vendredi 9 décembre 2022

Escapade au musée d'Orsay, la tradition du portrait, Paul Helleu, Jacques de Lalaing et quelques Van Gogh en décembre 2022

Déambulation en accompagnant mon pasteur préféré voir les expos sur Edvard Munch et Rosa Bonheur.
On commence par cet accrochage sur l'art du portrait :


La tradition du portrait (1850-1880)

Portée par les commandes nombreuses de la bourgeoisie, la production de portraits se développe sous le Second Empire (1852-1870). En peinture, la période est dominée par l'influence de Ingres, dont les élèves Amaury-Duval et Flandrin perpétuent le style sobre et précis. Ils incarnent une tradition française fondée sur le dessin, à l'opposé de Winterhalter, portraitiste de la cour impériale, qui séduit par son sens du mouvement et le brio de sa touche. La génération suivante propose des variations sur ces modèles, tout en visant un plus grand réalisme, alors que s'impose le portrait photographique.
Si les portraitistes, contraints par les conventions sociales, privilégient souvent la tradition sur l'innovation, l'art du portrait sculpté connaît un vrai renouveau avec Carpeaux. Le portrait d'Anna Foucart invente son style: sourire, naturel de la pose et inspiration du xviiie siècle. Avec le portrait de Mme de La Valette, plus austère, Carpeaux fait son entrée dans les milieux élégants, dont le buste de la princesse Mathilde constitue l'aboutissement. À la chute de l'Empire, l'artiste se renouvelle avec des bustes d'un réalisme remarquable qui annoncent les recherches des années 1880.

Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827-Courbevoie 1875
Thiébaut frères, fondeur
Paris entre 1844 et 1926
Anna Foucart
1860
Bronze
En juin 1860, Carpeaux quitte Rome, où il était pensionnaire à la Villa Médicis (en tant que lauréat du prix de Rome), et retourne à Valenciennes, sa ville natale. Particulièrement attaché à la fille aînée de l'un de ses amis, il en exécute ce portrait dont le style rappelle celui des bustes du XVIIIe siècle français. Le sourire qu'il donne à ses modèles devient presque une seconde signature.

Ernest Hébert
Grenoble 1817 - La Tronche 1908
Portrait de la Comtesse Eugène Pastré, née Céline de Beaulincourt
1851
Salon de 1852 Huile sur toile

Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827 - Courbevoie 1875
Amélie de Montfort en toilette de mariée 1869
Plâtre

Ernest Hébert
Grenoble 1817 - La Tronche 1908
Comtesse Audouin de Dampierre, née Marie- Joséphine Fouache d'Halloy
1880
Huile sur toile


Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827 - Courbevoie 1875
Eugénie Fiocre
1869
Plâtre
Carpeaux exécute le buste de la célèbre Eugénie Fiocre (1845-1908), alors qu'elle est première danseuse à l'Opéra de Paris et que lui-même travaille au célèbre groupe La Danse pour la façade de l'Opéra de Paris. Ce portrait ne la représente pourtant pas en ballerine, mais plutôt dans la pose adoptée habituellement pour ses modèles de princesse ou de marquise, titre qu'elle obtiendra en 1888, par son mariage avec le marquis de Courtivron. Le buste connaît un succès public et critique considérable : « C'est simple, c'est net. et surtout c'est vivant » (Paul de Saint-Victor).

Alexandre Cabanel
Montpellier 1823 - Paris 1889
La Comtesse de Keller
1873
Huile sur toile

Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827 - Courbevoie 1875
La Princesse Mathilde
1862
Salon, Paris 1863
Marbre
Mathilde Bonaparte (1820-1904), cousine de Napoléon III, joue un rôle actif dans la société du Second Empire, notamment par son salon littéraire qui accueille des écrivains de tous bords politiques. Ce buste d'apparat, exposé au Salon de 1863, fera l'objet de critiques élogieuses et sera comparé aux œuvres des grands noms de la sculpture des xvii et XVIIIe siècles français, tels que Coysevox et Coustou.

Paul Baudry
La Roche-sur-Yon 1828 - Paris 1886
Madeleine Brohan
1860
Salon de 1861, Paris
Huile sur toile

Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827 - Courbevoie 1875
La Marquise de La Valette
1861 Plâtre
Alors qu'il séjourne à Rome en 1861, Carpeaux obtient la commande du buste de la marquise de La Valette, épouse de l'ambassadeur de France près du Saint- Siège. Elle ne fut pas satisfaite du résultat, considérant que le sculpteur n'avait pas suffisamment atténué les marques du temps. C'est pourtant avec cette œuvre que sa notoriété de portraitiste se répandra dans les hautes sphères de la société parisienne.

Amaury-Duval
Paris 1808-Paris 1885
Madame de Loynes
1862
Salon de 1863
Huile sur toile

Elie Delaunay
Nantes 1828- Paris 1891
Charles Hayem
1865
Huile sur toile
Négociant et collectionneur parisien (1838/39-1902)

John Singer Sargent Florence,
Italie 1856-Londres, Royaume-Uni 1925
Édouard Pailleron
1879
Huile sur toile

Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827 - Courbevoie 1875
Alexandre Dumas fils
1873

Élie Delaunay
Nantes 1828-Paris 1891
Madame Georges Bizet
1878
Salon de 1878
Huile sur toile

Léon Bonnat
Bayonne 1833-Monchy-Saint-Éloi 1922
Jules Grévy
Huile sur toile

Hippolyte Flandrin
Lyon 1809-Rome, Italie 1864
Napoléon-Joseph- Charles-Paul Bonaparte, prince Napoléon
1860
Salon de 1861
Huile sur toile

Jean-Baptiste Carpeaux
Valenciennes 1827-Courbevoie 1875
Le Prince impérial et le Chien Néro
1865
Marbre
Carpeaux obtient la commande du portrait de l'héritier de la dynastie. La souveraine, Eugénie, souhaitant un buste et Napoléon III une statue en pied, il s'attelle aux deux œuvres en 1865. Ici, Carpeaux rompt avec les représentations classiques des enfants princiers en mettant l'accent sur l'accessibilité du jeune prince, vêtu d'un costume civil comme un petit garçon de la haute société, mais accompagné de Néro, le chien de l'Empereur. L'oeuvre rencontre un très grand succès; elle sera éditée en différentes tailles et matériaux, même après la chute de l'Empire, et sous le simple titre L'Enfant au chien, par la Manufacture de Sevres

Accrochage

Paul Helleu (1859-1927): portraits et intimité

Proche de l'écrivain Marcel Proust, dont on commémore le centenaire de la mort cette année, Paul Helleu est le peintre privilégié des élites de la Belle Époque. C'est sur lui que le romancier calqua principalement le personnage d'Elstir dans À la recherche du temps perdu. Le poète esthète et dandy Robert de Montesquiou, qui inspira le personnage du baron de Charlus, fut aussi l'ami fidèle et le plus grand admirateur d'Helleu, à qui il consacra un ouvrage entier.
Helleu n'a pas encore bénéficié du même regain d'intérêt que ses amis, les portraitistes John Singer Sargent et Giovanni Boldini. Il était pourtant comme eux un portraitiste très recherché des milieux mondains, et sa renommée était internationale. L'éditeur Russell lui commanda en 1902 un album de portraits des vingt plus belles femmes de New York, et c'est aussi à Helleu que l'on doit le décor représentant la voûte céleste au plafond de la gare Grand Central Station.
Helleu est avant tout le « peintre des femmes ». Il les a aimées et portraiturées avec passion sa vie durant, mais aucune autant que son épouse Alice, qu'il dessina sans relâche dès leur première rencontre. La vie intime et quotidienne de leur foyer constitue une part essentielle de son art graphique. Elle apparaît dans cette salle en contrepoint à l'élégance de ses portraits mondains.

Étude pour le portrait de Mlle de Béchevet
Vers 1886
Mine graphite sur papier
Mlle de Béchevet était la petite-fille d'Harriet Howard, comtesse de Beauregard, qui fut la maîtresse de Napoléon III. Ce dessin est un travail préparatoire au grand portrait au pastel de la jeune femme. Elle y est aussi représentée frontalement, mais plus souriante et apprêtée, ses cheveux relevés en un chignon roux bouclé, une broche en or sur le col de sa tenue noire. Le portrait, exposé au salon de 1886. est l'un des premiers succès d'Helleu et lui valut cette remarque du critique Edmond Jacques: << Il va conquérir la renommée, c'est une révélation ».

Paul Helleu, Mlle de Béchevet, 1886, pastel, collection particulière

Portrait de jeune fille au chapeau noir
Pastel sur papier
L'identité de cette jeune fille n'est pas confirmée. L'hypothèse qu'il s'agisse du « Portrait de Lady Mary Montagu» entré dans les collections nationales en 1917 n'est pas concluante, car cette dernière, née en 1854, aurait au moins une trentaine d'année. Le modèle d'Helleu a l'élégance et l'aplomb d'une jeune femme, mais ses longs cheveux détachés, alors de mise pour les enfants et les adolescentes, confirment son jeune âge. Helleu a su saisir la beauté teintée de mélancolie du passage de l'enfance à l'âge adulte.

Portrait de Madame Dauflin
Pointe sèche en couleur sur papier
Helleu s'est initié à la gravure à la pointe sèche en 1885, encouragé par James Tissot, un maître dans le domaine. Tissot aurait d'ailleurs offert à Helleu sa pointe de diamant acquise en Angleterre, un instrument bien supérieur à la pointe d'acier alors utilisée en France. Helleu se fit une spécialité de cette technique pour ses portraits de femmes, dont le caractère enlevé contribua fortement à son succès. Son œuvre gravé fut largement diffusé dans la presse internationale.

"Roosevelt racontant..."
1913
Crayon noir et sanguine sur papier

Helleu a croqué l'ancien Président des États-Unis Theodore Roosevelt (1901-1909) sur l'envers de la carte du jour d'un restaurant américain. Il était sans doute assis à quelques tables de lui. En quelques traits caricaturaux, Helleu a su capter sa jubilation face à l'adulation de ses convives. L'artiste fit quatre voyages aux États-Unis entre 1902 et 1921, dont un long séjour en 1912-1913 au cours duquel il a réalisé le décor du plafond de la gare Grand Central Station à New-York, ainsi que plusieurs portraits féminins de l'élite de cette ville.

Portrait de Madame Ryan, née Arlette Warrain
Pastel
Arlette Warrain était l'une des quatre filles de l'auteur, mathématicien, sculpteur et collectionneur Francis Warrain. Ce portrait date des années 1920, et démontre qu'Helleu a su adapter son style au glamour de ces années. Il reste toutefois fidèle aux harmonies de tons gris et blanc qu'il prisait par-dessus, et qui mettent ici en valeur la beauté hautaine de son modèle et sa bouche carmin. Helleu a savamment estompé les stries de pastel pour représenter le col de fourrure dans lequel elle plonge sa main.

Six études de la tête d'une jeune femme
Crayon noir, sanguine, et rehauts de craie blanche sur papier
Ce dessin est révélateur de la fascination d'Helleu pour Antoine Watteau (1684-1721). Il s'inspire en effet ici de ses études de têtes selon la technique dite "aux trois crayons" représentant sur la même feuille un unique modèle vu sous différents angles et expressions. À l'inverse des études préparatoires de Watteau, Helleu travaillait à plus grande échelle, et considérait vraisemblablement ces portraits multiples comme des œuvres abouties, malgré leur caractère esquissé.

Paulette assise dessinant
et Paulette en buste
Vers 1914
Crayon noir, sanguine et rehauts de blanc sur papier

Paulette grippée
Sanguine sur papier

Madame Helleu, assise, de dos, tenant sa fille contre elle
C. 1905
Crayon noir et sanguine sur papier
Helleu, conscient du charme spontané des dessins qu'il avait effectués de ses enfants, en publia une sélection dans un album intitulé Nos bébés chez H. Bouquet dès 1905. Le comte Robert de Montesquiou soulignera dans sa monographie consacrée à l'artiste que la fibre paternelle d'Helleu lui avait inspiré «une grande part, peut-être la plus tendre part» de son œuvre.

Mme Helleu endormie,
sa fille contre son sein
1904
Crayon noir, sanguine et rehauts de craie blanche sur papier
Paul Helleu n'avait pas d'affection particulière pour les enfants, les siens mis à part. De même qu'il observait Alice avec un intérêt sans cesse renouvelé il les dessinait sans doute en toute discrétion, sans interrompre leurs jeux, ses croquis ayant l'instantanéité de clichés de leur vie quotidienne. Il existe de nombreux dessins et pointes sèches représentant Alice en train d'allaiter. Celui-ci porte l'inscription: "Paulette Helleu 2 jours"

Portrait de Madame Paul Helleu la veille de la naissance de sa fille Paulette
1904
Pastel et rehauts de craie blanche sur papier brun
Les Helleu eurent quatre enfants: Ellen (1887-1956), Jean (1894-1985), Alice (1896-1898), morte dans un tragique accident, et Paulette (1904-2009). Ce pastel révèle l'attendrissement d'Helleu pour Alice, sur le point de donner le jour à leur fille cadette Paulette, qui sera bien plus tard la donataire de l'essentiel des œuvres reflétant, dans cette salle, leur chaleureuse vie de famille.

Madame Paul Helleu
1894
Pastel sur papier bleu
L'écrivain Edmond de Goncourt avait noté dans son journal à propos d'Alice Helleu: "elle ne pouvait faire un mouvement qui ne fût de grâce et d'élégance et dix fois par jour il [Helleu] s'essayait à surprendre ces mouvements dans une rapide pointe sèche". Il le fit aussi dans ses dessins et ses pastels. Helleu avait un penchant certain pour les chevelures rousses, qu'il prisait particulièrement chez ses modèles, son préféré demeurant Alice.

Madame Helleu
1889
Pastel sur papier
Ce pastel d'Alice Helleu est en lien avec un portrait d'elle, à l'huile, par John Singer Sargent, également peint en 1889 (collection particulière). Le peintre américain avait invité le jeune couple à le rejoindre dans ses quartiers d'été à Fladbury dans le Worcestershire, en Angleterre. Mme Helleu semble installée à la même table que dans son portrait par Sargent, dans lequel elle est aussi vêtue de blanc. Peut-être Helleu l'a-t-il croquée entre deux séances de pose pour Sargent, ou en début de journée, devant un café et un abricot.

John Singer Sargent,
Mme Helleu à Fladbury, 1889,
huile sur toile, collection particulière

Portrait de Madame Helleu de profil
C. 1904
Crayon noir et rehauts de craie blanche sur papier bleu

La Chevelure dorée
1886
Mine de plomb, sanguine, rehauts de craie blanche et d'or
Alice avait seize ans quand Helleu réalisa ce portrait d'elle, vraisemblablement peu de temps avant leur mariage. Sa décontraction, son naturel et sa sensualité dans ce dessin contrastent avec la raideur de son tout premier portrait, de profil. Robert de Montesquiou a reproduit La chevelure dorée dans son ouvrage, Paul Helleu peintre et graveur (1913), qu'il dédicaça ainsi à Alice: ""À Madame Paul Helleu, à la multiforme Alice dont la rose chevelure illumine tant de miroirs de cuivre".


Dans les coulisses de l'atelier
Jacques de Lalaing, peintre, sculpteur et... photographe
Peintre et sculpteur belge, Jacques de Lalaing construit un œuvre abondant sous le sceau des codifications académiques. Il fait un usage intensif, et confidentiel, de la photographie. Pour conserver trace de son travail, il s'alloue les services de photographes bruxellois réputés. Pour se constituer un répertoire d'images, source d'inspiration ultérieure, il collecte des "Académies" produites à l'intention des artistes par des photographes ou éditeurs parisiens.
Lalaing est aussi l'auteur de milliers de clichés réalisés dans son vaste atelier bruxellois. Là, il met en scène ses sujets face à l'objectif: personnalités dont il doit tirer le portrait, modèles professionnels, bambins et animaux mobilisés pour une future composition. Simple outil de travail, la prise de vue fait office d'esquisse préparatoire avant le réglage du décor, l'ébauche au fusain ou au plâtre, puis la réalisation de la toile ou de la sculpture.
Ces clichés documentent le lieu où s'invente la création: disposition des espaces, bustes en cours d'élaboration, accessoires au service de la fabrique des œuvres. À travers des motifs inattendus (autoportrait dépenaillé, corps nus, bête abattue), ils révèlent aussi certaines pulsions intimes au travail.

Autoportrait présumé
Vers 1890
Élève du peintre Jean-François Portael, ainsi que de Thomas Vinçotte, sculpteur de cour et portraitiste de la haute société, Lalaing rencontre ses premiers succès dès les années 1880, en Belgique comme à l'étranger. En peinture, il affectionne les sujets militaires et les fresques allégoriques aux proportions monumentales. Dans sa sculpture, les animaux sont essentiels. Secrétaire de diverses institutions culturelles, membre de jurys prestigieux, Lalaing est une figure importante et très informée de la scène artistique européenne. Il n'en est pas moins hostile aux recherches des avant-gardes de son temps.

Modèles masculins sur un échafaudage
Entre 1886 et 1888
En 1886, le bourgmestre de Bruxelles lui passe une commande officielle : « Je voudrais qu'avec le talent sobre, mâle et vigoureux que nous admirons dans vos œuvres, vous puissiez glorifier, sur les murs de l'escalier d'honneur de notre antique Hôtel de Ville, le pouvoir communal ». Dix ans plus tard, Lalaing livre son travail, dont une immense peinture qui orne le plafond de l'escalier. Chacune des figures peintes est la transcription littérale d'un cliché qui avait été pris dans l'atelier, tel un croquis préparatoire.

Modèle féminin tenant un mannequin d'atelier Entre 1885 et 1900
En dehors de Jacques de Lalaing, pour la Belgique, ou du Français François-Rupert Carabin (1862-1932), on connait assez peu de sculpteurs au tournant du XIXe et du XXe siècles ayant fait de la photographie un outil au service de la création. Ici l'opérateur a multiplié les prises de vues en faisant tourner son sujet autour d'un axe imaginaire. Cette série d'images facilite le passage de la planéité du dessin à la tri-dimensionnalité de la sculpture.

Modèle masculin de profil
Vers 1888
Lalaing sculpte aussi pour l'espace public. À la demande de Lambert Tree, ambassadeur des États-Unis à Bruxelles, il exécute un monument à la gloire de René-Robert Cavelier de la Salle, l'explorateur français des Grands Lacs. Erigée en 1889 à Chicago, la statue en bronze représente le héros colonisateur -et futur gouverneur de la Louisiane- lorsqu'il prit fièrement possession de l'embouchure du Mississipi en 1682 au nom du roi Louis XIV. C'est un jeune modèle belge dénudé et... décoiffé, qui lui prête ses traits et sa silhouette.


Modèles tenant la pose
Entre 1885 et 1900
La pose désirée par l'artiste est parfois acrobatique ou difficile à endurer. Les coussins, tapis et tissus empêchent le contact direct des corps nus avec les planches rugueuses en bois ou avec les froides barres de fer. Grâce à la photographie, qui fait office d'aide-mémoire, Lalaing enregistre un geste, une position. Il peut ensuite travailler à son rythme, une fois que le modèle a quitté l'atelier.
Chien, cheval et enfant tenant la pose
Entre 1885 et 1900
Alors que le modèle adulte peut volontairement s'immobiliser pendant quelques secondes pour tenir la pose face à l'objectif, l'animal ou le petit enfant sont parfois moins dociles. Une panoplie de dispositifs est mise en œuvre pour les contraindre dans leur attitude: usage du licol ou de la laisse, installation d'une sellette, promesse d'une récompense ou... appoint de l'assistant.

Chien grimpant sur une estrade
Entre 1885 et 1900
Lalaing exploite ses clichés malgré les accidents techniques ou les erreurs esthétiques qu'il commet. Les corps tronqués, les contre-jours ou les bougés lui offrent des points de vue inhabituels et produisent souvent des effets audacieux. Ainsi de ces images floues qui saisissent un chien dressé sur ses membres postérieurs : c'est moins la précision de l'anatomie que l'énergie du mouvement et la puissance de la musculature qui comptent. Ce dogue domestique deviendra un trio de fauves agiles et féroces pour une fontaine intitulée Panthères noires.

Le cheval obéit à Lalaing, assisté du modèle (et cavalier) et du charretier
25 juillet 1901
On reconnait ici Lalaing donnant des instructions pour arrêter la position du canon et du sabot avant- droits du cheval. S'il mentionne volontiers dans son Journal la manière dont il dirige ses modèles dans l'atelier, ou plus rarement en extérieur, Lalaing n'évoque que rarement sa pratique d'opérateur et encore moins son usage assidu de la photographie. À l'instar de nombre de ses pairs, c'est un secret d'atelier qui ne se partage pas.
Cheval mort baignant dans son sang
Entre 1885 et 1900
Les animaux, et surtout les fauves et les chevaux, sont omniprésents dans l'œuvre de Lalaing. Pour mieux les étudier, l'artiste fréquente les zoos et les écuries. En 1899, il installe une ménagerie dans le jardin de son hôtel, dans lequel il encage un tigre. Un autre jour, il exploite la mort inopinée d'un de ses chevaux pour enrichir son répertoire d'images. Il se procure aussi des bêtes déjà mortes ou qu'il n'hésite pas à occire: « Je fais acheter et tuer un lapin et le met tout chaud en pose avec mes tigres comme proie », écrit-il en 1907 dans son agenda. Ou encore: « Nous asphyxions la petite chèvre. Toute une bouteille de chloroforme ».

On termine par quelques Van Gogh, pour le plaisir des yeux :

L'Église d'Auvers-sur-Oise,
vue du chevet
1890
Huile sur toile
Entre son arrivée à Auvers-sur-Oise, le 21 mai 1890, et sa mort, le 29 juillet, Van Gogh peint environ soixante-dix toiles. Une seule représente l'église gothique du village. Van Gogh choisit un point de vue sur le chevet, en contre-plongée. Les lignes et les touches sont mouvantes et accentuant l'impression de distorsion du bâtiment. Des lumières contradictoires éclairent la scène. Le premier plan est vivement éclairé alors que l'église se détache sur un fond de bleu de cobalt évoquant un ciel d'orage ou de nuit.

La Méridienne,
dit aussi La Sieste
1889-1890
Huile sur toile
Pendant son internement à Saint-Rémy-de-Provence, Van Gogh s'inspire de gravures en noir et blanc d'après des tableaux de Jean-François Millet (1814-1875). À partir de ces modèles, il peint des toiles de grandes dimensions qui ne sont pas des copies mais de libres interprétations de ces compositions. « C'est plutôt traduire dans une autre langue, celle des couleurs, les impressions de clair-obscur en blanc et noir >> écrit-il à son frère le 3 novembre 1889. Vincent admire la capacité de Millet à peindre l'humanité d'une manière simple, familière et solennelle.

Portrait de l'artiste
1889
Huile sur toile
Van Gogh réalise de nombreux autoportraits qui reflètent son état physique et mental. Il réalise celui-ci pendant son séjour à l'hôpital de Saint-Rémy et écrit à son frère le 20 septembre 1889: << Je t'envoie aujourd'hui mon portrait à moi, il faut le regarder pendant quelque temps - tu verras j'espère que ma physionomie s'est bien calmée quoique le regard soit vague davantage qu'auparavant à ce qui me paraît. >> Malgré ces affirmations, le fond turquoise tourbillonnant révèle un tumulte intérieur renforcé par le camaïeu de bleus exprimant la tristesse et l'angoisse.

L'Arlésienne
1888
Huile sur toile
En admiration devant la beauté des Arlésiennes, Van Gogh réalise le portrait de Marie Ginoux. Celle-ci est l'épouse du propriétaire du café de la Gare, un établissement fréquenté par le peintre et par Gauguin lorsqu'il le rejoint en Arles. Malgré les traits accentués du visage, le portrait est assez fidèle au modèle et vise à représenter un personnage type d'Arlésienne. Cette femme à l'expression mystérieuse et mélancolique s'apparente à une icône provençale.
Portrait de l'artiste
1887
Huile sur toile
Cet autoportrait, exécuté à Paris à l'automne 1887, témoigne de profonds changements dans la peinture de Van Gogh depuis son arrivée dans la capitale en mars 1886. Sa palette s'est éclaircie, sa touche étirée et morcelée. Ce nouveau style adopté au contact de Gauguin et de Bernard renforce l'expressivité du sujet. Influencé également par la «peinture scientifique» de Seurat et de Signac, il joue du puissant contraste des couleurs complémentaires entre le bleu et le jaune-orangé. Une certaine assurance se dégage alors de la physionomie de l'artiste, récemment converti à l'art moderne.




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