samedi 12 mars 2022

Albert Edelfelt, lumières de Finlande au Petit-Palais en mars 2022


Encore une splendide exposition dans ce magnifique musée !

Albert Edelfelt
Né au domaine de Kiiala à Porvoo, sur la côte méridionale de la Finlande, Albert Edelfelt (1854-1905) est le fils d'un architecte d'origine suédoise. Il suit une première formation artistique à Helsinki, puis bénéficie d'une subvention d'État lui permettant de poursuivre ses études à l'Académie des beaux-arts d'Anvers. Bien décidé à mener une carrière de peintre d'histoire, il se rend ensuite à Paris, où il assiste aux cours de Jean-Léon Gérôme à 8 des beaux-arts. Si ses premiers envois au Salon s'inscrivent dans la veine historiciste, il est également perméable aux tendances novatrices du milieu parisien.

En 1875, sa rencontre avec Jules Bastien Lepage, chantre du naturalisme, le fait définitivement évoluer vers une voie nouvelle, le pleinairisme, mouvement privilégiant l'étude de la lumière et l'observation de la nature. Son style synthétisant les approches réaliste et impressionniste lui vaut les faveurs de la critique et du public. Il est aussi plébiscité pour sa grande maîtrise dans l'art du portrait, qu'il démontre brillamment au Salon de 1886 avec le Portrait de Louis Pasteur. Cette reconnaissance lui permet de s'établir durablement dans la capitale française, où il acquiert un atelier dans le quartier de la plaine Monceau, avenue de Villiers.

Parallèlement à sa carrière parisienne, Edelfelt garde un lien fort avec sa terre natale, où il retourne tous les étés. Il puise dans les paysages et la vie rurale de ses compatriotes des sujets d'inspiration pour les grandes compositions qu'il souhaite présenter au Salon, et avec lesquelles il consolide sa réputation. Grand voyageur et patriote, le peintre joue un rôle important dans la promotion de la Finlande ainsi que dans sa lutte pour l'indépendance face à l'impérialisme russe. Par son engagement politique et esthétique, mais également par sa stature internationale, Edelfelt s'affirme comme un modèle pour la jeune génération d'artistes finlandais, parmi lesquels Akseli Gallen-Kallela et Helene Schjerfbeck.


PROLOGUE UN FINLANDAIS
À PARIS

Au Salon des artistes français de 1886, Albert Edelfelt connaît la consécration avec la présentation du Portrait de Louis Pasteur, encensé par la critique et acquis par l'État. Cette année-là, son ami le sculpteur Ville Vallgren expose également un Buste d'Albert Edelfelt lui valant une mention honorable. Les deux compères affirment brillamment la oix des artistes nordiques sur la scène parisienne. Ils sont les dignes représentants d'une colonie artistique très nombreuse dans la capitale, comme l'illustre le tableau du peintre suédois Hugo Birger, où l'on identifie entre autres les peintres Carl Larsson, Hugo Salmson, August Hagborg, Ernst Josephson ou encore le sculpteur Per Hasselberg, sans oublier Edelfelt et Vallgren, trinquant joyeusement.

Arrivé à Paris en 1874, Albert Edelfelt y réside de façon permanente jusqu'en 1889, année où il repart s'installer en Finlande, mais il conserve toute sa vie un lien avec la capitale française, théâtre de ses plus grands succès et tremplin de sa carrière internationale.Arrivé à Paris en 1874, Albert Edelfelt y réside de façon permanente jusqu'en 1889, année où il repart s'installer en Finlande, mais il conserve toute sa vie un lien avec la capitale française, théâtre de ses plus grands succès et tremplin de sa carrière internationale.

Hugo Birger (1854-1887)
Étude pour Un déjeuner chez Ledoyen, le jour du vernissage
1886 Huile sur toile

1 Per Hasselberg
2 Hugo Birger
3 Antoinette Vallgren
4 Ville Vailgren
5 August Hagborg
6 Carl Larsson
7 Ernst Josephson
8 Albert Edelfelt
9 Johan Christian Jenzon, dit-Spada
10 Hugo Salmson

Albert Edelfelt (1854-1905)
Autoportrait au bureau
1902-1903
Encre de Chine sur papier
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Dans la suite de ce poste, tous les tableaux sont d'Edefelt sauf mention contraire 

Autoportrait en pied, inachevé
Vers 1884
Huile sur panneau
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929)
Portrait d'Albert Edelfelt
1887
Huile sur bois
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Ville Vallgren (1855-1940)
Buste d'Albert Edelfelt
1886
Bronze, piédouche en marbre
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

"À voir Edelfelt, vous auriez peine à deviner un peintre vous diriez plutôt l'attaché militaire de quelque ambassade étrangère. De haute taille, l'oeil bleu enfermé dans une paupière bistrée, une fine moustache aux lèvres, il avait 26 ans. Les journaux de mode pourraient noter l'élégance toute diplomatique de sa tenue à l'atelier comme en ville, elle est correcte, soignée, irréprochable comme celle d'un club-man de Piccadilly."
Jean-Baptiste Pasteur

"Edelfelt ne pouvait passer inaperçu. Sa taille était au-dessus de la moyenne ; ses cheveux drus coupés en brosse poussaient droits; l'ovale de son visage était pur, son menton marqué par une fossette, son nez assez court, son col élancé ; il portait une moustache blonde. Ce qui surtout rendait sa physionomie inoubliable, c'étaient ses yeux. Des yeux clairs, des yeux pâles, d'une intensité lumineuse extraordinaire ; ils apparaissaient doux, riants, ironiques ou terribles suivant son humeur."
Henri Amic

UNE NOUVELLE VOIE: LE PLEINAIRISME

Malgré sa formation académique, Edelfelt est sensible aux tendances novatrices qui nourrissent le milieu artistique parisien dans les années 1870. En 1875, sa rencontre avec Jules Bastien-Lepage le fait définitivement évoluer vers une autre voie, le pleinairisme, mouvement privilégiant l'étude de la lumière et l'observation de la nature.

En 1879, il met en œuvre ces nouveaux principes dans Le Convoi d'un enfant, Finlande. Exposée au Salon de 1880, la toile lui vaut une médaille de troisième classe et suscite sa reconnaissance auprès de la critique, séduite par la limpidité de la lumière septentrionale, la charge émotionnelle et l'authenticité des personnages.

Dès lors, Edelfelt poursuit dans cette veine (En route pour le Baptême, En mer, golfe de Finlande, Enfants au bord de l'eau), consolidant sa notoriété et atteignant la consécration officielle avec l'acquisition par l'État français, en 1882, de sa toile Service divin au bord de la mer, premier achat français d'une oeuvre finlandaise.

Étude pour Enfants au bord de l'eau
1884
Huile sur toile
Heisinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Enfants au bord de l'eau
1884
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande, collection Ahlström

En mer, golfe de Finlande
1883
Huile sur toile
Göteborg, musée d'Art


Le Convoi d'un enfant, Finlande
1879
Huile sur toile
 "Sur les eaux diaprées du golfe, une barque glisse lentement vers le cimetière voisin, emportant un petit cercueil bleu, garni de dentelles. Un morne désespoir accable les parents du pauvre enfant qui n'est plus. L'embarcation s'en va comme bercée par la plainte d'une ballade du Kanteletar [poèmes finnois]; et pour ajouter encore à l'émotion poignante de ce convoi, la nature septentrionale jette sur tous les visages et tous les aspects son éclat froid et métallique" (Jean-Baptiste Pasteur).


L'ARCADIE FAMILIALE

Edelfelt naît en 1854 au manoir de Kiiala à Porvoo, sur la côte sud de la Finlande. Son père, Carl Albert Edelfelt (1818-1869), est un architecte d'origine suédoise. Sa mère, Alexandra Edelfelt (1833-1901), née Alexandra Brandt, est issue d'une famille de marchands. Outre Albert, le couple donne naissance à trois filles : Ellen (1859-1876), Annie (1866-1935) et Berta (1869-1934). En 1866, la famille déménage à Helsinki, où le jeune Albert suit sa première formation artistique.

À la mort de Carl-Albert en 1869, il se retrouve à vivre au sein d'un univers essentiellement féminin, entre sa mère, ses sœurs et la vieille servante Fredrika Snygg, dite Tatja. De ce contexte, Edelfelt conserve toute sa vie un profond attachement à Haikko, petite bourgade où la famille achète une villa en 1879: ce lieu constitue pour lui un cadre idyllique et ressourçant, à l'opposé du tumulte de la vie parisienne. Il continue à y séjourner bien des années plus tard avec sa femme, Ellan de la Chapelle, et son fils Erik.

Le Fils de l'artiste, Erik, dans un landau
1889
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Portrait d'Annie Edelfelt, sœur de l'artiste
1883
Huile sur panneau
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Portrait de Berta Edelfelt, sœur de l'artiste
1884
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Portrait d'Ellan Edelfelt, femme de l'artiste
1896
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

Portrait d'Alexandra Edelfelt, mère de l'artiste
1883
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande

En route pour le baptême
1880 Huile sur toile
Ce tableau est une réplique du Convoi d'un enfant, Finlande, réadapté par Edelfelt sur un thème plus joyeux, à la demande d'un collectionneur américain. Le cercueil a disparu, remplacé par un nouveau-né emmailloté dans les bras de sa mère, et la gamme chromatique froide a laissé la place à des tons plus festifs.

Portrait d'Ellen Edelfelt, sœur de l'artiste
1876
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum. galerie nationale de Finlande

Service divin au bord de la mer, Finlande
1881
Huile sur toile

Sur ce tableau qui lui vaut une médaille de deuxième classe au Salon, Edelfelt représente une cérémonie religieuse en plein air, inspirée d'une scène à laquelle il a assisté dans sa région natale, sur l'archipel de Pellinki. Il fait poser des paysans issus des alentours d'Haikko, la bourgade où il possède une résidence. La nappe de l'autel est ornée d'une croix en écorce de pin telles celles que les paysans finlandais disposaient pour décorer le sol de leurs maisons les jours de fête.
Parts, musée d'art

UNE PREMIERE VOCATION: LA PEINTURE D'HISTOIRE

Après une formation à Helsinki (1871-1873) sous la direction d'Adolf von Becker, Edelfelt poursuit son parcours à l'Académie des beaux-arts d'Anvers (1873-1874), grâce à une subvention du gouvernement finlandais destinée à assurer la formation d'un peintre capable de promouvoir l'histoire nationale.

Bien décidé à mener une carrière dans le «grand genre » (la peinture d'histoire), Edelfelt se rend ensuite à Paris, où il intégre, en mai 1874, l'atelier du peintre Jean-Léon Gérôme à l'École des beaux-arts. Ces années d'études sont l'occasion de développer un réseau de camaraderie artistique : il fréquente plusieurs confrères finlandais avec lesquels il crée des liens privilégiés, tels Gunnar Berndtson, qui partage son atelier, ou le sculpteur Ville Vallgren. Il sympathise également avec de jeunes artistes gravitant autour de Jules Bastien-Lepage, en particulier Pascal Dagnan-Bouveret, avec lequel il entretient une solide amitié.

Fort de son enseignement académique, Edelfelt se lance dans sa première grande composition historique: Blanche de Namur, reine de Suède et le prince Haquin (la reine blanche) Présentée au Salon de 1877, elle s'inspire d'un ouvrage de l'écrivain finlandais Zacharias Topelius.
 Encouragé par ce premier succès, il récidive l'année suivante avec la présentation d'une oeuvre d'une forte intensité dramatique, dans laquelle il se montre le brillant héritier des peintres Paul Delaroche et Jean-Paul Laurens: Le Duc Charles insulte le cadavre de son ennemi Klaus Fleming.

En 1879, il puise son inspiration dans un sombre épisode de l'histoire finlandaise, la révolte des paysans de 1596-1597, qu'il met en scène dans un paysage enneigé.

Le Duc Charles insulte le cadavre de son ennemi Klaus Fleming, 1597
1878 Huile sur toile
Lors du Salon de 1878, Edelfelt livre un tableau d'une forte intensité dramatique, au thème puisé dans l'histoire scandinave. Ayant pris possession du château de Turku, le duc Charles se rend à la chapelle où repose la dépouille de son ennemi Klaus Fleming, gouverneur de la Finlande. Faisant ouvrir le cercueil, il tire la barbe du défunt et le nargue. Le choix d'un tel sujet reflète sans doute l'admiration d'Edelfelt pour le peintre Jean-Paul Laurens, spécialisé dans les scènes macabres.

Le Village incendié : épisode de la révolte des paysans finlandais, en 1596
1879 Huile sur toile
Pour sa troisième participation au Salon, Edelfelt trouve son inspiration dans un douloureux moment de l'histoire finlan daise l'insurrection des paysans à la fin du xvi siècle, connue sous le nom de « guerre des Gourdins ». Le tableau frappe par sa composition alliant un paysage de neige aux subtiles variations de blanc, et un groupe de personnages aux traits bien individualisés, témoignant déjà de l'acuité du peintre dans le domaine du portrait.

Autoportrait en costume du xvIe siècle
1889
Huile sur toile
Edelfelt se représente sous l'apparence du comte Per Brahe (1602-1680), gouverneur général de la grand-principauté suédoise de Finlande. Ayant amorcé la construction d'un État pour cette province jusqu'alors négligée, il fait partie des grandes figures historiques du pays. L'expression finnoise «kreivin aika», littéralement « au temps du comte », signifie aujourd'hui « au bon vieux temps ».

La Leçon d'escrime
1877
Huile sur toile
Collection particulière

Étude de femme nue
1874
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande, collection Montgomery

Académie masculine, de dos
1874
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande


Étude pour Service divin au bord de la mer
1881
Huile sur toile

Le Jardin du musée de Cluny à Paris
1878 Huile sur toile
Pour la préparation de ses grandes compo sitions historiques, Edelfelt se documente minutieusement à partir de sources et objets historiques. Il fréquente notamment le musée de Cluny à Paris, où il dessine costumes, meubles et oeuvres, qui lui servent ensuite de répertoires de modèles.

Sous le Directoire
1881
Huile sur toile
Collection particulière

Blanche de Namur, reine de Suède, et le prince Haquin (La Reine Blanche)
1877
Huile sur toile
Inspirée d'un conte du Finlandais Zacharias Topelius, cette oeuvre met en scène un personnage très populaire de l'histoire suédoise, la reine de Suède et de Norvège Blanche de Namur. La jeune femme n'est pas représentée dans son rôle de souveraine mais dans celui de mère : son fils sur les genoux, elle le berce au son d'une chanson. Malgré le choix d'un sujet historique, le peintre se focalise sur une scène anecdotique et émouvante, tout en accordant une place importante au costume et au décor médiéval.

Jules Bastien-Lepage (1848-1884)
Portrait du grand-père de l'artiste
1874 Huile sur toile

Élève de Cabanel à l'École des beaux arts de Paris, Bastien-Lepage fait forte impression au Salon de 1874, avec le Portrait du grand-père de l'artiste, pour lequel il obtient une médaille de troisième classe. Quelques années plus tard, il est consacré chef de file du naturalisme avec sa grande toile, Les Foins (Salon de 1878). Comme beaucoup de confrères étrangers, Edelfelt admire profondément le jeune artiste, dont l'influence engage sa peinture vers le pleinairisme.

Otto Wallenius
(1855-1925)
Albert Edelfelt malade à Paris
1877
Huile sur toile
Helsinki, musée national de Finlande

Portrait du peintre Pascal Dagnan-Bouveret
1881 Huile sur toile
Edelfelt rencontre Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929) dès son arrivée à Paris en 1874. Les deux artistes s'affirment comme les brillants représentants d'un pleinairisme international, dans le sillage de Jules Bastien Lepage. Edelfelt admire profondément son camarade, qui s'impose au Salon de 1880 comme l'une des étoiles montantes de la scène française avec sa grande toile L'Accident. Dagnan-Bouveret renouvelle la peinture de genre par une approche quasi photographique.

Portrait du sculpteur Ville Vallgren et de sa femme, l'artiste Antoinette Råström
1886
Pastel et caséine à la détrempe sur toile
Goteborg, musée d'Art

Gunnar Berndtson (1854-1895)
Un peu, à la folie, pas du tout (Pause dans l'atelier)
1879
Huile sur panneau
La jeune fille posant pour Berndtson est le même modèle que celui d'Edelfelt: il s'agit d'une Française, Virginie. Elle est ici saisie lors d'un moment de pause, effeuillant une marguerite en rêvant à son amoureux. Les accessoires témoignent de la vogue du japonisme, qui déferle sur Paris dans les années 1870-1880.


SCENES DE LA VIE MODERNE
Les portraits représentent environ la moitié de l'œuvre d'Albert Edelfelt. Son aptitude à l'observation réaliste, conjuguée à sa compréhension du modèle, en fait un portraitiste très recherché par les cercles mondains, tant intellectuels que politiques ou princiers. Sa carrière « sociale» culmine avec les commandes de la famille impériale russe, pour laquelle il réalise des portraits très officiels-tels ceux du tsar Nicolas II-ou plus intimes à l'image des enfants d'Alexandre III. Remarquable interprète de la grâce féminine, Edelfelt se plaît à représenter les élégantes Parisiennes, dans la sphère publique ou privée, bien souvent sous les traits de son modèle favori, Virginie. Il s'attache à décrire précisément le chatoiement de leurs costumes et le raffinement de leurs accessoires, l'une écrivant une lettre, l'autre lisant, jouant du piano ou posant avec son éventail.
Parmi ses égéries, la diva finlandaise Aïno Ackté, fait l'objet de deux portraits d'approche radicalement différente. S'attachant strictement à son statut social, celui de 1901 la représente dans une élégante robe noire doublée d'une veste de fourrure, et coiffée d'un imposant chapeau : rien ne permet de l'identifier comme une cantatrice. L'année suivante, Edelfelt propose une tout autre vision: un portrait de scène. La jeune femme pose dans l'un de ses rôles emblématiques, en Alceste sur les rives du Styx. Drapée de blanc, le regard inspiré, elle est mise en scène devant un arrière-plan théâtral dramatisant la composition.

Portrait de la cantatrice Aïno Ackté
1901
Huile sur toile
Comme Albert Edelfelt, la soprano Aïno Ackté (1876-1944) incarne la réussite des artistes finlandais autour de 1900. Formée au Conservatoire de Paris, elle est révélée à l'Opéra en 1897, dans le rôle de Marguerite de Faust. Elle enchaîne ensuite les rôles prestigieux, de Juliette (Roméo et Juliette) à Elsa (Lohengrin), en passant par Alceste (Alceste), Au début du xx siècle, elle poursuit sa brillante carrière à l'Opéra de New York. En 1938, elle prend la direction de l'Opéra de Helsinki.

Aïno Ackté en Alceste sur les rives du Styx
1902
Huile sur toile
Helsinki, musée d'Art de l'Ateneum, galerie nationale de Finlande, collections Antell

Parisienne lisant
1880
Huile sur toile
Edelfelt fait régulièrement appel à un jeune modèle français, Virginie, qui pose également pour son confrère Gunnar Berndtson. Elle figure notamment sur les deux versions de la Parisienne lisant. Le coussin de soie sur lequel elle s'appuie, ainsi que la draperie à l'arrière-plan, montrent Pintérêt du peintre pour la vogue du japonisme. Edelfelt achetait ses accessoires au grand magasin Le Bon Marché.

Virginie au chapeau noir
1881
Huile sur toile

Virginie
1883
Huile sur toile

M. Pasteur l'illustre savant, a posé deux fois, et devant M. Bonnat, qui, dans son genre, est un maitre portraitiste, et devant un jeune peintre. M. Edelfelt, [] M. Bonnat a peint le père de famille qui, chez un homme comme M. Pasteur, est le côté le moins intéressant. M. Edelfelt a entrevu le savant dans son laboratoire, préoccupé des problèmes dont il cherche à approfondir les mystères; il le fait vivre devant nous dans la marche de sa pensée, dans l'état de son âme ou de son esprit, comme vous voudrez, enfin dans cette gestation mystérieuse de la découverte qui a assuré le renom de M. Pasteur pour tous les temps. Donc, le jeune homme a raison contre le maitre et si par hasard, les deux portraits se trouvaient, dans l'avenir, réunis sur un même point, celui de M. Edelfelt donnerait certainement une idée plus exacte de ce que fut M. Pasteur que l'œuvre de M. Bonnat

Albert Wolf, le figaro

Le savant le plus populaire de notre pays. M. Pasteur a été representé au Salon plusieurs fois, notamment par M Bonnat et par M. Edelfelt. Le tableau de M. Edelfelt, tres vivement brossé, d'une allure tout à fait intime et familière, montre M. Pasteur dans son laboratoire, au milieu des fioles et des éprouvettes en train d'examiner une pièce anatomique dans un flacon Rien de plus naturel rien de plus vivant [-] Au contraire, la figure peinte par M. Bonnat affecte, comme d'habitude une solitude austère dans un milieu indéfini. Le savant est isolé, bien isolé, pour qu'on le voit mieux, comme une statue sur son piedestal - Le portrait de M. Bonnat est l'image historique; celui de M. Edelfelt n'est qu'une image anecdotique. L'un se complète par l'autre, mais on ne saurait les admirer au même degré. 
Georges Lafenestre, revue des deux mondes.

En plein travail dans le recueillement familier de l'étude dans l'abstraction de son profond génie, le savant nous apparait, debout devant une table encombrée de bocaux, de cornues, de tubes et d'entonnoirs de verre: La postérité ne voudra connaitre que cette effigie ou l'homme, son caractère, sa maniere d'être, ont été saisis sur le vif Quelle différence entre ce portrait, par exemple, et cet qu'a exécuté M Bonnat, personnage officiel raide dans sa redingote dont les plis semblent trahir la préoccupation d'être coulé en bronze Je demandais dernièrement à un très proche parent de M Pasteur lequel de ses portraits par MM Bonnat Edelfelt rendait le mieux non la ressemblance superficielle, mais la sensation même du savant, de l'infatigable chercheur. Il me répondit aussitôt l'oeuvre d'Edelfelt
Charles Ponsenailhes, les artistes scandinaves à Paris

Voulez-vous des portraits de M. Pasteur . Il y en a dans toutes les salles. C'est à vous donner la rage Celui de M. Edelfelt, une belle oeuvre, dont la conception pleine du souci de la réalité et l'exécution sobre et vigoureuse contrastent superbement avec le portrait peint par M. Bonnat. M. Edelfelt a représenté le célèbre inoculateur dans son officine. Sur les tables du laboratoire sont alignés des bocaux de toutes dimensions, ou des microbes se livrent à des ébats variés sous l'oeil attendri et paternel de M. Pasteur. M. Bonnat, vous présente un Pasteur devenu aveugle et guidé dans l'obscurité par sa petite-nièce, Antigone, en jupe courte, y a là-dedans de l'arrangement, du convenu, du talent même mais pas l'ombre de vie, ni de vérité.
La Bruyère le cri du peuple

Étude pour
le Portrait de Louis Pasteur
1885
Huile sur toile

Portrait de Louis Pasteur
1885
Huile sur toile
Edelfelt rencontre Louis Pasteur par l'intermédiaire de son fils Jean-Baptiste, qui lui suggère d'exécuter son portrait. Le peintre s'y attelle au printemps 1885, alors que le savant travaille à ses recherches sur le vaccin contre la rage. Pasteur peut être considéré comme une figure tutélaire pour la carrière d'Edelfelt : le triomphe de son portrait au Salon de 1886 marque un réel tournant dans la reconnaissance du peintre, en le faisant accéder au rang de portraitiste international.

Léon Bonnat (1833-1922)
Portrait de Louis Pasteur et de sa petite-fille, Camille Vallery-Radot
1886
Huile sur toile

Ce portrait a été commandé à Bonnat par Jacob-Christian Jacobsen (1811-1887), fondateur de la brasserie Carlsberg, afin de l'offrir à Mme Pasteur. Le brasseur avait développé une relation de confiance avec le savant, qui avait mis au point un procédé de fermentation permettant de mieux conserver la bière et de la transporter sans altération du goût par des bactéries extérieures. Ayant appris l'intention de Jacobsen de l'honorer par un portrait, Pasteur suggéra de poser avec sa petite-fille Camille.

Portrait du docteur Roux faisant son cours
1895
Huile sur toile
Émile Roux (1853-1933) est un fidèle collaborateur de Pasteur, dont il rejoint le laboratoire dès 1878. Il participe ainsi à de nombreuses recherches comme celles sur le choléra des poules et les maladies infectieuses. En 1889, il ouvre le premier cours de microbie technique de l'Institut Pasteur, surnommé « Cours de Monsieur Roux», La même année, il découvre la toxine diphtérique, puis met au point un sérum antidiphtérique en 1894. En 1904, II devient directeur de l'Institut Pasteur.

Portrait du professeur J. W. Runeberg, doyen de la faculté de médecine de Helsinki
1902
Huile sur toile
Helsinki, musée de l'Université de Helsinki


LA TENTATION IMPRESSIONNISTE Nourri au naturalisme de Jules Bastien Lepage, Edelfelt n'est cependant pas imperméable à l'art des impressionnistes, comme en témoignent Toits de Paris sous la neige et Sous les bouleaux. Tout comme eux, le peintre s'intéresse aux sujets de la vie moderne, dont Paris et ses alentours offrent de merveilleux exemples (Au parc de Saint-Cloud). Pourtant, Edelfelt ne réalise qu'un seul grand tableau de sujet parisien dans sa carrière : Au jardin du Luxembourg. La toile, présentée à la galerie Georges Petit en 1887, frappe par son cadrage décentré, la subtilité de sa lumière et sa virtuosité chromatique, en particulier dans le traitement des différentes nuances de blanc.

Au jardin du Luxembourg
1887
Huile sur toile
Sur ce tableau, la lumière claire et l'atmosphère de tendresse heureuse s'apparentent à l'impressionnisme.  Mais quand l'œuvre est présentée à la galerie Georges Petit en 1887 avec les toiles de Monet et ses amis, Edelfelt prend amèrement conscience du fossé qui les sépare : 
« Il y a là trop d'impressionnistes, et leurs ciels clairs bleu de Prusse et outremer, leurs paysages jaunes et vert pomme et leurs ombres violettes tuent toutes les peintures honorables et décentes accrochées à leur côté » (lettre d'Albert Edelfelt à sa mère, 12 mai 1887).

Étude finale pour Au jardin du Luxembourg
1886
Huile sur panneau

Toits de Paris sous la neige
1887
Huile sur panneau

Jeunes filles dans une barque
1886
Huile sur toile

Femme dans une barque, étude pour Jeunes filles dans une barque
1886
Huile sur toile

Sous les bouleaux 
1882
Huile sur toile
Josie Rowland

Au parc de Saint-Cloud
1905
Huile sur toile

Portrait de Madame Pasteur en deuil
1899 Huile sur toile
Louis Pasteur rencontre Marie-Aimée Laurent (1826-1910) à Strasbourg, alors qu'il est en poste à la faculté des sciences. Le mariage est célébré le 29 mai 1849. Marie demeure toute sa vie une fidèle et discrète compagne, entièrement dévouée à la carrière de son époux. Elle se montre fort satisfaite du portrait réalisé par Edelfelt, comme elle l'écrit à son fils, Jean-Baptiste : "La ressemblance est renversante ! La robe noire est tout à fait digne et calme, ainsi que la coiffure."

Portrait de Jean-Baptiste Pasteur
1881 Huile sur toile
Fils de Louis Pasteur, Jean-Baptiste (1851-1908) rencontre Edelfelt dès 1880. Intégrant le quai d'Orsay en janvier 1891, il commence sa carrière comme secré taire d'ambassade, puis enchaîne les missions diplomatiques dans les capitales européennes (Rome, Copenhague, Madrid, Athènes). A sa mort en 1908, sa nièce Camille écrit à la veuve du peintre : "
Que le cher monsieur Edelfelt serait malheureux aujourd'hui, lui, l'ami par excellence de mon pauvre oncle et de nous tous ! "

Portrait de Camille Vallery-Radot
1901 Huile sur toile
Camille (1880-1927) avait pour parents Marie-Louise Pasteur, fille de Louis, et René Vallery-Radot, secrétaire de Pasteur. Debout devant une table, elle pose sa main droite sur un ouvrage de référence : La Vie de Pasteur, biographie rédigée par son père après la mort du savant. Son oncle Jean Baptiste écrit à Edelfelt quelques années plus tard: «Camille s'est attelée à la très généreuse besogne d'imprimer en caractères pour les aveugles La Vie de Pasteur. »

Portrait de
René Vallery-Radot
1888 Huile sur toile
René Vallery-Radot (1853-1933) était le gendre et secrétaire de Louis Pasteur. Edelfelt le rencontre par l'intermédiaire de Jean-Baptiste Pasteur, fils du savant. René, qui voue un véritable culte à son beau-père, se montre particulièrement reconnaissant envers Edelfelt pour l'effigie qu'il en a réalisée : "Grâce à vous, le portrait historique de M. Pasteur est fait. Merci encore de ce que vous avez été pour lui."

Michael et Xenia, enfants du tsar Alexandre III
1882
Huile sur toile
Parallèlement à sa brillante carrière parisienne, Edelfelt développe son réseau en Russie, où il est nommé membre de l'Académie des beaux-arts (1881) et où il est sollicité par la famille impériale pour plusieurs tableaux. Ce double portrait des enfants du tsar témoigne d'une volonté nouvelle de spontanéité et d'intimité. Michael et Xenia, vêtus simplement, le regard mutin, escortés de leur chien, posent dans un décor chaleureux et non dans un cadre officiel ou avec des costumes d'apparat.

La Réponse
1887
Huile sur panneau
Stockholm, musée national

Meilleurs Amis III (Berta et Capi)
1883
Aquarelle et encre de Chine sur papier

Michael et Xenia, enfants du tsar Alexandre III
1881-1882
Aquarelle sur papier

Femme en noir, assise (Thérèse noire)
1886
Huile sur toile

Jeune femme rousse tenant un éventail japonais
1879
Huile sur panneau

Portrait
d'Alfred Koechlin-Schwartz
1880
Huile sur toile
Edelfelt rencontre Alfred Koechlin-Schwartz en 1874, par l'intermédiaire du comte Gustaf Philip Armfelt, un ami de sa mère. Maire du 8º arrondissement de Paris, l'homme politique est un précieux soutien pour le jeune artiste récemment arrivé dans la capitale. II l'introduit dans son réseau de sociabilité et lui commande plusieurs portraits. Il est représenté dans une pose naturelle, en train de lire Le Siècle. La présence de la Légion d'honneur sur sa redingote révèle néanmoins son statut.

Portrait d'Elsa Lindberg
1898
Pastel
Elsa Lindberg-Dovlette (1876-1944) est une auteure suédoise connue pour ses ouvrages - inspirés de sa propre expérience - racontant la vie des femmes dans les harems ottomans. En 1902, elle épouse le prince persan et diplomate Mirza Reza Khan Arfa al-Dovleh. Elle emménage ainsi à Constantinople, au sein du harem princier. Le portrait réalisé par Edelfelt, daté de 1898, tout en sobriété, représente la jeune femme avant son mariage ainsi que son mode de vie oriental.

Au piano
1884
Huile sur toile
Goteborg, musée d'Art

LE CHANT DE LA TERRE NATALE
Parallèlement à sa carrière parisienne, Edelfelt entretient un lien fort avec sa terre natale. Disposant d'un port d'attache à Haikko où il se fait construire un atelier en 1883, il y retourne tous les étés. Le peintre puise dans les paysages septentrionaux et la vie rurale de ses compatriotes des sujets d'inspiration pour les grandes compositions qu'il souhaite présenter au Salon, et avec lesquelles il consolide sa réputation, telles L'Heure de la rentrée des ouvriers et Devant l'église, Finlande.
Dans ces œuvres emblématiques, Edelfelt met en scène l'essence même de ce qui constitue sa patrie: les Finlandais - peuple de paysans et de marins, les paysages mêlant lacs et forêts (Vue sur Haikko), la lumière crépusculaire (Coucher de soleil sur les collines de Kaukola), sans oublier la neige et les maisons de bois (Paysage d'hiver au parc kaivopuisto, Helsinki).
L'artiste fait preuve d'une grande tendresse dans la représentation de ses concitoyens, qu'il s'agisse d'enfants jouant avec des bateaux de bois ou occupés à des travaux domestiques (Apprentis tailleurs dans un asile d'enfants, Petite fille tricotant une chaussette, Les Constructeurs de navires), d'une femme au visage buriné (Vieille paysanne finlandaise) ou de fiers marins sur le pont d'un navire (Mouillage à Copenhague).

Étude finale pour Devant l'église, Finlande
1887
Huile sur toile
Turku, musée d'Art

Albert Edelfelt (1854-1905)
Vieille paysanne finlandaise
1882
Huile sur toile
Si le peintre fait appel à des modèles professionnels à Paris, il n'en a pas à disposition en Finlande. Il fait donc poser ses proches ou les habitants de Haikko. La vieille paysanne est Fredrika Snygg, dite Tatja, la fidèle servante de la famille Edelfelt, que l'on retrouve sur de nombreux tableaux.

Devant l'église, Finlande
1887 Huile sur toile
Ce tableau est inspiré à Edelfelt lors d'un séjour à Ruokolahti, au sud-est de la Finlande, mais il réalise sa toile de retour à Haikko, en faisant poser des femmes de la région. Il travaille sa composition à partir de photographies, en particulier pour la représentation de l'église à l'arrière-plan de sa composition. Présenté au Salon de 1888, le tableau est peu commenté par la critique, étant supplanté par les Bretonnes au Pardon de son ami Dagnan-Bouveret, d'une composition assez proche.

Pascal Dagnan-Bouveret (1852-1929)
Les Bretonnes au Pardon Huile sur toile, reproduction
1887
Lisbonne, Fondation Calouste Gulbenkian

Coucher de soleil sur les collines de Kaukola
1889-1890
Huile sur toile
Parallèlement à ses scènes rurales, Edelfelt s'illustre dans le genre du paysage, qu'il pratique tardivement et où transparaît son admiration pour les estampes japonaises, comme en témoigne cette œuvre au format vertical. Présentée au Salon de la Société nationale des beaux-arts en 1890, elle séduit la critique par sa luminosité subtile et son atmosphère quasi mystique.

Paysage d'hiver au parc Kaivopuisto, Helsinki (Journée de décembre)
1892
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay

Albert Edelfelt
(1854-1905)
Porvoo vu depuis la colline de Näsinmäki
1898
Huile sur bois

Vue depuis les collines
de Kaukola
1888-1889
Aquarelle sur papier

Rivage à Haikko en automne
Vers 1892
Aquarelle sur papier

Chagrin
1894
Huile sur toile

Vue sur Haikko
1899 Huile sur toile

Petite fille tricotant une chaussette
1886
Huile sur toile

Apprentis tailleurs dans un asile d'enfants, Finlande
1885
Huile sur toile
Collections Reitz

Mouillage à Copenhague III
1890
Huile sur toile

Les Constructeurs de navires
1886
Huile sur toile
Collection particulière

L'Heure de la rentrée des ouvriers, Finlande
1885
Huile sur toile

Jeunes filles nouant des guirlandes, étude
Vers 1886 Huile sur toile

La Villa d'été de l'artiste à Haikko
1905
Huile sur toile

"POUR LA FINLANDE": OEUVRES A CONNOTATION PATRIOTIQUE
Grand voyageur et patriote, Albert Edelfelt joue un rôle majeur dans la promotion de la Finlande ainsi que dans sa lutte pour l'indépendance face à l'impérialisme russe, à l'instar de son compatriote Juhani Aho. Outre son lien viscéral à sa terre natale, son attachement aux sujets spécifiquement finlandais participe également d'un réel engagement politique.
Ce militantisme affleure dans plusieurs œuvres, comme le portrait de la chanteuse de runes Larin Paraske, véritable incarnation de l'identité finnoise. Dans sa toile Pêcheurs finlandais, le peintre a donné aux trois personnages guettant l'horizon un air farou che et déterminé, symbole de la patrie bien décidée à lutter contre le joug de l'oppresseur. Diffusé par le biais de copies, ce tableau est devenu une icône de la résistance patriotique. De même, le paysage de L'ile de Särkkä, Helsinki peut être interprété comme un manifeste en faveur de l'autonomie finlandaise, la forteresse installée sur l'île ayant été construite au XVIII siècle pour résister à l'envahisseur russe.
La posture diplomatique d'Albert Edelfelt est consacrée par sa nomination comme commissaire de la section finlandaise à l'Exposition universelle de 1900. Par son gagement politique et esthétique et sa stature internationale, le peintre s'affirme comme un modèle pour la jeune génération d'artistes finlandais, parmi lesquels Akseli Gallen-Kallela, Helene Schjerfbeck et Magnus Enckell.

Larin Paraske (Incantation)
1893 Huile sur toile
Larin Paraske (1833-1904) est une chanteuse de runes originaire d'Ingrie, une région située au bord du golfe de Finlande. Elle joue un rôle fondamental dans la transmission de la poésie folklorique par sa restitution orale des grands textes nationaux. Surnommée la « Mnemosyne finlandaise » pour sa mémoire exceptionnelle, elle suscite l'intérêt de nombreux artistes, tels Albert Edelfelt et le compositeur Jean Sibelius, qui viennent assister à ses récitations.

Pêcheurs finlandais 
1898 Huile sur toile 

Proposition de couverture pour la revue Ateneum publiée par Wentzel Hagelstam
1898
Encre de Chine et gouache sur papier

Esquisse pour la revue La Finlande pittoresque
1895-1896
Aquarelle et crayon sur papier

L'Île de Särkkä, Helsinki
1894
Huile sur toile

Le Port de Nyländska Jaktklubben à Helsinki
1899
Huile sur toile
Lors de l'Exposition universelle de Paris en 1900, le pavillon finlandais, cœuvre de l'architecte Eliel Saarinen, distinct de celui des Russes, est mis sur le même plan que celui des autres pays, consacrant la Finlande comme nation autonome. Nommé commissaire de la section finlandaise, Edelfelt est chargé de la décoration du pavillon : il commande des tableaux et des fresques à plusieurs confrères, et peint lui même deux paysages, dont cette vue du port de Helsinki.

Portrait de l'écrivain Juhani Aho
1892
Huile sur toile
Juhani Brofeldt, dit Juhani Aho (1861-1921), est un écrivain et journaliste finlandais ayant activement contribué à la promotion de la langue finnoise. Membre du mouvement libéral « Nuori Suomi » (Jeune Finlande), il fait partie des francophiles les plus reconnus, au même titre qu'Edelfelt. Ce dernier l'estime profondément et lui rend hommage à travers ce portrait.

Image de couverture pour la revue artistique Helsingfors-Paris 1889
1889
Crayon et encre de Chine sur papier
En 1889, Edelfelt participe à l'Exposition universelle de Paris. Il exécute par ailleurs ce dessin allégorique : la Finlande, symbolisée par une fillette dont la coiffe est ornée de la cathédrale d'Helsinki, est accueillie à bras ouverts par une femme élégante Incarnant la ville de Paris. Elle est chaperonnée par un garçon qui représenterait l'Empire russe, la Finlande étant alors sous domination russe.


HAIKKO, LE RETOUR AUX SOURCES
Albert Edelfelt meurt le 18 août 1905 à Haikko, dans ce lieu qui lui est si cher et qu'il continue à représenter jusqu'à la fin de sa vie (Le Cottage des Karlsson, La Villa d'été de l'artiste à Haikko). Cette bourgade où il fait construire un atelier d'été en 1883 lui offre un cadre idyllique et ressourçant, à l'opposé du tumulte de la vie parisienne.
Haikko constitue pour le peintre un refuge intime, étroitement associé à son univers familial peuplé de femmes: sa mère et sa femme bien sûr, mais aussi la vieille servante de la famille, Tatja, qui lui sert plusieurs fois de modèle, et ses sœeurs Berta et Annie (Le Long du rivage, Jeunes filles nouant des guirlandes), dont il est très proche, et qui s'emploient à entretenir sa mémoire et sa renommée. Les deux sœurs publient notamment en 1923 la correspondance d'Albert avec Alexandra, leur mère. Cette parution ne passe pas inaperçue en France : « Des lettres qu'il écrivait à sa mère tandis qu'il étudiait et qu'il commençait à acquérir sa renommée viennent d'être publiées par ses sœurs, écrivains distingués. On y découvre une nature charmante, fine, délicate, ouverte à toutes les impressions » (Journal des Débats, 26 août 1923).

Le Cottage des Karlsson
1905
Aquarelle, gouache et crayon sur carton

Le Long du rivage (Annie Edelfelt et son chien)
1883
Huile sur toile

La Villa d'été de l'artiste à Haikko
1905
Huile sur toile

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