dimanche 5 mars 2023

Germaine Richier au centre Pompidou en mars 2023

Passionnante rétrospective dont voici la présentation et la plupart des œuvres 

Germaine Richier (1902-1959) occupe une place incontournable dans l'histoire de la sculpture du 20e siècle. Formée à la tradition de la statuaire en bronze d'Auguste Rodin et d'Antoine Bourdelle, elle participe aux conquêtes essentielles de la sculpture moderne. En à peine plus de 25 ans, des années 1930 à sa disparition précoce en 1959, Richier crée un univers profondément original et invente de nouvelles images de l'homme et de la femme, jouant des hybridations avec le monde animal ou végétal.
Sa reconnaissance est précoce et fulgurante en 1956, Richier est la première artiste femme exposée de son vivant au Musée national d'art moderne. Elle est l'une des rares sculptrices à rencontrer après- guerre un succès international.
Connue essentiellement pour ses dix dernières années, sa sculpture a parfois été réduite à l'image inquiète d'une époque troublée, associée à l'étrangeté surréaliste ou à l'expressionnisme informel. Cette exposition entend reconsidérer globalement cette artiste majeure, pour qui << le but de la sculpture, c'est d'abord la joie de celui qui la fait. >> Son travail vibrant de la terre, son expérimentation sur les matériaux, la couleur et l'espace disent sa volonté de créer des sculptures vivantes, à même de saisir l'humain dans sa violence et sa fragilité, de révéler sa vie intérieure et les métamorphoses qui le traversent. Aujourd'hui plus que jamais, l'art de Germaine Richier résonne avec notre époque, questionnant notre rapport à la nature et au vivant.

Loretto I, 1934
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Fondeur: Alexis Rudier, Paris
Centre national des arts plastiques, Paris,
Loretto figure parmi les plus importantes œuvres de jeunesse de Germaine Richier. Le corps nu et gracile de cet adolescent au regard intense contraste avec son solide aplomb, ses pieds larges ancrés dans le sol, loin de la posture classique du contrapposto. Remarquée en 1936 lors de la première exposition personnelle de l'artiste, la statue est achetée par l'État français l'année suivante.

Sans titre [Loretto], vers 1934
Sanguine sur calque / Sanguine on tracing paper Collection particulière 

<< SEUL L'HUMAIN COMPTE >>
Au cœur de l'œuvre de Germaine Richier se dresse la figure humaine, le corps dans sa vérité. Formée au métier classique de la sculpture à l'École des Beaux-Arts de Montpellier puis à Paris dans l'atelier d'Antoine Bourdelle, Richier travaille tout au long de sa vie d'après modèle vivant. Dès ses débuts, à travers l'exercice du nu et du buste, elle s'attache à saisir l'intensité de l'humain, par le modelage expressif de la terre. L'exil en Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale constitue à la fois une rupture dans sa vie et un catalyseur pour son œuvre, qui délaisse le réalisme au profit d'un expressionnisme exacerbé. La noirceur de l'époque s'imprime sur les corps déformés, écorchés. « Notre époque, au fond, est pleine de griffes », dit-elle. Son geste, comparé par l'écrivain Francis Ponge à celui du chirurgien, traduit paradoxalement sa volonté de régénérer la figure humaine : « Mes statues ne sont pas inachevées. [...] je les ai creusées, déchirées pour qu'elles soient variées de tous les côtés, et qu'elles aient un aspect changeant et vivant. >>

Le Faune, 1916
Pièce unique
Terre crue, peinte en doré / Raw clay, painted in gold Collection particulière

Germaine Richier devant l'École des Beaux-Arts de Montpellier,
vers 1921

La formation
Issue d'une famille méridionale propriétaire d'un moulin et de vignobles, Germaine Richier grandit à Castelnau-le-Lez, près de Montpellier. Enfant, elle se plaît à observer le petit monde des insectes dans la garrigue. Elle étudie aux Beaux-Arts de Montpellier avant de monter à Paris en 1926 où elle travaille auprès du sculpteur Robert Coutin. Elle intègre l'atelier particulier d'Antoine Bourdelle qui devient vite son mentor. Elle y rencontre le sculpteur suisse Otto Bänninger qu'elle épouse en 1929.

Sava Alexandra, 1944
Bronze patiné brun / Dark patinated bronze Fondeur: M. Pastori, Genève Kunsthaus Zürich, Zurich, Leihgabe des Kantons Zürich, 1946
Créée en Suisse pendant la guerre, Sava Alexandra offre le portrait en buste d'une gracieuse adolescente au port altier, les mains jointes sur la tête. La matière accidentée et grumeleuse du bronze accroche la lumière, créant un effet vibrant. Richier laisse apparente l'armature dans la partie basse du torse. Aussi réaliste que soit sa sculpture, elle affirme ainsi la vérité du travail sculptural.

Juin 40, 1940
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze
Fondeur: M. Pastori, Genève Kunst Museum Winterthur, Winterthur, Ankauf unter Mithilfe von 12 Winterthurer

Méditerranée, 1937
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Fondeur: Alexis Rudier, Paris
Minka Ilse Bojadsen, Succession Liuba Wolf, élève de Germaine Richier
En 1937, Richier reçoit la commande officielle d'une sculpture pour le pavillon du Languedoc-Méditerranée à l'Exposition internationale qui se tient à Paris. Sa figure allégorique de facture classique, jeune femme nue à la coiffe d'arlésienne tenant une vague, atteste son solide métier.

Torse II [Torse de femme, Muhlethaler], 1941
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve exposition, fondeur : Susse, Paris Collection famille Germaine Richier (Sylvie Martin-Raget)
Avec sa tête tronquée, ses armatures métalliques en guise de pieds et son bras droit manquant, cette figure féminine, en apparence inachevée, évoque l'esthétique du fragment chère à Auguste Rodin. Richier laisse pour la première fois visible l'ossature interne de sa sculpture. Fixée sur une équerre en bois, la figure semble basculer hors de son cadre, sa main s'agrippant au bord du panneau.

L'exil en Suisse (1939-1946)
Richier passe la Seconde Guerre mondiale en exil à Zurich, la ville natale de son mari, Otto Bänninger. Dans son atelier, elle aménage un petit coin de Paris avec un drapeau tricolore et la reproduction de Guernica de Picasso. Ses cours attirent rapidement nombre de jeunes gens et elle acquiert une certaine renommée dans le milieu artistique suisse. En 1945-1946, ses multiples allers-retours entre Paris et Zurich reflètent sa divergence croissante avec Bänninger, qui choisit de rester en Suisse où son talent plus classique est reconnu.

PORTRAITS
Les portraits constituent la part majeure de l'œuvre de Richier dans les années 1920-1930, lui assurant ses premiers succès. La sculptrice ne cessera en fait de s'y confronter tout au long de sa carrière, figurant ses proches ou répondant à des commandes. «< Une seule discipline: faire des bustes ressemblants pour se retremper de temps à autre dans la réalité. C'est une leçon d'humilité », dit-elle. Cette foule de visages aux physionomies variées évoque ses cercles amicaux : s'y trouvent des enfants (Remi Coutin, Françoise Cachin), un peintre (Charles Hug), des hommes et femmes de lettres (Fernand Fleuret, Georges Borgeaud dit « Le Poète », André Chamson, Dominique Aury, Franz Hellens...). Richier entend vite dépasser l'illusionnisme, creusant l'épiderme pour saisir la vie intérieure de son modèle. La lumière s'accroche sur la joue percée du Guerrier. La Chinoise se présente comme un masque creux. De dos, les chevelures offrent d'abstraits reliefs de matière.

L'Escrimeuse (sans masque), 1943
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze
« Comment se battre sans combattre dans un temps si violent? »
écrit la philosophe Geneviève Fraisse à propos de ces oeuvres. Richier réalise en 1943 et en 1945 deux versions de L'Escrimeuse en posture de riposte, la main droite esquissant une parade, jambes fléchies. Si toutes deux se tiennent prêtes à l'affrontement, la première est nue et sans défense, la seconde protégée par son masque, sa tenue et la coquille de son fleuret.

L'Escrimeuse avec masque, 1945
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze

Nu ou La Grosse, 1939/1942
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze
Fondeur: M. Pastori, Genève
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat de l'Etat 1950

Nu VII, 1943
Plâtre original / Original plaster Collection particulière

Femme assise, 1944
Plâtre original / Original plaster Collection particulière

La Pomone, 1945
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Kunsthaus Zürich, Zurich, Leihgabe des Kantons Zürich, 1951
Le thème de la Pomone, divinité protectrice des vergers, est un classique de la sculpture. Rejetant les canons de la beauté féminine, lisse et idéale, Richier prend pour modèle une robuste jeune femme aux seins lourds. L'allégorie de la fécondité devient une Ève moderne, femme active croquant la pomme, toute à son gourmand plaisir. La forme sphérique se retrouve dans son œil droit halluciné, mué en petite bille.

La Vierge folle, 1946
Bronze patiné foncé sur socle en calcaire gris/ Dark patinated bronze on grey limestone base Fondeur: C. Valsuani, Paris
Kunstmuseum Basel, Bâle

L'Aigle, 1948
Plâtre original gomme laqué Original plaster with lacquered gum Collection particulière
L'Aigle donne à voir le visage de L'Orage, comme un oripeau arraché à la statue et accroché à une potence de modelage Sa peau grêlée évoque à la fois les rides de l'âge et le processus de triangulation mis en œuvre par Richier. Le plâtre original devaile un étonnant ceil de verre renforçant l'étrange impression de vie de la sculpture. L'intégration du dispositif de création vient pourtant déjouer l'illusion mimétique.

L'Homme qui marche, 1945
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve exposition, fondeur L. Thinot, Paris Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, don, 2021 AM 2021-433
À l'inverse de la version altière d'Auguste Rodin, L'Homme qui marche de Richier semble ahuri, les pieds englués dans la terre.
Seule l'expressivité de ses mains aux doigts écartés donne vie à ce personnage inquiétant, au crâne percé d'un trou. Bien éloignée de la figure longiligne qu'Alberto Giacometti crée l'année suivante, la sculpture de Richier offre l'image d'une humanité aussi blessée que menaçante.

L'Orage, [1947-1948]
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Première épreuve, fondeur: Alexis Rudier, Paris Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
« Je dirais qu'il est formidable, cet homme, - qu'il n'a jamais été plus sauvage, foudroyé, réveillé par son propre orage », écrit Francis Ponge pour l'exposition « Germaine Richier >> à la Galerie Maeght en 1948. Avec cet être massif et sans visage. Richier poursuit la recherche initiée avec L'Homme qui marche (1945). Comme sorti du fond des âges, L'Orage offre une allégorie des forces naturelles autant qu'une nouvelle image de l'homme. Sa matière rugueuse, fissurée de l'intérieur, est vue au sortir de la guerre comme porteuse du drame existentiel.

L'Ouragane, [1948-1949]
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve d'artiste, fondeur: Susse, Paris
Créée un an après L'Orage, L'Ouragane constitue son pendant féminin. Sa peau grêlée et sa silhouette spectrale évoquent à la fois la violence et la survie. Si son ventre gonflé semble contenir la puissance des éléments, son visage demeure étrangement serein. Mise en scène dans le jardin de l'atelier, L'Ouragane apparait sur certaines photographies comme dotée d'une vie propre, se promenant et se couchant à même la terre.

L'Ombre de l'Ouragane, 1956
Pierre de Soignies (Flandres belges) taillée par Eugène Dodeigne Stone from Soignies (Belgian Flanders) carved by Eugène Dodeigne Musée Picasso, Antibes, don de la famille de l'artiste en 1960 inv. MPA 1960.3.2
Pour sa rétrospective en 1956, Richier fait tailler par le sculpteur Eugene Dodeigne deux stèles géométriques en pierre pour son couple de sculptures. Le critique Alain Jouffroy remarque: elle « considère donc bien ses sculptures comme des êtres vivants, puisqu'elle leur sculpte leurs propres tombes... » La mort demeure pour elle une abstraction, froide comme la pierre, à l'inverse du modelage qui traduit la palpitation de la chair.


L'Homme-forêt, petit, 2e étape de création, 1945
Terre et bois/Clay and wood Pièce unique Collection particulière
En 1945, Richier opère un tournant majeur dans sa sculpture en y incorporant des branches d'arbre ramassées dans le Valais (Suisse). Première sculpture mêlant l'humain au végétal, L'Homme-forêt, petit est l'un des rares exemples d'œuvres en terre et bois conservées. Cette figure primitive ouvre la voie à tout un pan de la sculpture de Richier où les formes naturelles collectées forment la grammaire des lieux qu'elle a aimés.

La Forêt, 1946
Bronze patiné sur base en pierre Dark patinated bronze on stone base Fondeur: Alexis Rudier, Paris Fondation Marguerite et Aimé Maeght, Saint-Paul-de-Vence
Des branches d'olivier « noueuses comme des bras nerveux », envoyées par sa famille du Midi, donnent forme aux bras de La Forêt. Le visage disparait derrière la main-rameau. Le corps, étrange, d'où émerge un sein tel un bourgeon, a la texture ridée du bois. Un trou figure le nombril. Saisie en pleine métamorphose, la figure évoque le mythe antique de Daphné, changée en arbre pour échapper au dieu Apollon.

La Feuille, 1948
Bronze patiné foncé/ Dark patinated bronze Epreuve exposition, fondeur: Susse, Paris Collection particulière
Contrairement à La Forêt, La Feuille est incontestablement plus humaine que végétale. Son modèle est une jeune voisine, à peine entrée dans l'adolescence. Le regard pensif, elle se tient droite, les bras le long d'un corps souple reposant sur de longues jambes maigres. Le monde végétal transparaît subtilement à travers les empreintes éparses de feuilles sur son corps, comme des tatouages naturels.

Le Grain, 1955
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Numéroté 3/6, fondeur: C. Valsuani, Paris Collection Mr et Mme Sarti, Paris

Autoportrait à la toile d'araignée, s. d.
Eau-forte sur papier / Etching on paper Collection particulière

Toile d'araignée (Rimbaud IV), 1949-1951
Eau-forte sur papier / Etching on paper Collection particulière

Sauterelle et tête, état II, 1947
Pointe sèche sur papier / Drypoint on paper Collection particulière

À la gloire de la main, variante II, 1949
Eau-forte et pointe sèche sur papier / Etching and drypoint on paper Collection famille Germaine Richier (Sylvie Martin-Raget)

Hybridation
« Je voudrais que Kikou [surnom de son frère René] m'expédie sans retard les branches demandées très noueuses comme des bras nerveux », écrit Richier à sa mère en 1947. La sculptrice explore à cette époque le thème de l'homme-forêt, jouant de la correspondance entre le bois et la chair. Dans sa bibliothèque, le livre de Karl Blossfeldt, La Plante, présente d'étonnantes analogies entre formes végétales et humaines. Georges Limbour, dans son article << Forêts en bronze >> (1948), voit dans cette fascination une quête des origines.

La Mante, grande, 1946
Bronze patiné foncé sur socle de pierre / Dark patinated bronze on stone base Fondeur: Susse, Paris
Collection particulière, Paris
Deux ans après La Sauterelle, Richier poursuit avec La Mante le thème des femmes-insectes, évoquant la faune sauvage de la garrigue. C'est par le travail d'agrandissement que l'animal est doté d'une stature pleinement humaine. Objet de fascination dans l'imaginaire surréaliste, la créature incarne une féminité sûre d'elle-même et conquérante, dont la cruauté supposée est largement commentée par la critique de l'époque.

La Mante religieuse, vers 1946
Lavis d'encre rouge et au fusain rehaussé à la gouache sur papier calque contrecollé sur carton, signé en bas à droite / Red ink wash and charcoal heightened with gouache on tracing paper pasted on cardboard Galerie de la Béraudière, Bruxelles

NATURE ET HYBRIDATION
Pour Germaine Richier, la régénération de la figure humaine passe par son hybridation avec des formes de la nature. L'atelier de l'artiste, fascinée dès l'enfance par les insectes de la campagne méditerranéenne, se peuple d'êtres composites, du Crapaud, dont seul le titre évoque l'animalité, aux figures prédatrices de sauterelle, mante, chauve-souris... Son choix se porte sur des animaux méprisés, dans un registre où le féminin domine. Toujours en mouvement, ils semblent prêts à bondir ou à s'envoler. Cette hybridation des sujets se double d'une hybridation des formes. Richier joue de la greffe et de l'assemblage, incluant dans ses sculptures des objets naturels, débris ramassés de sa Provence natale: une branche d'olivier pour L'Homme-forêt, un morceau de mur de brique creusé pour la tête du Berger des Landes... Son œuvre, qui fusionne les règnes animal, végétal et minéral, dit bien la fluidité du vivant.

Sans titre [Études de femme accroupie], vers 1940
Crayon sur papier / Pencil on paper Collection particulière

Le Crapaud, 1940
Bronze patiné brun / Brown patinated bronze Fondeur: M. Pastori, Genève Kunsthaus Zürich, Zurich, Geschenk Hulda Zumsteg durch ihren Sohn Gustav Zumsteg, 1946
Inv. 1946/0009
À première vue, cette figure féminine accroupie n'est pas sans rappeler les petites sculptures d'Aristide Maillol, comme La Femme au crabe (1930). Seul son titre suggère une analogie avec un crapaud, animal méprisé s'il en est. Sa taille réduite et sa posture inconfortable, tendue vers l'avant, évoquent celles de l'amphibien, prêt à bondir. S'affirme ici la première trace d'hybridation humain-animal qui caractérise son œuvre après la guerre.


La Sauterelle, petite, 1944
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve Ville de Mudaison, fondeur : L. Thinot Mairie de Mudaison, Mudaison

La Sauterelle, grande, 1955-1956
Bronze patiné foncé/Dark patinated bronze Épreuve exposition, fondeur: Susse, Paris Collection particulière
La Sauterelle, petite est le premier être hybride créé par Richier, qui l'agrandira à deux reprises jusqu'à dépasser la taille humaine. Ses bras levés, doigts écartés, forment un geste à la fois de menace et de défense. Le corps de cette femme-sauterelle est creusé d'anfractuosités, un étrange sourire lui lacère le visage, mais dans la paume de La Sauterelle, grande est gravé un petit cœur, comme un talisman caché par l'artiste.


Insectes
<< Ô !... les mantes religieuses, les fourmis, les sauterelles !... Les sauterelles, j'en avais des régiments », raconte Richier évoquant sa fascination d'enfant pour les insectes. Ce petit peuple méprisé se retrouve dans ses carnets. Un cliché de mantes, paru dans la revue Franchise accrochée au mur de son atelier, lui sert d'inspiration. Dotés de longs membres ou d'ailes, ces animaux convoquent tout un imaginaire du vol qui se manifeste dans ses projets de médaille à Clément Ader, pionnier de l'aviation.

L'ATELIER
<< Comme en tout atelier de sculpteur régnait un grand désordre éclaboussé ou saupoudré de plâtre, et de la glaise collait au plancher. En des vitrines noires, mais poussiéreuses, au long des murs, des boîtes d'insectes fabuleux... ». Ces mots de l'écrivain Georges Limbour témoignent de l'atmosphère particulière de l'atelier parisien de Richier, situé au 36, avenue de Châtillon (14e arrondissement). S'y trouvent réunies les sources matérielles de ses créations: bois flottés, cailloux, coquillages collectés sur les plages de Camargue, squelette de chauve-souris, carapace de tortue, céramiques issues du folklore populaire et religieux, couteaux de jet congolais ou armée de compas épingles au mur telle une collection de papillons... Tous témoignent de la fascination de Richier pour les formes du vivant, les matières érodées et les objets chargés d'histoire. Une sélection de ces objets est présentée ici pour la première fois au public sous la forme d'un cabinet de curiosités.

La Chauve-souris, 1946
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Numéroté 6/6, fondeur: L. Thinot, Paris Musée Fabre, Montpellier, achat de la Ville de Montpellier avec la participation du FRAM Languedoc-Roussillon, 1996 inv. 96.10.1
Richier introduit ici pour la première fois de la filasse au sein du plâtre qui recouvre l'armature de fer, renforçant ainsi l'aspect déchiqueté et accidenté de la surface. Cette technique expérimentale constitue un vrai défi technique pour son fondeur, Lucien Thinot. La fonte en bronze naturel nettoyé, non patiné, confère à cet homme chauve-souris une animation baroque et une sacralité inédite.

La Mandoline [La Cigale], 1954-1955
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Épreuve exposition, fondeur: L. Thinot, Paris Collection particulière


Le Berger des Landes, 1951
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Fondeur: C. Valsuani, Paris Louisiana Museum of Modern Art, Humlebæk, Donation The New Carlsberg Foundation
Lors d'une balade à Varengeville, Richier ramasse un bloc de brique et de ciment poli par la mer, dans lequel elle creuse deux trous ronds. Cette tête hallucinée surmonte un corps éventré aux jambes filiformes montées sur des échasses, comme celles des bergers landais. Promenant son regard d'outre-tombe, la créature évoque la tradition antique du berger psychopompe guidant les âmes vers le monde souterrain.

Tête du Berger des Landes, 1951
Brique et ciment / Brick and cement
Pièce unique Collection particulière

Le Cheval à six têtes, grand, 1954-1956
Bronze naturel nettoyé / Dark patinated bronze Epreuve exposition, fondeur: L. Thinot, Paris Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, don, 2021 AM 2021-436
Le Cheval à six têtes évoque autant les cavaliers de l'Apocalypse que l'atmosphère des férias et des courses de chevaux qui ont imprégné l'enfance de Richier. Cette pièce rappelle aussi son intérêt pour l'expression du mouvement : l'agitation de l'animal se voit démultipliée par la juxtaposition des têtes, traduisant par ses positions successives la tension de la cavalcade et la secousse des hennissements.

L'Eau, 1953-1954
Richier façonne une femme assise acéphale à partir d'un morceau
d'amphore antique trouvé sur la plage. Les formes généreuses du tronc contrastent avec la finesse des jambes et de l'armature, créant un effet de jaillissement. La puissance de l'eau transparaît dans les accidents du bronze, comme soumis à l'érosion. La sculpture frontale dégage une impression de calme et d'éternité
mais aussi de fragilité et de précarité.

La Spirale, 1957
Bronze
Numéroté 1/6, fondeur: Susse, Paris École normale supérieure Paris-Saclay, Gif-sur-Yvette
La fascination de Richier pour la composition en spirale, à la fois organique et géométrique, trouve son expression la plus pure dans une forme naturelle : un coquillage brisé par la mer, soigneusement triangulé par l'artiste et agrandi. S'y retrouvent fidèlement restitués les cassures du calcaire, le poli et la torsion de la colonne jusqu'au sommet rongé. Élevé au rang de monument, le petit débris est métamorphosé par l'agrandissement.

La Vrille, 1956
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Numéroté 7/8, fondeur: L. Thinot, Paris Collection particulière

La Vrille petite, 1956
Coquillage avec triangulation / Shell with triangulation Collection particulière

MYTHE ET SACRÉ
L'art de Richier est empreint d'un sentiment panthéiste du monde et d'un imaginaire pétri de mythes archaïques. Ses créatures hybrides (ogre, cheval à six têtes et autres monstres fabuleux) se rattachent par leurs titres aux récits des origines, contes et légendes.
Cette inspiration mythologique et littéraire a été nourrie par sa proximité avec nombre de poètes et d'écrivains, tels Francis Ponge ou Jean Paulhan. Elle renvoie plus largement chez Richier à la relation de l'être humain aux forces qui le dépassent, au sentiment du sacré. La sculptrice a été associée à son corps défendant à la «< querelle de l'art sacré », violente polémique suscitée par le Christ qu'elle crée en 1950 pour l'église du plateau d'Assy (Haute-Savoie). Jugé blasphématoire par certains groupes traditionnalistes et banni malgré les protestations, cet humble Christ en croix ne retrouvera sa place qu'en 1969. Prêtée exceptionnellement par le diocèse d'Annecy, cette œuvre majeure de l'art sacré est pour la première fois exposée en dehors de l'église.

La Tauromachie, 1953
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Numéroté 6/6, fondeur Susse, Paris Collection particulière, Paris
La Tauromachie, 1953
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Numéroté 6/6, fondeur Susse, Paris Collection particulière, Paris

L'Homme de la nuit, grand, 1954
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Fondeur: Susse, Paris Kunsthaus Zürich, Zurich, Collection Werner et Nelly Bär, 1968
Avec ses yeux ronds comme des billes, sa tête difforme, ses ailes épaisses, dressées sur un dos scarifié, ses fesses rebondies et son petit pénis, cet être nocturne a une allure un peu pataude. << Si ses pattes n'étaient pas si lourdes, ses ailes l'emporteraient »>, écrit Richier. La créature fantastique, plus proche de l'oiseau que de l'humain, oscille entre l'effroi et le grotesque.

La Montagne, [1955-1956]
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Numéroté 1/11, fondeur: Susse, Paris Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat par commande de l'État à l'artiste, 1959, attribution, 1960, en dépôt au musée Fabre, Montpellier, 2006
Réalisée pour son exposition au Musée national d'art moderne en 1956, la monumentale Montagne naît de l'assemblage dans le plâtre de formes organiques, branches et os, tissant un réseau de lignes cassantes entre deux énigmatiques créatures. Ces figures proto-humaines semblent saisies en pleine métamorphose. Jean Paulhan, y voyant une image des origines, l'intitulait << La Caverne ou L'Euf du monde ».

Hydre, s. d.
Eau-forte sur papier, épreuve d'artiste signée Etching, artist's proof signed Musée d'art moderne de Paris, Paris, achat en 1965

Le Pentacle, 1954
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Édition HC1, fondeur : C. Valsuani, Paris Pinault Collection
L'Ogre, 1949
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Fondeur: C. Valsuani, Paris Collection particuliere, Londres
L'Hydre, 1954
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve exposition, fondeur: Susse, Paris Collection particulière
Ces trois créatures traduisent l'intérêt de Richier pour les figures des mythes et légendes. Quand L'Ogre dévoile une bouche béante, Le Pentacle assume un œil central unique, tandis que L'Hydre happe le regardeur par son visage tentaculaire. Cette parenté se matérialise jusque dans leur présentation, l'artiste les plaçant sur un socle métallique.

Le Griffu, 1952
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve exposition, fondeur: Susse, Paris Collection particulière
D'abord intitulé Le Diable, puis renommé d'après la serre d'aigle fichée dans son coude droit, Le Griffu s'inspire des croyances populaires de la tarasque, animal fantastique issu du folklore provençal. L'ouverture à l'espace du spectateur, induit par les réseaux de fils entrelacés, est exacerbée par l'artiste qui expose la sculpture suspendue au plafond en 1954 à Bâle.

Don Quichotte, 1950-1951
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Numéroté 1/6, fondeur: Alexis Rudier, Paris Pinault Collection
La silhouette longiligne et graphique du héros de Cervantès naît de Lyrot, le même modèle que le Christ d'Assy. Si Don Quichotte a toute l'apparence d'un être humain, ses jambes filiformes, moulage de branches noueuses, en font un être hybride. Le personnage épique est reconnaissable à la lance qui prolonge son bras gauche, le bras droit pointant un doigt vers le ciel en un geste prophétique.

L'Araignée II, moyenne, 1956
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Numéroté 2/8, fondeur: C. Valsuani, Paris Collection particulière, courtesy Galerie Vedovi, Bruxelles

Trio I ou La Place, 1954
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze
Numéroté 1/6, fondeur: L. Thinot, Paris Collection particulière
À l'instar de La Place d'Alberto Giacometti (1948), Richier organise une étrange rencontre sur un plateau. Elle met en relation trois formes incertaines, issues d'expérimentations sur des objets : un piolet enchâssé dans un creuset de fonderie, une herminette, un chenet de cheminée. S'affirme ici une recherche nouvelle sur l'espace et la mise en relation des formes entre elles.

Figure (Rimbaud II), variante, 1949-1951
Eau-forte sur papier / Etching on paper Collection particulière

DESSINER DANS L'ESPACE
S'il joue sur l'expressivité des surfaces, l'art de Richier repose sur une science précise de la construction, guidée par son travail graphique. Détournant la technique académique de la mise au point, la sculptrice trace directement sur le corps de ses modèles des réseaux de lignes. Avec la série des sculptures à fils débutée en 1946 avec L'Araignée, elle développe une réflexion sur le vide. Ces fils métalliques font écho au fil à plomb, outil qu'elle utilise pour vérifier la verticalité. Ils matérialisent la structure interne de l'œuvre et la projettent dans l'espace du spectateur. Ces constellations graphiques se retrouvent dans ses gravures, un art qu'elle pratique avec passion dès 1947. L'espace de l'œuvre et son mode de présentation sont pensés par l'artiste qui suspend Le Griffu au plafond de son atelier et dans l'espace d'exposition. Les dispositifs de présentation et les outils de la sculptrice demeurent volontairement apparents, comme dans Trio I. « La sculpture est un lieu », écrit-elle.

L'Araignée I, 1946
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve HC2, fondeur: L. Thinot, Paris
Cette pièce est le premier exemple d'introduction de fils métalliques dans le plâtre par Richier. Jouant sur l'analogie avec les toiles tissées par l'araignée, ce procédé permet d'englober et de géométriser l'espace de l'œuvre. Perchée sur un tronc qui lui sert de socle, cette femme-insecte, dont le corps est réalisé à partir d'une racine, se projette dans le vide qu'elle semble mesurer.

La Régodias, 1938-1939
Plâtre de travail avec triangulation
Studio plaster with triangulation Collection particulière
Ce plâtre de travail pour l'élégant portrait de Renée Régodias évoque la méthode de Richier qui quadrille la peau de ses modèles d'une triangulation au bleu de lessive. Ces réseaux de triangles reliés entre eux sont repris sur le plâtre. Ils dévoilent un processus de construction élaboré, avec calcul des proportions au compas, et la structure géométrique qui sous-tend son travail de modelage.

Le Diabolo, 1950
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Première épreuve, fondeur Alexis Rudier, Paris Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris, achat de l'État, 1952 AM 949 S
La figure déhanchée au corps longiligne tient dans ses mains un diabolo - deux baguettes et une bobine - un jouet populaire qui donne son titre à la sculpture. Le modèle est le même que celui de La Feuille, une adolescente voisine de l'artiste. Les fils tracent un volume virtuel et se prolongent sur le socle gravé, mettant en tension l'intérieur et l'extérieur, le plein et le vide.

La Fourmi, 1953
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Épreuve exposition, fondeur: L. Thinot, Paris Collection particulière
La Fourmi marque l'ultime utilisation de fils métalliques qui animent et géométrisent l'espace autour de la figure hybride. Le dos de l'insecte est recouvert de stries qui se prolongent dans une structure filaire en forme de sablier. Son corps sec est doté d'une poitrine féminine et de pattes filiformes. Ses mandibules sont formées d'un trident de gardian, caché dans la tête de l'animal.

Brassaï
Germaine Richier à sa presse, vers 1950
Épreuve gélatino-argentique / Gelatin silver print Collection particulière

RENÉ DE SOLIER
CONTRE TERRE
Illustré de vingt-quatre eaux-fortes originales de GERMAINE RICHIER

Cheval à six têtes, petit, [1955 ou 1956]
Plâtre et filasse / Plaster and filasse
Pièce unique Collection particulière

Guerriers, 1953
Bronze patiné foncé/Dark patinated bre Nomdrate & Fondeur: L Thin, Paris Collection particulière 
C'est en 1953 que Richior commence une série de petits bronzes intitulés Guerriers, réalisés à partir de chutes de cire récupérées chez son fondeur. Tout en incarnant le combat (contre l'ennemi, la matière, la maladie...), cette drole d'armée hétéroclite révèle la formidable faculté d'invention de l'artiste. Ramollie, déchirée, lisse ou grêlée, la cire donne une personnalité et un mouvement au corps de chaque personnage.

Femme-sein, 1955
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze Ex. E. A., fondeur. L. Thinot, Paris Collection famille Germaine Richier (Céline Martin-Raget)
Femme-sein est peut-être inspirée des figurines antiques dites stéatopyges »>, aux seins hypertrophiés, que Richier a pu voir dans les musées italiens. Ainsi réduite à ses attributs maternels, Femme-sein incarne la puissance originelle de la femme. On ne peut s'empêcher de voir dans cet emblème une façon pour l'artiste de sublimer son cancer du sein, décelé et opéré l'année précédente.

MATÉRIAUX ET COULEURS
La réflexion de Richier sur les moyens de la sculpture se double d'un rapport sensuel aux matériaux: onctuosité de la terre humide, mollesse de la cire, sècheresse du bois... Richier mène tout au long des années 1950 des recherches très diverses utilisant selon sa fantaisie la filasse, la cire, les os de seiche... Elle s'empare ainsi du plomb, métal malléable qu'elle fond elle-même, dans lequel elle sertit des morceaux de verre coloré. Ce travail s'accompagne de la création d'équerres, reliefs de fond devant lesquels les sculptures peuvent se placer. Si l'artiste manifeste très tôt une attention particulière à la patine des bronzes, la couleur prend peu à peu une place cruciale. Richier demande aussi à ses amis peintres, tels Maria Helena Vieira da Silva et Zao Wou-Ki, de colorer le fond de certaines pièces. Dans ses dernières années, elle peindra elle-même ses sculptures tel L'Échiquier, grand synthèse de sa création réalisée quelques mois avant sa mort en 1959.

Tarasque, 1955
Bronze patiné foncé / Dark patinated bronze
Épreuve exposition, fondeur: L. Thinot, Paris Collection famille Germaine Richier (Marie Martin-Raget Pons)

Seiche n°10, 1954
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Pièce unique, fondeur: L. Thinot, Paris Galerie de la Béraudière, Bruxelles
La série des Seiches tire son nom du matériau leur servant de matrice : des os de seiche incisés, placés à l'intérieur d'un moule en sable. L'os très friable est détruit par le bronze en fusion. L'artiste détourne de manière expérimentale une technique d'orfèvrerie. Des hasards de coulée naissent ces bronzes miniatures aux structures nervurées évoquant les formes végétales ou les concrétions marines..

La Porte de bronze, 1955
Bronze naturel nettoyé / Polished natural bronze Pièce unique, fondeur: L. Thinot, Paris Collection particulière

Étude pour vers 1955 la Porte de bronze,
Peinture et éléments végétaux sur papier canson collé sur panneau de bois / Painting and plant elements on canson paper glued to wood panel
Collection particulière
Restée à l'état de projet, La Porte de bronze est exposée au Salon de mai en 1958. Elle indique l'ambition monumentale de l'artiste qui réunit des Seiches sur de grands panneaux. Comme le montre l'étude pour l'un des panneaux, Richier crée d'abord des peintures abstraites: rapidement brossées et animées d'empreintes végétales, elles sont ensuite moulées et fondues en bronze. S'y révèle la place sous-jacente de la couleur.

Plomb avec verres de couleur n°15, 1952/1953
Plomb et verres colorés / Lead and coloured glasses
Pièce unique
Collection particulière française

La Croix avec verres de couleurs, 1953
Plomb et verres colorés jaune et bleu Lead with yellow and blue coloured glass
Pièce unique
Collection famille Germaine Richier
En 1953, Richier reçoit la commande d'une croix pour l'église de Breteuil (Oise). Elle choisit d'utiliser le plomb dans lequel elle insère des blocs de verre, détournant la technique du vitrail. Fréquents dans les scènes de crucifixion, les motifs du soleil (en verre jaune) et de la lune (en verre bleu) font entrer un halo de lumière dans la matière. L'œuvre ne sera finalement jamais installée.

La Ville, 1952 œuvre en collaboration avec Maria Helena Vieira da Silva
Plomb et huile sur plomb / Lead and oil on lead Pièce unique
Collection particulière
<< Germaine me fit asseoir devant sa statue et elle partit. (...) Durant une semaine, je suivais plan par plan sa sculpture et je cherchais à faire une peinture avec ce qui se trouvait devant mes yeux. » C'est ainsi que Vieira da Silva raconte l'invitation faite par son amie de peindre l'écran qui sert de fond à La Ville. Elle éclaire le dialogue entre l'œuvre de Richier et l'abstraction lyrique, alors dominante à Paris.

L'Échelle, 1956 œuvre en collaboration avec Zao Wou-Ki
Plomb et huile sur plomb / Lead and oil on lead Pièce unique Collection particulière
Après Maria Helena Vieira da Silva, c'est au peintre chinois Zao Wou-Ki que Richier fait appel pour peindre le fond et le socle, de L'Échelle. Cette petite sculpture en plomb aux formes végétales se déploie sur une structure en équerre. Le paysage abstrait, ponctué de signes calligraphiques, peint par Zao Wou-Ki enveloppe entièrement la sculpture dans un halo rouge lumineux.

L'Araignée II, petite, émaillée sur équerre émaillée, 1956
Bronze émaillé / Enamelled bronze Collection particulière
Pièce unique
Germaine Richier peint ou émaille elle-même d'anciennes œuvres en bronze. L'Araignée émaillée est ainsi une reprise de L'Araignée II, petite créée dix ans plus tôt. Le fond d'un bleu profond et animé de formes végétales place la petite femme-insecte dans une sorte de paysage nocturne. Dynamisé par le contraste de l'émail bleu clair avec la brillance du bronze, son corps fluide acquiert éclat et préciosité.

Le Menhir peint, sur équerre ardoise, 1959
Bronze peint, équerre ardoise / Painted bronze, slate bracket Pièce unique Collection particulière

Le Chardon peint, sur équerre ardoise, 1959
Bronze peint, équerre d'ardoise / Painted bronze, slate bracket Pièce unique
Collection particulière

La Parade peinte, 1959
Bronze peint / Painted bronze
Pièce unique Collection particulière

L'Échiquier, grand, 1959
Plâtre original peint / Painted original plaster Pièce unique, en 5 éléments Tate: Presented by the artist's estate 2000
Dernière œuvre majeure de l'artiste, L'Échiquier, grand constitue une formidable synthèse de sa création. Perchées sur de hauts socles, les cinq pièces principales du jeu d'échecs (roi, reine, fou, cavalier et tour) sont métamorphosées. Tout l'art de Richier s'y manifeste : le thème du jeu, l'agrandissement, l'hybridation, l'intégration d'objet, la polychromie, la suggestion du mouvement.

Le Couple peint, 1959
Pièce unique
Bronze peint / Painted bronze Don Quixote Foundation
Les derniers mois de sa vie, trop faible pour modeler, Richier se consacre à la peinture. Pour Le Couple peint, fondu trois ans plus tôt, elle procède par touches de couleurs vives, blanc, bleu, jaune et violet. La peinture éclaire les personnages, souligne et dynamise leurs formes, apportant joie et vitalité à ce couple uni, les mains jointes dans un geste de tendresse.


Composition n°1, 1958
Huile sur toile / Oil on canvas Collection particulière
Composition n°3, 1958
Huile sur toile / Oil on canvas
Collection famille Germaine Richier (Famille Martin-Raget)
Composition n°2, 1958
Huile sur toile / Oil on canvas Collection particulière
Composition n°8, 1958
Huile sur toile / Oil on canvas Collection particulière
<< Germaine peint et se lance, toiles vives et blanches!
Merveilleux signes. » écrit en 1958 René de Solier, son époux,
à Francis Ponge. L'artiste, alors en convalescence chez sa sœur
dans le Midi, ne peut plus modeler. Si ces petites toiles aux couleurs
franches demeurent abstraites, les signes vifs tracés sur fond clair
évoquent les silhouettes toujours présentes de ses sculptures.

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