jeudi 18 novembre 2021

Julie Manet, la mémoire impressionniste, au musée Marmottan en novembre 2021

Quelques beaux tableaux dans cette exposition un peu brouillonne -ne pas oublier de monter à l'étage où on retrouve la deuxième partie du parcours après le  passage obligatoire au sous-sol dans la collection permanente - et dont voici l'essentiel :

JULIE MANET 1878-1966

Fille de Berthe Morisot et d'Eugène Manet, nièce d'Édouard Manet, pupille du poète symboliste Stéphane Mallarmé, protégée de Pierre Auguste Renoir et d'Edgar Degas, Julie est indéniablement une enfant de l'impressionnisme comme en témoigne le Journal qu'elle rédige entre quatorze et vingt et un ans. 

Deux tableaux de Berthe Morizot dans la collection permanente du rez-de-chaussée avant l'exposition temporaire en prime :

BERTHE MORISOT 1841-1895
LE JARDIN À BOUGIVAL
1884
Huile sur toile
Legs Annie Rouart, 1993.

BERTHE MORISOT 1841-1895
APOLLON RÉVÉLANT SA DIVINITÉ À LA BERGÈRE ISSÉ (D'APRÈS FRANÇOIS BOUCHER)
1892
Huile sur toile
Acquis en 2020 par l'Académie des beaux-arts, avec le soutien de l'Association des Amis du musée Marmottan Monet.

ENFANT DE L'IMPRESSIONNISME (1878-1900). Enfant modèle, Julie pose dès son plus jeune âge pour les peintres de son entourage. Autant d'artistes formant une famille de coeur qui l'entoure à la mort de sa mère en 1895. Mallarmé, Renoir, Degas veillent sur Julie ainsi que sur ses deux cousines, Paule et Jeannie Gobillard, elles aussi orphelines. Ces derniers se préoccupent de leurs mariages. Mallarmé souffle le nom de Jeannie à son fils spirituel, Paul Valéry. Degas orchestre la rencontre de Julie avec son unique élève, Ernest Rouart, Le 31 mai 1900, une double cérémonie célèbre leurs unions.

MEMOIRE IMPRESSIONNISTE (1900-1966). Commence alors une nouvelle phase de la vie de Julie Manet, moins connue et pourtant bien plus longue: celle de sa vie d'épouse, de mère mais aussi d'héritière. Dernière des Manet, Julie est la dépositaire d'un patrimoine considérable. Les Renoir, Monet et surtout Manet qu'elle tient de ses parents composent le décor dans lequel elle évolue. Aux côtés de son époux, Julie collectionne bientôt. Le couple acquiert ainsi de nombreuses œuvres des XVIII et XIX° siècles. Si Julie peint à l'exemple de ses aïeux, elle s'attache surtout à défendre l'oeuvre de son oncle Édouard et à faire reconnaître celle de sa mère, Berthe Morisot. Julie Manet multiplie dès lors les dons aux musées, contribue non seulement à l'enrichissement du patrimoine commun mais également à faire vivre leur mémoire. Une mémoire impressionniste.

ERNEST ROUART
1874-1942
Julie Manet écrivant
Huile sur toile
Collection particulière

UNE ENFANT MODÈLE
1878-1895

EUGÉNIE JULIE MANET naît le 14 novembre 1878 dans le XVI arrondissement de Paris. Elle y habitera sa vie durant. Issue d'un milieu bourgeois, elle reçoit une éducation soignée que lui dispensent des professeurs particuliers sous le regard attentif de sa mère, la peintre impressionniste Berthe Morisot (1841-1895). Son emploi du temps est très organisé, comme en témoigne le règlement qu'elle recopie, l'enseignement complet: Julie est initiée aux lettres classiques et à l'anglais, une langue dans laquelle on entend qu'elle s'exprime parfaitement composant, des textes en prose et des poèmes dès son plus jeune âge.

Fille et nièce d'artistes, ses proches la prennent immédia tement pour modèle. Son père Eugène Manet (1833-1892), qui manie le crayon mais a toujours refusé d'exposer, ne résiste pas à dessiner «son Bibi» dans l'un de ses carnets. Sa mère l'érige au rang de muse. L'impressionniste représente Julie à tous les âges: à trois ans avec son père à Bougival ou dans les prés, à six ans jouant à la poupée, posant en jersey bleu à huit ans, rêveuse à seize ans. Alors que Berthe Morisot cherche à capter une atti tude de l'enfance, «quelque chose de ce qui passe » et n'hésite pas à cacher le visage de sa fille qu'elle esquisse parfois à peine, Renoir est chargé de faire le portrait de Me Manet aussi fidèlement que possible. À neuf ans, Julie pose à plusieurs reprises pour L'Enfant au chat dont les dessins préparatoires sont présentés pour la première fois au public avec la peinture. Nul doute que Julie ait alors tissé des liens privilégiés avec Renoir, nouant une relation personnelle et sincère tout au long de leur vie.

BERTHE MORISOT
1841-1895
Au bord du lac
1883 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

BERTHE MORISOT
1841-1895
Petite fille assise dans l'herbe
1882 Aquarelle sur papier 
Paris, musée Marmottan Monet

BERTHE MORISOT 
1841-1895
Eugène Manet et sa fille dans le jardin de Bougival
1881
Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

BERTHE MORISOT
Fillette au jersey bleu
1886
Pastel sur toile
Paris, musée Marmottan Monet


BERTHE MORISOT
1841-1895
Berthe Morisot et sa fille Julie
1885 Huile sur toile  
Collection particulière

PIERRE AUGUSTE RENOIR
1841-1919
Berthe Morisot et sa fille Julie
1894 
Pastel et fusain sur papier collé sur carton 
Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

BERTHE MORISOT
Julie rêveuse
1894 Huile sur toile
Collection particulière

PIERRE AUGUSTE RENOIR
1841-1919
Portrait de Julie Manet
1894 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

STÉPHANE MALLARMÉ, UN POÈTE POUR TUTEUR

C'EST TOUT D'ABORD avec l'oncle de Julie, Édouard Manet, que le poète symboliste Stéphane Mallarmé (1842-1898) se lie d'amitié. L'admiration des deux hommes est sincère; ils collaborent à l'édition du poème de l'Américain Edgar Allan Poe Le Corbeau traduit par Mallarmé et illustré par Manet en 1875. Comme pour beaucoup de ses amis, Manet offre au poète son portrait pour lequel il pose en 1876. À la mort du peintre, en 1883, Mallarmé se rapproche de la mère de Julie. Dès 1888, ses parents déclarent l'homme de lettres tuteur de Julie, une fonction qu'il occupe à la mort d'Eugène Manet, en 1892. C'est à cette période que Berthe Morisot peint sa fille en robe de deuil, accompagnée du lévrier Laërtes, cadeau de son tuteur. Marqué par le dernier portrait que Berthe fait de sa fille, une toile inachevée mais dont se dégage une présence étonnamment forte, Mallarmé compose un quatrain qui donne son titre au tableau Julie Manet au chapeau liberty. Habituée depuis son enfance à séjourner auprès du poète à Valvins, non loin de Fontainebleau, Julie continue d'y être reçue à la mort de sa mère. Elle est désormais accompagnée de ses cousines, Paule et Jeannie Gobillard, un trio que le poète surnomme sans tarder "l'escadron volant" en raison de ses nombreux voyages.

BERTHE MORISOT 
1841-1895
La Seine à Valvins
1893 Huile sur toile 
Collection particulière

À Valvins, Mallarmé consacre ses après-midi au canotage. A la fin des années 1870, il se fait construire à Honfleur un canot doté d'un mât et d'une voile blanche qu'il compare à une «une grande page blanche ». Lors de leurs visites, Berthe Morisot et Julie ne résistent pas à l'envie d'immortaliser la yole. L'impressionniste peint l'embarcation sur la Seine en 1993. Julie photographie le poète naviguant aux côtés de son ami, l'éditeur Thadée Natanson en 1896.

BERTHE MORISOT
1841-1895
Julie Manet et sa levrette Laërtes
1893 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

À la mort d'Eugène Manet, Mallarmé offre à Julie un lévrier qu'il baptise Laërtes en référence à un personnage d'Hamlet de Shakespeare. Ce héros qui, comme Julie, a perdu son père incarne aux yeux du poète l'archétype du dévoue ment aux siens. Laërtes est donc le compagnon-gardien que Mallarmé choisit pour sa pupille. La fille de Berthe Morisot et le chien posent en 1893, dans leur appartement de la rue Weber.

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Stéphane Mallarmé
1876 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, acquis avec le concours de la Société des Amis du Louvre et de D. David Weill, 1928

Stéphane Mallarmé découvre Valvins en 1874, il y passe toutes ses vacances, puis la moitié de l'année une fois retraité en 1893. C'est à cette période que Dornac photographie le poète dans son sobre intérieur. On reconnaît sur le mur son portrait par Manet, une oeuvre dont il ne séparera jamais.

BERTHE MORISOT
1841-1895
 Julie Manet au chapeau liberty
1895 Huile sur toile
Collection particulière

Ce tableau de Berthe Morisot, dernier portrait de Julie, resté inachevé, inspire à Mallarmé ce poème:
"Le rire prompt à se taire 
Dont votre air grave est diverti
L'ombrage d'un autre mystère 
Que le seul chapeau Liberty"
Stéphane Mallarmé, 1894

L'ESCADRON VOLANT 1895-1900

BERTHE MORISOT et sa sœur Yves Gobillard (1838-1893) ont élevé leurs filles comme des sœurs. L'aînée, Paule Gobillard (1867-1946), est particulièrement proche de sa tante. Comme l'impressionniste, elle deviendra peintre après avoir été son élève. C'est à ce titre que Paule pose le pinceau à la main dans le salon-atelier de Berthe Morisot à vingt ans. Elle suivra ensuite les conseils de Renoir qui fait son portrait à la sanguine au tournant du siècle. Sa soeur Jeannie Gobillard (1877-1970), de dix ans sa cadette, voit le jour à Paris, dans l'appartement de sa tante Berthe Morisot, quelques mois avant Julie. Après le décès de leurs parents, les orphelines emménagent au quatrième étage d'un immeuble construit par les parents de Julie au 40, rue de Villejust (actuelle rue Paul-Valéry) dans le 16ème arrondissement. Paule veille sur les plus jeunes, elle est l'interlocutrice du tuteur Mallarmé qui lui décerne le titre de "demoiselle Patronne ".

Entre 1895 et 1900, «l'escadron volant» - comme le surnomme le poète - partage son temps entre Paris et la province où il visite ses proches. C'est à l'occasion d'une de leurs nombreuses visites à Renoir que Julie et Jeannie posent pour Le Chapeau épinglé. C'est aussi à cette période que Julie pratique la peinture avec le plus d'assiduité sous le regard bienveillant de Renoir. Le double portrait de ses soeurs-cousines présenté dans cette section est sans aucun doute l'une de ses toiles les plus ambitieuses et les plus accomplies.

PIERRE AUGUSTE RENOIR 
Portrait de Paule Gobillard
1841-1919 Sanguine sur papier. 
Collection particulière

BERTHE MORISOT 
Paule Gobillard peignant
1841-1895
1887 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
Portraits de Jeannie au piano et Paule l'écoutant
1899 Huile sur toile Collection particulière

Jeannie ayant été reçue à l'un des plus prestigieux cours de piano de Paris dispensé par le célèbre Raoul Pugno, on livre, au début de l'année 1899, un piano à queue. Le cabinet de musique ne pouvant loger l'imposant instrument, il est installé en majesté dans le salon,
Julie y pose son chevalet, peint la virtuose et sa soeur. Le
22 avril 1899, Renoir fait part de quelques observations.
Julie écrit alors dans son Journal:
-Paule montre à M. Renoir le portrait qu'elle vient de faire
de moi dans ma robe de velours rouge et moi je montre
celul de Jeannie au pianoet Paule l'écoutant. Nous recevons
quelques conseils, celui de refaire quelques petites choses.
M. Renoir est plutôt encourageant. Il y a des parties qu'il trouve belles.

PIERRE AUGUSTE RENOIR
1841-1919
Le Chapeau épinglé 1898 
Lithographie en sept couleurs
Collection particulière

LA DERNIÈRE DES MANET

À LA FIN DU XVIII SIÈCLE, l'arrière-grand-père de Julie, Clément Manet (1764-1814), s'installe à Gennevilliers dont il est le premier maire. L'homme acquiert d'importants terrains dans la ville au point qu'on dit qu'il en est le propriétaire. Ce patrimoine foncier est d'abord partagé entre ses quatre enfants. Leurs lignées s'éteignant peu à peu, Julie est, en 1894, la dernière descendante directe. Elle hérite à ce titre de l'ensemble du patrimoine réuni par Clément que se partagent alors deux branches, la branche De Jouy de son parrain et la branche Manet dont Julie est issue. La veuve d'Édouard Manet, sa tante Suzanne Leenhoff (1829-1906), n'ayant hérité que de dettes, l'ensemble du patrimoine foncier de la branche paternelle revient à Julie, apportant à cette dernière une aisance financière que ni ses parents, ni ses oncles et ses cousins n'auront jamais connue. Julie reste proche de sa tante Suzanne. Cette dernière lui offre régulièrement croquis et dessins en mémoire de son oncle. Elle reçoit ainsi pour ses seize ans une sanguine d'après Andrea del Sarto et trois Grâces aquarellées. Toutefois, les idées des deux femmes divergent quant à la gestion de l'oeuvre de Manet, ce qui est source de tensions. Les décisions de l'une choquent l'autre; Julie s'insurge lorsqu'elle apprend que sa tante a confirmé l'authenticité de tableaux de Manet laissés inachevés mais retouchés par d'autres, comme elle l'affirme à propos des Baigneuses.

ÉDOUARD MANET 
Baigneuses en Seine
1832-1883
Vers 1874-1876 Huile sur toile
Collection Museu de Arte de São Paulo Assis Chateaubriand, don Arthur Lundgreen, 1952

En 1899, Julie constate que plusieurs Manet douteux circulent sur le marché. La nièce du peintre s'insurge lors qu'elle découvre Baigneuses en Seine, l'imposante esquisse d'une femme à trois jambes dont l'une a été dissimulée sous un repeint. Julie envisage d'intenter un procès et dénonce l'intervention de faussaires. Son action contribue à juguler ces pratiques, incitant les générations suivantes à restaurer les oeuvres dénaturées. Ainsi, les Baigneuses ici présentées ont-elles retrouvé leur état initial.

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Trois grâces
vers 1853-1856
Aquarelle et mine de plomb sur papier 
Collection particulière

EDOUARD MANET
1832-1883
Portrait de Jules de Jouy
Vers 1879-1881
Crayon noir sur papier 
Paris, musée Marmottan Monet

C'est en l'honneur de son parrain, Jules de Jouy, qu'Eugèn et Berthe Manet prénomment leur fille Julie. Avocat réputé exécuteur testamentaire d'Édouard Manet, il administre une importante partie des biens de la famille. Son grand âge le dissuade de figurer au conseil de famille constitué autour de Julie en 1892, sans qu'il ne cesse pour autant de veiller à ses intérêts. Resté sans enfant, Julie hérite à sa mort en 1894 de la moitié de sa fortune. Elle reçoit plus de 400 000 francs, ce qui représente le double du capital que possédaient ses parents quand ils débutèrent dans la vie. Cette somme équivaut à un tiers du patrimoine de Julie en 1900.

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Lucrezia, d'après le Portrait de Lucrezia d'Andrea del Sarto (Offices, Florence)
vers 1853-1856
Sanguine sur papier 
Collection particulière

EDOUARD MANET
1832-1883
Portrait de Madame Manet ou La Femme au chat
Vers 1880 Huile sur toile
Londres, Tate, achat en 1918

À la mort d'Édouard Manet en 1883, sa veuve Suzanne réside jusqu'en 1885 au troisième étage de la rue de Villejust. Installée au rez-de-chaussée, Julie grand't sous ses yeux. Suzanne occupe ensuite une maison que lui prête Jules de Jouy à Gennevilliers, puis à Asnières. La succession de son époux étant déficitaire d'environ
50 000 francs et les dettes souscrites auprès de la famille,
Suzanne se retrouve débitrice de la dernière des Manet, sa nièce Julie. Comme ses parents en leur temps, celle-ci oublie» la dette qui ne sera jamais soldée.

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Soldats se rendant aux avant-postes
1870
Crayon et lavis sur double page de carnet, papier quadrillé 
Collection particulière

ERNEST ROUART
Autoportrait
1874-1942
1908 Huile sur bois
Collection particulière

Née en 1874, Ernest est le fils de l'ingénieur et collectionneur Henri Rouart. En refusant d'intégrer Polytechnique, il renonce par là-même à reprendre l'entreprise familiale. Ernest choisit de se consacrer à la peinture et devient l'unique élève de Degas. Peintre, collectionneur, il acquiert une expertise digne des historiens de l'art. Dans les années 1930, il apporte une contribution déterminante aux expositions Manet, Degas et Morisot organisées à l'Orange rie des Tuileries pour leur centenaire. Avec son épouse Julie Manet, Ernest Rouart sera le gardien de la mémoire impressionniste.

MARIAGE AU LOUVRE

CHEZ LES MANET, le Louvre est le lieu de toutes les rencontres et de tous les apprentissages. Dans ces familles où l'on grandit un crayon à la main, la copie d'après les maîtres est un passage obligé. Le Louvre, un incontournable. Édouard Manet le premier y fait ses gammes, copie La Vierge au lapin et Jupiter et Antiope du Titien. Vient ensuite Berthe Morisot qui travaille d'après Véronèse. C'est à l'occasion d'une de ses séances qu'elle est présentée en 1869 au déjà célèbre Manet pour lequel elle pose à de multiples reprises. Berthe Morisot étendue est peint peu avant qu'elle n'épouse le frère de l'artiste, Eugène Manet.

Entre Julie Manet et Ernest Rouart, l'histoire se répète. Julie étant inscrite au Louvre comme copiste, Edgar Degas y orchestre, en 1897, une rencontre avec son élève qui a posé son chevalet devant Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu de Mantegna. Le maître fait les présentations, Ernest qui est le fils du grand collectionneur Henri Rouart reste coi. Pour autant, l'entourage de Julie et d'Ernest est unanime et voit dans cet épisode le début de leur idylle. Leur mariage est célébré le 31 mai 1900. Julie pose dorénavant pour son mari. Ernest l'immortalise le pinceau à la main, érigeant son épouse au rang d'alter ego.

EDGAR DEGAS
1834-1917
Portrait d'Édouard Manet
Vers 1866 Crayon sur papier
Paris, musée Marmottan Monet
Cadeau de mariage de Degas à Julie et Ernest Rouart.

LA PEINTURE EN HÉRITAGE

M. ERNEST ROUART s'installe chez sa femme, au quatrième étage de la rue de Villejust. Chaque pièce est ornée des œuvres dont Julie a hérité. Les portraits de famille tiennent une place de choix. Édouard Manet est particulièrement représenté. M. et Mme Auguste Manet - portrait des grands-parents - est une pièce majeure. Offerte aux modèles, la peinture est toujours restée dans la famille, la destination de l'œuvre étant purement privée. Julie conserve également une sanguine préparatoire à ce tableau; une feuille précieuse signée et datée par son auteur. Elle figure Auguste Manet, grand-père paternel que Julie n'aura jamais connu autrement qu'en peinture.

Vers 1900, Julie accroche, dans sa salle à manger, le Portrait de Berthe Morisot à l'éventail que sa mère avait reçu en souvenir, à la mort de Manet. Il s'agit d'un des derniers portraits de Berthe par l'artiste. La bague que le modèle laisse entrevoir sur cette toile annonce son prochain mariage avec le frère du peintre, Eugène Manet. L'œuvre est ici présentée en pendant au portrait d'Eugène signé par son ami, Alphonse Legros. C'est l'une des rares effigies connues du père de Julie, exposée pour la première fois au public.

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Berthe Morisot étendue
1873 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

En 1873, Manet entreprend un portrait de Berthe Morisot étendue. L'artiste réduit la toile pour n'en conserver que la partie représentant le buste. Signée et datée, l'oeuvre est offerte au modèle. Très attachée à ce petit portrait, Julie fait fabriquer une valise pour l'emporter lors de ses déplacements. Rue de Villejust, le tableau est surnommé "le Manet de poche".

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Jupiter et Antiope (d'après Titien)
1856 Huile sur toile 
Paris, musée Marmottan Monet

ÉDOUARD MANET
1832-1883
La Vierge au Lapin (d'après Titien)
1854 Huile sur toile
Paris, musée du Louvre

Lorsque Julie et ses cousines posent leur chevalet at Louvre, Paule entreprend elle aussi de copier ce tableau, "Paule pense à la Vierge au lapin que mon oncle Édouard a si merveilleusement copiée" écrit Julie dans son Journal. Elle ajoute au sujet de Degas « il dit qu'il ne faut pas essayer de faire trop de tons; qu'ainsi dans la Vierge au lapin, les étoffes et les montagnes doivent être faites avec le même bleu que le ciel, les chairs, l'étoffe orange avec le même ton, c'est cela, dit-il, qui donne l'harmonie à un tableau ».

MAURICE DENIS
1870-1943
Magnificat 
1909 Huile sur toile 
Collection particulière

Maurice Denis situe la scène religieuse dans sa maison de Perros-Guirec, la villa Silencio dont la vue imprenable sur la plage de Trestrignel compose l'arrière-plan du tableau. Le lieu n'est pas seulement fréquenté par le peintre mais également par ses proches. Les couples Manet-Rouart et Gobillard-Valéry y séjournent et apprécient eux aussi la poésie des paysages marins comme en témoigne cette photographie attribuée à Julie Manet

MAGNIFICAT ANIMA MEA DOMINUM

"MON ÂME EXALTE LE SEIGNEUR" (Luc 1, 46) sont les premiers mots du Cantique chanté par Marie après la salutation de sa cousine Élisabeth, qu'elle visite. Les deux femmes sont enceintes: la première de Jésus, l'autre de Jean le Baptiste. La présentation du tableau de Maurice Denis à ce point du parcours n'est pas anodine. On peut y voir des sens multiples: la promesse de la maternité de Julie qui d'orpheline devient mère de famille restaurant ainsi une filiation dont elle fut cruellement privée.

La portée religieuse de l'œuvre est également importante. Contrairement à sa mère, Julie est une fervente croyante mue par un appel d'une rare intensité. Berthe Morisot ayant différé aussi longtemps que possible la première communion de sa fille, Julie prend le contre-pied de sa mère. L'une de ses premières décisions après sa mort est de se mettre «en règle» avec l'Église. Elle rejoint Les Enfants de Marie de l'église Saint-Honoré-d'Eylau en 1898, fait le catéchisme aux jeunes filles du patronage des Petits Chiffonniers à Levallois et se fait confirmer le 4 décembre 1899, recevant ainsi le dernier sacrement de l'initiation chrétienne peu avant son mariage.

De fervents croyants l'entourent. Le premier d'entre eux est sans doute Gabriel Thomas (1854-1932), son cousin, qui est en outre son gestionnaire de fortune et son témoin de mariage. Ce personnage incontournable, directeur du musée Grévin, administrateur de la tour Eiffel et du Théâtre des Champs Élysées, commande pour sa villa de Bellevue cette Visitation dit aussi Magnificat à son ami Maurice Denis. L'humilité et la piété qui émanent de cette œuvre bien connue de Julie sont à l'image des valeurs qui l'animent et qui président à sa vie de femme.

EDOUARD MANET
1832-1883
Monsieur et Madame Auguste Manet
1860 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, acquis grâce à la générosité de la famille Rouart-Manet, de Mme Jeannette Veil-Picard et d'un donateur étranger, 1977

EDOUARD MANET
1832-1883
L'Enfant aux cerises
1858 Huile sur toile
Lisbonne, Musée Calouste Gulbenkian

À la mort de Manet en 1883, ce tableau revient à son frère, Eugène. L'oeuvre est présentée à l'exposition Manet de 1884 où elle fait sensation. Ce succès ne dissuade pas Berthe Morisot de s'en séparer sur-le-champ: «Je suis en pourparlers pour vendre mon Enfant aux cerises d'Édouard. C'est une chose relativement médiocre mais qui a eu un énorme succès», écrit-elle.
C'est plus vraisemblablement la fin tragique de l'enfant modèle qui est à l'origine de cette décision. Ce garçon mélancolique se pendit dans l'atelier de Manet en 1860. C'est sans doute pour éloigner autant que possible ce sou venir insoutenable que ce tableau ne fut jamais accroché rue de Villejust.
ÉDOUARD MANET
1832-1883
Portrait d'Auguste Manet, père de l'artiste
vers 1860 Sanguine sur papier Collection particulière

L'INTÉRIEUR DE JULIE

IL N'EST MALHEUREUSEMENT plus possible de réunir aujourd'hui l'intégralité de la collection de Julie Manet. L'objet de ce cabinet est d'évoquer certaines oeuvres majeures qui, faute d'avoir été localisées, ne figurent pas dans l'exposition. Pour pallier ce manque, des peintures et aquarelles de Julie esquissées d'après ces tableaux sont présentées. On reconnaît notamment le portrait de sa grand-mère, Eugénie Fournier, Chanteuse de café-concert et La Dame aux éventails, trois œuvres de l'oncle Édouard.

Deux tableaux peints par Julie offrent un témoignage inédit sur l'accrochage de la rue de Villejust. Sa toile la plus ancienne, Le Duo de pianos, permet de découvrir le salon de musique de l'escadron volant. Un œil averti reconnaîtra, accroché en belle place, L'Enfant au chat présenté dans la première section de l'exposition, devinera à droite la Chanteuse de café-concert et à gauche le Portrait de Mme Manet mère. Pour information, la nature morte que l'on entrevoit sur le retour de la paroi n'est autre que Huîtres et champagne de Manet. L'autre tableau de Julie présenté dans cette section est ultérieur. Mme Ernest Rouart représente dans la salle à manger de l'appartement familial son premier-né Julien (1901-1994), vers trois ans. On reconnaît le portrait de la grand-mère de Julie jadis accroché au-dessus de son piano, preuve s'il en est que dans une maison d'artistes et de collectionneurs l'accrochage varie au gré du temps. Il est à l'image de la vie, toujours mouvant, jamais figé.

JULIE MANET
1878-1966
Julien Rouart à la peinture
Vers 1904 Huile sur toile
 Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Chanteuse de café-concert (d'après Manet)
Aquarelle sur papier Paris, 
musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
Madame Manet Mère dans le jardin de Bellevue (d'après Manet)
Aquarelle sur papier 
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
Le Duo de pianos
Vers 1898 Huile sur toile
Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Julie Manet ou L'Enfant au chat (d'après Renoir)
Crayon noir sur papier calque 
Paris, musée Marmottan Monet

BERTHE MORISOT
L'Enfant au chat (d'après Renoir) ou Fillette au chat
1889, pointe sèche 
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
Le Repos (d'après Manet)
Aquarelle sur papier 
Collection particulière

JULIE MANET 
D'après l'autoportrait de Berthe Morisot
Aquarelle sur papier vergé 
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
La Dame aux éventails (d'après Manet)
Huile sur toile 
Collection particulière

ÉDOUARD MANET
1832-1883
Portrait de Berthe Morisot à l'éventail
1876 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, dépôt au Palais des Beaux-Arts de Lille, accepté par l'Etat à titre de dation en palement des droits de succession, 1999


ALPHONSE LEGROS
1837-1911
Portrait d'Eugène Manet
1862 Huile sur toile 
Collection particulière

JULIE MANET, BERTHE MORISOT ET LES MUSÉES

L'INTÉRIEUR DE JULIE MANET regorge de Berthe Morisot. Peintures, aquarelles et dessins de l'impressionniste envahissent l'espace. Julie est bien la pieuse gardienne de l'oeuvre de sa mère. Elle ne s'arrête pas là et entend également en assurer la promotion. Telle est la mission qu'elle s'assigne, telle sera l'œuvre de Julie. L'entreprise implique de montrer et de faire circuler la peinture, comme le lui a expliqué Renoir. C'est dans ce seul but que Julie se sépare de certaines oeuvres. Renoir l'y aide. C'est par son biais et celui de son cercle que le musée de Lyon acquiert la petite Niçoise, en 1907. La reconnaissance de Morisot passant nécessairement par le musée, Julie entreprend, la même année, une campagne de dons. Elle s'appuie sur ses proches et leur entregent. Ernest s'engage sans compter auprès de son épouse Il est le premier à intervenir auprès du directeur du musée de Pau qu'il connaît par Degas pour offrir Pasie cousant dans le jardin à Bougival. Le beau-frère de Julie, Eugène Rouart, établi dans le Sud-Ouest, plaide auprès du conservateur du musée de Toulouse qui accepte Sur le banc. À Paris, l'oncle d'Ernest, Alexis, facilite l'entrée de La Fleur aux cheveux au musée du Petit Palais. Les Valéry ne sont pas en reste. Ainsi le frère de Paul, Jules, intercède-t-il auprès du conservateur du musée de Montpellier, la ville où il réside, afin que L'Été en rejoigne les collections permanentes.

BERTHE MORISOT
1841-1895
L'Été
1879 Huile sur toile
Musée Fabre, Montpellier Méditerranée Métropole

BERTHE MORISOT
Sur le banc
1841-1895
1893 Huile sur toile
Toulouse, Musée des Augustins

GEORGES D'ESPAGNAT
1870-1950
Portrait de Paul Valéry
Vers 1910 Huile sur toile 
Collection particulière

Paul Valéry a toujours porté un vif intérêt à l'art. Fervent admirateur de Degas, il lui consacre son écrit sur l'art le plus connu: Degas Danse Dessin, un texte pour lequel Ernest et Julie lui apportent une aide déterminante. Valéry participe également à la promotion de l'oeuvre de Berthe Morisot. Dès 1917, Julie l'associe à son entreprise la plus ambitieuse: publier le catalogue raisonné de sa mère dont il accepte d'écrire le texte. Le projet ne voit pas le jour, Valéry contribuera toutefois à d'autres ouvrages. Au sommet de sa gloire, il signe la préface à l'exposition célébrant le centenaire de l'impressionniste.

BERTHE MORISOT
1841-1895
Paysanne niçoise
1889 Huile sur toile
Lyon, musée des Beaux-Arts

EDGAR DEGAS 
1834-1917
Léopold Levert
Vers 1874
Huile sur toile
Tokyo, Artizon Museum, Ishibashi Foundation Ancienne collection Henri Rouart

Peintre et graveur, Léopold Levert participe avec Edga Degas, Berthe Morisot et Henri Rouart à la première expo sition impressionniste en 1874. Cette même année, Degas fait son portrait. L'oeuvre entre rapidement dans la collec tion d'Henri Rouart. Fait rare, cette dernière ne figure pas à la vente de sa collection en 1912. Elle revient à son fils Ernest, en souvenir de son père et de son maître.

BERTHE MORISOT
1841-1895
Jeune Fille en décolleté, la fleur aux cheveux
1893 Huile sur toile
 Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la ville de Paris

M. ET Mme ERNEST ROUART, COLLECTIONNEURS ET DONATEURS

EN 1912, l'extraordinaire collection du beau-père de Julie, Henri Rouart (1833-1912), est dispersée aux enchères. Ernest, son époux, rachète autant d'oeuvres que possible et consacre quarante pour cents de son héritage à ces acquisitions. Entrent ainsi rue de Villejust une vingtaine de toiles et dessins, qui sont autant de témoignages de la passion pour l'art qui unit Ernest et Julie et donne un sens à leur vie.

L'accrochage dense proposé ici - évocation lointaine des cabinets de curiosités- présente certaines de ces nouvelles acquisitions. Citons Vue du Louvre d'Hubert Robert, l'autopor trait de Delacroix, La Source de Corot ou des pièces moins atten dues, telle cette scène religieuse de Tassaert. Elles voisinent avec des œuvres appartenant à Julie, comme ce portrait de famille par Fragonard, ou les dessins de Renoir. Julie et Ernest oeuvrent également au titre de donateurs.

À l'issue de la vente Henri Rouart, ses enfants offrent au Louvre des pièces majeures, tel Crispin et Scapin d'Honoré Daumier, et contribuent à l'acquisition de La Dame en bleu de Corot. Considérant avec Ernest l'art comme un patrimoine commun, Julie procède elle aussi à plusieurs dons. La spectaculaire Dame aux éventails de Manet entre au Louvre en 1930, en mémoire de sa mère, Berthe Morisot.

ALEXANDRE ÉVARISTE FRAGONARD
Portrait de Mme Morisot
Vers 1805 Plume, lavis et crayon sur papier 
Collection particulière

NICOLAS POUSSIN
1798-1863
Vue de Rome
Lavis de sépia sur papier 
Paris, musée Marmottan Monet

EUGENE DELACROIX
1798-1863
Un Arabe
Vers 1832 Mine de plomb réhaussée d'aquarelle sur papier 
Collection particulière 
Ancienne collection Henri Rouart

EUGÈNE DELACROIX
1798-1863
Casbah de Tanger
Aquarelle sur papier
 Paris, musée Marmottan Monet

CLAUDE MONET
1840-1926
Les Villas à Bordighera
1884 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, acquis en 2000

JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT
1796-1875
Le Bois sur la côte de Grâce à Honfleur
vers 1830 
Huile sur papier marouflé sur toile Paris, musée Marmottan Monet

EUGENE DELACROIX
1798-1863
Autoportrait
1830-1835 Huile sur toile
Zurich, Collection Emil Bührle Ancienne collection Henri Rouart

JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT
1796-1875
Volterra, route descendant de la ville
vers 1834 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet Ancienne collection Henri Rouart

JEAN-HONORÉ FRAGONARD
1732-1806
Bergers dans un paysage
vers 1765 Huile sur toile
Annecy, Musée-Château, dépôt du musée du Louvre Ancienne collection Henri Rouart

HUBERT ROBERT
1733-1808
Vue du Louvre. Les jardins de l'Infante
1798 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet Ancienne collection Henri Rouart

JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT
1796-1875
La Source
vers 1850-1855 Huile sur toile
Collection David et Ezra Nahmad Ancienne collection Henri Rouart

EDGAR DEGAS
1834-1917
Portrait de Madame Ducros
Vers 1857-1859 Huile sur toile
 Paris, musée Marmottan Monet

JOHAN BARTHOLD JONGKIND
1819-1891
Un canal près de Rotterdam
1857 Huile sur toile
Collection particulière
Ancienne collection Henri Rouart

NICOLAS FRANÇOIS OCTAVE TASSAERT
1800-1874
La Tentation de Saint Antoine
vers 1850 Huile sur toile
Kunsthalle Bremen Ancienne collection Henri Rouart

EDGAR DEGAS
1834-1917
Chanteuse de café-concert
vers 1879
Pastel et monotype sur papier Collection particulière

HONORÉ DAUMIER
1808-1879
Deux Accusés
Aquarelle sur papier
Paris, musée Marmottan Monet Ancienne collection Henri Rouart

 Un Avocat vu de face
Encre de Chine et lavis sur papier Paris, musée Marmottan Monet Ancienne collection Henri Rouart

PAULE GOBILLARD
1867-1947
Vue de l'exposition Manet à l'Orangerie des Tuileries
1932 Huile sur toile
Collection particulière

ÉDOUARD MANET 
LA DAME AUX ÉVENTAILS

CE TABLEAU, jamais exposé du vivant de l'artiste, est acquis par Berthe Morisot à la vente après-décès de Manet. « C'est une merveille qui ira au Louvre et cela arrivera, si ce n'est de mon vivant, ce sera de celui de Bibi », écrit-elle.
Vu le scandale suscité par Olympia (Paris, musée d'Orsay) et les difficultés auxquelles les amis de Manet firent face pour offrir le nu aux collections nationales, Berthe n'entame aucune démarche. Il aura fallu quarante-six ans pour que Julie réalise son vœu. Alors que la réputation de Manet n'est plus à faire, elle fait don du tableau au Louvre en 1930. En 1932, il figure avec Olympia dans la rétrospective célébrant le centenaire de Manet. L'exposition présentée au musée de l'Orangerie est organisée en collaboration avec Ernest et Julie Rouart. Paule Gobillard en immortalise l'accrochage dans une toile dévoilée, ici, pour la première fois.

EDOUARD MANET
1832-1883
La Dame aux éventails
1873 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, don de M. et Mme Ernest Rouart, 1930

HONORÉ DAUMIER
1808-1879
Crispin et Scapin
vers 1864 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, don de la Société des Amis du Louvre avec le concours des
enfants de Henri Rouart, 1912 Ancienne collection Henri Rouart

PAUL GAUGUIN
1848-1903
Étude pour Pape Moe (Eau Mystérieuse) ou Le Tahitien
vers 1893-1894 Monotype
Paris, musée Marmottan Monet

PIERRE AUGUSTE RENOIR
1841-1919
Jeune femme au chapeau bleu de profil
1885 Pastel sur papier
Paris, musée Marmottan Monet

PIERRE PUVIS DE CHAVANNES
1824-1898
L'Été
1891 Aquarelle et gouache sur papier
Paris, musée Marmottan Monet

FRÈRE ANTONIN ET SEUR ROSE DE LIMA

PEU AVANT 1910, Ernest Rouart amorce un retour à la foi qu'il aborde comme une véritable conversion. Autour du père Janvier, predicateur de la cathédrale Notre-Dame de Paris, Ernest et ses frères, Alexis et Louis Rouart, raniment le Tiers-Ordre dominicain. Ils sont bientôt rejoints par le cousin de Julie. Gabriel Thomas et par l'ami Maurice Denis,

Apparu au XII siècle, ce troisième ordre, ou «Tiers», forme la branche séculière des congrégations religieuses faisant profession de foi de pratiquer «la fraternité réelle, active et charitable que cultive l'Église». Moines laïcs, ils prennent à leur entrée dans l'ordre un prénom religieux. Ernest sera frère Antonin, Gabriel Thomas frère Pie et Maurice Denis frère Jean-Dominique.

Julie est également membre du Tiers-Ordre. Elle rejoint la fraternité féminine de l'Annonciation, le 1 décembre 1911, sous le nom de soeur Rose de Lima. De 1920 à 1927, soeur Rose est membre du conseil et secrétaire de la Fraternité. C'est à l'époque où elle exerce ces fonctions que Maurice Denis peint pour frère Pie, alias Gabriel Thomas, ce Baptême du Christ exposé au public pour la première fois depuis la mort de l'artiste. Jésus représenté dans les eaux du Jourdain annonce par sa position - bras tendus tête baissée - sa prochaine crucifixion et par là même la promesse de la rédemption. Julie veut elle aussi porter la Bonne Nouvelle. Elle agit avant tout auprès des siens. Devenue grand-mère en 1934, elle réalise pour le premier-né de ses petits-enfants un livre de catéchisme, entièrement manuscrit et illustré, Ainsi Julie lui offre-t-elle ses talents.

MAURICE DENIS
1870-1943
Baptême du Christ ou Baptême du Jourdain (esquisse pour la mosaïque de l'église St Paul de Genève)
1922
Huile sur toile Collection particulière, France

JULIE MANET
1878-1966
Le Livre de Jean-Michel
Vers 1941
Cahier manuscrit et illustré, 127 folios Encre noire et aquarelle Collection particulière

Julie réalise un catéchisme illustré pour le premier-né de ses petits-enfants Jean-Michel Rouart (1934-2012), qui prépare sa première communion.
Sur la couverture, l'aigle de saint Jean et le dragon de l'archange Michel encadrent le Christ enfant.
Le cahier débute par un préambule rédigé d'après l'Ancien Testament, puis, pour retracer la vie du Christ, Julie compile différents extraits des quatre Évangiles, restant ainsi fidèle aux Écritures. Les principaux épisodes font l'objet d'illustrations en pleine ou demi-page.

JULIE MANET
1878-1966
Yves tenant un livre
Vers 1941
Huile sur toile Collection particulière

ERNEST  ROUART
1874-1942
Au Mesnil, Julie Manet écrivant
Huile sur toile 
Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Jean-Michel au col Pierrot
Vers 1935 Huile sur toile
Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Françoise bébé
Vers 1942 Huile sur toile 
Collection particulière

QUE LA MÉMOIRE VIVE!

EN 1843, Corot peint un paysage romain, Tivoli. Les jardins de la villa d'Este. Le tableau est immédiatement considéré comme l'une de ses œeuvres majeures. Vingt ans plus tard, c'est dans l'atelier du maître et à la demande de ce dernier que son élève, Berthe Morisot, copie le tableau, au début des années 1860. Elle a vingt-trois ans. Les deux œuvres auront leur propre destinée.

Berthe ayant détruit l'ensemble de son oeuvre de jeunesse, seule l'intervention de Camille Pissarro aura permis de sauver le tableau. Admirateur de Corot comme de Berthe, il acquiert, à une date qui reste à préciser, la copie pour ne plus jamais s'en défaire.

Corot ne se séparera pas davantage de son tableau. Retrouvée chez lui à sa mort, l'oeuvre figure dans la vente de son atelier en 1875 et entre chez Henri Rouart, vers 1895. Il appartiendra à Julie et Ernest de réunir les deux tableaux.

En 1907, Julie rachète à la veuve de Pissarro la copie de sa mère pour une somme variant entre 2 000 et 3 000 francs, selon les sources. En 1912, Ernest acquiert à la vente Rouart l'ori ginal de Corot pour la somme considérable de 111000 francs. De mémoire familiale, les toiles sont accrochées rue de Villejust à la façon de pendants, chacune trônant au dessus d'un secré taire. Souhaitant honorer la mémoire de son défunt mari par un don à la hauteur de son engagement au service des musées, Julie offre en 1943 le Corot au Louvre. Une fois encore sans considération de prix.

C'est non seulement la première fois que ces oeuvres sont réunies depuis 1943, mais aussi la première fois qu'elles sont présentées ensemble au public.

Mme veuve Ernest Rouart, Julie continue de faire vivre la mémoire impressionniste. S'ouvre alors le temps des grandes publications: correspondance et catalogue raisonné. Julie poursuit ses achats. Elle est l'une des rares à acquérir à la fin des années 1950 un grand Nymphéa de Monet, dont l'oeuvre ultime est exposée pour la première fois en France. Ainsi, Julie aura vraiment vécu sous le sceau de l'impressionnisme. Telle aura été sa vie, une vie impressionniste.

CLAUDE MONET
1840-1926
Nymphéas
1914-1917
Huile sur toile Paris, 
musée Marmottan Monet

MAURICE DENIS
1870-1943
Portrait mortuaire de Gabriel Thomas
1932 Lithographie en brun sur papier Collection particulière

Composé d'une tunique blanche, d'une ceinture de cuir et d'un scapulaire, l'habit de tertiaire n'est porté qu'à deux reprises: pour la vêture, à l'occasion de laquelle il est béni, et, si le frère en fait la demande, pour ses funérailles. Te. sera le souhait de Gabriel Thomas (frère Pie), comme en témoigne son portrait mortuaire, d'Ernest Rouart (frère Antonin) en 1942 et de Julie Manet (soeur Rose de Lima) en 1966.

JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT
1796-1875
Tivoli. Les jardins de la villa d'Este
1843 Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des peintures Ancienne collection Henri Rouart

BERTHE MORISOT 
1841-1895
Tivoli. Les jardins de la villa d'Este (d'après Corot)
1863 Huile sur toile
 Collection particulière

ERNEST ROUART
1874-1942
Portrait de Julie Manet peignant
1905 Huile sur toile
Collection particulière

EDGAR DEGAS
1834-1917
Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu (d'après Mantegna)
1897 Pastel sur toile
Paris, musee d'Orsay, acquis en 1954

ERNEST ROUART
1874-1942
Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu (d'après Mantegna)
1897 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, don de Clément Rouart et de ses frères, fils de l'artiste, 1975

Le 8 décembre 1897, Julie décrit sa première rencontre avec Ernest Rouart. Au Louvre, « M. Degas nous emmène dans la salle des Primitifs voir ce que fait son élève, M. Rouart, auquel il a conseillé de préparer un Mantegna en vert; mais il a fait cela d'un vert bien vif. » Degas aurait alors dit à Ernest: "Eh bien tu vois ces jeunes filles, à laquelle veux-tu que je fasse ta demande? Je t'assure que tu ne seras pas repoussé; tu es gentil, tu as de la fortune, tu n'as pas l'air d'un viveur". Jamais Ernest n'a voulu répondre et nous comprenons maintenant pourquoi il était pris d'effroi à notre vue, M. Degas dit qu'il veut s'occuper de notre mariage », conclut Julie dans son Journal.

JULIE MANET, PEINTRE

CONTRAIREMENT à Berthe Morisot qui reçut une formation classique et étudia auprès de plusieurs professeurs, Julie Manet est initiée à la peinture par sa seule mère. La fille de l'impressionniste apprend à manier crayon et pinceau en l'observant tout d'abord, avant de poser son chevalet à ses côtés. À quinze ans, Julie peint les mêmes motifs que sa mère, adopte la même touche comme l'atteste Femme et fillette au bord du lac. Dans son portrait de Paule Gobillard, Julie laisse - à l'instar de Berthe en son temps – une importante partie de la toile blanche, érigeant l'inachevé au titre de signature familiale. L'influence de Renoir - sous le regard bienveillant duquel Julie travaille de 1895 à 1899 – se donne bientôt à voir. Avant le bal en témoigne. Pratiquant la peinture avec assiduité jusqu'à son mariage, Julie présente ses œuvres à plusieurs jurys dans l'espoir d'exposer. Le Portrait à l'azalée conserve au revers l'inscription de dépôt à la craie. Plusieurs tableaux de Julie sont reçus. Elle expose aux Indépendants en 1896 et 1898, Jeune fille au chien notamment. Julie évoque alors ses séances de travail dans son Journal dont les extraits sont repris ici à côté des œuvres exposées concernées. Devenue Mme Ernest Rouart, en 1900, Julie ne montre plus ses œuvres. Elle ne cesse de pratiquer pour autant. Peindre s'impose alors comme un dialogue ininterrompu avec ses chers disparus.

JULIE MANET
1878-1966
Femme et fillette au bord du lac
Huile sur toile 1893-1894
Collection particulière 

BERTHE MORISOT 
1841-1895
Au Bois de Boulogne
1893 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

BERTHE MORISOT
1841-1895
Cygnes
1885 Pastel sur papier 
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
Les Cygnes
Huile sur toile 
Collection particulière

JULIE MANET
Portrait à l'azalée
Huile sur toile
 Collection particulière

JULIE MANET
878-1966
Jeune fille au chien
1898 Huile sur toile
Collection particulière

"Comme Jeanne Michelin ne revient plus, je finis cette toile qui m'amuse avec Martha et pour emberlificoter les choses, j'y ajoute Laërtes"
Extrait du Journal de Julie Manet, vendredi 1er avril 1898
 
JULIE MANET
1878-1966
Martha en robe de velours vert
1898 Huile sur toile
 Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Avant le bal
Janvier 1899 Huile sur toile
Collection particulière

Cette composition, parce que mêlant plusieurs personnages, est une des toiles les plus ambitieuses de Julie. Le 4 janvier 1899, celle-ci « Fait poser la blonde Yvonne en robe de bal bleue et la petit bonne brune lui posant des roses sur sa jupe. Très joli motif. » indique-t-elle dans son Journal. Le 11 janvier 1899, elle ajoute la figure de son cousin germain et confie « Introduit Edme apparaissant dans l'entrebâillement d'une porte derrière Yvonne et Antoinette, il rend la chose très comique ». On reconnait sur les murs L'Oie de Berthe Morisot (1885, collection Particulière) et sur la console un éventail décoré par Degas (Washington National Gallery of Art).

JULIE MANET
1878-1966
La Cueillette des pêches
Huile sur toile
 Collection particulière

BERTHE MORISOT
1841-1895
Pomme coupée et pichet
1876 Huile sur toile 
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
Portrait de Jeanne Baudot
1899 Huile sur toile 
Collection particulière

Fille de médecin, Jeanne Baudot (1877-1957) devient l'élève de Renoir en 1893. En 1897, ce dernier la présente à Julie Manet qui, fort impressionnée, écrit dans son Journal: «J'ai de la chance d'avoir été élevée dans un milieu si artiste; il faudrait être une triple oie pour ne pas aimer les belles choses; étant à ma place, je suis sûre que Jeanne ferait une peinture bien mieux que moi. Enfin ne nous plaignons pas» (18 novembre 1897). Elles se lient d'amitié. En 1899, Jeanne pose pour Julie dans le salon de la rue de Villejust.

JULIE MANET
1878-1966
Femme devant sa cheminée
Huile sur toile
Collection particulière

JULIE MANET
Sous-bois
Huile sur toile
Collection particulière

JULIE MANET
Sous-bois
Huile sur toile 
Collection particulière

BERTHE MORISOT
1841-1895
Sous-bois en automne
1894 Huile sur toile
Paris, musée Marmottan Monet

JULIE MANET
1878-1966
Nature morte aux coings
Huile sur toile Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Nature morte au faisan
Apres 1900 Huile sur toile 
Collection particulière

JULIE MANET
1878-1966
Assiettes peintes
Collection particulière

Très jeune, Julie se passionne pour les arts décoratifs. Elle orne menus et programmes de concerts, peint armoires et coffres. Rien d'étonnant à ce que le fille de Berthe Morisot entreprenne de décorer la vaisselle du Mesnil. Fleurs et insectes lui offrent les motifs principaux de ce service à nul autre pareil.

ATTRIBUÉ À JULIE MANET
1878-1966
Intérieur du Mesnil
Huile sur toile
 Collection particulière

En mai 1898, Jeannie et Paule Gobillard emménagent avec leur cousine Julie Manet dans un appartement rue de Villejust. En décembre, Degas fait poser dans leur salon leurs anges gardiens: Stéphane Mallarmé (debout) et Pierre Auguste Renoir (assis). Les jeunes femmes réalisent elles aussi leurs portraits à demeure. La photographie agrandie ci-dessus, tirée à par tir d'une plaque de verre exposée à deux reprises, superpose les figures de Jeannie et Julie à une vue du salon d'où se détache en haut à gauche la photo de Mallarmé et Renoir semblant veiller sur les deux cousines. Ces derniers organisent avec Degas le mariage de Jeannie Gobillard avec Paul Valéry et celui de Julie Manet avec Ernest Rouart.

JULIE MANET
1878-1966
Le Mesnil
Huile sur toile 
Collection particulière

LE MESNIL

EN 1891, Berthe Morisot acquiert à Juziers près de Gargenville le château du Mesnil. Son époux décédant l'année suivante, elle se détourne du lieu. « Je m'y sens mortellement triste et ai hâte d'en sortir. » À l'été 1892, Berthe y fait un bref passage afin de mettre la maison en état et la louer au plus vite. Elle n'envisage pas de la vendre ayant « une entière satisfaction à penser que Julie en jouira et la peuplera d'enfants ». L'histoire lui donnera raison. Alors que le château est encore loué, Julie fait visiter les lieux à Ernest trois mois après leurs fiançailles, le 22 avril 1900. Le Mesnil sera leur maison. Un lieu qu'ils ne cesseront d'embellir et d'entretenir, un havre pour les familles Rouart-Manet et Valéry-Gobillard. Tous immortalisent les environs, Paule en peint une des vues les plus exceptionnelles représentant la majestueuse façade sur jardin, la toile de Julie n'en montre qu'une partie laissant la part belle au cadre bucolique et verdoyant qui l'entoure.

PAULE GOBILLARD
1867-1947
Le château du Mesnil
Huile sur toile 
Collection particulière

PAULE GOBILLARD
1867-1946
Portrait de Julie Manet
Vers 1900 Huile sur toile
 Collection particulière

"Paule et Jeannie sont en velours bleu et moi dans une robe de velours rouge avec une guimpe de dentelle posée sur du rose et une bordure de chinchilla, elle est très bien cette
robe, M. Renoir dit qu'il aurait envie de la peindre, "elle me
fait penser à la robe de Mme Senones d'Ingres". 

Extrait du Journal de Julie Manet, mercredi 28 Décembre 1898

La cousine de Julie, Paule Gobillard s'y attelle. Julie rapporte aussi dans son Journal, le samedi 22 avril 1899 "Paule montre à M. Renoir le portrait qu'elle vient de faire de moi dans ma robe de velours rouge et moi je montre celui de Jeannie au piano et Paule l'écoutant. Nous recevons quelques conseils, celui de refaire quelques petites choses M. Renoir est plutôt encourageant. Il y a des parties qu'il trouve bien."

ERNEST ROUART
1874-1942
Julie à la natte
1906 Huile sur toile
 Collection particulière

MAURICE DENIS
1870-1943
Portrait de Gabriel Thomas
Vers 1918
Fusain et pastel sur papier
Saint-Germain-en-Laye, Musée départemental Maurice Denis

GABRIEL THOMAS. Méconnu et pourtant essentiel, Gabriel Thomas est l'homme qui veille légalement sur Julie à la mort de ses parents. Si Mallarmé et Renoir sont présents, Gabriel - parce que cousin germain de Berthe Morisot, parce qu'en trepreneur de talent, parce qu'homme de bien est chargé de préserver les inté rêts de l'orpheline. Tuteur datif aux biens, gestionnair de sa fortune, Gabriel est le témoin de Julie à son mariage. Il est celui qui la conduit jusqu'à l'autel. Il est l'homme que le conseil de famille choisit pour endosser les responsabilités du père.

Photos du mariage de Julie Manet et de Jeannie Gobillard 
Julie Manet en robe de mariée et Gabriel Thomas, son témoin,
Les mariées Jeannie Gobillard (à gauche) et Julie Manet (à droite) et leurs témoins Émile Mayniel (à gauche de face) et Gabriel Thomas (à droite de dos) 
Ernest Rouart, Julie Manet, Paul Valéry et Jeannie Gobillard, rue de Villejust, le jour de leur mariage,
31 mai 1900

ERNEST ROUART
1874-1942
Mme Ernest Rouart et ses trois fils Julien, Clément et Denis
Vers 1913
Huile sur toile
Collection particulière

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