mardi 15 février 2022

La nouvelle présentation de la collection permanente du musée d'art moderne en février 2022

Un magnifique parcours dans les collections vient d'être mis en place à l'occasion de la manifestation dédiée à Yves Saint-Laurent. J'y reviendrai mais quelques exemples ci-après.

Sheila Hicks
1934, Nebraska
Au-delà
2017
Bas-relief constitué de 31 éléments. Fibre acrylique pigmentée, coton.
L'artiste américaine Sheila Hicks vit et travaille à Paris depuis 1964. Après avoir pratiqué la peinture, elle a élargi son champ de création par l'utilisation de matières souples, en s'inspirant de l'art ancestral du textile. Enveloppées, tissées, brodées, nouées ou torsadées, ses œuvres, constituées de fibres naturelles comme synthétiques, oscillent entre la dimension sculpturale, picturale et spatiale. Pour la réalisation de l'installation Au-delà destinée au musée d'Art moderne, Hicks a étudié non seulement les spécificités du lieu, mais aussi les caractéristiques de son public appelé à être son complice. Grâce à des rencontres de teintes, de textures et de matières inattendues, chaque élément de l'installation propose une expérience nouvelle et intense de la couleur, et s'ouvre à des associations infiniment poétiques.

David Altmejd
1974, Montréal
Les noix
2014
Acier, polystyrène, résine, cheveux synthétiques, peinture, yeux de verre, noix

Présence Panchounette Collectif d'artistes, actif de 1968 à 1990
L'ART À TOUT CASSER
 DYNAMITE ART
1990
Plâtre, faience et porcelaine cassées, lave-vaisselle
Héritier de l'Internationale situationniste, ce collectif d'artistes bordelais associe actions, performances et essais théoriques convoquant des références vernaculaires, décoratives ou issues de contre-cultures, au service d'une critique institutionnelle à l'humour souvent potache. L'Art à tout casser est une installation constituée de trois ready-mades. Une reproduction bon marché du Discobole, célèbre statue antique, est placée sur une machine à laver faisant office de socle, avec, au sol, un monceau de vaisselle ordinaire, dépareillée et cassée. Présenté dans l'exposition The Last en 1990, ce rébus surréaliste dénonce autant l'histoire de l'art perçue comme possible lavage de cerveau, que le stéréotype de la tabula rasa rêvée par les avant-gardes.

La donation Baselitz

En 2020, le Musée d'Art Moderne de Paris reçoit un don exceptionnel de six ceuvres de Georg Baselitz témoignant ainsi des liens privilégiés que le musée entretient avec l'artiste depuis longtemps.

Né en 1938 à Deutschbaselitz en Saxe, l'artiste commence sa formation de peintre en RDA. Très critique à l'égard du régime politique, il se fait exclure de l'école des Beaux-Arts de Berlin-Est et passe en 1957 à Berlin-Ouest pour y poursuivre sa formation. Dans un contexte de fortes divisions idéologiques, son œuvre témoigne dès ses débuts d'un esprit de révolte. Baselitz décide en 1969 d'inverser ses images pour affirmer la primauté de la peinture pure sur le sujet, brouillant ainsi les pistes entre figuration et abstraction. Ce geste lui permet en effet de libérer la peinture à l'égard de l'objet à représenter. Il se distingue ainsi de ce que l'on réduit trop facilement à de la peinture allemande » - à savoir à de l'expressionisme.

Représentatif de la carrière de l'artiste depuis quarante ans, chaque tableau de la donation renvoie par son motif à une étape essentielle de son travail : l'arbre, qui fut le thème de sa première peinture retournée; le «remix», une réactualisation de sa première peinture au succès scandaleux, La grande nuit foutue ; plusieurs têtes, sujet préféré de l'artiste dès ses débuts et enfin, une oeuvre de la série consacrée à Sigmund Freud, présentée la première fois dans l'exposition Baselitz sculpteur, organisée au musée en 2011.

Ces six œuvres complètent les deux déjà présentes dans les collections du Musée, dont L'Autoportrait à la tache bleue (1996) acquise par les Amis du Musée après la grande rétrospective consacrée au peintre en 1997, et Ma mère, Madame Cézanne (1996) offerte par l'artiste en 2011.

Georg Baselitz
1938, Deutschbaselitz
Bruna
1992
Huile sur toile

Georg Baselitz
1938, Deutschbaselitz
Selbstporträt mit blauen Fleck (Autoportrait à la tache bleue)
16 janvier 1996 - 15 avril 1996
Huile sur toile

Georg Baselitz
1938, Deutschbaselitz
Der Abgarkopf
1984
Huile sur toile

Georg Baselitz
1938, Deutschbaselitz
Birnenbaum
1976-1980
Tempera et asphalte sur toile

Georg Baselitz 1938, Deutschbaselitz
Meine Mutter, Madame Cézanne
1998
Huile sur toile

Georg Baselitz 1938, Deutschbaselitz
Big Piss (Remix)
2007-2008
Huile sur toile

Vers le musée du futur

Cet accrochage rend hommage à Pierre Gaudibert (1928-2006), historien de l'art, critique et conservateur, dont la bibliothèque et les archives sont entrées au musée d'Art moderne en 2015 avec une partie de sa collection personnelle.

En 1967, Gaudibert crée au musée d'Art moderne (ouvert depuis 1961) la section Animation Recherche Confrontation (ARC) avec l'appui de la Direction des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Il en est le directeur de 1967 à 1972, impulsant un modèle muséographique inédit en France, ancré dans l'actualité et la variété des recherches artistiques, reposant sur la relation directe entre artistes, couvres et visiteurs. Le dynamisme et le fonctionnement du musée ainsi que sa collection d'art contemporain sont l'héritage de cette vision.

Le parcours s'articule en trois sections, la première reflète l'engagement politique de Pierre Gaudibert au milieu des années 1960, partagé avec nombre d'artistes de sa génération, membres du Salon de la Jeune Peinture. Qu'ils soient figuratifs ou abstraits, comme le présente la deuxième section, ces artistes suivent une démarche radicale qui les pousse vers de nouvelles voies d'expressions artistiques, dont la programmation du musée se fait l'écho dés la fin des années 1960. Ces mouvements donneront naissance, entre autres, à la figuration narrative et à Supports-Surfaces. La troisième et dernière section est consacrée à la présentation d'une partie de la bibliothèque et des archives de Pierre Gaudibert, permettant de cerner l'apport intellectuel de celui-ci aux réflexions esthétiques et sociologiques de l'époque, notamment sur l'évolution du rôle des musées.


Affiches de mai-juin 1968
Affiches de l'Atelier Populaire des Beaux-arts

Sérigraphies Don de M. Piotr Gaudibert en 2015 Archives MAM Paris, Fonds Pierre Gaudibert


Action politique et engagement

Au milieu des années 1960, de nombreux artistes membres du Salon de la Jeune Peinture portent un regard critique sur la société de consommation et les idéologies politiques, en réaction aux événements dramatiques qui jalonnent cette époque : guerre du Vietnam, Révolution culturelle chinoise, conflit israélo-arabe de la guerre des Six-Jours, émeutes raciales aux Etats-Unis, famine en Inde et événements de Mai 68 en France. Gilles Aillaud. Pierre Buraglio, Henri Cueco, Gerard Fromanger, Bernard Rancillac, mais aussi Peter Klasen, Jacques Monary et Hervé Télémaque rompent avec les sujets traditionnels de la peinture pour donner à leurs ceuvres un écho plus direct aux tourments de la société contemporaine, comme un cri distancié, irrésistiblement jailli de la sensibilité d'artistes en lutte », pour citer Gaudibert. Au sein du Salon de la Jeune Peinture. l'émergence d'une pratique picturale collective et militante nait dans ce contexte, de nature à désamor cer le caractère individualiste de la position de l'artiste.

Les sujets sont choisis dans l'actualité et les expositions deviennent des manifestations politiques, dont certaines comme la Salle rouge pour le Vietnam - (en 1959), ou Qui tue ? Vérités sur un fait divers: l'affaire Gabrielle Russier. (en 1970) sont accueillies par le musée d'Art moderne, sous l'égide de Pierre Gaudibert. Comme nombre de critiques et d'intellectuels de gauche ayant milité dans les mouvements d'éducation populaire de l'après-guerre, celui-ci est passionné par les débats et les événements de Mai 68. Présent à l'École des beaux-arts pendant les semaines de grève et d'occupation, il suit de près l'expérience de l'Atelier populaire et les publications satiriques de la période, dont il conserve des témoignages, entrés avec ses archives dans les collections du musée.

Henri Cueco
1929, Uzerche - 2017, Paris
Marx Freud Mao
1969-1970
Huile et laque glycérophtalique sur toile
Don de l'artiste en 2000

Cette œuvre, devenue emblématique de l'engagement politique des peintres de la figuration narrative, dont Henri Cueco a été l'un des principaux acteurs, possède un très fort impact visuel. L'artiste a évité toute trace de pinceau pour concevoir une image très nette, avec une couleur dominante. Les silhouettes des célèbres personnages - le penseur, le psychanalyste et le révolutionnaire - reposent sur un lit maçonné de pavés, comme une métaphore de l'édification d'un système philosophique, sociétal et politique, dont Marx et Mao figurent les extrêmes historiques. Entre eux, Freud, qui incarne le processus psychanalytique, suggère peut-être, dans ce contexte, l'échec d'un examen de conscience susceptible de dépasser les névroses individu elles et collectives. En effet, à mi-chemin entre construction et destruction, quelques carences restent à combler sur la trame architecturale qui les supporte.

Erró
1932, Olafsvik
Intérieur américain n°1
1969
Peinture glycérophtalique sur toile
AMVP 2015-52
Achat en 2015 Ancienne collection Pierre Gaudibert

Erró revient d'un voyage aux États-Unis fasciné par le pop art, la profusiondes images véhiculées par la publicité et le médias, ainsi que les comics. Il les assemble sous forme de collages qu'il transpose dans de grandes compositions peintes. Protagoniste de la figuration narrative, dont il partage l'engagement pour une nouvelle peinture d'idée, il met souvent en scène des enjeux politiques et sociétaux. Dans cette série consacrée à la guerre du Vietnam, il reprend, à l'instar des photomontages que l'artiste Martha Rosler réalise à la même période, le principe de l'irruption des combats dans le cadre de vie américain. En superposant une imagerie communiste nord-vietnamienne à la vue paisible d'un intérieur de magazine de décoration, il traduit à la fois les peurs de la société dans le contexte de la guerre froide et le fait que, malgré l'éloignement géographique de la violence du conflit, les traumatismes engendrés resurgissent dans les foyers.

Olivier O. Olivier
1931,-2011, Paris
Tableau pour la salle rouge
1968
Huile sur toile
Achat en 2013

Olivier O. Olivier a suivi les cours de l'École des beaux-arts de Paris après une licence de philosophie à la Sorbonne en 1954. Dès 1963, il fait partie du groupe Panique avec Fernando Arrabal, Roland Topor et Alejandro Jodorowsky. Peintre de l'absurde, de l'humour et de la dérision, il développe un onirisme qui lui est propre, inspiré par Dada et le surréalisme. D'un esprit plus dramatique, cette ceuvre figure un rapace (en référence à l'emblème national des États-Unis) piégé par la végétation d'une jungle. Elle a été peinte à l'occasion de la « Manifestation de soutien au peuple vietnamien organisée à l'initiative du comité du Salon de la Jeune Peinture, dont faisait partie Olivier O. Olivier. Cette exposition, annulée en juin 1968 en raison des événements de Mai, a été présentée à l'ARC au Musée d'art moderne du 17 janvier au 23 février 1969, sous le titre de "Salle rouge pour le Vietnam".

Bernard Alleaume (1930-1998) Henri Cueco (1929-2017) Jean-Claude Latil (1932-2007) Yves Mikaeloff (né en 1939) Michel Parré (1938-1998) Gérard Tisserand (1934-2010)
Portfolio Gabrielle Russier
1970
6 lithographies réunies en portfolio
Archives MAM Paris, Fonds Pierre Gaudibert

L'expérience d'action collective de l'Ateller populaire des Beaux-Arts de Mai 68 rend possible la création en 1970 de La Coopérative des Malassis (du nom d'un quartier se trouvant sur le plateau des Malassis, à Bagnolet) par cinq artistes : Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré et Gérard Tisserand. Elle s'établit sur la nécessité de repenser le rôle des artistes et de leurs productions en termes politiques, d'affirmer la prééminence d'un contenu politique de classe, et de développer la pratique de groupe. L'un de leurs premiers travaux collectifs est une série de peintures consacrée à l'affaire Gabrielle Russier, du nom de cette enseignante de lettres qui, en raison de sa liaison amoureuse avec un de ses élèves âgé de seize ans, est condamnée à un an de prison avec sursis pour enlèvement et détournement de mineur. Elle se suicide le 1 septembre 1969. L'oeuvre, aujourd'hui conservée au musée des Beaux Arts de Dole, a été présentée à l'ARC en 1970 dans une exposition intitulée « Qui tue ? Vérités sur un fait divers l'affaire Gabrielle Russier. Les artistes ont également réalisé un portfolio de six lithographies accompagnées de textes des critiques.

Gilles Aillaud
1928-2005, Paris
Réalité quotidienne des travailleurs de la mine (Fouquières-lès-Lens) n°6
1971
Huile sur toile

Gilles Aillaud
1928-2005, Paris
Réalité quotidienne des travailleurs de la mine (Fouquières-lès-Lens) n°7
1971

Mettant un terme à des études de philosophie en 1949, Gilles Aillaud retourne à la peinture, qu'il a pratiquée dès l'enfance. Très tôt, en 1959, il expose au Salon de la Jeune Peinture, qu'il contribue à rendre plus contestataire. Il réalisera plusieurs peintures collectives en collaboration avec Eduardo Arroyo, Antonio Recalcati, Francis Biras Lucio Fanti, Fabio et Nicky Rieti et d'autres protagonistes de ce groupe.

Ces deux toiles s'inscrivent dans le contexte de l'accident minier de Fourquières les-Lens qui, le 4 février 1970, ôte la vie à seize mineurs et en blesse douze autres, en faisant l'une des dernières grandes catastrophes minières du xx siècle. Alors que la responsabilité de la direction des mines pèse lourdement, l'extrême gauche s'empare de l'événement. L'organisation caritative Le Secours rouge, qui entend récuser toute fatalité et protester contre les négligences et les choix industriels à l'origine de l'accident, organise alors une assemblée de dénonciation sous une forme juridique, le Tribunal populaire de Lens, qui se réunit le 12 décembre 1970 dans une salle de la mairie de Lens, présidé par Jean-Paul Sartre. Alors que l'affaire défraie la chronique, plusieurs membres du Salon de la Jeune Peinture s'emparent du sujet. Ils elaborent une campagne d'affiches pour le Tribunal populaire, publient le Journal d'une veuve de mineur et organisent une exposition vente en solidarité avec les mineurs. Ils réalisent une série de seize peintures, à laquelle appartiennent ces deux toiles de Gilles Aillaud nouvellement entrées dans les collections du Musée

Pour les réaliser. Aillaud a travaillé à partir des photographies conservées par les mineurs et leurs familles et la presse de répoque. La première de la série figure les transports au fond de la mine, illustration du contexte de travail sombre et mécanisé où les hommes sont défigurés par le noir de charbon. La seconde de la série l'enracine dans le vécu immédiat des événements à partir d'un cliché tragique publie par le quotidien La Voie du Nord le lendemain de la catastrophe. Elle montre les grilles délimitant la zone de la mine, où les familles sont venues. 


Gilles Aillaud
1928-2005, Paris
Rhinocéros de dos
1966
Huile sur toile
Achat en 2001

Peintre, Gilles Aillaud fut aussi écrivain et scénographe de théâtre. Les animaux sont un thème de prédilection nourri par ses voyages et les scènes de zoo occupent une place centrale dans sa production. La précision apportée au trait ement des sujets et les cadrages presque photographiques donnent à ses peintures une présence figurative très forte, non dénuée de mystère. Ici, le rhinocéros peint de dos et vu d'en haut occupe presque toute la surface de la toile. devenant une masse compacte difficile à identifier au premier abord. Malgré le soin apporté au rendu de sa peau, dans des tonalités de gris un peu crayeux, qui lui donnent l'aspect d'une pierre, à peine se détache-t-il sur la fosse dans laquelle il est enfermé et qui semble l'absorber tout entier. Se dégage une impression de mélancolie, en écho à l'aliénation de l'animal. L'oeuvre a fait partie de la première rétrospective de Gilles Aillaud organisée à I'ARC en 1971; l'artiste la décrocha lors de l'affaire Mathelin pour protester contre la censure et la saisie de deux oeuvres de ce dernier par la préfecture de police de Paris.

Hervé Télémaque
1937, Port-au-Prince
Conquérir
1966
Acrylique sur toile et assemblage
Achat en 1986

Né à Port-au-Prince en 1937, Hervé Télémaque quitte Haiti en 1957 pour New York, où il découvre les artistes expressionnistes abstraits et néo-dada. En quête d'une scène plus active et tournée vers la politique il s'installe finalement à Paris en 1961. Exposée au musée d'Art moderne en mars 1967 à la deuxième exposition de l'ARC (animation-recherche-confrontation, le département d'art contemporain du musée), Conquérir incarne l'esprit surréaliste de Télémaque, ainsi que sa volonté d'élargir le champ de la peinture. Avant de se consacrer à la création de ses objets-voiles en 1968, des objets indéchiffrables chargés de référence aux traditions d'Haiti et du Vaudou, l'artiste entame déjà une grande charge réductrice contre le tableau. Toile voile, un ailleurs niais poétique...». A mi-chemin entre une peinture et une sculpture, l'oeuvre ressemble à l'arbre de mai des rites de fécondité, à un livre monumental grand ouvert, ou à un radeau échoué dans les salles du musée.

Jacques Monory
1924-2018, Paris
Tableau social
1972
Huile sur toile et film plastique fixé par cornières métal
Achat en 2015. Ancienne collection Pierre Gaudibert

Jacques Monory détruit en 1962 ses premières toiles abstraites et se tourne vers la figuration, conforté par la découverte du pop art (Warhol, Rauschenberg). Il participe aux manifestations de la figuration narrative dès 1964 et présente une exposition personnelle, « Velvet Jungle, NY » à l'ARC en 1971. Inspiré par les films policiers, l'artiste développe une oeuvre entre autobiographie et scènes de la vie quotidienne, privilégiant les faits divers violents. La pellicule bleue, couleur de l'illusion chère à Monory, instaure un voile onirique, une mise à distance face au drame qui se joue, et projette le spectateur dans un monde mental. L'oeuvre, dédiée et offerte à Pierre Gaudibert, porte l'inscription « Tableau pour contribution dérisoire au perfectionnement de la société » et figure un chien estropié équipé d'une sorte d'arrière-train à roulettes, représentation cocasse tout autant que dénonciation absurde d'une société malade.

Peter Klasen
1935, Allemagne
Chariot
1972
Acrylique sur toile

Participant à l'exposition « Mythologies quotidiennes » en 1964 au musée d'Art moderne de la Ville de Paris, Peter Klasen devient l'un des chefs de file de la nouvelle figuration. Comme leurs homologues américains, ces artistes placent la société contemporaine et ses images au coeur de leur oeuvre, mais diffèrent par le refus d'un certain « art pour l'art». En effet, Klasen crée ici un sentiment d'angoisse à travers la représentation clinique de produits manufacturés à l'aspect net et luisant: un mobilier médical isolé dans un espace vide et noir, où la lumière incisive accentue la dureté des surfaces métalliques. Se signalant par une thématique obsessionnelle, la démarche de Klasen est surtout une dénonciation d'une société malade, conformiste et aliénante.

Gérard Fromanger
1939, Jouars-Pontchartrain-2021, Paris
Le Rouge
1970
Portfolio de 21 sérigraphies
Archives MAM Paris

Ces sérigraphies offrent un des témoignages les plus saisissants des répercussions de Mai 68 sur la vie artistique française. Ici le rouge des drapeaux nationaux coule, déborde, envahit et recouvre peu à peu les autres plages de couleur. Privilégiant la couleur pure, cette série se veut à la fois une expression de la vie quotidienne et celle d'une dénonciation sociale et politique. Le critique Alain Jouffroy écrira dans Opus international n°17: «Fromanger a utilisé la couleur rouge pour montrer l'existence de la lutte des classes. Pour la rappeler, pour l'inscrire dans les yeux comme elle peut l'être dans la pensée. Les drapeaux serviront de décor au ballet Hymnen, créé en 1970 sur la musique de Karlheinz Stockhausen avec une chorégraphie de Michel Descombey au Théâtre de la Ville à Paris, dans le cadre du Festival d'automne. La composition des différents drapeaux fait écho à la structure électronique et concrète de l'oeuvre de Stockhausen, qui inclut un montage d'hymnes nationaux de différents pays.

Bernard Rancillac 1931, Paris-2021, Malakoff
Pornographie
1969
Peinture vinylique, acrylique et plexiglas sur toile
Ancienne collection Pierre Gaudibert

Né à Paris en 1931, Bernard Rancillac abandonne son métier d'instituteur à la fin des années 1950 afin de se consacrer à un art engagé, qui puise ses influences dans l'univers de la bande dessinée et la culture populaire. Aux côtés du critique d'art Gérald Gassiot-Talabot et de l'artiste Hervé Télémaque, Rancillac organise l'exposition « Mythologies quotidiennes » au musée d'Art moderne en 1964, événement fondateur de la figuration narrative. Dans le sillage des événements de 1968, Rancillac inaugure son exposition «Pornographie » à la galerie Templon à Paris en mai 1969. Lancées à l'assaut du bon goût et de la peinture bien faite, les oeuvres obligent le public à questionner le rapport entre l'art, l'érotisme et les moeurs bourgeoises: "lci j'oblige à un trajet, à une acuité, à un effort, mais ce n'est pas gratuit: il s'agit d'occuper l'espace, pas pour l'envahir, pour le relever."

Alfred Courmes
1898-1993
Edipe et le sphinx
1959
Crayon sur papier

Alfred Courmes
1898, Bormes-les-Mimosas - 1993, Paris
L'intervention de l'armée est demandée
 "Dédié à Félix Labisse"
1969
Huile sur toile marouflée sur bois

Fortement influencé par les primitifs flamands et italiens, dont il reprend la technique méticuleuse, Alfred Courmes développe un style réaliste très personnel. Il peint des sujets satiriques inspirés par des faits divers ou des feuilletons, juxtaposant, à la façon d'un collage, des détournements de l'iconographie chrétienne et des pastiches de publicités. On retrouve ainsi le bébé Cadum dans ce diptyque grivols à tendance antimilitariste, écho inattendu du contexte des années 1960, entre conflits guerriers et libération des moeurs. Comme l'indique la dédicace, Courmes est proche des artistes surréalistes, qui apprécient son humour absurde, mais il reste à l'écart du groupe. Il éveille aussi l'intérêt des protagonistes de la figuration narrative, désireux de renouveler la peinture et ses sujets. Il doit à la défense acharnée de Pierre Gaudibert sa première rétrospective dans un musée à Grenoble en 1979.

Nam June Paik
1932, Séoul - 2006, Miami
Olympe de Gouges
1989
Installation de moniteurs video

Nam June Paik est un des pionniers de l'art vidéo et l'un des représentants majeurs de Fluxus. Ce robot représente Olympe de Gouges, femme de lettres, pionnière du féminisme et militante contre l'esclavage, guillotinée en 1793. Il fut créé en 1989 à l'occasion du Bicentenaire de la révolution française. Les idéogrammes chinois peints sur les côtés signifient: « Femme française » et« Vérité/Bonté/Beauté/Liberté/ Passion». Cette « video sculpture » fait la synthèse entre

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