vendredi 22 avril 2022

Musée d'Orsay 2 Maillol, la quête de l'harmonie en avril 2022



Une redécouverte en ce qui me concerne... Quel artiste !

Aristide Maillol (1861-1944) Autoportrait
vers 1884 huile sur toile
Paris, musée Maillol

Dans la suite de ce post, toutes les œuvres présentées sont d'Aristide Maillol, sauf mention contraire


ARISTIDE MAILLOL 1861-1944
« Maillol, j'aime votre sculpture, mais je déteste vos femmes, vos grosses femmes », lui assène en 1911 avec franchise Misia Natanson, égérie des Nabis. Un regard superficiel pourrait en effet réduire l'art de Maillol à des corps féminins généreux et répétitifs.

Pourtant, rien de systématique chez celui qui cherche inlassablement « ce sentiment de l'ensemble qui fait l'unité, cette chose qui n'est ni dans le modèle, ni dans les mesures, et qui fait la beauté supérieure d'une œuvre ». Maillol ne conçoit pas le corps en morceaux indépendants; pour lui, « une statue, c'est une architecture. » L'harmonie et l'arrangement des volumes avec la lumière préside à tout sujet. Avide de perfection, il fait du temps son allié. Son art se nourrit d'esquisses dessinées, sur le vif ou de mémoire, consignées dans des carnets.

L'étude de son art et de sa vie ne cesse de surprendre. Il cultive l'image d'un artisan autodidacte, d'un terrien issu de sa Catalogne natale mais est un lettré, amateur d'auteurs anciens comme Virgile et de musique, celle de Bach en particulier. L'exposition montre son œuvre dans sa diversité, depuis ses débuts de peintre jusqu'aux grandes figures de la fin, en s'attachant plus particulièrement à la période antérieure à la première guerre mondiale. Maillol se révèle comme un grand artiste qui a entièrement sa place dans l'histoire de la modernité, même s'il se situe loin des avant-gardes: "Puisque je ne peux rattacher mon art à rien dans mon temps, je voudrais le rattacher à l'avenir, faire quelque chose qui se trouvera à sa
place plus tard. "


Autoportrait
vers 1898
encre de Chine sur papier bleu-gris
Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol

MAILLOL PEINTRE
Maillol arrive à Paris en 1882 pour répondre à une vocation de peintre. Il étudie dans l'atelier d'Alexandre Cabanel, puis dans celui de Jean-Paul Laurens. En 1885, il est admis à l'École des Beaux-Arts.
Sa première oeuvre connue, un Autoportrait daté de 1884, se revendique de Courbet. Il peint par la suite essentiellement des paysages baignés par la lumière de son Roussillon natal, où il retourne régulièrement. La découverte de Puvis de Chavannes en 1887 puis de Gauguin vers 1889 l'entraîne dans une direction radicalement différente, déjà manifeste dans la Couronne de fleurs de 1889: une peinture synthétiste caractérisée par des aplats de couleur, un refus de la perspective linéaire et la recherche d'effets décoratifs.
Vers 1890, la carrière de peintre de Maillol prend un nouvel essor grâce aux commandes du sculpteur roussillonnais Gabriel Faraill. Il peint ses filles de profil, souvent coiffées de chapeaux extravagants, cadrées aux épaules, et parfois en pied par goût des grands formats. Ces portraits offrent l'écho de ses visites dans les musées, où il a autant regardé les portraits des débuts de la Renaissance (Pisanello) que ceux de ses contemporains, comme La Mère de Whistler (1871).

La Couronne de fleurs
1889
huile sur toile
Tokyo, musée national d'Art occidental, dépôt de la Kodansha Ltd

Cette œuvre, datée précisément par un courrier au préfet des Pyrénées-Orientales, témoigne d'un nouvel élan dans la peinture de Maillol. Il en existe deux versions dont la plus petite - la première ? - apparaît comme une scène pastorale dans un pay sage paisible. Dans la grande version, le paysage se réduit à une branche de figuier décorative et la composition se resserre sur les deux jeunes filles aux attitudes hiératiques qui évoquent les grandes toiles néo-impressionnistes de Seurat.

La Couronne de fleurs
première version
vers 1888-1889 huile sur toile
Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek

L'Enfant couronné
vers 1890-1892 huile sur toile
Paris, Fondation Dina Vierny

Étude de tête de jeune fille
vers 1890-1895
crayon et fusain sur papier vergé filigrané
Paris, Fondation Dina Vierny

Maternité
Portrait de Clotilde Maillol, épouse de l'artiste, avec leur fils Lucien fin 1896-début 1897 huile sur carton
Paris, collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny, Paris et Connery and Associates

Lucien, le fils unique de l'artiste, naît en août 1896. Cette peinture, l'une des rares de Maillol à se référer à un épisode précis, est donc élaborée dans les mois qui suivent. Si Maillol reste fidèle au parti des portraits de profil du début de la décennie 1890, il accentue l'effet décoratif du fond et de la branche fleurie traités en aplats, et supprime les détails pour concentrer le regard sur le motif de l'enfant au sein pourtant relégué dans le coin inférieur gauche.

Tante Lucie (Lucie Maillol 1,1817-1909)
vers 1892 huile sur carton
Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny, Paris

Tout jeune, Maillol est confié à la sœur de son père : elle l'élève dans la « Maison rose » de Banyuls puis soutient ses débuts a Paris. La toile offre un écho évident au célèbre tableau de James McNeill Whistler, Arrangement en gris et noir : portrait de la mère de l'artiste (1871, ill.)


Jeune paysanne en buste
1891
Huile sur toile
Reims, musée des Beaux-Arts, legs Clara Brouillon

Profil de femme
vers 1896
pastel et fusain sur papier gris d'emballage
Paris, Fondation Dina Vierny

Femme à l'ombrelle
vers 1892 huile sur toile
Paris, musée d'Orsay

Maillol traite d'une manière toute personnelle ce sujet éminemment impressionniste de femme élégante en bord de mer. L'une des filles de la famille du sculpteur Gabriel Faraill a pu servir de modèle. Il crée ainsi un archétype de jeune fille absorbée dans une attitude réflexive dont l'arrière plan non figuratif, à visée décorative, accentue le caractère lointain. Loin de tout effet superflu, Maillol réalise ici son chef-d'œuvre en peinture avec un grand talent de coloriste.

Profil de jeune femme
vers 1892
lithographie sur papier vergé
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Profil de jeune fille portrait de Mademoiselle Faraill?
vers 1890
huile sur toile
Perpignan, musée d'art Hyacinthe Rigaud

QUESTIONS DE DÉCOR
Comme beaucoup de ses contemporains, Maillol s'intéresse à la matière, "sans autre raison que le plaisir", selon sa biographe Judith Cladel. Cette curiosité le conduit à explorer plusieurs disciplines dans les années 1890, à commencer par la broderie. La première est présentée en 1893 au Salon de la Société nationale des beaux-arts. Concert de femmes est remarqué par les Nabis en 1895. Grâce à Édouard Vuillard, Maillol fait alors la connaissance de la princesse Hélène Bibesco, son premier mécène, qui l'encourage à continuer : il produit des broderies tentures murales, garnitures de sièges, écrans de cheminée.
Tout en surveillant les ouvrières chargées de l'exécution des broderies, Maillol taille ses premiers bois et s'essaie bientôt à la céramique, à Banyuls et à Paris. Mal outillé, il exécute avec simplicité des objets d'usage courant : des vases et des veilleuses exposées en 1897, puis un relief, et enfin des fontaines d'appartement dont l'une obtient une médaille d'argent à l'Exposition universelle de 1900.
En 1899, il est nommé sociétaire de la Société nationale des beaux-arts dans la section Objets d'art, alors que le plaisir qu'il a pris à tailler le bois puis à modeler des statuettes l'encourage à se tourner vers la sculpture.

Femme brodant
vers 1895 crayon rouge sur papier
Amsterdam, Stedelijk Museum Amsterdam

La Princesse Bibesco
vers 1895
fusain, crayon noir sur papier Boucher historique: collection Hélène Bibesco
Collection particulière

La Nymphe; Danseuse à l'écharpe
vers 1900-1902? garnitures de tabouret, broderie au point, laine historique: collection Bibesco
Collection particulière

Le Jardin
1899
broderie à l'aiguille, laine avec applications de fils de métal, de soie et de coton sur toile de lin historique Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts, 1899; collection Léo Rouanet Collection particulière

Maillol s'inscrit aux côtés de ses amis nabis dans un mouvement de renouveau de la tapisserie. Il accentue la planéité de la composition en plaquant sur fond de végétation des figures monumentales traitées en aplats et insiste sur la dimension décorative, dans un camaïeu de couleurs délicates. La princesse Bibesco lui fournit des laines qu'il file et teint lui-même, ici, pour la première fois, avec des colorants d'origine naturelle.

Concert champêtre
carton de broderie
automne-hiver 1894 huile sur toile
Paris, Fondation Dina Vierny

Clotilde Narcis
automne-hiver 1894
huile et crayon sur toile
Paris, Fondation Dina Vierny

Jeune fille cueillant des herbes
carton de broderie
vers 1894-1896 ? huile sur panneau
Collection particulière

Concert de femmes
1895
broderie à l'aiguille, laine, soie, lin, fils d'argent et d'or historique : Paris, Salon de la Société nationale des beaux-arts, 1895; collection Hélène Bibesco
Copenhague, Design Museum

Pour l'exécution de cette broderie, commencée à Banyuls en 1894, Maillol fait appel à des jeunes villageoises dont l'une, Clotilde, le suit à Paris l'année suivante et devient sa femme : ses traits se reconnaissent dans la jeune femme assise au centre. Tout en s'inspirant de la grande tradition de la tapisserie médiévale, il est sensible à la sinuosité des lignes de l'Art nouveau contemporain. C'est la première œuvre acquise par sa mécène Hélène Bibesco, dès 1895.


BAIGNEUSES & LAVANDIÈRES
Vers 1895, Maillol s'intéresse aux thèmes des lavandières et baigneuses. Il est sans doute marqué par l'art de Paul Gauguin découvert vers 1889 grâce à un ami commun, le peintre George-Daniel de Monfreid. Le goût pour l'expérimentation et la facilité déconcertante avec laquelle Gauguin passe d'une discipline à l'autre, fait circuler et adapte ses motifs selon les matériaux et les supports, ont montré une voie possible à Maillol. La pratique simultanée de la peinture, de la broderie, de l'estampe et de la sculpture caractérise son art entre 1895 et 1904, avant sa maladie des yeux et la prééminence donnée à la sculpture.
Premier nu abouti, La Vague est probablement peinte « de chic », c'est-à-dire sans modèle. Dans des teintes sourdes, une baigneuse décorative dont le corps occupe tout le cadre se détache sur fond de mer. Transposée en estampe, la baigneuse devient le bois gravé le plus gauguinien de Maillol, sur fond d'eau parsemé de grandes taches mouvantes. Maillol transcrit également ce motif dans un médaillon en relief: l'accent est mis sur la solidité du corps galbé par contraste avec l'onde ridée (sur la table centrale de cette section).
Il poursuit durablement les réflexions sur les baigneuses de dos et de face, en particulier dans des illustrations pour les Églogues de Virgile.

Jeune fille accroupie cueillant des fleurs
vers 1893-1895 lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie

La Laveuse
projet de panneau décoratif
1895
Zincographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie

Figure drapée, dit aussi Chinoise
bois (figure: tilleul; terrasse : chêne) historique: collection Gaston Bernheim de Villers
vers 1894-1895
Paris, galerie Dina Vierny

En 1931, Maillol remarque la reproduction d'une sculpture qu'il prend pour une statuette chinoise, puis découvre son propre nom inscrit au-dessous : « C'est elle ma première statuette... Quelle rencontre ! Et j'ai ainsi reconnu que ma première œuvre sculptée dans le bois, comme cela, sans trop savoir où j'allais, était une œuvre épatante. » Sans doute encouragé par l'exemple de Gauguin, Maillol se tourne vers la sculpture en taillant le bois.

La Vague
vers 1896-1898 
terre cuite vernissée
Collection particulière


Vase
vers 1905 terre cuite, engobes et glaçure partielle
Paris, Fondation Dina Vierny

La Vague
vers 1894 huile sur toile
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Dans cette peinture, Maillol représente une femme nue à la peau très blanche se préparant à affronter la fraîcheur d'une vague. Ne trouves-tu pas sa position étrange, repliée, en déséquilibre sur une seule jambe ? Penses tu qu'elle a réussi à tenir cette position très longtemps ? Sans doute pas ! Le modèle a probablement posé allongé dans l'atelier de Maillol, qui a redressé la silhouette dans sa
peinture. Maillol joue ensuite à adapter des motifs de baigneuses en tapisserie, en gravure et en sculpture.

Femme accroupie
1911 (modèle) plâtre de fonderie
Collection particulière

La Vague
entre 1895 et 1898 gravures sur bois : épreuve d'état,
avant champlevage; état définitif
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Nu accroupi, dit aussi Eve et le serpent
vers 1893
gravure sur bois sur papier vergé
Paris, Bibliothèque de l'Institut national d'histoire de l'art, collections Jacques Doucet

LE TEMPS DES BAIGNEUSES
Grâce à son ami le peintre hongrois József Rippl-Rónai, Maillol rencontre vers 1893 le groupe des Nabis. En mai 1902, un exemplaire de sa Léda est présenté à la Galerie Bernheim-Jeune (Paris) au milieu de peintures de Bonnard, Denis, Roussel, Vuillard et Vallotton. L'année suivante, Maillol quitte Villeneuve pour Marly-le-Roi pour se rapprocher de ses amis, notamment Maurice Denis, qui habite Saint-Germain-en-Laye. Sans doute grâce à Édouard Vuillard, Maillol rencontre le marchand Ambroise Vollard, qui l'encourage dans la voie de la sculpture : il organise en 1902 sa première exposition personnelle et signe avec lui un contrat pour l'édition de ses statuettes.

S'il continue à tailler le bois, Maillol modèle désormais des baigneuses intemporelles traitées avec une grande économie de moyens, un modelé simplifié et des attitudes minimalistes. Dans un texte fondateur, Maurice Denis vante la sobriété, l'équilibre des proportions et la gaucherie instinctive de Maillol. Pour Octave Mirbeau, "Ce qu'il y a d'admirable en Maillol, [...] c'est la pureté, la clarté, la limpidité de son métier et de sa pensée ; c'est que, en aucune de ses œuvres, du moins en aucune de celles que j'ai vues, jamais rien n'accroche la curiosité du passant !"

Maurice Denis (1870-1943) L'Adoration des Mages
1904
huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, en dépôt à Dijon, musée des Beaux-Arts

Tenant d'un art religieux renouvelé, Maurice Denis peint une adoration des mages nocturne baignée par la lumière bleuâtre d'une lampe posée au sol. À son habitude, il donne aux personnages bibliques les traits de ses proches : sa muse et épouse adorée Marthe en Vierge, et en saint Joseph, Paul Sérusier, surnommé le Nabi à la barbe rutilante. En rois mages, Maillol avec sa barbe fournie au premier plan, devant Ker-Xavier Roussel et Ambroise Vollard à l'arrière-plan.


Ève

vers 1900-1901 (modèle) bronze, fonte Alexis Rudier
historique: Docteur Étienne Argellies, Perpignan, reçu de Maillol en remboursement d'un prêt
Paris, galerie Dina Vierny

Femme à la tunique
1903
bois probablement sculpté dans une poutre donnée par Antoine Bourdelle historique : don de Maillol à Octave Mirbeau puis collection Jos Hessel Otterlo, Kröller-Müller Museum

Baigneuses debouts
vers 1897-1900 ?
bois historique: collection Bibesco
Amsterdam, Stedelijk Museum Amsterdam

André Metthey (1871-1920), céramiste
Vase bleu
vers 1907 faïence
Les deux vases présentés ici sont le fruit de la collaboration de Maillol et du céramiste André Metthey. Le plus grand adopte la forme « balustre » caractéristique d'une série de vases commandés par Vollard à différents artistes (Denis, Valtat, Matisse, notamment) et cuits dans l'atelier de Metthey à Asnières. Ces vases furent exposés sous le seul nom du céramiste au Salon d'automne de 1907, les auteurs du décor étant simplement mentionnés comme "collaborateurs ».

Édouard Vuillard (1868-1940) 
Nature morte avec Léda
vers 1902 huile sur carton
Aardenhout, Pays-Bas, April in Paris Fine Arts

La statuette de Maillol Léda est particulièrement appréciée par des collectionneurs, comme Octave Mirbeau, et des artistes, comme Vuillard, qui en possédait un exemplaire. Tout à la joie de sa nouvelle acquisition, Vuillard la met en scène dans plusieurs natures mortes. En association avec un bouquet de fleurs qu'elle semble repousser de la main, la blanche Léda vibre avec les couleurs vives du bouquet. La statuette suit Vuillard dans ses logements successifs.

Léda
1901-1902 terre cuite blanche
Collection particulière

Léda
1901-1902
bronze historique 
collections Octave Mirbeau puis Oskar Reinhart
Winterthur, Sammlung Oskar Reinhart "Am Römerholz"

Auguste Renoir (1841-1919)
Madame Josse Bernheim et son fils Henry
1910
huile sur toile
Paris, musée d'Orsay

Femme assise sur ses talons
1905
bronze
historique collection M. et Mme Raymond Koechlin
Paris, musée d'Orsay

Les Deux Lutteuses
avant 1905 (modèle)
bronze fondu par Bingen et Costenoble historique : probablement acquis par Olivier Sain auprès de la Galerie Vollard
Collection particulière Glatman

Jeune fille assise se voilant les yeux dit aussi Pudeur,
vers 1897-1900? terre cuite vernissée
Otterlo, Kröller-Müller Museum

Auguste Renoir (1841-1919)
Étude d'une statuette de Maillol
vers 1907 huile sur toile
Collection particulière

Maurice Denis (1870-1943) Autoportrait au buste de Maillol
1908
huile sur toile
Collection particulière

Marthe Denis, buste
vers 1903-1904
terre cuite « restaurée » par Maurice Denis collection Maurice Denis
Collection particulière

Retenant son voile, dit aussi Baigneuse debout
vers 1900 1902
terre cuite, rehauts polychromes
historique : acquis par Octave Mirbeau auprès d'Ambroise Vollard; collection Arthur et Hedy Hahnloser
Collection particulière

Maurice Denis (1870-1943)
Jupiter, en présence des dieux, accorde à Psyché l'apothéose et célèbre son hymen avec Amour
esquisse pour le décor de l'hôtel d'Ivan Morozov à Moscou
1908
huile sur toile
Nancy, musée des Beaux-Arts, dépôt du musée d'Orsay

Maurice Denis (1870-1943)
L'Art Plastique
portrait de Maillol sculptant d'après le modèle Jacques Rouché
esquisse pour le décor de l'hôtel particulier de gouache et fusain sur papier 1907
Saint-Germain-en-Laye, musée départemental Maurice Denis

Maurice Denis (1870-1943)
Le Sculpteur de cathédrales Portrait d'Aristide Maillol, étude
reprise d'un dessin (vers 1907) pour L'Histoire de l'art français au Petit Palais à Paris, 1924 fusain sur calque mis au carreau
Saint-Germain-en-Laye, musée départemental Maurice Denis

Pour le décor de la coupole du Petit Palais à Paris, Maurice Denis compose une Histoire de l'art français dans la tradition des grands cycles décoratifs d'Ingres et de Delaroche. Dans la scène du Moyen Âge, il imagine son ami Maillol le maillet à la main, en tailleur de pierre chargé du décor des cathédrales. Ainsi est immortalisé celui qui est pour Denis le digne héritier des Égyptiens, des Grecs, des « Imagiers des cathédrales », et qui "joint à la vertu d'un classique l'innocence d'un primitif".


VERS LA SCULPTURE
En 1896, Maillol expose une peinture intitulée « Sur le fond de la mer » à la galerie Le Barc de Boutteville (Paris). Il pourrait s'agir de Femme à la vague (ill.) qu'il considère comme l'une de ses meilleures peintures. Sa compagne, et bientôt épouse, Clotilde lui sert de modèle. Dans un cadrage moins serré, il exécute un dessin au fusain à grandeur d'exécution qui sert de carton de référence pour l'exécution par Clotilde d'un écran de cheminée en broderie. Maillol adopte une composition volontairement décorative, anatomiquement impossible, encadrée par une frise végétale.
Il fait évoluer ce motif dans des directions et supports variés : gravure sur bois, et enfin relief de grandes dimensions en plâtre présenté grâce à Auguste Rodin à un emplacement favorable au Salon de la Société nationale des beaux-arts de 1903. Dans ce relief baptisé Femme au bain, le contexte marin disparaît presque. Seule une légère draperie volante recouvre le bras droit et anime discrètement le fond d'où jailli le corps simplifié, puissant et monumental.
Ce plâtre constitue la première sculpture de grande dimension de Maillol conservée, préalable à Méditerranée.

Méditerranée
marbre historique : commandé par l'État français en 1923
musée d'Orsay


MÉDITERRANÉE
Vers 1900, Maillol s'attaque à des statues grandeur nature. Si la densité du corps de Clotilde l'inspire, il affirme vouloir « échapper au réalisme ». Le collectionneur et mécène Harry Kessler lui commande en 1904 une statue en pierre de femme assise, dont le plâtre porte le simple titre de Femme au Salon d'Automne de 1905. Aucun sujet ne vient interférer avec l'affirmation d'une esthétique de la forme pure, comme le résume André Gide: « Elle est belle; elle ne signifie rien ; c'est une œuvre silencieuse. Je crois qu'il faut remonter loin en arrière pour trouver une aussi complète négligence de toute préoccupation étrangère à la simple manifestation de la beauté [...] Simple beauté des plans, des lignes..., nul détail inutile, nulle coquetterie ; [...] simplifiée, de manière qu'on y peut entendre chaque muscle, mais qu'aucun ne s'y vient indiscrètement affirmer. Cela est d'un poids admirable; massivité, pesanteur de la tête sur le bras, imposante massivité de l'épaule. »
Maillol taille ensuite la pierre. Il faut attendre près de quinze années pour que l'État français lui en commande une version en marbre, qui porte la marque des années 1920, avec un torse géométrisé et des masses simplifiées. Maillol l'appelle désormais Méditerranée : « Mon idée, en la sculptant, était de créer une figure jeune, pure, lumineuse et noble... Mais, tout cela, n'est-ce pas "l'esprit méditerranéen" ? ».

Femme assise, dit aussi Méditerranée
1905 (modèle); 1905-1910 (pierre)
pierre calcaire de Lens-sur-Dendre (Belgique) historique collections Harry Kessler puis Oskar Reinhart
Winterthur, Sammlung Oskar Reinhart «Am Römerholz»

Femme au bain, dit aussi La Vague
1903 plâtre
historique: collection Étienne Moreau-Nélaton Paris, 
musée d'Orsay

Femme à la vague écran de cheminée
1896
broderie à l'aiguille, sans doute exécutée par Clotilde Maillol historique: collection Antoine Bibesco
Paris, Fondation Dina Vierny



MAILLOL ET L'ALLEMAGNE
Harry Kessler et Ambroise Vollard, Maurice Denis et Henry Van de Velde assurent le rayonnement de Maillol à l'étranger. Admirateur des sculptures de Maillol avant même de le rencontrer en 1904, Kessler s'emploie à le faire connaître dans son pays : « Depuis que j'ai fait votre connaissance, il me vient beaucoup de sympathie de l'Allemagne », reconnait Maillol en 1905. En 1906, le salon de musique de Kurt von Mutzenbecher, directeur de théâtre à Wiesbaden, est décoré, ainsi que l'appartement de Kessler à Weimar, par Maurice Denis et Maillol, sous la direction d'Henry Van de Velde.
En 1914, Kessler adresse à Maillol un télégramme lui conseillant d'enterrer ses statues devant l'avancée des troupes allemandes. Maillol est accusé de complicité avec l'ennemi mais innocenté grâce à l'appui de Georges Clemenceau. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ses sympathies allemandes conduisent Maillol à accueillir des soldats allemands à Banyuls. S'il refuse le voyage en Allemagne organisé pour les artistes français par l'occupant, il se rend cependant en 1942 à l'inauguration de l'exposition consacrée au sculpteur hitlérien Arno Breker à Paris, saisissant cette occasion pour franchir la ligne de démarcation et revoir son atelier de Marly. Cet épisode regrettable entache durablement sa réputation.

Le Couple, dit aussi L'Homme et la femme
vers 1896 ? ou vers 1907 ?
Collection particulière

Jeune fille assise sur ses talons
1905-1906
plâtre patiné noir
collection Henry van de Velde
Otterlo, Kröller-Müller Museum

Baigneuse aux bras relevés
1905-1906 terre cuite
 collection Julius Stern
Otterlo, Kröller-Müller Museum

Le Désir
Cette sculpture, revenue d'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, a été inscrite sur l'inventaire des œuvres de la récupération artistique, regroupées sous l'appellation usuelle MNR.
1907 plomb, fonte Alexis Rudier Paris, musée d'Orsay
Taillée par le catalan Joaquim Claret, la pierre suscite l'admiration au Salon d'automne de 1907.

L'Air
1938-1939 (modèle)
plâtre de fonderie
 monument en pierre en hommage aux pilotes de la ligne France-Amérique du Sud inauguré à Toulouse en 1948
Collection particulière

Pour un monument aux
victimes d'accidents d'avion, Maillol invente une allégorie de L'Air qui semble flotter, comme en apesanteur.
Maillol s'inspire d'une de ses anciennes études en terre d'une dizaine de centimètres et reprend certaines parties du plâtre du Monument à Cézanne: il renverse la figure, l'installe sur le flanc droit, modifie la position des bras et crée un espace entre les jambes. Maillol reprend régulièrement des membres déjà modelés pour les réassembler et composer une nouvelle figure. C'est pour cette raison que plusieurs de ses sculptures se ressemblent.

Monument à Cézanne
1912-1925
marbre rose du Canigou
historique: refusé par Aix en 1925; placé au Jardin des Tuileries en 1929; remplacé par un plomb en 1943
Paris, musée d'Orsay
LE MONUMENT À CÉZANNE

À la suite du décès du peintre Paul Cézanne en 1906, le projet d'ériger dans sa ville natale d'Aix-en-Provence un monument en son honneur émerge autour de son marchand Ambroise Vollard. Maillol s'impose dès le début pour le réaliser.
Dans le prolongement de L'Action enchaînée, il choisit de glorifier l'homme illustre par une allégorie féminine. Maillol conçoit donc « une longue figure effilée, d'une noble cadence, relevant le torse, comme une barque sa proue, et joignant presque ses jambes fuselées. Elle semble prête à être saisie par les bras d'un géant qui la jetterait dans la mer, où elle glisserait comme une pirogue blanche ». Le lien peu explicite avec l'art de Cézanne est relevé même par son soutien de toujours Maurice Denis : « Je ne déciderai pas si elle symbolise l'art complexe de Cézanne ; mais, certainement, elle est un hommage à l'art classique. » Cézanne le moderne prend place dans le panthéon des artistes français classiques. Installée dans le jardin des Tuileries à Paris en 1929 après bien des péripéties, le Monument à Cézanne sert durablement de réservoir de formes à l'artiste : en sont issues l'allégorie drapée et inversée du Monument aux morts de Port-Vendres ainsi que celle de L'Air, réalisée à partir d'une esquisse dynamique et enlevée.

LA RECONNAISSANCE
En 1905, Maillol reçoit sa première commande de monument public grâce à Octave Mirbeau et Rodin : un hommage au révolutionnaire Auguste Blanqui pour sa commune natale de Puget-Théniers. Maillol conçoit une figure de L'Action enchaînée, première d'une longue série de monuments à des grands hommes, pour lesquels il compose invariablement des figures féminines allégoriques et non des portraits.

Il continue à concevoir des statues pour des jardins ou des intérieurs ; pour accompagner le cycle de l'Histoire de Psyché peint par Maurice Denis (1907-1908) pour le salon de musique du collectionneur Ivan Morozov à Moscou, Maillol conçoit quatre figures de Saisons entre 1909 et 1912.

En 1913, il bénéficie de sa première exposition personnelle à l'étranger, au cercle artistique de Rotterdam et participe au célèbre Armory Show de New York et Chicago grâce à des envois de son galeriste Eugène Druet. Après la Première Guerre mondiale, Maillol produit de nombreux monuments et des figures féminines nues debout, comme la sensuelle Île-de-France et la généreuse Vénus.

En 1937, trois salles lui sont consacrées dans l'exposition Les Maîtres de l'art indépendant au Petit Palais de Paris : la sculpture de Maillol se conjugue alors avec la modernité.

Torse de L'Action enchaînée
1927, d'après la figure complète de 1907 plomb, probablement fonte Alexis Rudier
Londres, Tate Gallery

Avec Rodin, la figure partielle prend son auto nomie peu avant 1900. Le torse ne tarde pas à gagner la faveur des artistes, en raison de sa va leur métonymique : pour les uns il évoque la sen sualité de la femme, pour les autres il constitue un exercice d'ascèse vers l'essence de la forme. Pour Maillol, le torse est la partie essentielle et primordiale d'une figure.

Même s'ils appartiennent à ses grandes figures, les torses sont pour lui des œuvres à part entière, conservées précieusement dans son atelier. Ce n'est toutefois qu'après 1920 qu'il en expose et en vend.

Torse de l'île-de-France
vers 1920-1921 (modèle); 1924 (fonte)
bronze
acquis par A. Conger Goodyear auprès de Maillol en 1925 et donné au Museum of Modern Art, New York, 1929; racheté par le Metropolitan Museum of Art, Edith Perry Chapman Fund, 1951 New York, The Metropolitan Museum of Art

Île-de-France
entre 1925 et 1933
pierre
Paris, musée d'Orsay, en dépôt à Roubaix, musée d'Art et d'Industrie André Diligent - La Piscine

Issue d'une vision d'enfance de sa sœur Marie, la femme marchant dans l'eau parcourt l'œuvre de Maillol. Un torse est modelé en 1910 lors d'une séance de pose d'après « un modèle épatant. Une femme petite, légère... Une femme, il faut pouvoir la porter dans ses bras en traversant une rivière. Ce modèle était absolument comme ça. C'était une merveille ». À partir de la Jeune fille marchant dans l'eau issue du torse, plusieurs versions sont fondues. Maillol aurait ensuite fait poser un nouveau modèle pour une figure complète. En 1933, l'État acquiert cette pierre, coupée aux chevilles. Souple, fière et conquérante, L'Île-de France est l'une des grandes réussites de Maillol.

Flore
1909 (modèle); 1916 au plus tard (fonte) bronze à patine polychrome
historique: acquis par Arthur et Hedy Hahnloser, 191
don de Lisa Jäggli-Hahnloser et du professeur
Hans R. Hahnloser, 1959
Winterthur, Kunst Museum Winterthur

Pour Ivan Morosov, Maillol conçoit quatre Saisons dans une iconographie toute personnelle, comme autant d'allégories d'une nature jeune et luxuriante: Flore, L'Été, Pomone et Le Printemps. Flore est inspirée des korès antiques que Maillol vient de voir en Grèce tandis que L'Été, Pomone et Le Printemps sont davantage issus de modèles vivants. L'Été aux courbes sensuelles contraste avec la frontalité de ses sœurs.
Grands collectionneurs suisses admirateurs des Nabis, Les Hahnloser acquièrent dès 1916 des fontes de trois de ces Saisons pour le jardin de leur Villa Flora à Winterthur.

L'Été
1911 (modèle); 1916 au plus tard (fonte) bronze fondu par Florentin Godard, patine moderne
 collection Arthur et Hedy Hahnloser
Winterthur, Villa Flora, Hahnloser/Jäggli Stiftung (jardin)

Vénus
1928 (modèle); vers 1934 (fonte) bronze, fonte Alexis Rudier
Lyon, musée des Beaux-Arts

MAILLOL LE CATALAN
Né et élevé à Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), Maillol y revient chaque hiver. Les peintres George-Daniel de Monfreid et Étienne Terrus, plus tard le sculpteur Manolo Hugué, font partie de son entourage proche. Il entretient des liens étroits avec un milieu perpignanais d'écrivains et musiciens défenseurs de la culture catalane. Pour ses amis parisiens, il est indissociable du Roussillon dont la généreuse Pomone semble l'incarnation. Rippl-Rónai représente son ami devant les toits en tuiles de Banyuls. Bonnard, Vuillard et les frères Bibesco, Maurice Denis, Kessler et bien d'autres lui rendent visite. À Banyuls, Maillol habite la Maison rose de son grand-père, au cœur du vieux village côtier. En 1894, il y installe son atelier de brodeuses et y réalise ses premières sculptures. Il dessine les femmes et les jeunes filles de son entourage, dans leur quotidien. En 1912, il acquiert une métairie dans la vallée de la Roume, dans l'arrière-pays. Il y trouve un accord profond avec la nature qui s'exprime en particulier dans ses illustrations de Virgile ou d'Horace. Tout naturellement, c'est à Banyuls que la caméra de Jean Lods suit en 1943 celui que Maurice Denis désigne comme le « chevrier de Virgile, amoureux de toute la nature de sa petite patrie. »

Vierge à l'enfant entourée de deux anges
1898
relief, terre cuite vernissée
commandé par Jules Pams pour son
hôtel à Perpignan
Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol, en dépôt à Perpignan, musée d'Art Hyacinthe Rigaud

Daté par une lettre de George-Daniel de Monfreid à Gauguin, ce relief inscrit dans la tradition de la dévotion privée témoigne de l'admiration de Maillol pour l'art chrétien de la fin du Moyen Âge et de son goût pour les recherches décoratives. L'assemblage grossier de pièces de petite dimension déformées par la cuisson et la médiocre qualité de l'émail donnent à penser qu'il a été réalisé par Maillol dans un four bricolé alors qu'il existe en Catalogne une longue tradition de céramique architecturale.

Méditerranée, dit aussi La Côte d'Azur
vers 1895 huile sur toile
collection Ambroise Vollard
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Maison en Roussillon
1887 huile sur toile
collection particulière

József Rippl-Rónai (1861-1927) Aristide Maillol
1899 huile sur toile
Paris, musée d'Orsay

« C'était l'homme le plus gentil du monde. Nous étions très amis », disait Maillol du hongrois Rippl Rónai rencontré en 1890. Les deux artistes partagent alors le même enthousiasme pour la peinture de Pierre Puvis de Chavannes. En 1899, Rippl-Rónai et sa femme séjournent auprès de Maillol à Banyuls : le hongrois réalise alors en une séance, le portrait d'un Maillol élégant devant les toits de Banyuls traités dans un camaïeu de jaunes, d'ocres et de rouges caractéristique de la Catalogne.

La Maison rose
vers 1884 huile sur panneau
Collection particulière

Clotilde et Angélique Narcis en costume catalan
projet de broderie ?
vers 1900
fusain sur papier marouflé sur toile
Neuss, Clemens Sels Museum Neuss

La Vieille à la jarre, dit aussi La Tante de l'artiste
vers 1892
gravure sur bois sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie

Corydon se mirant dans l'eau
illustration pour Les Églogues entre 1912 et 1914, repris en 1925 gravure sur bois sur papier tirage à l'encre rouge
Paris, Fondation Dina Vierny

Hylas disparu dans une fontaine
illustration pour Les Églogues entre 1912 et 1914, repris en 1925 gravure sur bois sur papier tirage à l'encre noire
Paris, Fondation Dina Vierny

Bacchus
d'après Étienne Terrus
illustration pour Les Églogues entre 1912 et 1914, repris en 1925 gravure sur bois sur papier tirage à l'encre noire
Paris, Fondation Dina Vierny

Corydon
illustration pour Les Églogues entre 1912 et 1914, repris en 1925 gravure sur bois sur papier tirage à l'encre rouge
Paris, Fondation Dina Vierny

Dès 1904, Kessler propose à Maillol d'illustrer un texte du poète latin Virgile qu'il « lisait tout le temps»: Les Églogues, dix poèmes évocateurs de la vie pastorale. Maillol exécute quarante-trois gravures sur bois à partir de dessins d'une grande sobriété faisant revivre une Antiquité issue de son environnement proche, son Roussillon luxuriant et champêtre. Le livre, imprimé sur le papier fabriqué par le neveu de Maillol, est publié en 1926, en français, en anglais et en allemand par la Cranach Presse créée en 1913 par Kessler.

Tête de femme
Raymonde Bonnet épouse de Marcel Robin, directeur des archives des Pyrénées-Orientales
vers 1910 ? pierre
collection Jos et Lucy Hessel
Collection Winter

Images d'un documentaire sur Maillol en Catalogne, très émouvant 

La Nuit
étude de drapé
vers 1905-1908 graphite sur papier
Collection particulière


DINA, LA DERNIÈRE MUSE

La rencontre avec la jeune Dina Aïbinder semble réaliser une prophétie de 1907: << Quand j'aurai trouvé le modèle qui me va tout à fait, je resterai dessus quatre ou cinq ans, à faire une statue. C'est comme ça qu'on fait de belles choses, c'est comme ça qu'ont fait les Grecs. >> C'est l'architecte Jean-Claude Dondel qui parle a Maillol de la jeune fille de quinze ans. Maillol lui écrit alors cette lettre : « Je voudrais bien que vous fussiez un petit Maillol car c'est bien difficile à trouver. Mais je me contenterai bien d'un petit Renoir ! » Dina inspire Maillol pour des peintures et pose pour La Montagne, La Rivière, puis à Banyuls épisodiquement entre 1940 et 1944 pour son testament artistique, Harmonie. Après l'arrestation de la jeune femme pour passage de la frontière franco-espagnole, le sculpteur l'envoie au début de l'année 1941 poser pour ses amis Henri Matisse et Pierre Bonnard. Dina se fait de nouveau arrêter en mai 1943. Maillol parvient à la faire libérer, et elle reprend les séances de pose.

Comme un père, Maillol a craint pour la vie de son modèle qui a pris une place incontournable dans sa vie : « Dina, c'est comme ma fille. Je suis heureux d'avoir pu la sauver. » Lorsque la jeune femme part pour participer à la Libération de Paris, Maillol est plus que jamais isolé. Il meurt le 27 septembre 1944 des suites d'un accident de voiture, loin de celle qui avait promis de lui fermer les yeux. Elle fera de la glorification de Maillol le combat de sa vie.
Deux femmes nues
vers 1937
fusain, rehauts de blanc sur papier crème
Paris, musée d'Orsay

Dina au foulard
1940
fusain sur papier
Paris, Fondation Dina Vierny

Dina posant pour Harmonie
vers 1940-1944 fusain sur papier
Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny

Dina aux bras levés
après 1934
graphite sur papier vergé
Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny

<< Je connais trois fleurs divines >>
1938
sanguine et crayon noir avec rehauts de craie blanche sur papier à la forme inscription :  "Je connais 3 fleurs divines La Rose
l'œillet et Dina" Paris, Fondation Dina Vierny - musée Maillol

Étude pour Harmonie
1940-1944 (modèle) bronze, fonte Alexis Rudier
Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny

Avec Harmonie, Maillol compose une ultime variation sur le thème d'un nu allégorique de bout, épilogue inachevé de sa carrière. Maillol fait poser Dina, d'autres modèles pendant ses absences, et se sert de dessins d'après la jolie Thérèse. L'oeuvre signe un inattendu retour à l'étude d'après nature, imposée par une mémoire défaillante. Maillol fait, défait, refait inlassable ment le buste, les jambes et la tête, en butte à la complexité du corps de sa jeune muse : "Dina n'est pas un modèle de sculpteur", conclut-il peu avant sa mort.

D'UN MODÈLE A L'AUTRE
Le temps passant, Clotilde pose de moins en moins. Dès 1900, Maillol fait appel à d'autres modèles : un premier torse de La Jeunesse est ainsi modelé entre 1905 et 1910 d'après « une jeune fille magnifique, qui venait me poser. Elle avait un corps très curieux »>. Maillol prend aussi l'habitude de faire poser ses domestiques, solution discrète et facile : Laure pour Pomone, Thérèse dans l'après-guerre Au fil de la création, Maillol synthétise, souvent à partir de plusieurs modèles. Pour Île-de-France, il part en 1910 d'un premier modèle souple et longiligne, suivi sans doute de la « môme Papa» au début des années 1920, puis d'un troisième, une domestique noire de la famille Hahnloser. En 1907, Maillol confie à Harry Kessler: « Une fois que j'aurai commencé, je ne ferai plus que des hommes, c'est bien plus facile. Chez un homme, il y a toujours quelque chose, un muscle, où se rattraper. Chez les femmes, il n'y a rien, pas de formes, il faut tout inventer, excepté quand elles sont très bien faites, mais c'est rare. » Sous l'impulsion de Kessler, il fait poser quelques modèles masculins, en particulier le jeune Gaston Colin, pour Le Désir et Le Cycliste. En 1911, Kessler lui suggère pour un projet de Monument à Nietzsche à Weimar, une figure d'Apollon à partir du danseur russe Vaslav Nijinsky, dont il simplifie les attitudes. Cet essai avorté signe la fin des projets de sculptures masculines de Maillol, même s'il continue à dessiner régulièrement des hommes dans ses carnets de dessin et illustrations.

Étude de l'homme pour Le Désir
1907
graphite sur papier d'emballage gris
Paris, Fondation Dina Vierny

Gaston Colin de face 
étude pour Le Cycliste
1907
graphite sur papier filigrané historique: collection Harry Kessler
Paris, Fondation Dina Vierny

Académie d'après Vaclav Nijinsky
1911
graphite sur papier
Collection particulière

Gaston Colin de dos, 
étude pour Le Cycliste
1907
graphite sur papier historique: collection Harry Kessler
Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny

La Musique Monument à Claude Debussy inauguration à Saint-Germain-en-Laye le 9 juillet 1933
1930-1933
Saint-Germain-en-Laye, musée municipal

Le Cycliste
1907-1908
bronze fondu à la cire perdue par Bingen et Costenoble historique: collection Harry Kessler
Bâle, Kunstmuseum

Harry Kessler commande à Maillol un Narcisse dont il fournit le modèle, son amant Gaston Colin, cycliste et jockey. Ce nu androgyne animé d'un contrapposto sensuel s'inscrit dans la lignée de la statuaire antique, teintée d'un naturalisme regretté ensuite par l'artiste : "C'est trop nature, il n'y a pas à dire, c'est trop nature ! A cause de cela, [il] gardera toujours une position un peu particulière dans mon oeuvre."

Femme nue penchée en avant
report lithographique sur papier,
édité par Henri Petiet vers 1925
Paris, Bibliothèque nationale de France, département des Estampes et de la photographie

Nu de dos, les bras levés
 étude pour Île-de-France ?
vers 1923
graphite sur papier
inscription manuscrite au verso : "La petite négresse chez nous à Cannes"
 collection Arthur et Hedy Hahnloser-Bühler Winterthur, Villa Flora
Femme nue assise, de profil
vers 1920 ? fusain sur papier vergé
Paris, musée d'Orsay

Le Dos de Thérèse
vers 1920
fusain sur papier à la forme filigrané
Paris, Fondation Dina Vierny

Dans l'après-guerre, Maillol recrute une domestique espagnole qui incarne son idéal : « Elle était grande, admirable. Elle avait une tête d'une beauté divine. C'est avec elle que j'ai fait la tête de la Vénus. Je l'ai vue au café, je lui ai parlé : elle est venue avec nous tout de suite. A la métairie, elle me posait toute la journée. C'est avec elle que j'ai fait mes plus beaux dessins. » Thérèse pose quatre ans avant de se marier. Maillol garde ses dessins, qui lui servent jusqu'à la fin de sa vie.

L'Américaine
vers 1930?
fusain, pastel, crayon et sanguine sur papier à la forme
Paris, Fondation Dina Vierny 

Nu féminin de dos
non daté 
craie sur papier
Otterlo, Kröller-Müller Museum

CLOTILDE, ÉPOUSE MODÈLE
La liaison bientôt suivie d'un mariage avec Clotilde Narcis offre à Maillol la possibilité de disposer en permanence d'un modèle : « Je relève les jupes de ma femme et je trouve un bloc de marbre ». Clotilde correspond à un idéal, celui du type physique méditerranéen. Maillol aime les corps denses, les jambes solides, les formes développées : « La sculpture est un art masculin, il faut qu'elle soit forte, sans ça, ça n'est rien. »
Maillol n'a de cesse de dessiner Clotilde pendant une douzaine d'années, entre 1895 et au moins 1907. Elle pose pour les premières sculptures monumentales: Méditerranée, La Nuit, L'Action enchaînée. Elle est saisie dans son intimité par des dessins rapides qui saisissent une ligne, une attitude.
Maillol dessine non pour capter la véracité d'un instant, mais pour « comprendre [le] corps » de ses modèles. Il est dirigé par une aspiration au général et à la simplification, à des principes anatomiques et structurels communs. Même si les modèles sont reconnaissables sur un certain nombre de dessins, Maillol opère une mise a distance dès les séances de pose : « Je regarde le modèle, et quand je l'ai bien dans l'œil, je travaille sur le papier pour faire ce que j'ai compris. Je ne regarde pas si le modèle et le dessin c'est bien pareil, comprenez-vous, je ne copie pas le modèle. »>m

Madame Maillol dans son bain
vers 1895-1900 fusain sur papier gris
Paris, Fondation Dina Vierny 

Femme nue assise aux jambes croisées
vers 1900 ? fusain sur papier
Collection particulière

Méditerranée
étude
vers 1905
graphite sur papier verg
Collection particulière

Femme au bain
vers 1895-1900 fusain sur papier
Paris, Fondation Dina Vierny 

Femme accroupie, dit aussi Femme au crabe
vers 1900 ? graphite et encre sur papier gris
Paris, Fondation Dina Vierny

Madame Maillol
vers 1900 ? fusain sur papier
Collection particulière

Sculptures de femmes issues des modèles précédents 

Jeune femme demi-nue assise
vers 1900
plume et encre brune sur papier gris-beige
Paris, musée d'Orsay

Femme en déshabillé
vers 1900 encre sur papier
Amsterdam, Stedelijk Museum Amsterdam

Femme nue se tenant le sein
vers 1907 ?
graphite, fusain sur papier vergé
Collection particulière, courtesy galerie Dína Vierny

Femme nue la jambe levée étude pour L'Action enchaînée ?
vers 1907 ? graphite sur papier vergé
Collection particulière, courtesy galerie Dina Vierny

Jeunesse
vers 1910
marbre historique collection Jacques Zoubaloff
Paris, musée d'Orsay

La Rivière 
1938-1943 plâtre de fonderie
Paris, Fondation Dina Vierny

Comme pour L'Air contemporain, Maillol « re cycle » une œuvre antérieure pour le projet de monument à l'écrivain pacifiste Henri Barbusse : la transformation du plâtre de La Montagne est confiée au jeune Robert Couturier, après une séance de travail commune à Marly. Le renver sement de La Montagne pour en dramatiser la position incarnait pour Maillol Les Malheurs de la guerre subis par l'auteur du Feu, toutefois sans pathos : « Il ne faut pas que ça chahute et que ça grimace ». Devenue La Rivière, elle intègre le corpus des œuvres de Maillol inspirées par la nature.

Édouard Vuillard (1868-1940)
Aristide Maillol Série des Anabaptistes
1931-1934, retravaillé en 1935-1937 huile sur toile, peinture à la colle
Paris, Musée d'Art moderne

La Montagne
 commandé par l'État pour l'Exposition  Universelle de 1937
Paris, musée d'Orsay, en dépôt à Lyon, musée des
Beaux-Arts

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