mardi 17 janvier 2023

Léon Boivin à la Fondation Custodia en janvier 2022

Léon Bonvin 1834-1866

Un formidable dessinateur !


Léon Bonvin ne connut pas la même notoriété que son demi-frère, François (1817-1887), qui était un peintre réaliste estimé au XIXe siècle. Sur sa vie, de rares sources et témoignages nous sont parvenus. La plupart furent écrits juste après son suicide, à l'âge de 31 ans - et souvent en réaction à celui-ci - avant que la mémoire de sa carrière
et de son œuvre ne s'efface progressivement. Forcé de consacrer ses journées au travail dans le cabaret fondé par son père à Vaugirard, une commune rurale limitrophe de
la capitale, Léon Bonvin peignit ses aquarelles loin du regard du milieu artistique et culturel parisien.
Ses premiers dessins, entièrement exécutés à la pierre noire, sont de magistrales études d'ombres et de lumières, d'un modernisme saisissant. Puis Léon Bonvin introduisit progressivement l'aquarelle dans son art, et avec elle une efflorescence de couleurs. Ses œuvres ont quelque chose d'intime. Elles révèlent une grande humilité et une vision sensible de son environnement immédiat, le cabaret paternel, où il puisait toute son inspiration. De ses natures mortes de cuisine, de ses bouquets de fleurs champêtres simplement disposés dans un verre, de ses vues de la plaine de Vaugirard fourmillant de détails et d'herbes folles, émane le bonheur que Léon Bonvin éprouvait à se laisser absorber par le sujet qu'il avait soigneusement choisi. La sincérité presque naïve avec laquelle il représenta la réalité de son quotidien conduisit à une expression unique et singulière dans l'art du XIXe siècle. Une sincérité et une singularité qui firent de Léon Bonvin un poète du reel.

Sans titre

Sans titre
Carrière dans la plaine de Vaugirard, 1854 Pierre noire et estompe Paris, musée d'Orsay

Maisons le long d'une route dans la plaine de Vaugirard, vers 1856 Pierre noire et rehauts de craie blanche sur papier bleu (décoloré)
Beaux-Arts de Paris

Porte ouverte sur un chemin de campagne,
vers 1856
Pierre noire et estompe
Paris, musée d'Orsay

La Plaine de Vaugirard, 1856
Pierre noire et estompe Paris,
Fondation Custodia, Collection
Frits Lugt

Chien et chat près d'un poêle, vers 1855-1856
Pierre noire et estompe
Paris, musée d'Orsay

Deux lapins dans un clapier,
1856 Pierre noire et estompe
Paris, musée d'Orsay

Sans titre

Femme à l'ouvrage dans un intérieur, 1858
Pierre noire
Paris, Fondation Custodia, Collection
Frits Lugt

Femme balayant la cour de l'auberge
à Vaugirard, 1865
Plume et encre brune, aquarelle et gouache
sur un tracé au graphite
Baltimore, The Walters Art Museum

Route de campagne avec un paysan, 1863 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique
Baltimore, The Walters Art Museum

Route dans la plaine de Vaugirard avec une figure féminine, 1863 Plume et encre brune, aquarelle, graphite Baltimore, Baltimore Museum of Art

Natures mortes et bouquets de fleurs, l'éclat de la couleur
La couleur s'exprima dans l'art de Léon Bonvin grâce à l'aquarelle, technique à laquelle il se consacra entièrement après 1858. Le choix de ce nouveau médium s'accompagna d'un élargissement de son répertoire thématique, même s'il continua à puiser ses sujets dans son quotidien : natures mortes, bouquets de fleurs et paysages.
Léon Bonvin s'inscrit dans le renouveau de l'intérêt des peintres réalistes pour les natures mortes, au milieu du XIXe siècle. Par son métier et le lieu où il vivait, Bonvin était également confronté à ce sujet tous les jours. Les fruits, les légumes et autres denrées sont associés avec une profusion d'objets que l'artiste trouvait sans diffi culté au cabaret.
Les bouquets de fleurs retinrent aussi son attention. Il ne s'agit pas là de compositions sophistiquées, imprégnées du message moral de vanité à laquelle cette iconographie faisait traditionnellement référence. Bonvin choisissait de simples fleurs de saison, cueil lies pour leur beauté dans les jardins et les prés de Vaugirard. Il décrivait les formes avec soin et ses compositions étaient dénuées de toute grandiloquence. Ces feuilles démon trent son admirable sens de l'observation. La curiosité et la précision presque botani ques dont il fit preuve dans ses aquarelles nous permirent d'identifier avec exactitude beaucoup de spécimens.

Cuisinière au tablier rouge dans l'auberge
à Vaugirard, 1862
Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite,
rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Nature morte aux céleris, 1865 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique
Baltimore, The Walters Art Museum

Nature morte à la grenade, 1864
Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Nature morte aux poissons, 1864 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique
Baltimore, The Walters Art Museum

Bouquet de lilas, 1862
Plume et encre brune, aquarelle et rehauts de gouache blanche New York, Collection particulière

Bouquet de fleurs des champs dans un vase en faïence, 1858
Plume et encre brune, aquarelle, gouache et rehauts de gomme arabique New York, Collection particulière

Nature morte aux barbes de capucin, cerfeuil et burettes, 1863 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique
Baltimore, The Walters Art Museum

Nature morte au panier de pommes, 1863
Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite
Baltimore, The Walters Art Museum

Bouquet d'œillets des jardins, 1863 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Nature morte aux chardons séchés, 1855 Aquarelle sur un tracé au graphite France, Collection particulière

Bouquet de violettes, 1863 Plume et encre brune, aquarelle un tracé au graphite Zurich,
Collection Walter Feilchenfeldt

Bouquet de pensées, 1863
Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite
Zurich, Collection Walter Feilchenfeldt

Bouquet de fleurs sauvages d'été aux pissenlits, 1863 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de
gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Bouquet de boux, 1863 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique
Baltimore, The Walters Art Museum

Paysages et fleurs des champs, une sensibilité pour la nature

La nature et les plantes, sujets de nombreuses œuvres de Léon Bonvin, ont revêtu pour lui une grande importance. A partir de 1863, l'artiste s'aventura en extérieur, parcourant la plaine de Vaugirard. Emportant sa boîte d'aqua relle, il peignit les paysages qui s'offraient à lui et chercha à en restituer avec fidélité l'atmosphère et les variations de la lu mière, au gré des saisons, du temps, des heures du jour ou de la nuit.
Des herbes folles surgissent au premier plan de ses paysages. On croit à une mise en scène, alors que c'est simplement le regard de Léon Bonvin qui transformait un coin de sous-bois, une bordure de champs ou un taillis de ronces en une re marquable composition. Plus loin, ce sont de véritables portraits de fleurs et d'arbustes placés dans leur cadre naturel.
À la manière d'un naturaliste, Léon Bonvin semble s'être tapi au ras du sol, au plus près de son sujet, pour en capter l'essence et l'interpréter de façon sensible.
Un œil attentif remarquera dans chacune de ces œuvres de minuscules personnages solitaires, disposés timide ment entre les feuillages et qui appar tiennent souvent au peuple silencieux et laborieux du monde agricole. Une présence humaine très discrète, soumise à la prépondérance de la nature.

Saule et liseron devant un paysage de rivière, 1865
Plume et encre brune, aquarelle et gouache,
rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Paysage au crépuscule, 1865
Plume et encre brune, aquarelle et gouache, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Rosier sauvage devant un paysage nocturne,
1864
Plume et encre brune, aquarelle Baltimore, The Walters Art Museum

Prunellier (?) devant un paysage au crépuscule, 1864
Plume et encre brune, aquarelle, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Paysage, effets de givre, 1865 Graphite, aquarelle et gouache blanche Département des Hauts-de-Seine, musée du Grand Siècle, Donation Pierre Rosenberg

Paysage de campagne, 1865 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Paysage crépuscule, 1865 au Graphite, plume et encre brune, aquarelle et gouache Paris, Collection particulière

Paysage avec une ferme, 1865
Plume et encre brune, aquarelle et gouache New York, The Morgan Library & Museum

Route dans la plaine de Vaugirard, 1863 Plume et encre brune, aquarelle Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt

Chemin longeant une bâtisse, 1865 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Deux figures au bord d'une route de campagne, 1861 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite
Baltimore, The Walters Art Museum

Bouton de rose devant un paysage, 1863 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Rosier devant un paysage, 1863 Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite
Baltimore, The Walters Art Museum

Tanacetum en fleurs devant un paysage, Issy-les-Moulineaux (?), 1863 Plume et encre brune, aquarelle et gouache Baltimore, The Walters Art Museum

Panicaut champêtre devant un paysage, 1864 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Chardonnerets, 1864 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum

Chardon devant un paysage d'hiver, 1864 Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique Baltimore, The Walters Art Museum


Posterité de Léon Bonvin

En janvier 1866, Léon Bonvin se suicida dans la forêt de Meudon. Les raisons qui le poussèrent à cet acte tragique étaient sans doute multiples et restent floues. Bonvin était "accablé par toutes sortes de chagrins" résume Paul Lefort (1888). Dans le milieu artistique parisien, son décès contribua à créer un mythe autour de ce jeune homme qui souhaitait vainement vivre de son art. De nombreux Quotidiens et revues se firent l'écho du drame.
Léon Bonvin laissait derrière lui une femme et trois jeunes enfants. Son demi-frère François fit appel à la communauté artistique pour soutenir une vente de charité, dont les profits permettraient de leur venir en aide. Cette vente eut lieu le 24 mai 1866. Elle rassembla des
peintres de renom tels que Courbet, Daubigny, Bracquemond, Monet, Boudin, Fantin-Latour, Ribot ou encore Whistler.
L'art de Léon Bonvin rencontra un certain engouement dans les années Qui suivirent sa mort. Des artistes, des collectionneurs et des marchands tels que les Tempelaere, acquirent ses œuvres. William Walters, un important collectionneur de Baltimore, acheta un grand nombre de ses aquarelles. Il commandita aussi au critique français Philippe Burty un article consacré à l'artiste, publié aux Etats-Unis (1885), puis en France (1886). Malgré cela, la relative renommée de Léon Bonvin déclina au début du XXe siècle.

Autoportrait, 19 janvier 1866 Plume et encre brune, aquarelle et rehauts de gouache blanche
Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt

Nature morte avec un pichet et un verre Aquarelle et gouache sur un tracé au graphite Paris, musée d'Orsay

Madame Bonvin de dos, au comptoir de l'auberge à Vaugirard, vers 1862 Plume et encre brune, aquarelle, gouache et rehauts de gomme arabique Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt

Anonyme, d'après Léon Bonvin
Madame Bonvin, 1885
Gravure sur bois, imprimée sur papier Japon Baltimore, The Walters Art Museum

Bouquet de marguerites et de violettes Huile sur toile Baltimore, The Walters Art Museum

Pot de fleur, 1861 (ou 1865 ?) Aquarelle et gouache sur un tracé au graphite Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt

Fleurs de pommier sauvage, 1863 Plume et encre brune, aquarelle Baltimore, The Walters Art Museum

Branche fleurie de cognassier du Japon (?), vers 1863
Plume et encre brune, aquarelle et rehauts de gomme arabique Saint-Lô, musée d'Art et d'Histoire

Léon et François Bonvin, frères et artistes
Il est difficile d'établir quelle était la nature de la relation qui unissait Léon Bonvin et son demi-frère. De 17 ans son aîné, François avait très tôt quitté le foyer paternel. Peintre réputé et plus expérimenté, il a peut-être joué un rôle dans l'apprentissage artistique de son cadet. Quoi qu'il en soit, il existe de nombreux points de contact entre leurs œuvres. Ce rapprochement laisse penser Que Léon avait pu voir les œuvres de François et qu'ils avaient échangé sur l'art, mais il est aussi une manière de souligner la singularité de l'art de Léon Bonvin.
L'attention des frères Bonvin était retenu par la réalité de leur quotidien : une vue de la campagne alentour, une nature mort composée sur une table de cuisine, une figure plongée dans sa lecture ou une paire de lunettes laissée près d'un livre étaient autant de sujets dignes de représentation.
Les techniques graphiques employées par Léon et François sont également similaires Ils réalisèrent des études à la pierre noire ou au fusain dans un esprit très proche, recherchant l'un comme l'autre de puissan effets de clair-obscur. Suivant les conseils de son frère, Léon utilisa aussi l'encre et l'aquarelle. Si François avait un usage tradi tionnel de ces médiums, Léon Bonvin les combinait de manière personnelle et intui tive. Ses choix étaient directement guidés par ce qu'il voyait : il cherchait à reproduire scrupuleusement ce qu'il percevait des couleurs, des lumières et des textures.

François Bonvin
Nature morte au livre et aux lunettes, 1872
Huile sur panneau Otterlo, Kröller-Müller Museum

François Bonvin
Homme assis à une table, 1859
Pierre noire
New York, W. M. Brady & Co.

François Bonvin
Femme assise en train de lire, 1853
Fusain et estompe
New York, Collection particulière

Jeune garçon lisant, 1857 Pierre noire France, Collection particulière

François Bonvin
Intérieur de cabaret, 1859 Huile sur toile Arras, musée des Beaux-Arts

François Bonvin
Vue du comptoir de l'auberge à Vaugirard Plume et encre brune, aquarelle New York, Collection particulière

Portrait de François Bonvin France, photographie, Collection particulière

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