jeudi 20 octobre 2022

Oskar Koskoscka, un fauve à Vienne en octobre 2020 au MAM


Superbe rétrospective ! Un parcours très riche dont voici la présentation et les principales œuvres :

Peintre mais aussi poète, écrivain, essayiste et dramaturge, Oskar Kokoschka (1886-1980) est associé aux mouvements artistiques et intellectuels de la Vienne du début du XXe siècle et à ses contemporains Gustav Klimt (1862-1918) et Egon Schiele (1890-1918). Ses premières productions constituent un choc pour le public et la critique qui le qualifient d'« Oberwildling », le plus sauvage d'entre tous. Cependant, la richesse de son parcours personnel et artistique excède ce contexte viennois, et nous permet de traverser à ses côtés le XXe siècle européen et ses bouleversements, sans jamais renier ses qualités premières.
Sa soif d'indépendance l'a maintenu à l'écart des mouvements d'avant-
gardes, ce qui explique sans doute une difficulté à l'intégrer dans les récits balisés de l'histoire de l'art. Si Kokoschka acceptait un qualificatif, c'était celui d'expressionniste, dans sa volonté de traduire par la peinture ses états d'âme et ceux de son époque. «Je suis expressionniste parce que je ne sais pas faire autre chose qu'exprimer la vie », a-t-il un jour déclaré. À ce titre, l'engagement
dont il a fait preuve transparaît dans chacune de ses œuvres et situe l'artiste comme témoin essentiel de son temps et de ses transformations.
Ce positionnement très libre explique l'évolution dans la réception de Kokoschka au fil des époques. Artiste sulfureux à ses débuts, il devient une cible privilégiée des nazis, qui en font le représentant d'un "art dégénéré"
qu'ils souhaitent anéantir. Après avoir lutté à travers ses œuvres contre le fascisme, il devient après la Seconde Guerre mondiale une figure de référence de la réconciliation européenne et participe activement à la reconstruction culturelle d'un continent dévasté.
Mais jusque dans ses dernières œuvres, réalisées au cours des années 1970, il ne se départira jamais de son intransigeance et de son invention créative.



Un "enfant terrible" à Vienne (1904-1916)
Pronant l'unité des arts, les artistes de la Sécession et de la Wiener
Werkstätte (1903-1932) inventent alors à Vienne des formes douces
et végétales, qui prolifèrent aussi bien en art qu'en architecture. L'irruption d'Oskar Kokoschka sur cette scène artistique fait donc l'effet d'une "explosion dans un jardin", comme l'analyse l'historien Carl Emil Schorske.
Kokoschka s'affirme par la crudité de ses dessins et textes, qui annoncent
le courant expressionniste. Son premier poème illustré en 1908, Les Garçons quì rêvent, dédié à Gustav Klimt en remerciement de son soutien, crée un scandale lors de son exposition à la «Kunstschau» de Vienne. Celui-ci se répète une année plus tard avec la première représentation de sa pièce de théâtre Meurtrier, espoir des femmes.
Qualifié de fauve par la critique, Kokoschka se rase la tête pour
ressembler à un bagnard. Il rencontre aussi des alliés, en particulier l'architecte Adolf Loos (1870-1933), adversaire d'un art réduit à un usage purement décoratif.
Kokoschka reçoit par le soutien de Loos de nombreuses commandes
de portraits des membres de la société viennoise, qui n'acceptent pas
toujours facilement le regard perçant que l'artiste pose sur eux. Combinant des exagérations maniéristes avec son propre expressionnisme, Kokoschka
parvient à mettre en lumière les états interieurs de ses modèles.

OSKAR KOKOSCHKA
Le Joueur de transe (Ernst Reinhold)
1909
Huile sur toile
Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts de Belgique
Le Joueur de transe représente l'acteur Ernst Reinhold, ami de
Kokoschka et interprète du rôle principal de sa pièce à scandale
Meurtrier, espoir des femmes en 1909. Kokoschka explore
ici l'aspect psychologique de son modèle qui prend le pas
sur la réalité des détails. La figuration de la main gauche
à quatre doigts caractérise cette conception du portrait, comme
le titre choisi par Kokoschka, qui entre en résonance avec
l'intensité du regard bleu du modèle. Cette œuvre, considérée
comme dégénérée, est saisie des collections allemandes
en 1937 et entreposée au château de Schönhausen à Berlin.
Les Musées royaux des beaux-arts de Belgique achètent l'œuvre
lors de la vente aux enchères de Lucerne en 1939. D'une fragilité
extrême, le tableau a récemment fait l'objet d'un travail de
restauration approfondi.

Dans la suite du post, toutes les œuvres sont de Koskoscka sauf mention contraire.

Paysage hongrois
1908
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Bertha Eckstein-Diener
1910
Huile sur toile
Vienne, mumok - Museum moderner
Kunst Stiftung Ludwig Wien

Le Saint-Suaire de Véronique
1909
Huile sur toile
Budapest, Szépművészeti Múzeum
Le Saint-Suaire de Véronique est l'un des rares tableaux au sujet
explicitement religieux dans l'œuvre de Kokoschka. Peinte en 1909,
la toile représente la sainte qui, pendant la Passion, aurait tendu
son voile à Jésus pour que celui-ci puisse essuyer son visage.
L'empreinte s'y serait miraculeusement imprimée. Dans son autobiographie, Kokoschka raconte que son modèle était la fille
de sa concierge, Veronica. Ici, un fort contraste s'établit entre
le visage blafard de la sainte et l'image ensanglantée du Christ
sur le voile. Le tableau présente plusieurs traits caractéristiques
de la peinture de Kokoschka comme l'expressivité des mains
et le halo blanc qui entoure Véronique.

Auguste Forel
1910
Huile sur toile
Mannheim, Kunsthalle Mannheim
En 1910, Oskar Kokoschka réalise le portrait d'Auguste Forel,
célèbre psychiatre et scientifique suisse. Alors âgé de vingt-
quatre ans, l'artiste réalise un portrait remarquablement
expressif. Il se détache de l'idéalisation de la figure humaine
et représente le scientifique dans un espace flou, presque irréel.
Le portrait ne va pourtant pas plaire à son commanditaire,
qui juge que ce tableau appartient davantage «au domaine
de la psychiatrie qu'à celui de l'art ». Il refuse donc de l'acheter.
L'œuvre est finalement acquise par la Kunsthalle Mannheim
en 1913. Saisie des collections allemandes en 1937, elle est
entreposée au château de Schwetzingen puis dans la mine
de sel de Heilbronn pendant la guerre.

Enfants jouant 
1909
Huile sur toile
Duisbourg, Lehmbruck Museum
Kokoschka s'intéresse vivement à la psychologie infantile,
ce dont témoigne ce double portrait des enfants du libraire viennois
Richard Stein. Marie Charlotte et son frère aîné, Walter, sont
représentés dans une apparente entente, que contredisent
pourtant les positions des mains. La main gauche de la petite fille
est représentée poing fermé, refusant la main ouverte et tendue
de son frère. Affirmant un regard nouveau sur l'enfance où
cohabitent tendresse et agressivité, l'œuvre choque le public
viennois dès sa première exposition, en 1911. Elle est lacérée par
un visiteur lors d'une exposition à Vienne en 1924. Le tableau,
considéré comme dégénéré, est saisi des collections allemandes
en 1937 et entreposé au château de Schönhausen à Berlin. Il est
présenté lors de la vente aux enchères de Lucerne en 1939.

Hans et Erica Tietze
1909
Huile sur toile
New York, Museum of Modern Art
Fonds Abby Aldrich Rockefeller
En 1909, le couple de critiques et historiens de l'art Hans et Erica
Tietze commande à Kokoschka un portrait de mariage à la mode
Renaissance pour leur dessus de cheminée. L'artiste les peint
l'un après l'autre, ce que suggère leurs expressions introspectives,
mises en tension par la proximité de leurs mains. Lors des séances
de pose, le couple était autorisé à vaquer à ses occupations -
marcher, discuter, répondre à des lettres. Les fines couches de
couleurs créent ici une atmosphère brumeuse, dynamisée par les
marques de grattage de la main de l'artiste. Passionnés par l'art
de leur temps, les Tietze étaient d'ardents défenseurs de l'œuvre
de Kokoschka. Ce tableau témoigne de cette amitié.

Autoportrait 1910

Max Schmidt
1914
Huile sur toile
Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza

Herwarth Walden
1910
Huile sur toile
Stuttgart, Staatsgalerie Stuttgart
Acquis avec les Fonds du Loto, 1966
Grâce à Adolf Loos et Karl Kraus, Kokoschka rencontre l'éditeur
berlinois Herwarth Walden, qui s'apprête à lancer la célèbre revue
d'avant-garde Der Sturm Quand il réalise ce portrait, l'artiste
participe alors activement à la création de la revue qui sera
suivie de l'ouverture d'une galerie deux ans plus tard. Kokoschka
peint de profil celui qu'il considérait comme un représentant
absolu de la modernité. En 1910, Kokoschka loge plusieurs mois
à Berlin dans la maison de l'éditeur et de son épouse, la poétesse
Else Lasker-Schüler Membre du Parti communiste, Herwarth
Walden fuit à Moscou face à la montée du nazisme en 1932.
Déclaré ennemi du parti pour ses activités éditoriales, il est
arrêté et envoyé dans un camp à Saratov, où il meurt en 1941.

Le Gestionnaire
1910
Huile sur toile
Vienne, Belvedere


Avec la Wiener Werkstätte

La Sécession, regroupant autour de Gustav Klimt les artistes rejetant l'art
académique, revendique une alliance nécessaire avec les arts appliqués. Dans ce but,
la Wiener Werkstätte "Atelier viennois" est fondée en 1903 sur le modèle des Arts and Crafts anglais, pour associer artistes et artisans dans la création d'un art total.
Les liens de cette association avec l'École des arts appliqués de Vienne, où etudieKokoschka à partir de 1904, sont nombreux. En octobre 1907, le jeune artiste organise
une soirée théâtrale au Cabaret Fledermaus, haut lieu de rencontre de la vie artistique,
démontrant son intérêt précoce pour la scène. Il obtient en outre plusieurs commandes, dont sa première œuvre graphique d'envergure, Les Garçons qui rêvent (1908), poème
écrit et illustré par Kokoschka, qui raconte l'éveil des adolescents à la sexualité.
Toutefois, le rapprochement de Kokoschka avec l'architecte Adolf Loos, qui porte un regard critique sur ce mouvement qu'il juge assujetti au décoratif, le conduit à s'éloigner de l'association à partir de 1909.

Carl Leo Schmidt
1911
Huile sur toile
Madrid, Colección Carmen Thyssen-Bornemisza
En 1911, Kokoschka est chargé de réaliser le portrait de groupe
de trois frères, Hugo, Max et Carl Leo Schmidt, gérants d'une
maison de fabrication de mobilier avec laquelle Adolf Loos
avait travaillé. Le projet fut abandonné après une seule séance
de travail, ce qui conduisit à la fragmentation des portraits.
En raison de leur caractère inachevé, ces tableaux témoignent
du processus de travail de Kokoschka, appliquant des coups
de pinceau rapides mais précis pour le contour général avant
de commencer à modeler les visages. Le portrait de Max Schmidt
fut le seul des trois portraits à être achevé, trois ans plus tard

Cycle lithographique
Colomb enchaîné [Der gefesselte Kolumbus]
1913
Publié en 1916
Lithographies sur papier
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch


Cycle lithographique d'après la cantate nº 60
Oh Éternité, toi, parole foudroyante!, de Jean-Sébastien Bach
1914
Publié en 1916
Lithographies sur papier
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Alma Mahler
1913
Crayon sur papier
Édimbourg, National Galleries of Scotland
Acquis en 1987

WENZEL WEIS
Oskar Kokoschka le crâne rasé
Vienne, 1909
Tirage argentique monté sur carton
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum

Jeune Fille debout entre des sarments de vignes
Affiche pour la « Kunstschau » de Vienne
1908
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France

Amokläufer
Inspiré du roman Amok ou le Fou
de Malaisie, de Stefan Zweig
1908
Aquarelle sur papier
Vienne, Museum Ortner

Jeune Fille nue debout
1912
Fusain sur papier
Doris et Gabor Rose

Der Sturm et les cycles graphiques
Oskar Kokoschka entre en relation avec un réseau artistique et littéraire parl'intermédiaire de son ami Adolf Loos. Il rencontre notamment l'écrivain autrichien Karl Kraus (1874-1936), fondateur de la revue polémique Die Fackel, et, en 1910,
l'éditeur berlinois Herwarth Walden (1878-1941), fondateur de la galerie et revue Der Sturm. Jouant un rôle fondamental dans le développement des avant-gardes en Allemagne, Walden permet à Kokoschka de quitter un temps Vienne pour Berlin
afin de collaborer à cette entreprise, en illustrant les pages de sa revue.
L'exploration à laquelle il se livre, intime, provocante, aux accents misogynes caractéristiques de cette époque, se deploie dans les illustrations de sa pièce de théâtre Meurtrier, espoir des femmes (1908) avant d'investir la réalisation de cycles graphiques qui prennent une place centrale dans le parcours de l'artiste. Faisant écho à sa relation amoureuse et conflictuelle avec la compositrice Alma Mahler (1879-1964), Colomb enchaîné [1913) et La Cantate de Bach (1914) décrivent les tourments, la fusion des pulsions de vie et de mort, et le rôle funeste des femmes dans le destin des hommes, selon une tradition qui va d'Arthur Schopenhauer à Otto Weininger

Alexis af Enehjelm
1911
Huile sur toile
Hambourg, Hamburger Kunsthalle
Acquis en 1954

Annonciation
1911
Huile sur toile
Dortmund, Museum Ostwall im Dortmunder U
Collection Gröppel

Portrait de jeune fille
1913
Huile sur toile
Salzbourg, Cullection Museum der Moderne Salzburg

Paysage alpin, Mürren
1912
Huile sur toile
Kochel am See, Franz Marc Museum
En prêt d'une collection particulière

Carl Moll
1913
Huile sur toile
Vienne, Belvedere
Legs de Carl Moll, 1945
Fondateur avec Gustav Klimt de la Sécession viennoise, l'artiste
et collectionneur Carl Moll encourage vivement le travail
de Kokoschka, avec qui il se lie d'amitié. Marié à la mère d'Alma
Mahler, Anne Sofie Schindler, c'est par son entremise que les
deux amants se rencontrent. Peint dans l'appartement de Carl
Moll situé dans un quartier de la riche bourgeoisie viennoise,
ce portrait le présente moins en tant qu'artiste qu'habile homme
d'affaires et collectionneur, Kokoschka y déploie une touche
énergique empruntée au Greco, qu'il découvre lors de son séjour
à Venise, au printemps 1913

Paysage des Dolomites, Tre Croci
1913
Huile sur toile
Vienne, Leopold Museum
En août 1913, Alma Mahler et Oskar Kokoschka se rendent dans
le massif montagneux des Dolomites en Italie. Dans ses Mémoires,
Alma Mahler évoque le travail effréné du peintre à la recherche
de nouvelles couleurs lors de leurs promenades en forêt.
Cette peinture marque un tournant dans l'œuvre de Kokoschka,
qui s'y affirme comme coloriste. Ici, la palette s'enrichit de nuances saturées de vert et de bleu. S'en dégage l'impression d'un paysage irréel que Kokoschka captura très certainement après une tempête. Cette œuvre est saisie des collections
allemandes en 1937 et présentée lors de l'exposition d'art dégénéré organisée par les nazis à Munich.

Princesse Mechthilde Lichnowsky
1916
Huile sur toile


Le Prisonnier
[Der Gefangene]
1914
Huile sur toile 

Première Guerre mondiale
Le déclenchement du conflit, en septembre 1914, correspond à la rupture entre Alma Mahler et le peintre. Adolf Loos le recommande pour intégrer le régiment des dragons impériaux, corps d'élite qui nécessite la vente d'un de ses-chefs d'œuvre, La Fiancée du vent, pour acheter un cheval. Blessé sur
le front russe en 1915 à la tête et aux poumons, il est soigné dans un hôpital à Brno. Il repart au front en 1916 comme peintre de guerre sur la bataille de l'Isonzo, en Italie. L'explosion d'une grenade le blesse à nouveau. Il est évacué à Vienne, puis à Berlin. De cette période dramatique, on ne conserve que quelques dessins qui témoignent de la violence des combats

Front d'Isonzo, l'église Selo
1916
Pastel sur papier
Vever Fundation Dukar Kakachia
musée Jenisch

Front d'Isonzo, Tolmin
1916
Pierre noire et pastel sur papier
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Front d'Isonzo, le Baka [Poilu] 
1916
Pastel, aquarelle et pierre noire sur papier Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Oskar Kokoschka, peintre de guerre, avec ses camarades József Rippl-Rónai et Kálmán Tóth
Front d'Isonzo, 29 juillet 1916

Oskar Kokoschka discutant avec des infirmières et des soldats dans le Burggarten
Vienne, 1916

Oskar Kokoschka en costume de soldat pour le régiment des dragons nº 15
Vienne, 1915

Les années de Dresde (1916-1923)
Déclaré inapte au service militaire, Kokoschka séjourne à Berlin à la fin
de l'année 1916, où il signe un contrat avec le galeriste Paul Cassirer (1871-1926). Alors qu'il traverse une phase de profonde dépression liée à la guerre, il est soigné dans un centre de convalescence à Dresde.
Il se rapproche de la scène artistique de la ville, notamment théâtrale,
qui l'encourage à poursuivre ses créations dramatiques. En 1919,
il obtient un poste de professeur à l'Académie des beaux-arts, qu'il occupe jusqu'en 1923.
Inquiet de l'instabilité du climat politique, des explosions révolutionnaires
comme de leurs sanglantes répressions, il s'en distancie en affirmant la nécessaire indépendance de l'art. Il proteste notamment contre l'endommagement d'une toile de Rubens lors d'affrontements à proximité
des musées de Dresde. Cela lui vaut la réprobation d'artistes Dada comme George Grosz (1893-1959) et John Heartfield (1891-1968), qui publient une tribune à son encontre.
À Dresde, Kokoschka visite régulièrement les musées et leurs chefs-d'œuvre de Rembrandt, Titien, Raphaël. Il recherche de nouvelles formes d'expression picturale, tentant de «résoudre le problème de l'espace, de la profondeur picturale, avec des couleurs pures, pour percer le mystère de la planéité de la toile». 


Les Amis [Die Freunde]
1917-1918
Huile sur toile Linz, Lentos Kunstmuseum
Gravement blessé sur le front, Kokoschka se rétablit dans un sanatorium de la banlieue de Dresde. Il se rapproche rapidement des cercles artistiques et intellectuels de la ville. D'abord intitulée Les Joueurs de cartes, l'œuvre témoigne de ces nouvelles amitiés: Kokoschka se représente de dos, entouré de l'actrice Käthe Richter, des poètes Walter Hasenclever et Ivar von Lücken, et du psychiatre Fritz Neuberger. Ce chef-d'œuvre marque une autre étape stylistique, où prédomine une matière picturale dense. Cette œuvre est saisie des collections allemandes en 1937 et présentée lors de l'exposition d'art dégénéré organisée par les nazis à Munich.

Autoportrait [Selbstbildnis]
1917
Huile sur toile
Wuppertal, Von der Heydt-Museum
Kokoschka réalise cet autoportrait au tout début de l'année 1917, alors qu'il est encore à Berlin. La tranquillité affichée par l'artiste est contredite par l'atmosphère crépusculaire qui l'entoure. Au sortir de la séquence traumatique de son engagement au front, il conserve de graves séquelles tant physiques que psychologiques. D'une main, il désigne d'ailleurs la blessure qu'un soldat russe lui a infligée d'un coup de baionnette dans les poumons en 1915. De façon prémonitoire, il s'était auparavant représenté blessé au flanc, tel le Christ, dans son autoportrait pour le magazine Der Sturm en 1910.

Nell Walden
1916
Huile sur toile
Berlin, Berlinische Galerie - Museum for Modern Art, Photography and Architecture
C'est par l'intermédiaire de son mari, Herwarth, que Kokoschka rencontre Nell Walden, peintre, écrivaine et collectionneuse d'art suédoise installée à Berlin. Avec son époux, elle travaille activement au développement de la revue Der Sturm et gère sa galerie du même nom. A partir de 1915, elle commence une carrière d'artiste avec des compositions abstraites. Dans les années 1930, elle subit la menace nazie qui liquide son atelier. Elle reste l'un des grands soutiens de Kokoschka jusqu'à la fin de sa vie. Le portrait de Nell Walden, que le peintre réalise, témoigne d'une application rapide de couleurs qui, juxtaposées, croissent en intensité.

Katja
1918-1919
Huile sur toile
Wuppertal, Von der Heydt-Museum
Agenouillé face à sa toile, l'artiste peint, le regard fasciné, le visage de Katja. Ce double portrait d'Oskar Kokoschka et de Käthe Richter témoigne du lien intime qui unissait les deux artistes. Actrice et interprète des pièces de Kokoschka à l'Albert Theater de Dresde, Käthe Richter devient l'un des modèles les plus représentés de son œuvre. L'artiste s'inspire ici des grands maîtres flamands et détourne de façon humoristique l'iconographie chrétienne de saint Luc dessinant la Vierge. Ce thème lui permet de revêtir la posture du peintre saint, et ainsi de porter un regard divin sur son modèle, vêtue d'une simple robe de chambre et d'un bonnet de nuit.

Mère et Enfant [Mutter und Kind]
1921
Huile sur toile
Vevey, musée Jenisch

Autoportrait les bras croisés [Selbstbildnis mit gekreuzten Armen]
1923
Huile sur toile
Chemnitz, Kunstsammlungen Chemnitz

Le Peintre II (Le Peintre et son modèle II]
1923
Huile sur toile
Saint-Louis, Saint-Louis Art Museum Legs de Morton D. May

Le Peintre II [Le Peintre et son modèle II] constitue un rare exemple de double autoportrait. Kokoschka s'y représente au premier plan en train de peindre. Son modèle n'est pas la jeune femme vêtue de jaune qui l'observe au second plan, mais bien son propre portrait, le crâne rasé, motif créé par Kokoschka pour la revue Der Sturm en 1910. Par ce tableau dans le tableau, l'artiste met en scène son propre cheminement artistique devenu acte d'introspection.

Le Pouvoir de la musique [Die Macht der Musik]
1918-1920
Huile sur toile
Eindhoven, Collection Van Abbemuseum
Réalisé pendant plusieurs mois entre 1918 et 1920, Le Pouvoir de la musique s'impose comme un chef-d'œuvre de Kokoschka tant par sa qualité plastique que par le traitement du sujet. Tendant un bouquet de lilas, une jeune femme souffle dans une flûte Renaissance, ce qui semble surprendre un jeune homme assis, comme réveillé par le son; au loin, un chien s'éloigne du couple. D'abord intitulée La Faiblesse et la Force, cette œuvre d'une incroyable intensité colorée constitue un appel à l'éveil par la puissance universelle de la musique. Considérée comme dégénérée, la peinture est saisie des collections allemandes en 1937 et entreposée au château de Schönhausen à Berlin.

Gitta Wallerstein
1921
Huile sur toile
Dresde, Albertinum I Galerie Neue Meister

Hans Mardersteig et Carl Georg Heise
1919
Huile sur toile
Rotterdam, Collection Museum Boijmans Van Beuningen Acquisition Stichting Fonds Willem van Rede Prêt permanent de l'Agence du patrimoine culturelle aux Pays-Bas
En 1919, l'historien de l'art Carl Georg Heise demande à Kokoschka de réaliser le portrait de son compagnon, le typographe Hans Mardersteig. Occupé à la réalisation de l'œuvre allégorique Le Pouvoir de la musique, l'artiste refuse d'abord, puis propose de peindre les deux amis ensemble, comme une image du lien qui les unit. Inspiré des diptyques flamands représentant un couple marié, ce double portrait devait initialement se refermer par un système de charnières à la manière d'un coffret. L'utilisation des couleurs tend ici à refléter la personnalité des deux hommes: bleu clair pour le discret Mardersteig et vert vif pour Heise.

Peintre à la poupée [Maler mit Puppe]
1922
Huile sur toile
Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie Acquis par l'État fédéral de Berlin, 1977
Ce tableau a probablement été peint après la destruction de la poupée orchestrée par Kokoschka, qui s'avère déçu par le travail d'Hermine Moos, et lui reproche d'avoir fabriqué un être monstrueux. L'amertume et l'ironie se perçoivent dans cette toile, où la poupée apparaît au premier plan, couchée telle l'Olympia de Manet, mais figée et difforme. S'appuyant nonchalamment sur son genou, l'artiste pointe du doigt le sexe du fétiche, le regard perdu au loin. Le geste à la fois obscène et accusateur met en lumière sa désillusion. Pour autant, la poupée continuera à inspirer d'autres œuvres de Kokoschka, puisqu'on la retrouve notamment dans La Source, en 1938.

Dresde, Neustadt V [Dresden, Neustadt VI
1921
Hulle sur toile
Jérusalem, Israal Museum
Collection Sam Spiegel Migué aux Ama américains du Israsi Musum

Dresde, Neustadt VII (Dresden, Neustadt VII
1922
Huile sur toile
Hambourg, Hamburger Kunsthalle Don de la compagnia HF and Ph. F. Reamtama, Hambourg, 1945

Ces deux tableaux appartiennent à la série de paysages de l'Elbe que surplombe l'atelier de Kokoschka alors qu'il réside à Dresde De 1921 à 1923, l'artiste n'exécute pas moins de dix vues du fleuve qui rendent comple de ses recherches stylistiques: simplification des formes, profondeur et dynamisme des couleurs. Cette série annonce les couvres réalisées les années suivantes lors de ses voyages Alors reconnu comme portraitiste, Kokoschka se détache de cette étiquette pour s'affirmer comme maître de la peinture de paysage dans la lignée du Vénitien Canaletto, qui a représenté des vues de Venise, Londres ou encore Dresde.

Autoportrait au chevalet [Selbstbildnis an der Staffelei]
1922
Huile sur toile
Vienne, collection particulière Courtesy Leopold Fine Arts
Kokoschka se représente ici dans son atelier à l'Académie des beaux-arts de Dresde. L'artiste s'est placé entre une poupée et son chevalet, dans une pose saugrenue. Sa tête disproportionnée s'enfonce dans ses épaules, ses yeux écarquillés interrogent le spectateur. «Bossu» est le terme qu'emploie Kokoschka pour définir cet autoportrait. Cette fois-ci, il ne représente pas sa poupée fétiche, mais une figure d'argile de la sculptrice Gela Forster. Peu de temps avant la réalisation de cet autoportrait, Kokoschka avait procédé à la destruction de la poupée, mais il est possible que l'artiste ait souhaité faire une nouvelle référence à cet épisode.

La Poupée
En 1918, plusieurs années après sa rupture avec Alma Mahler, Kokoschka commande à l'artiste Hermine Moos (1888-1928) une poupée à taille réelle à son effigie. L'artiste tente de concrétiser ainsi un fantasme, par ailleurs récurrent dans la littérature depuis le personnage d'Olympia des Contes d'Hoffmann (1817), celui d'une femme artificielle.
Cette poupée fétiche est réalisée sur les instructions que Kokoschka fait parvenir à Hermine Moos, qui sont très précises dans les attendus esthétiques comme tactiles de l'objet. De nombreuses interprétations ont cours sur sa signification et sa place dans l'œuvre de Kokoschka: objet auto-thérapeutique, censé réparer les blessures amoureuses et le traumatisme de la guerre; mais aussi instrument performatif avant-gardiste, permettant à l'artiste d'explorer d'autres aspects de sa création, puisqu'il se met en scène et se peint en sa compagnie.
En 1922, à l'issue d'une soirée, Oskar Kokoschka finit par détruire la poupée. Cette dernière séquence s'inscrit dans une représentation de la violence des hommes envers les femmes qui trouve de nombreux échos dans les réalisations des artistes de l'époque, du peintre George Grosz au cinéma expressionniste allemand.

Hermine Moos, la créatrice de la poupée, dans l'appartement de ses parents
Munich, 1919
Tirage argentique original
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum

La Poupée, allongée
Munich, 1919
Tirage argentique original
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum

La Poupée, assise avec un dessin de Kokoschka
Munich, 1919
Tirage argentique original
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum

La Poupée, assise
Munich, 1919 Tirage d'exposition
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum


Kokoschka, créateur d'affiches
Au cours de sa carrière, Kokoschka réalise de nombreuses affiches qui reflètent son évolution stylistique, tout autant que ses préoccupations personnelles et politiques.
Ses premières réalisations témoignent de son intention de provoquer et d'asseoir une stature de personnage public. L'affiche annonçant sa pièce Meurtrier, espoir des femmes (1909) utilise l'iconographie religieuse de la Pietà et choque les Viennois par sa crudité. Celle pour la promotion de la revue berlinoise Der Sturm (1910) montre l'artiste en paria, le crâne rasé, indiquant la blessure que lui ont infligée métaphoriquement les critiques injurieuses de la bonne societé.
Mais Kokoschka utilise ce médium également pour prendre position, convaincu que les artistes ont pour rôle d'alerter sur les périls qui menacent les sociétés. Cet aspect politique apparaît clairement dans Le Principe. Avec la Marianne en sang et la devise << Liberté, Egalité et Fratricide! >>, il exprime avec ironie sa crainte que les affrontements sanglants de novembre 1918 ne Conduisent à une guerre civile en Allemagne. Son affiche Aidez les enfants basques (1937), qu'il fit placarder dans les rues de Prague, proteste contre le bombardement de Guernica et suggère que la Tchécoslovaquie puisse être la prochaine cible. Un message jugé trop délicat par le gouvernement, qui fit retirer les affiches par la police.
L'affiche commandée pour les Jeux olympiques de Munich, en 1972, s'inscrit finalement dans sa série de dessins au crayon de couleur plus intime et évoque son amour pour la Grèce antique, berceau d'une Europe démocratique.

Pietà
Affiche pour la pièce de théâtre Meurtrier, espoir des femmes [Mörder, Hoffnung der Frauen] pour la «Kunstschau » de Vienne
1909
Lithographie en couleurs sur papier (reproduction)
Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey
Photographie: Fondation Oskar Kokoschka Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022

Autoportrait (Affiche Der Sturm) [Selbstbildnis (Sturmplakat)]
1910
Lithographie sur papier-affiche (reproduction]
Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey Photographie: Fondation Oskar Kokoschka Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022

"Liberté Égalité Fratricide" ou Le Principe ['Liberté Égalité Fratricide!' oder Das Prinzip]
1918
Publié en 1919
Lithographie en couleurs sur papier (reproduction]
Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey Photographie: Fondation Oskar Kokoschka Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022

Autoportrait à deux faces, en peintre [Selbstbildnis von zwei Seiten als Maler
1923
Lithographie en couleurs sur papier (reproduction)
Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch Vevey Photographie: Fondation Oskar Kokoschka Fondation Oskar Kokoschka/Adago, Paris, 2022

Aidez les enfants basques! [Pomozte baslickým Dětem!]
1937
Lithographie en couleurs sur papier (reproduction]
Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey Photographie: Fondation Oskar Kokoschka Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022

Kouros 1, 1968, reproduit pour l'affiche des Jeux Olympiques de Munich
1972
Impression sur papier (reproduction)
Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch, Vevey Photographie: Fondation Oskar Kokoschka Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022


Voyages et séjour à Paris (1923-1934)
Le décès de son père, en octobre 1923, constitue une césure dans
le parcours de Kokoschka. Il abandonne son poste d'enseignant à Dresde, mais il ne parvient pas à demeurer à Vienne, où son art n'est toujours pas accepté: en octobre 1924, l'une de ses toiles est lacérée par un visiteur lors d'une exposition à la Neue Galerie.
Soutenu financièrement par son galeriste Paul Cassirer, Kokoschka
entreprend des voyages à travers l'Europe, l'Afrique du Nord, puis l'Orient.
Les paysages, vues urbaines, portraits d'hommes et d'animaux qu'il produit alors tranchent avec le style qu'il expérimentait à Dresde, où il avait réalisé une série de vues de l'Elbe depuis son atelier. La matière est fluide, la palette élargie par de nouveaux rapports de couleurs et les touches enlevées, comme un écho aux traversées rapides de ces contrées.
La recherche de lieux spectaculaires pour peindre se présente souvent
comme une expédition et une occasion de rencontrer des personnages hors du commun.
Durant cette période faste, Kokoschka tente de mieux se faire connaître à Paris et à Londres en y faisant des séjours prolongés. En 1931, la galerie Georges Petit présente sa première exposition

Londres, petit paysage de la Tamise [London, kleine Themse-Landschaft]
1926
Huile sur toile Vienne, Albertina Museum Collection Batliner
Après Paris, Marseille et Avignon, Kokoschka réalise plusieurs vues de Londres, où il s'installe au printemps 1926 pour six mois. De sa chambre qu'il loue au huitième étage à l'hôtel Savoy, comme Claude Monet quelques décennies plus tôt, il réalise cette vue de la Tamise d'un point de vue élevé. Le peintre tente ici de rendre compte d'une vision panoramique du paysage en multipliant les points de fuite. Les couleurs vives et lumineuses se dissolvent à la manière de Turner. Londres est l'une des villes que le peintre a le plus représentées.

Lac d'Annecy I
1927
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Jeune Fille au tablier vert [Mädchen mit grüner Schürze]
1921
Aquarelle sur papier
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Jeune Fille au caniche 
1926
Aquarelle sur papier
Doris et Gabor Rose

Le Marabout de Témacine (Sidi Ahmet Ben Tidjani) 
1928
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch
Entre 1928 et 1930, Kokoschka entreprend plusieurs voyages à travers l'Afrique du Nord. Accompagné de son ami Lutjens, il arrive à Touggourt, commune algérienne située dans le nord du Sahara. Là, il commence une série de portraits, dont celui de Sidi Ahmet Ben Tidjani. Dans ses lettres, Kokoschka rapporte sa rencontre avec le cheikh dans une mosquée. Il réalise son portrait dans son palais au milieu du désert puis dans sa chapelle privée. Cette œuvre est saisie des collections allemandes en 1937 pour être montrée lors de l'exposition d'art dégénéré organisée par les nazis à Munich. Si l'œuvre n'y est finalement pas exposée, elle est déposée au château de Schönhausen à Berlin, puis vendue par le marchand d'art nazi Bernhard A. Böhmer. Olda Kokoschka récupère l'œuvre en 1985.

Marseille, port I
1925
Huile sur toile
Marseille, musée Cantini
Acquisition avec l'aide du Fonds régional d'acquisition des musées

Marseille, port II
1925
Huile sur toile
Saint-Louis, Saint-Louis Art Museum

Tigron 
1926
Huile sur toile
Vienne, Belvedere
Peint dans le zoo du Regent's Park à Londres, ce tableau représente un tigron, animal résultant d'un rare croisement entre un tigre et une lionne, appelé Ranji. Autorisé à venir le matin avant les heures d'ouverture du zoo, Kokoschka imagine ce tigron libéré de sa captivité dévorant un chevreuil. La puissance des coups de pinceau révèle ici la férocité de l'animal défiant du regard celui qui l'observe. Considéré comme un artiste sauvage par la critique, Kokoschka se sentait proche de ce fauve, à la fois redoutable et prisonnier.

Poissons sur une plage de Djerba [Fische am Strand von Djerba]
1930
Huile sur toile
Amsterdam, Stedelijk Museum
En prêt de l'Agence du patrimoine culturel des Pays-Bas
Cette œuvre d'art fait partie d'une collection qui a été placée sous la garde du gouvernement néerlandais après avoir été récupérée en Allemagne à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Tortues géantes (tortues alligators) [Riesenschildkröten]
1927
Huile sur toile
La Haye, Gemeentemuseum Den Haag

Chevreuils [Rehe]
1926
Huile sur toile
Dresde, Albertinum Galerie Neue Meister, Staatliche Kunstsammlungen Dresden Prêt permanent d'une collection particulière
Le motif animalier apparaît très tôt dans l'œuvre de Kokoschka puisqu'il réalise pour la Wiener Werkstätte de nombreuses cartes postales composées de cerfs, lapins, agneaux ou chauve-souris. Mais c'est surtout en 1926, lors de son séjour à Londres, que l'artiste développe le portrait animalier. Sa visite du plus vieux zoo scientifique du monde à Regent's Park ainsi que sa rencontre avec le biologiste britannique Julian Huxley le conduisent réfléchir sur le comportement des animaux. Kokoschka peint dans cette étude un groupe de chevreuil aperçus furtivement dans Regent's Park.

La Suédoise [Die Schwedin]
1930-1931
Huile sur toile Courtesy Galerie Osper
Bien qu'ils ne se soient rencontrés que quelques fois, Kokoschka nourrit une certaine fascination pour la Suédoise Damaris Brunow, qu'il rejoint à Annecy en 1930. Parente de son amie Alice Lahmann, la jeune femme est représentée ici allongée au bord du lac, le regard ailleurs. L'artiste se tient debout à distance. Kokoschka aurait terminé cette peinture à Paris. Il la présente lors de sa première exposition personnelle parisienne à la galerie Georges Petit.

Leo Kestenberg
1926-1927
Huile sur toile
Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie Acquis par les Amis de la Nationalgalerie
L'amour de la musique a conduit Kokoschka à se rapprocher de nombreux musiciens et compositeurs dont il a réalisé le portrait. Ici, le pianiste et professeur de musique berlinois Leo Kestenberg est représenté les poings serrés, son épouse jouant du piano en arrière-plan. Cette pose frontale suggère l'engagement politique de Kestenberg, qui s'est impliqué dans les activités du mouvement social-démocrate dès 1918. Un ouvrier portant une charge lourde est figuré à la droite du musicien, symbole de son lien à la classe ouvrière et de ses actions afin de favoriser l'éducation populaire.

Constantin Brancusi
1932
Huile sur toile
Paris, Collection Centre Pompidou, musée national d'Art moderne-Centre de création industrielle

MADAME D'ORA
Oskar Kokoschka
Paris, 1930
Vienne, Universität für angewandte Kunst

MADAME D'ORA
Oskar Kokoschka debout
Paris, 1930
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum

BRASSAÏ
Oskar Kokoschka et Claire Goll dans le jardin de la Villa des Camélias
Paris, 1931
Vienne, Universität für angewandte Kunst, Oskar Kokoschka Zentrum


BRASSAÏ
Oskar Kokoschka avec une amie à la Villa des Camélias
Paris 1931
Vienne, Universität für angewandte Kunst,
Oskar Kokoschka Zentrum

Des œuvres face au fascisme
Avec la montée en puissance et l'accession au pouvoir des nazis en 1933, les avant-gardes artistiques européennes sont accusées par les fascistes de participer à la décadence des societés modernes; les œuvres de Kokoschka deviennent des cibles de choix. Dès 1932, cinq de ses tableaux sont saisis dans les musées de Dresde, et, après l'arrivée de Hitler au pouvoir, toutes ses œuvres sont décrochées des collections publiques. On dénombre en totalité quelque six cents œuvres de l'artiste saisies dans les musées allemands - peintures, dessins, estampes.
Certains tableaux circulent dans l'exposition itinérante << Entartete Kunst >> ("Art dégénéré") qui attire d'immenses foules à Munich, Berlin et Vienne en 1937 et 1938. D'autres seront vendus aux enchères, notamment aux ventes de Lucerne de juin 1939 pour contribuer à l'effort de guerre nazi. La Fiancée du vent, chef-d'œuvre de Kokoschka, saisie des collections de la Kunsthalle de Hambourg et présentée dans l'exposition « Art dégénéré », est vendue ensuite au Kunstmuseum de Bâle par le galeriste Karl Buchholz (1901-1992), juste avant la vente de Lucerne. Pour ces raisons de provenance comme pour des questions liées à la fragilité de l'œuvre, celle-ci ne quitte jamais les murs du musée de Bâle. D'autres œuvres appartenant à des collectionneurs juifs sont spoliées, puis revendues ou détruites. Certaines sont aujourd'hui encore portées disparues.

Catalogues de la première exposition d'Oskar Kokoschka à Paris
Paris: Galerie Georges Petit

ARTHUR GRIMM
Vue de l'exposition «Art dégénéré »
['Entartete Kunst'] sous les arcades du Hofgarten
Munich, 1937
Photo BPK, Berlin, Dist. RMN-Grand Palais / image BPK Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022
Cette vue présente deux ceuvres d'Oskar Kokoschka La Fiancée du vent [Die Windsbraut] et Les Émigrés [Die Auswanderer] en haut à gauche.

Une résistance culturelle
Face aux attaques qu'il subit, Kokoschka prend le parti du combat par sa participation aux organisations et aux expositions antifascistes, depuis son départ à Prague, en 1934, puis à Londres, en 1938. Il est élu président honoraire de l'Alliance des artistes libres créée à Paris par des artistes et des critiques exilés allemands, puis en 1939, il s'implique dans l'Association culturelle allemande libre en Grande-Bretagne [Freier Deutscher Kulturbund in Großbritannien (FDKB)]. Kokoschka y côtoie l'artiste John Heartfield Y (1891-1968) et l'écrivain Stefan Zweig (1881-1942). Les positions de l'artiste sont alors résolument pro-soviétiques, ce qu'il aura tendance à minimiser dans la période d'après-guerre. Par ses prises de position publiques, et sa participation à de nombreuses initiatives dans le champ culturel et politique, il affirme progressivement son pacifisme et la nécessité d'une réconciliation, qui suit la progression et la victoire des armées alliées.

John Heartfield et Oskar Kokoschka
Paris, 1935
Akademie der Künste, Berlin, Heartfield-Archives, n° G07/2342
Les deux artistes, qui vivent à Prague, se rencontrent à Paris alors que Heartfield présente une exposition de photomontages satiriques. En 1937, Heartfield rejoint l'Oskar-Kokoschka-Bund, une association d'artistes allemands en exil. Ils se rencontrent de nouveau en Angleterre en tant que membres de l'Association culturelle allemande libre en Grande-Bretagne [Freier Deutscher Kulturbund in Großbritannien (FDKB)]

EWAN PHILLIPS
Vue de l'exposition « Art allemand du vingtième siècle » ['Twentieth Century German Art'] aux New Burlington Galleries
Londres, 1938
Tate Archive, Ewan Phillips Collection, Londres
Tate, London 2022
The Estate of Ewan Phillips
Fondation Oskar Kokoschka/Adagp, Paris, 2022
Cette vue présente deux œuvres d'Oskar Kokoschka: Jeune Fille à la poupée de glaise à gauche, et Algérienne au tonneau à droite.

Susanne
1916
Reproduction Galerie Welz, Salzburg Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris, 2022
Cette œuvre entre dans les collections de la Nationalgalerie de Berlin en 1936. Elle est entreposée dans la Tour de Flak (ou tour anti-aérienne) de Friedrichshain. Elle aurait été détruite suite à deux incendies qui ont ravagé la tour peu après la bataille de Berlin en mai 1945.

Sonia Dungyersky I (Esquisse)
1912
Reproduction Galerie Welz, Salzburg Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris, 2022
Cette œuvre aurait été entreposée pendant la guerre dans un coffre-fort de la banque Merk, Fink & Co. à Berlin et aurait disparue depuis, selon les déclarations de son propriétaire, l'éditeur et collectionneur Ernst Rathenau, à Oskar Kokoschka en 1947.

Robert Freund I
1909
Reproduction Galerie Welz, Salzburg Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris, 2022
Cette œuvre est lacérée puis déchirée en quatre parties lors de la perquisition de l'appartement de son propriétaire par la Gestapo, en mai 1938. Les restes rapiécés du tableau sont présentés lors des expositions « Art allemand du vingtième siècle >> ['Twentieth Century German Art'] à Londres et « L'Art allemand libre » à Paris la même année.

Karl Kraus
1909
Reproduction Galerie Welz, Salzburg
Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris, 2022
Transférée au musée Wallraf-Richartz de Cologne, cette œuvre est détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.

Gustav Meyrink
1909
Reproduction Galerie Welz, Salzburg Fondation Oskar Kokoschka / Adagp, Paris, 2022
Cette œuvre est confisquée aux héritiers de l'entrepreneur et collectionneur d'art juif Harry Fuld en 1941. Elle demeure perdue depuis


Résistance à Prague (1934-1938)
Dès l'arrivée de Hitler au pouvoir, Kokoschka s'engage publiquement contre le nazisme.
En mai 1933, dans une tribune du quotidien allemand Frankfurter Zeitung, il proteste contre la démission de l'Académie des beaux-arts de Prusse du peintre Max Liebermann (1874-1935) en raison de ses origines juives.
A Vienne, la guerre civile de 1934 qui oppose les fascistes aux socialistes fragilise la santé de sa mère, qui meurt quelques semaines plus tard. En difficulté financière, il émigre alors à Prague, ville dont son père était originaire et où réside sa sœur, Berta. Il y rencontre Olda Palkovskà (1915-2004), étudiante en droit, qu'il épousera en 1941.
Depuis la Tchécoslovaquie, il voit le piège du nazisme se refermer progressivement sur l'Europe. Il publie de nombreux articles et organise des conférences pour alerter sur ce danger. L'exposition itinérante d'art degénéré exhibe neuf de ses peintures aux côtés de nombreux chefs d'œuvre de l'avant-garde européenne. Il y répond par un magistral Autoportrait en "artiste dégénéré".
Comme un défi lancé à cette situation, ses œuvres n'ont jamais été aussi chatoyantes et bucoliques. La touche décrit avec précision une nature luxuriante qui envahit la toile, décor pour des mises en scène énigmatiques.

Deux Jeunes Filles
1934
Huile sur toile
Vienne, Collection Oesterreichische Nationalbank

Au jardin 1
1934
Huile sur toile
Emden, Kunsthalle

La Source [Die Quelle]
1932-1938
Hulle sur toile Zunab. Klinsthaus Zündh.. Donalicin Olda Kököschka, 1988
Lo Source est certainement l'œuvre que Kokoschka a le plus retravaillée et sa monumentalité a valeur de manifeste Débutée à Dresde en 1922 sous le titre d'inspiration biblique Jacob, Rachel et Léa, elle décrit le triangle amoureux que le peintre forme alors avec Anna Kallin et Edith Rosenheim Au début des années 1930, Kokoschka modifle l'œuvre afin d'introduire un paysage idyllique et, au centre du tableau, une poupée dont le corps offert symbolise la source de vie et de paix, loin du dénouement funeste de la poupée de Dresde Olda et Oskar dont les visages semblent presque similaires, l'entourent dans un heureux recueillement.

Autoportrait en «artiste dégénéré » [Selbstbildnis eines 'Entarteten Künstlers']
1937
Huile sur toile
Édimbourg, National Galleries of Scotland En prêt d'une collection particulière
Kokoschka entame ce nouvel autoportrait à l'été 1937, quand neuf de ses toiles sont présentées à l'exposition d'art dégénéré organisée par les nazis à Munich. Il l'achève en novembre, les bras croisés sur la poitrine dans une attitude ambiguë de défi et de tristesse, selon le point de vue adopté. Réalisé alors que Kokoschka séjourne chez les grands-parents de sa compagne, Olda Palkovskà, l'arrière-plan du tableau décrit le cadre verdoyant de la campagne morave, et en particulier le bois près de leur maison où des cerfs pouvaient être observés. Un personnage masculin semble s'échapper de la scène.

Au jardin II [Im Garten II]
1934
Huile sur toile
Vienne, Albertina Museum Collection Batliner

Ferdinand Bloch-Bauer
1936
Huile sur toile
Zunch, Kunsthaus Zürich Donation Ferdinand Bloch-Bauer, 1942
Propriétaire de la plus grande raffinerie de sucre d'Autriche, l'industriel julf Ferdinand Bloch-Bauer est l'une des personnalités les plus éminentes du monde de l'art viennois. Collectionneur d'art, il épouse Adèle Bloch-Bauer, muse de Gustav Klimt, qui tient un salon dans leur appartement. Mécène régulier du musée des Arts et de l'Industrie de Vienne, Bloch-Bauer y soutient la première rétrospective de Kokoschka à Vienne, en 1937, projet que l'artiste rejette en raison de l'implication du pouvoir austrofasciste. L'artiste représente cet amateur de chasse dans un décor bucolique Deux ans après la réalisation de ce tableau, le collectionneur est contraint à l'exil. Dessaisi de ses biens, Bloch-Bauer parvient à récupérer ce portrait en 1942 à Zurich, où il décède appauvri en 1945.

Pan (Trudl avec une chèvre]
1931
Huile sur toile
Hanovre, Sprengel Museum. Kunstbesitz der Landeshauptstadt Hannover
En 1931, Kokoschka s'installe dans la maison de sa mère à Liebhartstal en bordure de la forêt viennoise. Il y rencontre Trudl, la fille d'un ramoneur, alors âgée de quatorze ans. Pouvant déambuler librement dans l'atelier du peintre, la jeune fille devient le sujet de plusieurs tableaux et dessins de cette période. Dans cette œuvre, Trudl se bouche les oreilles comme une référence au personnage masculin du Pouvoir de la musique, tandis que règne une atmosphère pastorale et idyllique. Le titre Pan renvoie au dieu de la Forêt et des Bergers et évoque l'utopie poétique de l'Arcadie.

INRI. Le Christ aidant les enfants affamés
1945-1946
Lithographie sur papier
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Plein Été II (Zrání)
1938-1940
Huile sur toile
Édimbourg, National Galleries of Modern Art Don du gouvernement tchécoslovaque en exil en 1942

Autoportrait à la canne
1935
Huile sur toile
St. Pölten, Landessammlungen Niederösterreich

L'Œuf rouge [Das rote Ei]
1940-1941
Huile sur toile
Prague, National Gallery in Prague
Horrifié par les accords de Munich de 1938, Kokoschka met en scène dans L'Œuf rouge les grands acteurs de cet événement: Hitler grimaçant fait face à la figure colossale de Mussolini, tandis qu'un chat indolent, incarnation de la France, est allongé près d'un bonnet phrygien; le lion impérial, figurant la Grande Bretagne, détourne le regard et reprend avec sa queue recourbée le symbole de la livre sterling. Autour de la table des négociations, se tient un œuf rouge sang dont le fond a été fendu. Au loin, Prague brûle. Le verso de la toile mentionne la date Pâques 1939 qui évoque certainement l'invasion de Prague quelques semaines plus tôt. Cette mention dévoile également l'ironie du tableau, renvoyant à la tradition qui consiste à décorer un oeuf
à cette période.

Exil en Angleterre (1938-1946)
Depuis son exil en Angleterre, Oskar Kokoschka ne reste pas inactif. Il doit tout reconstruire dans ce pays où son art n'est pas encore reconnu. Ils vivent avec Olda dans un relatif dénuement, entre Londres et Polperro, en Cornouailles. où le peintre commence avec Le Crabe une série d'œuvres allégoriques sur le basculement de l'Europe dans la guerre.
Cet ensemble de toiles de petites dimensions, en raison des difficultés d'approvisionnement, constitue un témoignage unique sur la traversée de cette époque dramatique. Les moyens artistiques dont use Kokoschka empruntent à une multiplicité de registres, mythologiques, satiriques ou encore populaires. Les classifications traditionnelles de la peinture volent en éclats: la noblesse de la peinture d'histoire est dévoyée, dans des traits d'humour désespérés, par la vulgarité des représentations.
Kokoschka ne se contente pas de commenter la situation. Par la réalisation d'affiches qu'il fait placarder et la publication d'articles, il affirme aussi son pacifisme et la nécessité d'une réconciliation.
En 1947, il obtient la citoyenneté britannique et peut à nouveau circuler à travers l'Europe. S'il rend immédiatement visite à sa famille à Vienne, il refuse néanmoins de s'y installer. Cette même année, une grande rétrospective de son œuvre est organisée à la Kunsthalle de Bâle qui le consacre comme artiste majeur et acteur incontournable de la reconstruction culturelle européenne.

Prague, nostalgie [Prague, Nostalgia]
1938
Huile sur toile
Édimbourg, National Galleries of Scotland
Accepté par le Gouvernement de Sa Majesté pour droits de succession et alloué à la Scottish National Gallery of Modern Art, 2000
« J'aimais être à Prague », écrit le peintre. Contraints par la guerre, Oskar Kokoschka et Olda Palkovskà quittent Prague après les accords de Munich, qui ont ouvert la voie à Adolf Hitler pour envahir la Tchécoslovaquie. Dans leurs valises, Kokoschka emporte un tableau inachevé, paysage de la ville de Prague qu'il termine d'après mémoire une fois arrivé à Londres. Ici, le paysage se confronte aux souvenirs. Nostalgique, Kokoschka peint cette ville qu'il a tant aimée comme un décor idyllique aux couleurs éclatantes. En écho à l'exil des deux amants, un couple au premier plan est invité à monter dans un bateau.

Marianne - Maquis - «Le Deuxième Front »
1942
Huile sur toile
Londres, Tate
Don de Mme Olda Kokoschka, veuve de l'artiste, en l'honneur de la direction de Sir Alan Bowness, 1988
Alors que l'armée soviétique combat les nazis à l'Est, les forces alliées tardent à ouvrir un front à l'Ouest malgré les appels répétés aux gouvernements britannique et américain. Kokoschka caricature ici Winston Churchill et le général Montgomery prenant le thé au Café de Paris. Ils y observent Marianne, figurant la République française, désormais associée à la résistance. Assise sur deux chaises, celle-ci retire une chaussure d'où s'échappe une souris. Une faucille et un marteau, symbole du communisme, apparaissent sur sa jupe remontée. Confus, Churchill laisse éclater un coup de fusil. À l'arrière-plan, l'image de Hitler apparaît sur un poster. Kokoschka ironise ici sur le deuxième front que constitue cette scène grotesque de café.

Anschluss - Alice au pays des merveilles [Anschluss - Alice im Wunderland]
1942
Huile sur toile
Vienne, Wiener Städtische Versicherung AG - Vienna Insurance Group En prêt permanent au Leopold Museum, Vienne
Dans Anschluss - Alice au pays des merveilles, une femme nue se dresse au milieu d'une scène de guerre. Couvrant d'une main son sexe, elle pointe vers le regardeur un doigt interrogateur. Sa candeur et sa pureté contrastent fortement avec l'horreur qui l'entoure. Elle incarne l'Autriche, prisonnière d'un monde aux forces inextricables, comme Alice, le personnage de Lewis Carroll. Kokoschka dénonce ici l'Anschluss, l'annexion de l'Autriche par l'Allemagne, et le comportement hésitant des grandes puissances européennes comme la France et l'Angleterre face à cet événement. Cette attitude est illustrée par un homme d'affaires, un soldat et un prêtre qui, affolés, se couvrent les yeux, la bouche et les oreilles à la manière des trois singes de la sagesse.

Loreley
1941-1942
Huile sur toile Londres, Tate
Don de Mme Olda Kokoschka, veuve de l'artiste, en l'honneur de la direction de Sir Alan Bowness, 1988
Loreley est certainement l'un des tableaux les plus critiques de cet ensemble. Figure de la mythologie germanique, Loreley était une nymphe qui attirait par son chant les marins jusqu'à leur perte. Ici, la sirène prend l'apparence de la reine Victoria, assise sur un requin dévorant les hommes à la mer. Au loin, une pieuvre s'échappe avec un trident, symbole de la puissance maritime. Le navire frappé d'un éclair à l'arrière-plan fait allusion à l'Arandora Star, qui devait transporter des prisonniers de guerre au Canada en 1940 mais qui fut torpillé par les Allemands. Dans cette œuvre, Kokoschka exprime son amertume face à la stratégie militaire britannique menée en mer.

Le Crabe [Die Krabbe]
1939-1940
Huile sur toile
Londres, Tate
Acquis en 1984
Le Crabe préfigure les allégories politiques que Kokoschka réalise pendant la Seconde Guerre mondiale. Il représente un énorme crabe que l'artiste croise sur une plage lors de sa visite d'un village de pêcheurs à Polperro, en Cornouailles. Le premier propriétaire de l'œuvre rapporte que Kokoschka voyait dans ce crabe la figure de Neville Chamberlain, alors Premier ministre du Royaume-Uni. Dans la mer, un personnage masculin qui évoquerait la Tchécoslovaquie ou le peintre lui-même semble se noyer devant le crabe impassible. À travers cette peinture, Kokoschka dénonce l'inaction de l'Angleterre face à l'occupation allemande de son ancien pays de résidence.

Autoportrait (Fiesole)
1948
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Déchaînement de l'énergie nucléaire 
1946-1947
Huile sur toile
Jérusalem, Israel Museum
Don de l'artiste
Malgré la victoire des Alliés, Kokoschka maintient sa vigilance politique, comme le montre cette œuvre conçue dans la continuité de ses allégories antifascistes. Dénonçant la menace nucléaire, elle décrit l'aveuglement hédoniste des populations au sortir de la guerre qui ne remarquent pas que le clown au premier plan, brandissant une clé tel un jouet, a ouvert la cage du lion, incarnation de l'énergie atomique. Seule la colombe, symbole de paix, prend peur et s'envole.


Un artiste européen en Suisse (1946-1980)
En 1949, Kokoschka bénéficie d'une grande rétrospective au MoMA, à New York. Il confirme ainsi son statut d'artiste international et multiplie les portraits de personnalités politiques de premier plan: Theodor Körner [1873-1957), premier président d'Autriche élu au suffrage universel, ou Konrad Adenauer (1876-1967), premier chancelier de la République fédérale d'Allemagne. Installé à partir des années 1950 à Villeneuve, sur le lac Léman, en Suisse, l'artiste peut donner l'impression de savourer la reconnaissance dont il benéficie.
Pourtant, il ne cesse de remettre en jeu sa peinture. Opposant véhément à l'art abstrait, qui participe selon lui de la déshumanisation des sociétés modernes, il ouvre à Salzbourg en 1953 une « École du regard » qui prodigue un enseignement par l'image et l'observation fondé sur les écrits du pédagogue Jan Amos Comenius. Cette école est financée par Friedrich Welz (1903-1980), galeriste autrichien qui fut compromis avec le regime nazi et avec qui Kokoschka, engagé dans un tournant politique de réconciliation, accepte de travailler. À cette époque, Kokoschka se distingue comme un grand Européen et un fervent défenseur d'un continent unifié. Allant au-delà des oppositions politiques, Kokoschka multiplie les représentations de récits mythologiques et de tragédies grecques. De la légende de Prométhée à la pièce Les Grenouilles d'Aristophane, il recherche dans ces récits exemplaires des moyens d'analyser la situation actuelle de l'Europe et en livre un commentaire critique. Les œuvres des dernières années de Kokoschka témoignent d'une radicalité picturale proche de ses premières toiles, dans la crudité sans concession des descriptions et l'urgence de la touche, ouvrant la voie à une nouvelle génération de peintres. Sa croyance dans la puissance subversive de la peinture, vecteur d'émancipation et d'éducation, demeure inébranlable jusqu'à sa mort.

La Forme magique (esquisse)
1951
Huile sur toile
Vienne, Belvedere
En 1951, Kokoschka séjourne souvent à Hambourg, où il fréquente son vieil ami Carl Georg Heise, désormais directeur de la Kunsthalle. L'artiste avait réalisé son double portrait avec son compagnon, Hans Mardersteig, trente ans plus tôt, projet qui devait se refermer par un système de charnières à la manière d'un coffret. Pour compléter ce projet, Kokoschka réalise cette troisième toile pour ne pas laisser vierge la face cachée du diptyque refermé. Il offre à Heise La Forme magique, tableau énigmatique où le peintre se présente sur scène à la manière d'un magicien. Faisant apparaître un lapin avec l'ombre de ses mains, Kokoschka lie ici la magie créatrice du peintre au pouvoir trompeur des images. L'inscription à l'arrière du tableau, La Forme magique du D' Bassa, fait référence à l'opéra L'Enlèvement au sérail, de Mozart, que Kokoschka et Heise ont vu ensemble en 1919.

Pablo Casals II
1954
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch
Entre août et septembre 1954, Kokoschka réalise deux portraits du violoncelliste espagnol Pablo Casals, musicien engagé contre les dictatures, et en particulier contre celle de Franco, en Espagne. Casals aurait demandé s'il pouvait travailler son instrument pendant les séances de pose, à quoi Kokoschka aurait répondu qu'il ne pouvait peindre son portrait que s'il le faisait. Le musicien est représenté concentré sur son instrument entouré d'une aura bleue. Une large place est accordée au vide comme pour figurer l'immatérialité de la musique.

Double Portrait d'Oskar et Olda Kokoschka
1963
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch.

Autoportrait [Selbstbildnis]
1969
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Carletto Ponti
1970
Huile sur toile
Vienne, W&K - Wienerroither & Kohlbacher

Thésée et Antiope L'Enlèvement d'Antiope
1958-1975
Huile sur toile
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch

Delphes
1956
Huile sur toile
Hanovre, Sprengel Museum Prêt du Niedersächsisches Landesmuseum Hannover

Peer Gynt
1973
Huile sur tolle
Vevey, Fondation Oskar Kokoschka, musée Jenisch
Grand amateur de littérature scandinave, Kokoschka s'est identifié à Peer Gynt, protagoniste du drame de Henrik Ibsen écrit en 1867. Cet anti-héros, aventurier mais lâche, ne réussit pas à trouver sa place dans le monde, avant de comprendre, au seuil de la mort, que seul l'amour peut donner un sens à sa vie. Comme Souvent dans les dernières œuvres de Kokoschka, l'artiste se confond avec les personnages qu'il peint, et la mère de Peer Gynt au premier plan du tableau reprend ses propres traits.

Berlin, 13 août 1966
1966
Huile sur toile
Axel Springer 

Les Grenouilles [Die Frösche]
1968
Huile sur toile
Prague, collection particulière
Peu après l'établissement de la dictature militaire en Grèce, Olda Kokoschka assiste à une représentation de la comédie d'Aristophane Les Grenouilles. Les acteurs y adaptent le message politique de la pièce antique à l'actualité de leur pays. Inspiré par le parti pris de cette représentation, Kokoschka reprend le motif du chœur de grenouilles coassant. Symbolisant dans la pièce originale le peuple qui se soumet aveuglément au dieu Dionysos, Kokoschka l'interprète ici comme l'esprit qui ne peut distinguer la vérité du mensonge. Il signe tristement au dos de son tableau Europe's Sunset 1968, Prague 23 8 68, en référence à l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes soviétiques à la suite du Printemps de Prague.

Time, Gentlemen Please
1971-1972
Huile sur toile
Londres, Tate Acquis en 1986
Time, Gentlemen Please est le dernier autoportrait de Kokoschka Debout, la tête relevée et les mains croisées, il se dirige vers une porte. Dans l'entrebâillement, une figure représentant la mort montre la blessure au cœur de l'artiste, référence à son autoportrait de 1910 pour le magazine Der Sturm. Le titre reprend l'expression prononcée à l'heure de fermeture des pubs en Angleterre. Profondément impressionné par le dernier autoportrait de Rembrandt, Kokoschka, âgé de 86 ans, affronte ici sa mortalité. Son expression est forte. Il avance, décidé, vers l'inévitable.

Matin et Soir (Le Pouvoir de la musique II) [Morgen und Abend (Die Macht der Musik II]]
1966
Huile sur toile
Zurich, Kunsthaus Zürich

Cycle lithographique Pan inspiré du roman de Knut Hamsun
1975-1976
Publié en 1978
Lithographies sur papier (sélection]
Vienne, courtesy W&K - Wienerroither & Kohlbacher

LEE MILLER
Oskar Kokoschka peignant l'un des panneaux du Triptyque Prométhée
Londres, 1950
Chiddingly, Lee Miller Archives and The Penrose Collection

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