Le Musée de Montmartre donne la parole - et rend hommage par cette première exposition qui lui est consacrée - à une femme oubliée, pourtant témoin intime d'une époque : celle de la bohème montmartroise, celle de la naissance de l'art moderne.
Fernande Olivier (1881-1966) « naît » en 1900 : elle a 19 ans et vient d'ensevelir son vrai nom Amélie Lang - et avec lui, un des chapitres les plus noirs de sa vie. Enfant non reconnue, mariée de force, épouse mineure et violentée, elle fuit son foyer.
Démunie, elle devient un modèle professionnel apprécié. Elle s'installe en 1901 au Bateau-Lavoir, ce vieil et étrange bâtiment qui verra l'éclosion des plus grands artistes du XXe siècle. Elle y vivra avec Pablo Picasso (1881-1973) qu'elle rencontre en août 1904. Elle le quitte en 1912 quand elle constate qu'il l'aime moins, « se déchirant elle-même ».
Fernande écrit Picasso et ses amis en 1933; ses Souvenirs intimes sont publiés de manière posthume en 1988. Par sa narration saisissante de vérité, elle révèle sa jeunesse, livre un récit touchant sur la difficile condition féminine de son temps, et nous fait entrer dans l'intimité du Bateau-Lavoir. Elle y décrit avec vivacité, justesse et humour ses compagnons de bohème: Apollinaire, Braque, Derain, Laurencin, Le Douanier Rousseau, Matisse, Max Jacob, Van Dongen... et celui qui n'est pas encore tout à fait Picasso auprès de qui elle aura été « heureuse, très heureuse ».
Car « il y a aussi dans ce livre une histoire d'amour qui se laisse entendre presque à chaque page, un grand souvenir qui ne peut pas s'éteindre » écrira Paul Léautaud. Fernande est au cœur de l'évolution picturale de Pablo vers le cubisme, dont elle écrira : " je l'ai vu naître et en ai suivi la lente élaboration ".
La grande richesse de son témoignage, nous la devons à sa sensibilité de femme, à sa force de femme, à son intelligence de femme. Dans ce lieu intime, comme un écrin, Fernande raconte...
"J'ai vécu avec eux, plus près d'eux que n'importe qui, puisque « chez Picasso c'était aussi chez eux (...)
J'ai vécu de leur existence, je les ai vu vivre, penser, souffrir, espérer et surtout travailler; vivant, pensant, souffrant, espérant avec eux. Je peux done, sans craindre de voir mal interpréter mes souvenirs, montrer leur vie secrète et laborieuse."
Fernande Olivier, Picasso et ses amis, 1933
Fernande Olivier (1881-1966), Autoportrait
Dessin au crayon sur papier
Fernande, femme de tête, femme de lettres
Enfant non reconnue, esseulée, Fernande se réfugie dans la lecture et l'écriture. Le jour de ses 15 ans, elle commence un journal intime, compagnon des mauvais jours.
Après sa rupture avec Pablo, pour subvenir à ses besoins, Fernande publie une série d'articles sur la bohème de Montmartre. Leur parution est interrompue par Picasso. Mais Fernande manie les mots avec verve et ses articles sont remarqués par Paul Léautaud: "Il n'y a pas d'autre mot: merveilleusement écrit. Une simplicité, une netteté, avec une force d'expression! Un très grand talent d'écrivain". Soutenue par lui, Picasso et ses amis paraît en 1933. La même année, elle est reconnue par la Société des Gens de Lettres en France. Acculée par la maladie, l'âge et la précarité, Fernande songe à publier son journal. Alerté, Picasso lui verse un million de francs par an à partir de 1957, lui permettant de vivre confortablement mais aussi de taire ses Souvenirs intimes, trop intimes: ils seront publiés à titre posthume en 1988.
Fernande Olivier (1881-1966)
Les Trois Vierges, vers 1935
Huile sur toile
Cahiers appartenant à Fernande Olivier avec autoportraits et dessins variés, vers 1930-1935
Fernande Olivier (1881-1966) Autoportrait, vers 1935
Huile sur toile
Fernande Olivier (1881-1966)
Fruits d'automne, vers 1935
Huile sur toile
Archives LBF Association
Fernande Olivier (1881-1966)
Tulipes dans un vase, vers 1905
Huile sur toile
Collection Yves Brocard
Souvenirs intimes, Fernande rencontre Pablo
Un soir d'orage d'août 1904: Fernande se souvient de sa rencontre avec Pablo au Bateau-Lavoir à Montmartre. Il vient de s'y installer tandis qu'elle y partage depuis 1901 l'atelier d'un sculpteur. Les Amants, un des premiers dessins de Fernande par Pablo célèbre elle sera toujours conservée par l'artiste. Fernande hésite à perdre son autonomie : « Picasso m'aime sincèrement. Accepter la misère avec un être parce qu'il vous aime? Seulement pour cela? Mais ce n'est pas possible. J'aime mieux travailler. Si les gens savaient ce qu'est la vie d'un modèle sérieux, on serait moins méprisant pour elle».
Septembre 1905: lorsqu'elle s'installe finalement avec Pablo, elle découvre dans l'atelier un autel qu'il lui a dédié: accroché au mur, son portrait à la plume et au-dessous, des bougies allumées. Possessif mais attentionné, il lui demande de ne plus travailler. "Picasso par une espèce de jalousie morbide, me tenait recluse. Mais avec du thé, des livres, un divan, peu de ménage à faire, j'étais heureuse, très heureuse".
Je rencontrai Picasso comme je rentrais chez moi un soir d'orage. Il tenait entre ses bras un tout jeune chat qu'il m'offrit en riant, tout en m'empêchant de passer.
Je ris comme lui.
Fernande Olivier,
Picasso et ses amis, 1933
Pablo Picasso (1881-1973)
Les Amants, août 1904
Reproduction (aquarelle, plume, encre brune et rehauts de fusain sur papier vélin) Musée national Picasso-Paris
Pablo Picasso (1881-1973)
Mère et enfant, 1903
Pablo Picasso (1881-1973)
Femme en buste, mai 1903
Encre sur papier Paris,
collection de Bueil & Ract-Madoux
Pablo Picasso (1881-1973)
Planche de dessins de Max Jacob et Picasso, Paris, décembre 1904
Pointe sèche sur cuivre. Épreuve sur papier vergé d'Arches, tirée par Delâtre Musée national Picasso-Paris Dation Pablo Picasso, 1979. MP1895
Cheval, clown, saltimbanques réfèrent au cirque Médrano tant aimé et fréquenté par le couple. Nous reconnaissons parmi les croquis la tête de Fernande. celle d'Octavio Canals- le fils de Benedetta -, et le portrait de Max Jacob. Un chat y figure aussi, clin d'oeil de la rencontre entre Fernande et Pablo.
À cette époque, Picasso travaillait
à une eau-forte maintenant célèbre : un homme et une femme sont assis devant une table chez le marchand de vin et de ce couple famélique se dégagé une intense expression de misère et d'alcoolisme d'un réalisme effrayant.
Pablo Picasso (1881-1973)
Le Repas Frugal Paris, septembre 1904
Eau-forte et grattoir sur zinc. 1er état. Épreuve sur papier vergé d'Arches, tirée par Delátre Musée national Picasso-Paris
Je fus étonnée devant l'oeuvre de Picasso. Etonnée et attirée. Le côté morbide qui s'en dégageait me génait bien un peu, mais me charmait aussi.
Si je m'endors, quand je me réveille, je le trouve à la tête du divan. Il fait constamment des portraits de moi.
Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
Pablo Picasso (1881-1973)
Portrait de Fernande Olivier
Paris, été 1906
Pointe sèche sur cuivre, épreuve sur papier vergé d'Arches, tirée par Delâtre Musée national Picasso-Paris Dation Picasso, 1979. MP1905
<< Parmi les portraits qu'il avait fait de moi, il en était un qui m'avait surpris et fait réfléchir. Ce portrait tout classique révélait sa maîtrise dans un genre si opposé à ses recherches nouvelles. Cette étude qu'il ne montra jamais à personne, qu'il enfermait soigneusement dans l'armoire aux œuvres secrètes. calme sensible et sévère, je l'aimais aussi. »
Fernande et le cercle espagnol du Bateau-Lavoir
" L'atelier de Picasso était le refuge de ses compatriotes " explique Fernande: "c'était chez lui une continuelle procession d'Espagnols". Au Bateau-Lavoir se retrouvent des artistes de tous les horizons, dont certains sont compagnons de Barcelone: Canals, Durrio, Manolo, Pichot, Soto, ou encore Sunyer, bénéficient d'une émulation artistique forte et se soutiennent financièrement aux temps difficiles. Fernande pose pour Manolo, Sunyer (son amant avant Picasso) et Canals. Ce dernier peint pour le Salon d'Automne Une loge à la tauromachie pour laquelle Fernande pose avec son amie Benedetta Canals, ancien modèle de Bartholomé et de Degas. « C'est la première peinture pour laquelle je pose et où je me "plais" écrit-elle. Fernande découvre l'Espagne avec Pablo qui aime profondément "tout ce qui était d'une couleur locale violente". À Paris, le cirque Médrano, les saltimbanques, les beuglants, les cabarets et les fêtes populaires du 14 juillet captivent son intérêt.
Ricard Canals (1876-1931)
Une loge à la tauromachie, 1904
Huile sur toile
"Il fait en ce moment un grand tableau pour le Salon. Une loge aux courses de taureau. Deux Espagnoles en mantilles, l'une noire (Benedetta), l'autre blanche (moi), sont accoudées et rient en devisant. (...) Jeux de lumière et d'ombres. Les œillets les cheveux sous la mantille fixée pourpres par un dans très haut peigne comme en portent les danseuses espagnoles. C'est clair, c'est gai, aimable, brutal et doux à la fois. J'aime ce tableau et le jeu de nos mains maigres à Benedetta et à moi. Les siennes plus petites et d'un dessin plus gracieux, les miennes plus souples, plus personnelles, aux doigts retroussés, donnent de la vie à cette composition. C'est la première peinture pour laquelle je pose et où je me plais".
Joaquim Sunyer (1874-1956)
Marché dans Paris, rue Lepic
1901
Huile sur panneau
Collection Olivier Sainsère (1852-1923)
Joaquim Sunyer (1874-1956)
Rue Lepic, Paris
1901
Pointe sèche rehaussée à l'aquarelle Collection Olivier Sainsère (1852-1923)
Ce peintre espagnol, lui, est devant la porte de la maison entouré d'une bande d'artistes de sa nationalité et qui parlent bruyamment. Ils m'ennuient un peu mais ajoutent encore de la couleur à ce coin déjà si coloré.
Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
Eveli Torrent (1876-1940)
Les Ramblas à Barcelone 1897-1899
Huile sur toile Collection David Weisman et Jacqueline Michel Dépôt au Musée de Montmartre, Paris
Ramon Pichot (1871-1925)
Scène de cabaret, vers 1900
Pastel sur papier Collection Olivier Sainsére (1852-1923)
Carlos Casagemas (1880-1901)
Casa de Cites (Maison close)
1900
Pastel, crayon, encre et gouache sur papier
Collection Olivier Sainsére (1852-1923)
Ricard Canals (1876-1931)
Tablao Flamenco, 1898
Pastel, crayon, encre et gouache sur papier
Collection Olivier Sainsère (1852-1923)
Ce qu'il aimait, c'était la guitare, les guitaristes, les danses espagnoles, les danseuses, les gitanes, tout ce qui lui rappelait son pays.
Les danseuses l'attendrissaient avec leurs larges et souples robes qui volaient autour d'elles, des fleurs dans les cheveux.
Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
Fernande et Pablo: alchimies autour d'un visage
Période rose, primitivisme, sculpture et cubisme, le visage de Fernande est l'objet de multiples métamorphoses picassiennes. Omniprésente dans son œuvre pendant cette période révolutionnaire, elle ne commente pourtant jamais son rôle de modèle pour Pablo. Si Gertrude Stein écrit qu'il dessine comme s'il avait un modèle mais sans jamais en avoir, Daniel-Henry Kahnweiler explique que son art est essentiellement autobiographique: << Il n'a jamais fait autre chose qu'écrire son amour sur ses tableaux.». Fernande raconte plutôt combien Pablo, d'un naturel taciturne et silencieux, travaille sans relâche, la nuit surtout, sans concession envers les marchands et détestant se séparer de ses œuvres. Été 1906, le couple séjourne à Gosol. C'est un tournant plastique déclencheur de la période cubiste à venir. Son visage et son corps deviennent des archetypes féminins inspirés par la sculpture archaïque. Suivent les peintures cubistes analytiques en 1910-1911 où la figure féminine de Fernande disparaît dans une construction volumétrique et une uniformité chromatique caractéristiques du cubisme.
Portrait de Picasso sur la place Ravignan, à Montmartre, en 1904
Reproduction d'une photographie anonyme Musée national Picasso-Paris
Fernande Olivier, Dolly Van Dongen et la chienne Frika, 1907
Reproduction d'une photographie anonyme Collection Le Vieux Montmartre / Musée de Montmartre
Le Bateau-Lavoir au temps de Fernande
Au 13 rue Ravignan, se dressait un bâtiment en bois appartenant en 1867 au serrurier Maillard. Cette ancienne manufacture de pianos est divisée en ateliers d'artistes en 1889. C'est Max Jacob qui l'aurait baptisée «< Bateau-Lavoir >> en voyant du linge sécher la première fois qu'il y pénétra. Ces vastes baraquements de bois, labyrinthe de coursives et d'escaliers, sont réduits en cendres lors d'un incendie le 12 mai 1970. Dans Picasso et ses amis, Fernande consigne des observations précieuses sur le Bateau-Lavoir où elle vit depuis 1901, y rencontre Picasso en août 1904 et emménage dans son atelier entre 1905 et 1909: «Glaciaire l'hiver, étuve l'été, les locataires s'y rencontraient à l'unique fontaine un broc à la main ».
Le Bateau Lavoir, 13 rue Ravignan
Reproduction d'une photographie anonyme, non datée Collection Le Vieux Montmartre / Musée de Montmartre
L'atelier de Picasso...
Un sommier sur quatre pieds dans un coin. Un petit poêle de fonte tout rouillé supportant une cuvette en terre jaune servait de toilette; une serviette, un bout de savon étaient posés sur une table de bois blanc à côté. Dans un autre coin, une pauvre petite malle peinte en noir faisait un siège peu confortable. Une chaise de paille, des chevalets, des toiles de toutes dimensions, des tubes de couleurs éparpillés à des pinceaux, des récipients à essence, une terre, cuvette pour l'eau forte, pas de rideaux. Dans le tiroir de la table, il y avait une souris blanche apprivoisée que Picasso soignait avec tendresse et montrait à tout le monde. (...) Et la petite chambre est un espace enclos dans l'atelier, au parquet à demi-pourri ; après mon premier passage, Pablo l'avait transformée en chapelle. Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
Pablo Picasso (1881-1973)
Femme nue allongée
Paris, 1908
Pablo Picasso (1881-1973)
Femme étendue, Paris, 1906
Pablo Picasso (1881-1973)
Nu debout, mains croisées derrière le dos Gósol ou Paris, été 1906
Pablo Picasso (1881-1973) Femme se coiffant, Paris, 1906
Bronze, fonte à la cire perdue C. Valsuani Musée national Picasso-Paris
Fernande remonte ses cheveux en chignon dans une coiffure singulière, quelques cheveux se détachent parfois sur sa nuque ou en longue tresse. Ces caractéristiques sont saisies par Pablo dans les images sensuelles créées à Gósol. Dans l'atelier de Durrio, et avec son aide, Pablo crée le bronze Femme se coiffant, à l'automne 1906, où l'on
devine Fernande, la tête inclinée. Ce geste féminin,dans l'esthétique de Gauguin, devient récurrent dans
ses oeuvres à partir des portraits exécutés à Gósol.
Pablo Picasso (1881-1973) Tête de Fernande, de profil Gósol ou Paris, été-automne 1906
Monotype sur verre. Épreuve sur papier vélin fin, tirée à la gouache par l'artiste Musée national Picasso-Paris
Les œuvres sur papier réalisées à Gósol, révèlent un tournant dans l'œuvre de Picasso: il élimine le clair-obscur et le détail descriptif au profit d'une approche simplifiée et plus austère du visage et de la tête. L'abandon des procédés illusionnistes pour ce nouveau langage expressif aboutir à un langage proto-cubiste. L'oeuvre Tête de Fernande, de profil, réalisée durant l'été-automne 1906, réduit son visage à un masque, traité par une simple ligne ocre brute rehaussée par un fond monochrome bleu profond.
Pablo Picasso (1881-1973)
Buste de femme à la main levée Paris, été-automne 1906
A cette époque, l'atmosphère de son pays lui était nécessaire et l'inspirait particulièrement.
Des études faites là-bas émanaient une émotion, une sensibilité plus fortes. Le côté technique qui surprend chez lui, qui heurte et fait souvent hésiter le jugement, s'effaçait, se fondait dans un sentiment plus profond, plus tendre.
Je l'ai vu en Espagne, si différent de lui-même, ou -plutôt si différent du Picasso de Paris, gai, moins sauvage, animé,
s'intéressant aux choses avec aplomb et calme, à l'aise enfin.
Fernande Olivier, Picasso et ses amis, 1933
Pablo Picasso (1881-1973)
Tête de femme (Fernande), 1906
Pablo Picasso (1881-1973)
Tête de femme, Paris, 1906-1907
Bronze
Musée national Picasso-Paris Dation Pablo Picasso, 1979. MP235
Cette sculpture témoigne d'une évolution vers un traitement simplifié du visage de Fernande, qui tend vers le masque. Pablo emprunte autant à la sculpture ibérique et catalane romane qu'à la sculpture océanique, découverte par Gauguin, et à la morphologie, la géométrie, apprises par Cézanne Cette schématisation annonce déjà le cubisme.
Pablo Picasso (1881-1973)
Tête de femme (Fernande Olivier)
Paris, automne 1909
Bronze
Prague, National Gallery Ancienne collection Ambroise Vollard, achat 1911, légué au musée en 1960. P 3834
Les œuvres produites à Horta annoncent les recherches que Pablo conduira dans un point culminant dans Tête de Femme (Fernande Olivier), créée de retour à Paris dans l'élan de ce cubisme analytique. Les éléments individuels rehaussent et déconstruisent à la fois la structure familière du visage et du crâne de Fernande Sur une structure en double ogive, sa coiffure cumule différentes formes en sections taillées, présentées de façon rythmique et symétrique, allant du sourcil jusqu'au crâne. La tête sculptée de Fernande présente une dynamique qui circule autour de la surface et à l'intérieur de la forme: c'est la première sculpture cubiste représentant Fernande.
Quiconque n'a pas vécu en terre d'Espagne, en Andalousie, en Catalogne, en Galice ou en Aragon
ne peut comprendre d'où est venue plus tard à Picasso cette forme neuve d'un art catalogue» cubisme par des critiques non encore avertis.
Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
Pablo Picasso (1881-1973)
Buste de femme (étude pour «Les Demoiselles d'Avignon») Paris, printemps 1907
Huile sur toile
Musée national Picasso-Paris Dation Pablo Picasso, 1979. MP18
En juin 1907. Pablo compose un ensemble d'études peintes pour Les Demoiselles d'Avignon avec toutes les différentes phases allant du narratif à l'iconique. Fernande est présente quand il se débat avec ces ébauches. Il durcit son langage formel: le visage des femmes - réduit à un masque ovale, avec un nez << en quart de brie», inspiré de l'art ibérique et une schématisation qui fait sensation. Il cherche à réinventer la peinture occidentale, sans unité stylistique, dans une spatialité contradictoire et une provocante confrontation: lui-même déclare qu'elle est sa première toile d'exorcisme». Si Fernande ne commente nulle part cette toile (d'après sa correspondance avec Gertrude Stein, ils étaient séparés d'août à septembre 1907), elle interprète toutefois sa démarche nouvelle et avant-gardiste dans ses écrits.
La fragmentation de la figure de de Fernande
Les peintures cubistes analytiques de 1910-1911 évoluent vers une fragmentation plus soutenue et plus complexe. Pablo s'inspire toujours de Fernande mais l'approche est désormais monumentale, les yeux habituellement en amande deviennent carrés, puis plus angulaires et tranchants. Les portraits sont cadrés dans un intérieur ou dans un paysage. Dans Femme assise dans un fauteuil, réalisée en 1910, Pablo décompose le visage de Fernande en facettes éclatées. Elle n'est plus reconnaissable: elle s'efface au profit d'une fragmentation et d'une disparition de la perspective et du volume. Fernande n'est plus suggérée autrement que par des plans et des lignes structurelles, dans les teintes ocres, brunes et vertes qui constituent alors la palette cubiste.
Pablo Picasso (1881-1973)
Femme assise dans un fauteuil
1910
Huile sur toile Musée National d'Art Moderne - Centre Pompidou
Fernande, témoin des avant-gardes
Du fauvisme au cubisme, Fernande est aux premières loges de la période charnière des avant-gardes : « J'ai vécu de leur existence, je les ai vus vivre, penser, souffrir, espérer et surtout travailler » écrit-elle. Sa connaissance des classiques du Louvre, son goût pour les impressionnistes du musée du Luxembourg, son métier de modèle et sa pratique artistique assurent la perspicacité de son jugement personnel.
Fernande défend la peinture fauve de Vlaminck, Dufy et Friesz, «>> brillant et profond. Sur le cubisme, à part Picasso «> et Braque << cherchant peut-être davantage à cause de ses moyens plus réduits >>, elle ne voit pas ce que les autres apportent comme éléments nouveaux: <<< Le cubisme aura servi beaucoup d'artistes qui, sans lui, n'auraient jamais percé. Il leur a épargné le souci de se créer une personnalité qui n'était pas en eux. >>. Gris est << sans grands dons mais malin »>, Metzinger, Gleizes et Léger sont des suiveurs, et les futuristes << venus là, comme on court à la gloire »...
Otto Freundlich (1878-1943)
Tête (Kopf), 1911
Georges Braque (1882-1963)
Le verre, 1911
Ce ne fut pas sans l'instinctive révolte du Normand méfiant qu'il est, que Braque arriva au cubisme.
Braque se refusait à être convaincu.
Mais, quelques temps après, il exposait aux Indépendants une grande toile de facture cubiste qu'il avait faite, semble-t-il, en secret.
Il n'en avait parlé à personne. Pas même à son inspirateur Picasso.
Fernande Olivier, Picasso et ses amis, 1933
Auguste Herbin (1882-1960)
Les Roses, 1912
Georges Braque (1882-1963)
Guitare et Journal: STAL, 1913
Juan Gris (1887-1927)
Pierrot à la guitare, 1919
La « Bande Picasso »
[Fernande Olivier et André Derain ?] accoudés au comptoir d'un café de la Butte Montmartre ; Chien [Frika] au premier plan.
Portrait d'Alice Derain, vers 1910
Reproduction d'une photographie anonyme
George Braque pose dans l'atelier à Paris, vers 1910
Reproduction d'une photographie attribuée à Pablo Picasso
Portrait de Guillaume Apollinaire travesti en Louise Lalanne, 1909
Reproduction d'une photographie d'Eugène Montfort
Portrait de Guillaume Apollinaire dans l'atelier de Picasso, boulevard de Clichy, Paris, 1910
Reproduction d'un contretype d'après Pablo Picasso
Marie Laurencin dans l'atelier de Picasso du 11 boulevard de Clichy,
Paris, automne 1911
Reproduction d'une photographie de Pablo Picasso
Georges et Marcelle Braque à la Villa les Clochettes, Sorgues, 1912
Reproduction d'une épreuve gélatino-argentique non datée de Pablo Picasso
Rousseau dans son atelier de la rue Perrel devant son tableau Les Joyeux Farceurs, 1907
Reproduction d'une photographie de Paul François Arnold Cardon dit Dornac (1858-1941)
Portrait de Max Jacob au piano, vers 1910-1911
Reproduction d'une photographie anonyme
Kees van Dongen, Guus, Dolly et Jean van Dongen, dans son atelier 35, rue Lamarck, vers 1908
Reproduction d'une photographie anonyme
Maurice de Vlaminck (1876-1958) Assiette, 1907-1909
Assiette à décor de tête de femme sur fond blanc Céramique
Paris, Musée d'art moderne de la Ville de Paris Don de M. Vollard en 1937. AMOA 227
Vlaminck venait assez souvent chez Van Dongen. Là, ceux qu'on appelait la « bande Picasso » firent sa connaissance. Il vivait alors à Chatou avec sa femme et ses trois filles. La vie matérielle, plus pénible encore pour lui que pour les autres, l'obligeait souvent à retourner à pied le soir à Chatou. >>
Fernande Olivier, Picasso et ses amis
Au Beau Temps de la Butte
Les souvenirs de Roland Dorgelès dans Au Beau Temps de la Butte, illustrés par Kees Van Dongen, font écho à ceux de Fernande Olivier. Tous les trois ont en commun d'avoir vécu au Bateau-Lavoir.
Malgré la précarité, leurs trois témoignages, écrits et visuels, transcrivent une même émotion pour cette période marquée par une émulation artistique et une solidarité intense, et expriment la nostalgie du << temps passé où ils n'étaient pas obligés de mettre un faux col pour aller dîner chez des amis >> et où << ils ne vivaient que de travail et d'espoir ».
Dans cette série de lithographies très vivantes, Van Dongen croque la vie quotidienne à Montmartre et les habitudes de la «< Bande Picasso » pour reprendre une expression chère à Fernande.
Van Dongen, Fernande, Picasso, Apollinaire et Max Jacob réunis aux Enfants, de la Butte rue des Trois-Frères
La vache enragée terreur de Montmartre
Pablo Picasso
au temps de l'Époque bleue
Max Jacob,
pauvre guilleret, minable le matin
et en frac le soir
Le Moulin de la Galette avant 1914
Compagne fidèledes années de misère,
je n'ai point su être celle des prospères C'est à cette époque que je me suis trouvée heureuse.
C'est là aussi, hélas! que j'ai laissé une partie de ma jeunesse et toutes mes illusions.
Fernande Olivier, Picasso et ses amis, 1933
Henri Matisse (1869-1954)
Autoportrait, 1900
Crayon sur papier Collection particulière
«Le type du grand maître ; visage aux traits réguliers, à la forte barbe dorée, Matisse était sympathique [...], réservant l'expression de son regard, mais parlant longuement dès qu'on l'entreprenait sur la peinture. Il discutait, affirmait, voulait convaincre. Clair d'une lucidité d'esprit étonnante, précis, concis, intelligent. Peut-être beaucoup moins simple qu'il aurait voulu le paraitre.
Henri Rousseau (1844-1910) dit « Le Douanier Rousseau » La charmeuse de serpents
Gravure en couleurs Atelier Lacourière et Frélaut, Paris Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
Fernande raconte Picasso et ses amis
Fernande livre un récit teinté d'humour sur le cercle des poètes, amateurs et artistes qu'elle côtoie. Elle raconte le mythique Banquet Rousseau, les samedis chez les Stein, le Lapin Agile, les soirées "Vers et prose" à la Closerie des Lilas avec Fort, Salmon et Moréas... Elle restera proche de Max Jacob, «< un excentrique, un personnage fantastique, un peu fou » qui "nous amusait jusqu'à nous fatiguer physiquement à force de rire". Apollinaire est un «étrange mélange d'aristocratie et de vulgarité» qui aime "réciter sa poésie, mais il le fait si atrocement!".
Fernande décrit l'ascension des marchands: le père Soulié, Sagot "le vieux renard sans scrupules", le sympathique Vollard et ses "trésors dans ses caves », Kanhweiler «l'esprit toujours aux aguets". Elle rencontre les premiers collectionneurs: Sainsère "conscient et obstiné", Chtchoukine et Gertrude Stein "masculine dans la voix, dans toute son allure" dont elle apprécie l'intelligence.
Marie Laurencin (1883-1956) Apollinaire et ses amis (2º version) Salon de 1909
De gauche à droite : Gertrude Stein, Fernande Olivier, Guillaume Apollinaire, Pablo Picasso, la poétesse Marguerite Gillot, le poète Maurice Cremnitz et Marie Laurencin
Manuel Blasco Alarcón (1899-1992)
Le Banquet pour Rousseau au Bateau-Lavoir, 1968
Huile sur toile, 61,5 × 91,5 cm (reproduction)
Collection Particulière
Henri Matisse (1869-1954)
Liseuse en robe violette, 1898
Huile sur toile
Reims, musée des Beaux-Arts, inv. 949.1.40 Legs Paul Jamot, 12/1939
"Matisse, beaucoup plus âgé, sérieux, circonspect, n'avait pas les idées de Picasso « Pôle nord >> et « Pôle sud » disit-il en parlant d'eux-deux."
Robert Delaunay (1885-1941) Portrait du Douanier Rousseau 1914
Huile sur toile Musée National d'Art Moderne - Centre Pompidou, Paris, AM 2633P
Don Paul Rosenberg, 1946
« Ce brave homme un peu voûté, qui trottinait plutôt qu'il ne marchait, aux cheveux gris, qu'il avait conservés épais en dépit de ses soixante-cinq ans, avec son allure de petit rentier, portait sur son visage effaré le rayonnement de sa bonté. Son teint s'empourprait facilement, dès qu'il était contrarié ou gêné. Il acquiesçait généralement à tout ce qu'on lui disait, mais on sentait qu'il se réservait et n'osait pas dire ce qu'il pensait. »
André Derain (1880-1954) Portrait du père de l'artiste vers 1904-1905
Huile sur toile Chartres, musée des Beaux-Arts Dépôt du Centre Pompidou, AM1994-77, dation 1994
[Derain] travaillait beaucoup; son talent s'affirmait de plus en plus. Sa facture large, son beau tempérament de coloriste, ses compositions si heureuses, sa facilité d'élaboration en faisait alors un artiste plus savoureux qu'il ne l'est maintenant. Malgré les difficultés matérielles, imposées par des parents crémiers au Vésinet (Chatou), je crois qui ne souciant pas d'avoir un fils artiste, lui refusaient tout subside, il resta solidement planté dans sa vocation qui le mena loin. J'ai toujours préféré l'art de Derain à celui des autres. Son métier sain et vigoureux ne trouvait pas aisément son égal.
L'atelier. qui se remplissait peu à peu retentissait de nos rires
La folie nous gagnait quelquefois
et comme des enfants, nous nous encouragions mutuellement
c'était à qui se démènerait le plus.
Puis, partant sur une réflexion de l'un ou de l'autre, tout à coup le calme revenait, [...] on discutait alors ART, LITTÉRATURE, avec autant de PASSION qu'on en avait mis dans nos jeux.
Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
Henri Rousseau (1844-1910) dit « Le Douanier Rousseau » L'Enfant à la poupée, vers 1892
Huile sur toile Paris, musée de l'Orangerie
Que n'a-t-il illustré des livres d'enfants!
Il les aurait si bien compris ! Il voyait avec ses yeux d'enfant, aidé par son cerveau d'enfant. naif et sensible,
il était merveilleusement doué pour la peinture. Un don naturel de peintre primitif.
Marie Laurencin (1883-1956) Autoportrait, 1905
Huile sur toile Musée de Grenoble
Laurencin doit à Apollinaire surtout, et un peu aux autres, de s'être révélée à elle-même. Elle comprit vite le parti qu'elle pouvait tirer d'un entourage aussi original et avancé.
Comme aussi son premier tempérament et son instinct la poussaient vers l'originalité,
ce fut tot fait.
Marie Laurencin (1883-1956)
Portrait de Max Jacob, 1908
Huile sur bois
Orléans, musée des Beaux-Arts
Ancienne collection Guillaume
"Il nous faisait passer des heures délicieuses grâce à son esprit, à sa verve éblouissante, à son charme si
particulier de conteur fantaisiste. L'originalité de son imagination ajoutait un sel spécial à tous ses récits,
à tous ses actes. Une séduction extrême, personnelle,
toute spirituelle, se dégageait alors de sa personne ".
Marie Laurencin (1883-1956)
Portrait d'Apollinaire, 1908-1909
Huile sur carton
Paris, musée de l'Orangerie
Ancienne collection Jean-Paul Kahn
Suzanne Valadon (1865-1938)
Autoportrait, 1927
Huile sur toile
Collection de la Ville de Sannois
Dépôt au Musée de Montmartre, Paris
« Le tout jeune Utter (avait-il seize ans ?) n'était qu'un petit ouvrier en cotte bleue. Il faisait ses débuts, encouragé, piloté par Suzanne Valadon.
Au cours de leurs promenades sentimentales sur la Butte, ils rencontraient quelques fois Utrillo ivre,
endormi au coin d'une borne, dans une ruelle près du Sacré-Coeur et que Suzanne, en mère vigilante,
ramenait chez elle. Suzanne Valadon n'habitait pas encore rue Cortot, mais près de la place Pigalle,
impasse Guelma, je crois. »
Fernande, modèles et artistes femmes
Compagnes d'artistes comme Marcelle Braque, Benedetta Canals,
Alice Derain et Guus Van Dongen, toutes amies de Fernande, ou
artistes confirmées telles que Marie Laurencin et Suzanne Valadon,
les femmes du Bateau-Lavoir ont avec elle en commun d'être source d'inspiration tout en cherchant à s'émanciper. Dans cet environnement masculin, souvent binaire et misogyne, elles oscillententre camaraderie et compétition. Ainsi Fernande ne reçoit pas le soutien de Pablo lorsqu'elle manifeste sa volonté de peindre et
lui demande des conseils. Ces femmes s'affirment comme modèle professionnel ou artiste à part entière, parfois les deux. Elles sont prises en tension entre ce double statut de créatrice et de muse.
Alors que les femmes attendront 1944 en France pour voter, l'acte créateur reste mâle et viril. Le modèle est subordonné à l'artiste dans son atelier où s'entremêlent création et séduction.
Observatrice perspicace, Fernande offre avec Picasso et ses amis le tableau le plus authentique de cette période » comme en témoigne Pablo. Amélie Lang a su créer sa place dans cette avant-garde bohème sous le nom qu'elle s'était choisi Fernande Olivier
Kees Van Dongen (1877-1968)
Fernande Olivier, 1907
Huile sur carton
Montpellier, Musée Fabre, Inv. 39.1.5
Achat de la Ville, 1939
"Van Dongen, avant tout, cherche l'effet, désire surprendre aussi bien dans la vie que dans ses œuvres.
Kees Van Dongen (1877-1968)
Fernande Olivier, 1907
Huile sur toile
Collection particulière
Suzanne Valadon (1865-1938)
Nu assis sur un canapé, 1916
Huile sur toile
Collection David Weisman et Jacqueline Michel
Dépôt au Musée de Montmartre, Paris
Joaquim Sunyer (1874-1956)
Portrait de Fernande
vraisemblablement commencée
en 1904, datée de 1915
Huile sur toile
Collection Jake and Hélène Marie Shafran
Fernande Olivier pose pour Joaquím Sunyer en 1904, qui fut son amant avant sa relation officielle avec
Picasso. Elle commente ainsi ce portrait : « Il a commencé un portrait de moi qui me semble réussi, mais c'est une peinture qui manque de personnalité »
En complément de l'exposition, un témoignage d'une artiste contemporaine, Agnès Thirnauer, Mots à maux :
De Fernande Olivier à Agnès Thurnauer
Silence des femmes au XIXe siècle, leurs mémoires privées et orales ont souvent disparu. C'est pourquoi les Souvenirs intimes de Fernande, tirés de son journal, apportent un rare témoignage sur la condition féminine. Fernande y révèle sa jeunesse noire, avant sa rencontre avec Pablo: viol sur mineure, violences conjugales, fuite du domicile. Violée par Paul Percheron, Fernande est retrouvée par sa tante avec un policier. Elle la gifle puis demande à l'agresseur réparation. Sous la menace, Fernande est contrainte au mariage: la victime doit se taire ou se marier.
Comment donner à voir ces mots d'hier? Des maux toujours actuels? À l'instar de Fernande, "l'écriture fonctionne comme une sculpture de soi" déclare Agnès Thurnauer pour qui le regardeur fait autant le tableau que le tableau fait le regardeur. Son œuvre devient ici l'interface entre sa parole et nous-mêmes: « On est toujours constitué de l'autre » dit l'artiste féministe, «un tableau est comme une chambre où l'on est libre de déambuler ». Son alcôve esthétique révèle bien des combats qui restent à mener.
Agnès Thurnauer
(née en 1962, travaille à Paris)
Into Abstraction #2, 1998
Into Abstraction #2, 1998
Into Abstraction #2, 1998
«Dans les années 1990, je m'interrogeais sur le fait qu'on puisse qualifier ma peinture d'abstraite. Je ne me reconnaissais pas dans ce terme que je trouvais dépassé dans son opposition à la figuration.
Un jour, intuitivement, j'ai décidé de photographier mon corps dans la peinture, en train de travailler. J'ai mis en scène quelques séquences d'autoportraits, et ai collaboré aussi avec d'autres femmes : l'idée étant celle d'un corps générique au travail. Tout de suite, j'ai été frappée par les images. Le corps ici n'est pas vis à vis de la peinture - la considérant d'un point de vue extérieur - il est dedans, il la constitue, il la continue. Cette série de photos a libéré quelque chose en moi, elle m'a affranchie de la dichotomic abstrait/figuratif, elle a ancré la certitude que la peinture est faite de gestes physiques et psychiques et que c'est de cette traversée du corps que naît le tableau.
Agnès Thurnauer
Into Abstraction #1, 2012
Crayons de couleur et acrylique sur toile Courtoisie de l'artiste
Je recevais des coups sans réagir et mon regard devait être bien méchant car il [Paul Percheron] redoublait en me disant :
Ne me regarde pas ainsi, je serai capable de te tuer.
Fernande Olivier, Souvenirs intimes, 1988
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