dimanche 3 octobre 2021

La collection Morozov à la Fondation LVMH en septembre 2020


LA COLLECTION MOROZOV

L'exposition rend hommage à Mikhail et Ivan Morozov, grands collectionneurs moscovites d'art 
moderne français et russe. Le diptyque formé par les deux expositions du cycle "icônes de l'art moderne successivement consacrées à Serguei Chtchoukine et aux frères Morozov, a pour objectif de retracer l'histoire de ces industriels philanthropes et de comprendre l'etrange et imperieux  de collectionner » dont ils partagèrent la passion.

Mikhail et Ivan Morozov (nés respectivement en 1870 et en 1871) sont issus d'une famille d'origine serve, engagée dans la foi schismatique de la Vieille Croyance orthodoxe. Leur puissant intérêt pour l'art en train de s'inventer sur la scène parisienne, leur volonté de créer des collections representatives des mouvements modernistes, comme leur souhait de faire donation de leurs collections à la Galerie municipale Tretiakov (creée en 1892 par les frères Serguei et Pavel Tretiakov) constituent le cadre commun à leur action. Les frères Morozov fréquentent durant leur adolescence les peintres russes les plus influents de leur temps, bénéficient d'un apprentissage artistique et vont s'entourer de conseillers, tels les peintres Konstantine Korovine ou Valentin Serov, pour construire leurs collections.

Des la fin des années 1890, Mikhail Morozov entreprend de réunir une collection où voisinent Manet, Corot,
Monet, Toulouse-Lautrec, Degas ainsi que Bonnard, Denis, Gauguin et Van Gogh, qu'il sera le premier à faire
connaitre en Russie. Sa collection comptera à sa mort en 1903- il est âgé de trente-trois ans - 39 œuvres

françaises et 44 oeuvres russes. Selon son voeu, son épouse Margarita Kirillovna Morozova en fera don à la
Galerie Tretiakov en 1910, où une salle est alors consacrée à ce grand collectionneur novateur.

Ivan reprend à son compte le projet de son frère de créer une collection exemplaire d'art moderne français. Il commence à s'intéresser aux impressionnistes dès la fin de 1903 mais c'est à partir de 1907, avec la decouverte de l'oeuvre de Cézanne, qu'il s'engage plus résolument dans l'art de collectionner.

L'achèvement des decorations monumentales du Salon de musique (Maurice Denis) et de l'escalier d'honneur. (Pierre Bonnard) de son hotel moscovite confère dès 1912 à ses galeries de peinture le caractère d'un accomplissement. La revue Apollon leur consacre alors un numéro spécial publié en russe et en français. Le 19 décembre 1918 paraît le décret de nationalisation des collections d'lvan Morozov. Sa collection d'art français compte alors 240 oeuvres et sa collection d'art russe, commencée dans sa vingtième année en 1890, en compte 430. Fuyant Moscou, le collectionneur s'installe à Pétrograd (Saint-Pétersbourg) puis passe clandestinement la frontière avec la Finlande, accompagné de sa famille, afin d'émigrer en Europe. Ivan Morozov decédera le 22 juillet 1921 à Carlsbad, à l'âge de quarante-neuf ans.

Formant entre 1919 et 1923 le Second departement du Musée de la nouvelle peinture occidentale (le Premier departement étant formé par la collection de Serguei Chtchoukine également nationalisée en 1918), puis entre 1923 et 1928, le Second département du Musée d'art moderne occidental, pour enfin être réunies en 1928 aux collections de Chtchoukine, la collection d'Ivan Morozov connaitra bien des vicissitudes: décrochage partiel en raison de l'attribution des espaces du musée à d'autres utilisateurs; tentative de vente sur le marche international (Le Cafe de nuit, 1888, de Van Gogh, et le Portrait de Madame Cézanne dans la serre [1891-1892] de Cézanne seront alors vendus aux Etats-Unis); dès 1938, interdictions successives de présentation de certaines ceuvres pour des raisons idéologiques par les tenants de la future doctrine du réalisme socialiste de Jdanov; deménagement temporaire à Novossibirsk durant la Seconde Guerre mondiale; enfin em 1948, sur decret de Staline, liquidation du Musée d'art moderne occidental et répartition de ses collections entre le Musée des beaux-arts Pouchkine à Moscou et le Musée de l'Ermitage à Leningrad (Saint-Pétersbourg). Il faudra attendre la politique du Degel dans les années 1950 pour que les œuvres impressionnistes, puis les avant-gardes fauves et cubistes soient à nouveau progressivement présentées au public.


PEINTRES ET MÉCÈNES-FACE À FACE 

La galerie des portraits du cercle des Morozov gravite autour des figures de Mikhail et van Morozov

Elle rassemble une vingtaine de tableaux peints par des artistes parmi les plus influents de l'école
russe des années 1890-1910: Ilia Répine, Mikhail Vroubel, Valentin Sérov, Konstantine Korovine ou
Alexandre Golovine.

Ami de la famille Morozov, Valentin Sérov est l'auteur des tableaux consacrés à Timotei Savvitch Morozov et Maria Fiodorovna, les grand-oncle et grand tante des collectionneurs, Alexei Morozov, leur oncle, ainsi qu'à Mikhail Morozov, à son épouse Margarita Kirillovna et à leur fils Mka, enfin à Ivan Morozov et à son épouse Yevdokiya Serguéievna. On compte également un grand portrait mondain de Varvara Alexéievna Morozova, la mère de Mikhail et Ivan, par Konstantine Makovski ainsi qu'un portrait « express » d'Ivan Morozov peint « en deux heures par Konstantine Korovine. Quelques-uns des portraits des artistes qui furent leurs proches sont placés ici aux côtés des collectionneurs : le peintre Konstantine Korovine peint par Sérov, le chanteur lyrique Fiodor Chaliapine peint par Korovine, ainsi qu'un autoportrait du peintre et décorateur de théâtre Alexandre Golovine.

Dans cette galerie de portraits prennent place également les grands industriels alliés à la famille Morozov qui partagèrent leurs préoccupations philanthropiques et mirent en ceuvre, à leurs côtés, les principes d'un nouveau mécénat culturel: Pavel Trétiakov par Ilia Répine, Savva Mamontov par Mikhail Vroubel, Ilia Ostrooukhov par Sérov et Sergueï Chtchoukine par Dmitri Melnikov. Protagonistes du « siècle d'argent », peintres et mécènes formerent une « cordée initiée à Moscou par Sergueï et Pavel Trétiakov, puis poursuivie simultanément par Serguei Chtchoukine et les frères Morozov. Ensemble, ils vont conférer à l'art de collectionner une portée inédite, fixant à la peinture le rôle théorique et esthétique de fonder le langage d'un monde absolument nouveau.

VALENTIN SÉROV
(1865-1911)
Portrait de Margarita Kirillovna Morozova  Moscou, 1910
Huile sur toile 
 State Art Museum, Ukraine
KONSTANTINE KOROVINE
(1861-1939)
Portrait d'Ivan Abramovitch Morozov  Moscou, 1903
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait de Mikhaïl Abramovitch Morozov  Moscou, 1902
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait de Yevdokiya Serguéievna Morozova  Moscou, 1908
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait de Mika Morozov 
Moscou, 1901
Huile sur toile  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait de Maria Fiodorovna Morozova  Moscou, 1897
Huile sur toile Musée national russe, Saint-Pétersbourg
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait de Timofei Savvitch Moroze (portrait posthume d'après une photographie)
Moscou, 1891 Huile sur toile
The Museum of Avant-Garde Mastery of Europe, MAGMA, Moscou
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait d'Ilia Ostrooukhov 
Moscou, 1902
Huile sur toile  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
VALENTIN SÉROV
(1865-1911)
Portrait d'Alexei Vikoulovitch Morozov Moscou, 1909 Aquarelle, sanguine, crayon de couleur sur papier   Musée national des beaux-arts de Biélorussie, Minsk
DMITRI MELNIKOV (1889-1966)
Portrait de Sergueï Chtchoukine 
Moscou, 1914 Huile sur toile 
Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ILIA REPINE (1844-1930)
Portrait de Pavel Mikhaïlovitch Trétiakov 
Moscou, Saint-Pétersbourg, 1883
Huile sur toile 
Galerie nationale Trétiakov, Moscou
KONSTANTIN MAKOVSKI (1839 1915)
Portrait de Varvara AlexéÏïevna Morozova, née Khloudova 
Moscou, 1884 Huile sur toile |
Galerie nationale Trétiakov, Moscou
MIKHAIL VROUBEL
(1856-1910)
Portrait de Savva Ivanovitch Mamontov Moscou, 1897
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
ALEXANDRE GOLOVINE (1863-1930)
Autoportrait 
Saint-Pétersbourg, 1912
Tempera sur papier marouflé sur carton 1915 Galerie nationale Trétiakov, Moscou
KONSTANTINE KOROVINE (1861 1939)
Portrait de Fiodor Ivanovitch Chaliapine Région de laroslavl, 1905 Huile sur toile 
Galerie nationale Trétiakov, Moscou
VALENTIN SÉROV
(1865-1911)
Portrait de l'artiste Konstantine Korovine  Moscou, 1891
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou

L'INVENTION D'UN REGARD

Aux prémices du XXe siècle, les tableaux réunis dans cette salle introductive manifestent l'originalité du regard porté par les frères Morozov sur la scène parisienne. Électriques par leurs coloris acidules et iconoclastes par leurs sujets ou compositions, ces œuvres de Manet, Cézanne, Renoir, Toulouse-Lautrec et Picasso acquises tout au long de la décennie 1900-1913, décrivent les espaces theatralisés de la nuit, du cabaret ou du boudoir. En Russie, leur répond la Jeune Choriste de Korovine qui revendique précocement l'influence de l'impressionnisme et l'on peut mesurer ce qu'il doit aux couleurs subtiles et changeantes de La Femme à l'éventail ou de l'enfant au fouet d'Auguste Renoir. 
De Scène d'intérieur de Paul Cézanne, qui recopie une gravure de La Mode illustrée mimant les postures canoniques des Trois Grâces à Rêverie et Portrait de Mademoiselle Samary de Renoir - une paire d'études contrastées de la jeune actrice Jeanne Samary, adulée du Tout-Paris-, en passant par Yvette Guilbert interprétée par Toulouse-Lautrec, la collection passe en revue les Muses modernes sur le mode de la désublimation ironique.

Des toiles se focalisent sur l'univers ambigu du café : Le Bouchon d'Edouard Manet (premier tableau de Manet à entrer en Russie, acquis par Mikhail Morozov en 1900), et Les Saltimbanques de Pablo Picasso (premier tableau de Picasso à entrer en Russie en 1908 grâce à Ivan Morozov). Peints à l'intervalle de deux décennies, ils constituent d'importantes charnieres picturales de l'avenement de l'art moderne. Manet, initiateur de la modernité et Picasso, représentant de la nouvelle génération postimpressionniste et des avant-gardes émergentes. Chacun instaure ses personnages sur des fonds plats. L'unité thématique, spatiale et chromatique de ces œuvres souligne la communauté de goût partagée par Mikhaïl et Ivan Morozov, tous deux formés artistiquement par Korovine à l'École des beaux-arts de Moscou, et l'audace visionnaire de leur collection future.

HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC
(1864-1901) Yvette Guilbert chantant
"Linger, Longer, Loo"
Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
Huile sur carton
PAUL CÉZANNE
(1839-1906)
Scène d'intérieur
Paris, [1870]
Huile sur toile
 Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou

PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
Femme à l'éventail 
Paris, 1880
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
Portrait de Jeanne Samary. Rêverie
Paris, 1877 Huile sur toile
 Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
Portrait de Mademoiselle Jeanne Samary
Paris, 1878 Huile sur toile
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
ÉDOUARD MANET
(1832-1883)
Le Bouchon (La Guinguette) 
Paris, [1878]
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PABLO PICASSO
(1881-1973)
Les Deux Saltimbanques
Paris, 1901 Huile sur toile
Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
KONSTANTINE KOROVINE (1861-1939)
Portrait d'une choriste 
Kharkov, 1887
Huile sur toile 
Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
L'Enfant au fouet Paris, 1885
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE-AUGUSTE RENOIR (1841-1919)
Tête de femme Paris, [1875-1876]
Huile sur toile 
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg

LES GALERIES DE PEINTURES DE L'HÔTEL PARTICULIER D'IVAN MOROZOV, PHOTOGRAPHIES 1909-1941 

Les photographies réunies ici témoignent des différents accrochages, effectués entre 1909 et 1941, des galeries de peintures de l'hôtel particulier d'Ivan Morozov, au 21 rue Pretchistenka à Moscou. Les plus anciennes datent de 1909 et sont dues à Maurice Denis. Séjournant à Moscou, le peintre découvre les cinq panneaux monumentaux de L'Histoire de Psyché qui lui avait été commandés par Ivan Morozov pour son Salon de musique au printemps 1907. Il note dans son Journal: «Ma grande décoration est un peu isolée dans une grande salle froide, gris pierre avec des meubles gris souris. » Denis obtient alors d'Ivan Morozov de compléter cet ensemble par huit panneaux décoratifs, sept vases peints à fond lapis-lazuli, et quatre sculptures d'Aristide Maillol. Le Salon de musique sera photographié
fin 1911-début 1912 et reproduit en 1912 dans un hors-série de la revue Apollon.

Les autres photographies présentées ici sont postérieures à la nationalisation de la collection en 1918. Jusqu'en 1928, l'accrochage des toiles du Second département du Musée national d'art moderne occidental reste en grande partie inchangé et présente l'installation improvisée par Ivan Morozov en 1918, lorsqu'il réaménage sa collection sur un seul niveau après réquisition du rez-de-chaussée par la Conscription militaire. Après la fusion des collections d'Ivan Morozov et de Sergueï Chtchoukine en 1928, dans le cadre du Musée d'art moderne occidental, des modifications importantes seront entreprises. L'accrochage monographique et par mouvements artistiques associe désormais étroitement les deux collections qui forment le cœur du nouveau musée. On peut suivre dans cette séquence les visées idéologiques du régime soviétique qui conduiront notamment à recouvrir les panneaux de Denis jugés « bourgeois » par les peintures plus « modernistes » de Matisse, puis à décrocher celles-ci, désormais taxées de « formalistes »
.

LES QUATRE SAISONS 

C'est à Mikhaïl Morozov que revient en Russie, dès 1902, le rôle de découvreur de l'œuvre de Pierre Bonnard. A sa suite, Ivan acquiert successivement, entre 1905 et 1913, huit tableaux de Bonnard et lui commandera, en 1910-1912, cinq panneaux monumentaux.

Ivan Morozov s'intéresse précocement aux artistes du groupe nabi (« prophètes » en hé breu) créé dans la mouvance de Paul Gauguin et qui réunit Pierre Bonnard, Maurice Denis, Paul Sérusier, Édouard Vuillard, Ker-Xavier Roussel. Leurs recherches sont centrées sur la couleur, plus symbolique qu'objective. Ivan Morozov acquiert des œuvres de chacun de ces peintres, conférant ainsi aux nabis un rôle significatif dans sa collection d'art moderne.

Cependant, c'est à l'oeuvre de Bonnard qu'il accorde une place prépondérante. En lui confiant la décoration du grand escalier de son hôtel particulier, Ivan Morozov soumet l'accès à sa galerie de peintures à la contemplation et à l'expérience visuelle, par le visiteur, du large continuum polychrome que constitue cet ensemble pictural explicitement dédié aux quatre saisons de l'année solaire.

Au centre, le triptyque La Méditerranée dont les trois panneaux forment le motif d'un jardin en terrasse écrasé de soleil et largement déployé en balcon sur la mer. Une arche végétale en relie les différents fragments picturaux séparés par une colonnade à chapiteaux doriques. De part et d'autre, Ivan Morozov accroche les deux grands panneaux carrés Le Printemps et L'Automne. La Cueillette des fruits qui, offrant une palette décolorée et assourdie tempèrent la perception de ce dispositif décoratif. Le grand escalier réunit également différents paysages de Bonnard illustrant ce thème ainsi que le diptyque à caractère mythologique de Ker-Xavier Roussel dédié aux Fêtes champêtres, tiré des études du rideau d'avant-scène du Théâtre des Champs-Élysées, Paris, 1913.

PIERRE BONNARD
(1867-1947)
La Méditerranée. Triptyque
Étude à Saint-Tropez, 1911
Huile sur toile
Commissioned in January 1910
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE BONNARD
(1867-1947)
Le Printemps 
1912
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
KER-XAVIER ROUSSEL
(1867-1944)
Le Triomphe de Cérès. Fête champêtre. Diptyque
Paris, [1911-1913]
Huile sur toile
Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
KER-XAVIER ROUSSEL
(1867-1944)
Triomphe de Bacchus. 
Fête champêtre. 
Diptyque    Huile sur toile 
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE BONNARD (1867-1947)
Premier Printemps (Petits faunes)
Vernouillet, 1909
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE BONNARD (1857-1947)
L'Été, La danse
1912 Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PIERRE BONNARD (1867-1947)
L'Été en Normandie
Vernon, 1912
Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PIERRE BONNARD (1867-1947)
Le Matin à Paris, Paris, 1911
Huile sur toile | Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg


DE LA NATURE DES CHOSES

En avril 1874 s'ouvre chez le célèbre photographe Nadar la première exposition impressionniste.

Elle sera fustigée dans Le Charivari par Louis Leroy qui baptise alors le mouvement : "...En voilà de l'impression ou je ne m'y connais pas... Pif! paf! vli ! vlan. C'est inouï, effroyable !" Fascinés par la vitalité du regard novateur et la manière claire de ces peintres, Mikhaïl et Ivan Morozov acquièrent à partir de 1902 de nombreuses toiles d'Alfred Sisley, Camille Pissarro, Auguste Renoir ou Claude Monet. Leurs collections paraissent une évocation directe de la tumultueuse exposition de 1874 où, sous les yeux du public, se réinventa non seulement la peinture mais la nature. Car c'est un tout nouveau monde qui émerge ici, prosaïque et changeant. Le grand enjeu de l'impressionnisme est en effet d'oser voir la nature telle qu'elle est et d'en formuler une vision filtrée par la sensibilité du peintre.

Grands amateurs de paysage, les frères Morozov ont été formés précocement à la peinture sur le motif par leurs maîtres, adeptes de l'impressionnisme. Ils ont ainsi eux-mêmes éprouvé les difficultés et les vertiges de ce vis-à-vis incertain entre le peintre et la nature.

L'amplitude de leur intérêt pour ce genre, dans ses manifestations les plus diverses, est illus trée ici par la juxtaposition de toiles des impressionnistes français (Monet, Renoir, Pissarro, Sisley), et de paysagistes russes (Vroubel, Korovine) ou finlandais (Gallen-Kallela). Qu'il soit impressionniste, panthéiste, théosophique, symboliste ou réaliste, le paysage occupe la première place au sein de leurs collections d'art occidental et d'art russe.

ALFRED SISLEY (1839-1899)
La Campagne de Veneux. Le Printemps Veneux, 1882
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
CLAUDE MONET (1840-1926)
Champ de coquelicots 
Giverny, [1890-1891]
Huile sur toile |Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
CLAUDE MONET (1840-1926)
Le Boulevard des Capucines
Paris, 1873
Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscour
PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(1841-1919) Dans le jardin.
Sous la tonnelle du Moulin de la Galette  Montmartre, 1875 Huile sur toile   Musée d'Etat des beaux-arts Pouchkine
KONSTANTINE KOROVINE
 (1861-1939)
En barque  Région de Moscou, 1888
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
La Grenouillère 
lle-de-France, 1868
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALFRED SISLEY (1839-1899)
La Berge à Saint-Mammès. 
Saint-Mammès, 1884
Huile sur toile / Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT (1796-1875)
L'Étang à la Ville-d'Avray
La Ville-d'Avray, [1871-1874] Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
CLAUDE MONET (1840-1926)
Waterloo Bridge. Effet de brouillard
Londres, Giverny, 1903
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
AKSELI GALLEN-KALLELA
(1865-1931)
Le Lac Ruovesi (Fleuve)
Finlande, 1896 
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
CLAUDE MONET
(1840-1926)
Un coin de jardin à Montgeron 
Montgeron, 1876
Huile sur toile Musée of Etat de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg 
CLAUDE MONET (1840-1926)
L'Étang à Montgeron
Montgeron, 1876
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
CAMILLE PISSARRO (1830-1903)
Matin d'automne à Éragny 
Éragny, 1897
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALFRED SISLEY (1839-1899)
Le Jardin Hoschedé à Montgeron 
Montgeron, 1881
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou

MIKHAIÏL VROUBEL (1856-1910)
Lilas
Russie, province de Tchernigov, village d'Ivanovo, 1901 Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
KONSTANTINE KOROVINE (1861-1939)
Un café à Paris
Paris, années 1890 | 1890s 
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIERRE BONNARD
(1867-1947)
Le Train et les Chalands
Vernouillet, 1909
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
KONSTANTINE KOROVINE
(1861-1939)
Un café à Paris 
Paris, années 1890 Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)
Terres labourées 
[Pontoise], 1874
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALFRED SISLE (1839-1899)
La Gelée à Louveciennes
Louveciennes, 1873
Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALFRED SISLEY (1839-1899)
Lisière de la forêt de Fontainebleau
Fontainebleau, 1885
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou

UNE JOURNÉE EN POLYNÉSIE
PAUL GAUGUIN

Les toutes premières toiles de Paul Gauguin à entrer en Russie sont acquises dès 1900-1901 par Mikhail Morozov. À son tour, Ivan réunit entre 1907 et 1910 onze tableaux majeurs de l'artiste. Les treize œuvres ainsi réunies par les Morozov portent sur la période tahitienne (à l'exception du Café à Arles, 1888, peint en miroir du Café de nuit, à Arles, 1888, de Vincent Van Gogh, également acquis par Ivan), ce qui dénote leur vif intérêt pour sa thématique exotique et arcadienne.

À Tahiti, Gauguin va pousser à l'extrême ses expérimentations  "synthétistes" antérieures. Il y poursuit trois objectifs: respecter l'apparence extérieure des formes naturelles, exprimer les sentiments qu'il éprouve à leur sujet, atteindre à la pureté esthétique de la ligne, de la couleur et de la forme. L'aplat, le cerne, la couleur pure définissent un univers plastique qui lui est propre et qui influencera les nabis et les fauves.

La collection Morozov témoigne de la pérégrination culturelle et picturale de l'artiste dans le monde énigmatique des tropiques. Gauguin, l'ancien marin, rêve d'horizons loin tains, d'un voyage vers un état « sauvage », aux confins de la civilisation européenne. Parvenu à Papeete, il se donne pour mission de répertorier par sa peinture les rituels indigènes. L'ouvrage de Jacques-Antoine Moerenhout, Voyages aux îles du Grand Océan (1837), sera son guide dans cette quête comme pour la rédaction de Noa Noa (1901). En apprenti ethnographe, Gauguin s'attache à consigner dans ses textes et tableaux les grands récits mythiques continuant à animer de leur souffle les coutumes locales. De toile en toile se déclinent les formes inédites d'un monde archaïque où les scènes de la vie des Polynésiens révèlent l'Éden primitif tahitien.

PAUL GAUGUIN (1848-1903)
Oiseaux morts.
Nature morte aux perroquets
Atuona, Îles Marquises, 1902 
Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
TE TIARE FARANI (Les Fleurs de France)
Tahiti, 1891
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
Fatata te Mouà
(La montagne est proche) 
Tahiti, 1892
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
MATAMOE
(La Mort). Le Paysage aux paons
Tahiti, 1892
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
Le Grand Bouddha 
Tahiti, 1899
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
Eu haere ia oe (Où vas-tu ?) 
Tahiti, 1893
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
Les Parau Parau (Conversation ou les potins)
Tahiti, 1891 
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL GAUGUIN (1848-1903)
NAVE NAVE MOE
(Eau délicieuse)
Tahiti, 1894
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL GAUGUIN
(1848-1903)
Café à Arles
Arles, 1888 
Huile sur toile | Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
MARTIROS SARIAN (1880-1972)
La Rue. Constantinople
Constantinople (Istanbul), 1910 Tempera sur carton  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIERRE BONNARD (1867-1947)
Coin de Paris Paris, [1905]
Huile sur carton contrecollé sur bois  Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
EDVARD MUNCH
(1863-1944)
Nuit Blanche. Osgarstrand
(Filles sur le pont)
Osgarstrand, 1903
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PIOTR OUTKINE (1877-1934)
Les Amateurs d'orage 
Ville de Saratov, [1904-1908] Tempera sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
MARTIROS SARIAN (1880-1972)
Devant le grenadier 
Moscou, 1907 Tempera sur carton | Galerie nationale Trétiakov, Moscou
ANDRÉ DERAIN
(1880-1954)
Route en montagne
Cassis, 1907
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
NATALIA GONTCHAROVA (1881-1962)
Verger en automne 
Région de Kalouga, 1909
Huile sur toile  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
LOUIS VALTAT (1869-1952)
Soleil sous les arbres 
Le Massif de l'Esterel, [1908-1909] Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
LOUIS VALTAT (1869-1952)
Les Falaises violettes 
Anthéor, 1900
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
LOUIS VALTAT (1869-1952)
La Mer à Anthéor
Anthéor, 1907
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ANDRÉ DERAIN (1880-1954)
Le Séchage des voiles 
Collioure, 1905
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
MAURICE DE VLAMINCK (1876-1958)
Vue de la Seine 
Nanterre, Île-de-France, [1906]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
ALBERT MARQUET (1875-1947)
Soleil à travers les arbres 
Paris, 1905
Huile sur toile / Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALBERT MARQUET (1875-1947)
Paris en hiver. Quai Bourbon
Paris, 1907
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALBERT MARQUET (1875-1947)
Notre-Dame sous la pluie 
Paris, 1910
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
ALBERT MARQUET (1875-1947)
Vue de la Seine et du monument à Henri IV 
Paris, [1906]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
ALBERT MARQUET (1875-1947)
Quai du Louvre, vue vers le Pont-Neuf 
Paris, 1906
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE BONNARD
(1867-1947)
La Seine à Vernon
Vernon, 1911
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
VINCENT VAN GOGH (1853-1890)
La Mer aux Saintes-Maries 
Saintes-Maries-de-la-Mer, 1888 
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ALBERT MARQUET (1875-1947)
La Baie de Naples 
Naples, 1909
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg

LES PAYSAGES ILLIMITÉS
Paul Cézanne 

Subjugué par l'originalité des peintures de Paul Cézanne, lors de l'hommage posthumo que lui rend le Salon d'automne de 1907. Ivan Morozov acquiert ses premiers tableaux du maître d'Aix. Entre 1907 et 1913, il réunira dix-huit toiles représentatives de l'oeuvre du peintre, depuis sa période noire, romantique, « couillarde » (Scène d'intérieur [1870]) jusqu'à son ultime paysage abstractisant (Paysage bleu [1904-1906]). Ce sont principalement les paysages de Cézanne qui vont fasciner Ivan. Il acquiert notamment deux variantes de la montagne Sainte-Victoire, motif de prédilection du peintre. Dans ses tableaux, Cézanne cherche à consigner le caractère mutique et permanent de cette masse minérale levant sa lame indentée vers les cieux. Sur elle butent la courbe solaire, le souffle de la Tramontane, les tempêtes de l'arrière saison. La montagne constitue, pour lui, un modèle absolu.

C'est avec la même acuité qu'il s'attachera à regarder et pénétrer l'essence de quelques-uns des totems du paysage local: séculaires pins maritimes, rochers archaïques de la carrière de Bibémus, rivière de l'Arc, baie méditerranéenne de l'Estaque. Ces rares sujets, inlassablement répétés, résonnent encore de ses découvertes adolescentes, avec ses amis Emile Zola et Jean Baptistin Baille, du paradis perdu de la jeunesse.

Le travail de Cézanne sur ses tableaux est infini, aucun ne saurait être achevé puisqu'il se transforme avec la quête de l'artiste, la capture de la « sensation » face à l'avènement du réel. Le tableau est pour le peintre une ascèse méditative, qui peut trouver parfois, par la couleur, sa juste transposition. Les paysages de Cézanne sont ainsi la trace à la fois maitrisée et hasardeuse de ce qu'un homme voit, perçoit, comprend, découvre. continúment dans son égarement transi face à la nature : le tableau est l'accumulation d'un savoir voir illimité.

PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Paysage à Pontoise (Clos des Mathurins) Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Le Pont sur la Marne à Créteil 
Île-de-France, [1894]

Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Bord de Marne
Saint-Maur-des-Fossés, Île-de-France, [1888-1890]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Le « Pont » (l'île Machefer à Saint-Maur-des-Fossés)
Saint-Maur-des-Fossés, Île-de-France, [1895-1898] Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Le Jas de Bouffan
Jas-de-Bouffan, Aix-en-Provence, 1886 Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
La Montagne Sainte-Victoire vue du chemin de Valcros
Aix-en-Provence, [1878-1879]
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Paysage. Montagne Sainte-Victoire 
Aix-en-Provence, [1896-1898]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Le Grand Pin 
Aix-en-Provence, [1895-1897]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Baigneurs
Aix-en-Provence, [1892-1894] 
Huile sur toile  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Paysage bleu 
Aix-en-Provence, [1904-1906]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Étude de fleurs (d'après Bouquet de fleurs d'Eugène Delacroix)
Aix-en-Provence, [1902-1904]
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
MIKHAIL VROUBEL (1856-1910)
Portrait du poète Valéri Brioussov
Moscou, 1906
Fusain, sanguine, craie, pastel sur papier Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PABLO PICASSO (1881-1973)
Portrait d'Ambroise Vollard 
Paris, 1910
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
KAZIMIR MALÉVITCH (1878-1935)
Portrait de Mikhaïl Matiouchine 
Saint-Pétersbourg, [1913-1914] Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIOTR KONTCHALOVSKI (1876-1956)
Autoportrait en gris
Abramtsevo, Région de Moscou, 1911 Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Le Fumeur. Homme à la pipe Smoker
Aix-en Provence, [1891-1892] Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
ILIA MACHKOV (1881-1944)
Portrait d'un poète
(Semyon Yakovlevich Rubanovich)
Moscou, 1910
Huile sur toile  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIOTR KONTCHALOVSKI (1876-1956)
Portrait de l'artiste Guéorgui lakoulov 
Moscou, 1910
Huile sur toile  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
ILIA MACHKOV (1881-1944)
Autoportrait 
Moscou, 1911
Huile sur toile  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
PIOTR KONTCHALOVSKI (1876-1956)
Autoportrait
1910
Huile sur toile Fondation particulière Ekaterina et Vladimir Semenikhine, Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Autoportrait à la casquette 
Auvers, [1873]
Huile sur toile | Oil on canvas
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg 
PIOTR KONTCHALOVSKI (1876-1956)
Autoportrait  Moscou, 1912
Huile sur toile  Collection particulière Petr Aven
ILIA MACHKOV (1881-1944)
Nature morte. Plateau de fruits
Moscou, 1910
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
 ILIA MACHKOV (1881-1944)
Autoportrait et portrait de Piotr Kontchalovski  1910
Huile sur toile Musée national russe, Saint-Pétersbourg

PABLO PICASSO (1881-1973)
Acrobate à la boule
Paris, 1905
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine,  Moscou
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Jeune Fille au piano.
L'ouverture de « Tannhauser 
Aix-en-Provence, [1869-1870] Huile sur toile  Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg

NATURES MORTES, DE PREMIÈRE NÉCESSITÉ 

La collection d'Ivan Morozov compte peu de natures mortes. Il réunit cependant avec science et patience trois toiles représentatives de la passion de Cézanne pour ce genre : Nature morte. Pêches et Poires [1890], Nature morte à la draperie [1892-1894] et Étude de fleurs (d'après Bouquet de fleurs d'Eugène Delacroix) [1902-1904]. Traversant les deux dernières décennies de l'oeuvre du peintre, on peut voir dans ces toiles sa facture se transformer pour tendre vers une dématérialisation du faire pictural.

Ce serait par nécessité que le peintre, manquant de modèles, se serait rabattu sur le genre de la nature morte dont il peignit quelque cent quatre-vingt-six toiles. Là encore, inlassablement, Cézanne reprend ses tableaux, laissés des mois ou des années en suspens dans l'atelier. Et tandis qu'il observe et capte obsessionnellement les lueurs reflétées par les fleurs gelées et vernissées des vaisselles, ou les ramages tissés de ces motifs floraux, les pommes ces boules qui font converger la lumière en un point incandescent - pourrissent lentement, parfumant l'atelier de leur aigreur automnale.

Quand Ilia Machkov tire des natures mortes cézanniennes le seul motif des fruits sur une assiette de faïence c'est pour s'en approcher très près, dans un gros plan haptique, quasi-cyclopéen. Calée dans les plis du torchon, la composition, naïvement arrangée avec sa double couronne de prunes et de pêches autour d'une grosse orange piquée juste au centre de l'image, évoque les enseignes peintes des marchands de quatre saisons et des épiceries du monde rural russe.

PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Nature morte à la draperie
[1892-1894] Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Nature morte. Pêches et Poires 
Aix-en-Provence, [1890]
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
MIKHAÏL LARIONOV (1881-1964)
La Fenêtre. Tiraspol 
Tiraspol, 1909
Huile sur toile Galerie nationale Trétiakov, Moscou
LE PRISONNIER 

Durant des mois, Vincent Van Gogh s'efforce de fuir l'asile psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence où il avait été volontairement interné au mois de mai 1889. Il ne parviendra à le quitter qu'en mai 1890 pour trouver refuge aupres du Dr. Gachet, à Auvers-sur-Oise. Il y trouvera la mort deux mois plus tard, le 29 juillet 1890, à l'âge de trente-sept ans. C'est durant ces longs mois d'attente à Saint-Rémy que Van Gogh peint La Ronde des prisonniers (1890) tirée du dessin de Gustave Doré, Newgate. La Cour d'exercice (1872), qui
montre une file de prisonniers dans la cour de la tristement célèbre prison londonnienne.  
La Ronde des prisonniers se réfère à l'enfermement subi par le peintre, et ses personnages évoquent le cercle d'aliénés solitaires qui l'entourent. Privé de ses marches picturales à travers le paysage provençal, en manque de modèles, pauvre en papier, toile et couleurs, Van Gogh se tourne vers la copie de photographies ou de gravures en noir et blanc que lui envoie son frère Théo. Il conçoit d'ailleurs ses copies comme des « interprétations » de l'œuvre originale, au même titre que celle donnée, grâce à la partition, par le chanteur ou l'instrumentiste. Ainsi, loin de reproduire littéralement son modèle, le peintre introduit de subtiles distorsions du point de vue, du cadrage, de la facture, pour transformer la gravure en un tableau où bleus et jaunes incarnent le noir et le blanc, l'ombre et la lumière. Dans cet aquarium verdâtre on reconnaît l'univers de l'asile d'aliénés de Saint-Rémy. Quant à l'homme aux bras ballants, au centre de la ronde, il s'affirme
comme un autoportrait du peintre endossant les traits et le destin du condamné à mort.

Par sa charge émotionnelle et symbolique ce tableau occupe une place à part dans l'œuvre ultime de Van Gogh. Ivan Morozov achètera l'œuvre en octobre 1909 afin de parachever sa collection de toiles de l'artiste, appartenant toutes à la période arlésienne où culmine l'art de Van Gogh.

ENTRE LES MONDES HENRI MATISSE

Dans la galerie de peintures de la rue Pretchistenka, enchâssées dans leurs cadres d'or sculptés ou peints en gris à la colle, dix natures mortes incarnent le goût commun d'Henri Matisse et d'Ivan Morozov pour la contemplation rêveuse de ces univers clos, composés d'objets rares au coloris saturé et savamment mis en scène. Cet ensemble, qui restitue l'arc créatif du peintre pour la période 1896-1913, dessine une ligne tonale conférant toute sa cohérence esthétique à son oeuvre dans la collection Morozov. La succession de ces toiles, acquises entre 1907 et 1913, frappe par la transformation rapide de l'art matissien au tournant du siècle. Depuis La Bouteille de Schiedam (1896), dans laquelle les qualités picturales de Matisse s'inscrivent encore dans la grande tradition française (Chardin) ou hollandaise (Jan Davidsz de Heem), on assiste avec Pot bleu et Citron [1897] ou Fruits et Cafetière [1901] à l'intrusion violente de la couleur dans sa palette. Nature morte à la cruche bleue [1898] ou Bouquet (Vase aux deux anses) [1907] marquent la précoce prédominance de la référence à Cézanne dans sa recherche.

Peu après avoir acquis son premier Matisse en 1907, Ivan Morozov rencontre l'artiste par l'entremise de Chtchoukine et lui commande deux toiles, Nature morte à La Danse [1909] et Fruits et Bronze (1910) qui enregistrent l'évolution du peintre vers un art toujours plus complexe dominé par la cou leur pure. En 1911, il lui fait une nouvelle commande de deux natures mortes et d'un paysage qui conduira le peintre à la réalisation de l'un des chefs-d'œuvre de cette période, le Triptyque marocain. Cet énigmatique montage des genres entrelaçant paysage, nature-morte et portrait, est peint à l'hiver. 1912-1913 lors du second voyage du peintre à Tanger.

Matisse affirme résolument le caractère concerté de la trilogie du Triptyque marocain et en définit précisément l'ordre de lecture, traçant ici une nouvelle perspective pour son futur œuvre monumental.

HENRI MATISSE (1869-1954)
Pot bleu et Citron [1897]
Huile sur toile | Oil on canvas
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
HENRI MATISSE (1869-1954)
Nature morte à la cruche bleue
Paris, [1898]
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
HENRI MATISSE (1869-1954)
Fruits et Cafetière 
[1901]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg

HENRI MATISSE (1869-1954)
La Bouteille de Schiedam
Paris 1896
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
HENRI MATISSE (1869-1954)
Fruits et Bronze  
Issy-les-Moulineaux, 1910 
Huile sur toile | Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
VALENTIN SÉROV (1865-1911)
Portrait d'Ivan Abramovitch Morozov  Moscou, 1910
Tempera sur carton  Galerie nationale Trétiakov, Moscou
HENRI MATISSE (1869-1954)
Nature morte à la danse
[1909]
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
HENRI MATISSE (1869-1954)
Triptyque marocain : La Vue de la fenêtre, Zorah sur la terrasse, La Porte de la Casbah
Tanger, 1912-1913 Huiles sur toiles | Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
HENRI MATISSE (1869-1954)
Bouquet (Vase aux deux anses)
[1907] Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
EDGAR DEGAS (1834-1917)
La Toilette (Femme s'essuyant)
Paris, 1884 Pastel sur papier brun
Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
EDGAR DEGAS (1834-1917)
Après le bain  Paris, [1895]
Pastel, tempera, gouache, fusain sur papier brun contrecollé sur carton Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
HENRI CHARLES MANGUIN (1874-1949)  La Baigneuse
Près de Saint-Tropez, 1906 Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
CHARLES GUÉRIN (1875-1939)
Le Modèle
Paris, [1910
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
JEAN PUY (1876-1960)
Scène d'atelier [Roanne], 1912
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
HENRI MATISSE (1869-1954)
Jeanne nue
1908 Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
PIERRE BONNARD (1867-1947)
La Glace du cabinet de toilette
Paris, 1908 Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ÉMILE OTHON FRIESZ (1879-1949)
La tentation  1910
Huile sur toile Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
MAURICE DENIS (1870-1943)
Plage à Perros-Guirec. La Plage verte 
Perros-Guirec, 1909
Huile sur toile Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
GEORGES MANZANA-PISSARRO
(1871-1961)
Zèbres à la source Paris, [1906]
Gouache, aquarelle et or sur papier Musée d'État de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg
AUGUSTE RODIN (1840-1917)
L'Éternel Printemps Paris, fonderie Barbedienne, 
Bronze Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
AUGUSTE RODIN
(1840-1917)
Ève Paris, 1881
Marbre Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
CAMILLE CLAUDEL (1864-1943)
L'implorante 
Paris, [1900-1904]
Bronze Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
AUGUSTE RODIN (1840-1917)
Fugit Amor 
Paris, fonderie Barbedienne, 1889
Bronze Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
AUGUSTE RODIN
Le Baiser (Paolo et Francesca)
Paris, fonderie Barbedienne, [1886-1898]  Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
CAMILLE CLAUDEL (1864-1943)
L'Abandon  Paris, 1905
Bronze patiné Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
ARISTIDE MAILLOL (1861-1944)
Le Printemps Paris, 1911-1912
Bronze Musée d'État des beaux-arts Pouchkine, Moscou
MAURICE DENIS (1870-1943)
L'Histoire de Psyché
Panneau V. Jupiter, en présence des Dieux, accorde à Psyché l'Apothéose et célèbre son hymen avec l'Amour
ARISTIDE MAILLOL (1861-1944)

MAURICE DENIS (1870-1943)
L'Histoire de Psyché
ARISTIDE MAILLOL (1861-1944)
ARISTIDE MAILLOL (1861-1944)
MAURICE DENIS (1870-1943)
L'Histoire de Psyché
MAURICE DENIS (1870-1943)
L'Histoire de Psyché
MAURICE DENIS (1870-1943)
L'Histoire de Psyché
TROIS NUS
Démontrant un grand courage dans ses choix artistiques, Ivan Morozov porta un intérêt continu au genre du nu et réunit une collection de sculptures occidentales et russes qui lui est dédiée. Longtemps, la monstration de la nudité fut en effet dévolue par le dogme académique à la seule sculpture, où la pétrification et l'abstraction inhérentes au transfert technique permettent de révéler la forme humaine en alliant idéalisation et précision anatomique.

On compte dans la collection russe d'Ivan Morozov un important ensemble de nus de Serguei Konenkov (1874-1971), sculpteur à la légende sulfureuse dont la première œuvre fut jugée si provocatrice qu'elle fut littéralement détruite « à coups de marteau »> par ses furieux professeurs de l'École de peinture, sculpture et architecture de Moscou. Surnommé à Moscou « le Rodin russe », il deviendra au début des années vingt l'un des artistes officiels du régime soviétique.

Sont présentées ici trois œuvres issues de la collection Morozov pour la période 1913-1916. Ces bustes tronqués et torses, saisissant les nus à l'acmé de leurs sensations, sont prêts à choir ou à basculer. L'aspect poli du bois sculpté leur confère une qualité tactile, anthropomorphique, renforcée par une couleur ambrée, charnelle, que le marbre ou le bronze ne sauraient incarner. En les confrontant aux grands nus classicisants d'Aristide Maillol, rendus également « à l'échelle humaine » et antérieurs de quelques années à peine, on peut mesurer l'étendue de l'intérêt d'Ivan Morozov pour ces manifestations antagoniques de la statuaire contemporaine française et russe.


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