayne Hunter-Gault, l'une des toutes premières étudiantes noires américaines, qui fit son entrée à l'université de Géorgie en 1961. Le titre du tableau l'apparente à un appel politique et collectif.

Tanka
Lors d'un voyage en Europe, en 1971, Faith Ringgold découvre au Rijksmuseum d'Amsterdam des peintures sur tissu tibétaines et népalaises du XVe siècle, dites «< tanka »>, qui lui inspirent en 1972 sa première série picturale textile de dix-neuf peintures, Slave Rape. Les bordures décoratives sont conçues par sa mère styliste, Willi Posey, inaugurant une collaboration continue. L'artiste aborde pour la première fois et de façon frontale, la question de l'esclavage, se mettant en scène avec ses deux filles sur fond de paysage, dans les trois premiers tanka. Elle trouve-là un mode d'expression qui lui permet de renouer avec ses racines africaines-américaines vernaculaires et celles, plus lointaines, africaines.


Echoes of Harlem
1980
coton peint à la main
Studio Museum in Harlem, New York Don de Altria Group, Inc. 2008.13.10
Faith Ringgold vient au quilt, pratique féminine ancienne des foyers africains-américains, au moment où elle commence à écrire son autobiographie. Elle associe résolument cette technique au récit: «Les Africains- Américains en confectionnaient pour leurs lits. Les femmes s'asseyaient en cercle et cousaient, tout en discutant et en racontant des histoires. Donc, oui, les contes et les quilts sont liés depuis des siècles.» Echoes of Harlem est sa toute première peinture sur quilt réalisée avec sa mère. Œuvre de transition, il n'y a pas encore de texte, mais une grille de portraits, proche de ses peintures géométriques de la fin des années 1960.

Women's Liberation Talking Mask
[Masque parlant de la libération des femmes]
1973
Technique mixte, installation
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York
Ce masque est l'un des tout premiers créés par Faith Ringgold. En confectionnant poupées et masques, l'artiste unit dans la performance, son militantisme à son expression artistique. Ici, elle hypertrophie la bouche, signe de la prise de parole dans le mouvement de libération des femmes.

Coming to Jones Road Part 2: Martin Luther King Jr.
Tanka #3: I Have a Dream
[En arrivant sur Jones Road, Partie 2 : Martin Luther King Jr. Tanka n°3: J'ai fait un rêve]

Coming to Jones Road Part 2: Sojourner Truth Tanka #2: Ain't I A Woman?
[En arrivant sur Jones Road, Partie 2

Coming to Jones Road Part 2: Harriet Tubman Tanka #1: Escape to Freedom [En arrivant sur Jones Road, Partie 2

Slave Rape #2: Run You Might Get Away [Cours, tu pourrais t'en sortir]

Slave Rape #3: Fight to Save Your Life [Bats-toi pour sauver ta vie]

Slave Rape #1: Fear Will Make You Weak
[La peur te rendra faible]

The French Collection 
Quilts points Story quilts
<< Mon art est ma voix. » Faith Ringgold nous raconte des histoires à travers ses quilts qui associent un tableau peint central et un texte dense en guise de bordure; la teneur biographique de son travail se fait plus prégnante; elle narre son parcours sous forme de réflexions et d'histoires imaginaires et édifiantes. Dans la série ambitieuse The French Collection, elle campe une jeune artiste africaine-américaine cherchant sa voie dans le Paris des années 1920. Cet ensemble est particulièrement important quant à la relecture qu'il propose de l'art moderne à l'aune des enjeux de la Renaissance de Harlem et des sources artistiques que Faith Ringgold revendique et intègre dans son travail, notamment Pablo Picasso ou Henri Matisse, mais aussi Gertrude Stein. À travers douze tableaux peints entre 1991 et 1997, d'après ses souvenirs d'un voyage à Paris en 1961 et d'une résidence dans le sud de la France, à La Napoule, elle déploie des situations imaginaires, pleines de fantaisie, mettant en scène des acteurs réels historiques, des lieux de la scène française mais aussi des personnalités africaines- américaines historiques et contemporaines. Mélangeant les époques et les générations, elle propose une plongée dans les idéaux de la Renaissance de Harlem qui interrogent le lien à la modernité des objets africains et qui fondent une modernité spécifique africaine-américaine, dans laquelle elle exhorte les femmes à occuper leur place.

The Bitter Nest, Part III: Lovers in Paris
[Le Nid d'amertume, Partie III: Les Amoureux à Paris]
1988
Acrylique sur toile, tissu imprimé et teinté dans la masse, encre
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York

The Bitter Nest, Part IV: The Letter
[Le Nid d'amertume, Partie IV: La Lettre]

Picasso's Studio: The French Collection Part I, #7
[L'atelier de Picasso]
1991
Acrylique sur toile, tissu imprimé et teinté dans la masse, encre. Worcester Art Museum, Worcester, Charlotte E.W.Buffington Fund. 1998.148
L'héroïne Willia Marie Simone pose dans l'atelier de Pablo Picasso. Les figures des Demoiselles d'Avignon, chef d'œuvre de 1907, et les masques africains accrochés aux murs exhortent la jeune fille à embrasser sa vocation d'artiste, garante de sa liberté. Épisode majeur de la série, le tableau fonctionne à la fois comme un révélateur et un catalyseur de l'engagement artistique et souligne l'importance des sources africaines pour l'art moderne.

Le Café des Artistes: The French Collection Part II, #11
1994
Acrylique sur toile, tissu imprimé et teinté dans la masse, encre.
Collection particulière
Le Café des Artistes apparaît comme une sorte d'épilogue. Willia Marie Simone tient un café, place Saint-Germain-des-Prés, lieu de ralliement de la scène artistique parisienne. Y figurent Henri de Toulouse-Lautrec, Maurice Utrillo, Paul Gauguin et Vincent Van Gogh, mais aussi des artistes africains- américains: Loïs Mailou Jones, Meta Vaux-Warrick Fuller, Elizabeth Catlett, William H. Johnson, Archibald Motley, Sargent Johnson, Henry Ossawa Tanner, Romare Bearden, Jacob Lawrence et Faith Ringgold elle-même... La jeune artiste déclame devant eux son «Manifeste de la femme de couleur sur l'art et la politique>>.

Wedding on the Seine: The French Collection Part 1, #2
[Mariage sur la Seine]
1991
Acrylique sur toile, tissu imprimé et teinté dans la masse, encre.
Collection particulière
Au début de l'histoire de l'alter ego de Faith Ringgold, Willia Marie Simone est représentée sur le Pont-Neuf, petite figure fuyant son mariage afin de préserver sa liberté et sa vocation d'artiste: «Il n'y avait qu'une seule chose à laquelle je pouvais penser. Sortir de cette église et prendre l'air [...]. J'aurais pu courir pour toujours [...]. Je devais faire une déclaration. Quelque chose de plus que "j'obéis" et "je fais".

The Sunflowers Quilting Bee at Arles: The French Collection Part I, #4
[Les Tournesols : l'atelier de quilting à Arles]
1991
Acrylique sur toile, tissu imprimé et teinté dans la masse encre.
Collection Oprah Winfrey, Los Angeles
L'artiste imagine ici une scène située à Arles en hommage à Vincent Van Gogh au milieu d'un champ de tournesols. Elle réunit en une confrérie chargée de diffuser la bonne parole, «l'Abeille de patchwork des tournesols », un groupe d'Africaines-Americaines, femmes d'art et militantes des droits civiques: Harriet Tubman, Madam C.J. Walker, Ida B. Wells, Mary McLeod Bethune, Fannie Lou Hamer, Rosa Parks, Ella Baker.

Gospels et performances
Rejoignant à son retour d'un voyage en Afrique le Black Arts Movement, Faith Ringgold renoue avec une certaine tradition pastorale américaine, héritée de l'Église abyssinienne de son enfance à Harlem, en concevant un spectacle- performance itinérant dans les universités du pays, The Wake and Resurrection of the Bicentennial Negro (1975-1989). En réponse à la commémoration du bicentenaire de la Déclaration d'indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776, soit deux cents ans d'esclavage et d'oppression, elle met en scène un récit allégorique et prophétique sur la condition des Noirs, à partir d'une installation d'effigies en tissu, d'accessoires et de fleurs : un couple africain-américain, Buba, lui, mort d'overdose, et Bena, de chagrin, ressuscite dans un monde meilleur égalitaire. La performance de danses et déclamations des étudiants masqués a lieu sur un fond sonore d'extraits du fameux discours de Martin Luther King,


The Flag is Bleeding #2: The American Collection #6
[Le drapeau saigne n° 2]
1997
Acrylique sur toile avec tissu peint et piqué Glenstone Museum, Potomac, Maryland
En 1997, Faith Ringgold dans sa dernière série de quilts peints, American Collection, dresse un constat amer sur la situation des Africains-Américains aux États-Unis. Dans The Flag Is Bleeding #2, elle reprend le thème du drapeau qui saigne, vingt ans après celui de la série American People. La femme blanche pacificatrice de la composition de 1967 a disparu, laissant place à une femme noire qui tente de protéger ses enfants.


Tar Beach #2
[La plage de goudron n°2]
1990, édition 1/24
Sérigraphie sur soie avec bordure en tissu piqué
Courtesy de l'artiste et d'ACA Galleries, New York
Tar Beach [Plage goudronnée] est l'une des plus iconiques peintures sur patchwork de Faith Ringgold. Première pièce de la série Woman on a Bridge [La femme sur un pont], elle raconte l'histoire d'une petite fille de 8 ans, Cassie, que sa famille emmène sur le toit de leur immeuble de Harlem une soirée de l'été 1939 pour échapper à la chaleur suffocante qui règne dans les appartements. Nourrie de sa propre expérience, l'artiste y dépeint, dans le style naïf caractéristique de ses travaux sur tissu, les rêves éveillés de la petite fille qui, une nuit, survole le pont George Washington. Pour Ringgold, ce vol fantasmatique dans le ciel nocturne urbain symbolise l'aspiration à la liberté et le possible accomplissement de soi. En 1990, l'artiste réalise une variation de cette œuvre particulièrement populaire. Elle crée ainsi une édition de vingt-quatre sérigraphies multicolores sur patchwork de soie, coton et tissu synthétique moiré. Dans la version originale, le textile ne servait qu'à encadrer une peinture centrale, mais avec Tar Beach #2, il est devenu central.

Un peu de Picasso
Pablo Picasso (1881-1973)
L'Acrobate
Huile sur toile
Paris, 18 janvier 1930 Musée national Picasso-Paris Dation Pablo Picasso, 1979. MP120
Probablement inspiré par les spectacles du cirque Médrano, Pablo Picasso renoue au début des années 1930 avec le thème des acrobates qui l'avait occupé en 1905. Fasciné par la malléabilité de la forme humaine et son pouvoir de transformation, il peint le corps androgyne d'un acrobate qui se contorsionne pour épouser la surface de la toile. Cette posture impossible est la traduction plastique de l'enchaînement des mouvements du corps de l'athlète. Analysant l'art de son époque, l'historien Alfred Barr utilisera le terme de << biomorphisme » pour évoquer ce courant pictural marqué par des formes organiques et souples.

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