samedi 2 octobre 2021

Divas à l'Institut du monde arabe en septembre 2021



Intéressante exposition dont voici la présentation :

Divas est consacrée à la vie et la carrière des plus grandes artistes de la musique et du cinéma arabe des années 1920 aux années 1970 : Kalthoum, Asmahan, Fayrouz, Warda, Dalida, Tahiyya Carioca, Samia Gamal, Laila Mourad, Sabah, Souad Hosni, Faten Hamama, ou encore Hind sont pour la première fois réunies et mises à l'honneur dans une exposition d'envergure

Femmes du peuple ou issues de la grande bourgeoisie, orphelines ou exilées, musulmanes, chrétiennes ou juives, leur histoire est unique et témoigne de la diversité sociale et culturelle du monde arabe. L'exposition rend hommage à ces femmes puissantes qui ont contribué à transformer les arts dans lesquels elles ont excellé et ont permis à l'Égypte et au Liban de rayonner sur le monde arabe.

Rompant avec les traditions, elles ont donné aux femmes une place alors inédite dans les domaines de la presse, de la musique, de la danse, du chant et du cinéma. Grâce à leur talent et leur charisme, elles menaient la foule souvent masculine, jusqu'à l'extase lors d'un concert et le public retenait son souffle dans les salles de cinéma.

Au-delà de leur génie artistique, elles ont incarné les idéaux de la société arabe et ont, pour certaines, défendu avec ferveur leurs positions politiques. Elles ont su tirer parti des évolutions technologiques du siècle, de l'avènement du disque, de la radio et du cinéma. Dépassant les frontières, elles ont conquis le coeur du public arabe, de Damas à Casablanca, de Paris à Alger.

Leur combat pour l'émancipation trouve encore un écho dans la création d'aujourd'hui. L'exposition se termine par des installations, pour la plupart inédites, de sept artistes internationaux qui témoignent de la pérennité de l'héritage des divas dans l'art et la musique contemporaine. Grâce aux familles de ces divas, à leurs amis mais également à des collection neurs passionnés, des oeuvres uniques ont pu être réunies ici pour la première fols. En miroir du portrait intime et public de ces artistes d'exception, c'est une histoire politique, intellectuelle et sociale du monde arabe qui se dessine interrogeant la place des femmes dans les sociétés arabes.


Les pionnières et les Années folles au Caire

Au début du XXe siècle, l'Égypte connaît des transformations politiques, sociétales, artistiques et technologiques importantes. La Nahda (renaissance intellectuelle) est alors à son apogée et Le Caire est une ville cosmopolite au centre de l'activité artistique du monde arabe. Né au sein de la bourgeoisie, un mouvement s'opposant au colonialisme britannique souhaite rompre avec le passé, prône des idées nationalistes et rêve de modernité. Des femmes soutiennent activement ces soulèvements et engagent en parallèle d'autres combats pour faire avancer leurs libertés. D'autres ont un rôle déterminant dans la révolution artistique qui se joue.

Premières femmes à monter sur scène, elles contribuent à l'apparition de salles de concert et de cabarets dans la capitale. Elles participent activement aux changements qui ont lieu dans la musique et sont au cœur de l'émergence d'un cinéma égyptien. Véritables pionnières elles ouvrent la voie aux grandes divas arabes en tant qu'artistes mais aussi entrepreneuses et femmes d'affaires.

Nous rendons ici hommage à leur talent et leurs actes visionnaires aujourd'hui tombés dans l'oubli.


Quand les femmes montent sur scène

À la fin du XIXe siècle en Égypte, les musiciens se produisent lors d'occasions particulières dans le milieu restreint de la bourgeoisie. Ces représentations de musique dite savante utilisent l'arabe classique et se basent sur l'improvisation. En 1906, une véritable révolution fait jour avec la naissance du disque 78 tours, La structure des morceaux se raccourcit pour s'adapter à ce nouveau support. Parallèlement, se multiplient des salles de concert appelées « casinos » dans les rues du Caire et la musique devient alors accessible à tous. Une véritable industrie, portée par des maisons de production, propose des genres plus divertissants. Les femmes, nouvelles actrices de la scène musicale, accèdent au statut de moutribat (chanteuse) et jouent un rôle important en interprétant une musique dite légère appelée taqtûqa. Tous ces facteurs contribuent à la mise en lumière des chanteuses qui accèdent alors à la reconnaissance du public.


Mounira al-Mahdiyya
1885-1965
Plus connue sous le nom de Sett Mounira (Madame Mounira). la chanteuse enregistre ses premiers disques dès 1906. En ce début de siècle, elle donne de nombreuses représentations de musique savante dans les cafès chantants du Caire et les cabarets du jardin de l'Aabakiyya
Dès 1914, elle participe à la popularisation des chansons dites légères (tagtüqa) qui rendent la musique plus accessible au grand public. En 1916, elle débute une carrière au théatre et, grimée
en homme, elle devient la première femme musulmane à monter sur les planches dans la pièce Saladin. Dans les années 1920, alors au falte de sa gloire, celle que l'on appelle désormais la Sultanat al-Tarab (la Sultane du chant) est reconnue en Egypte et dans tout le Levant comme la chanteuse la plus célèbre de son temps


Badia Massabni
1892-1974
D'origine libano-syrienne, Badia Massabni, s'installe en Égypte au début des années 1920, où elle débute une carrière artistique. Véritable pionnière dans le domaine de la danse et des lieux de spectacle, elle ouvre à Alexandrie puis au Caire les premiers cabarets. En 1929, elle crée le très célèbre Sala Badia et forme à ses côtés une troupe de danseuses qui deviendront les grandes stars des comédies musicales des les années 1940. Elle modernise les danses traditionnelles et définit les codes du style sharqi (danse orientale) qui connaîtra un succès populaire au cinéma vêtement faits en strass, en perles et en sequins, mouvements constitués d'arabesques et d'ondulations. En 1936, elle produit son film La Reine du music-hall qui inaugure l'«< âge d'or >> de la danse dans le cinéma égyptien.
Rose Al-Youssef
1898-1958
Née au Liban, Fatma de son vrai prénom est une figure emblématique de la presse et du théâtre égyptien de l'entre-deux-guerres. Arrivée à Alexandrie à douze ans, elle découvre le théâtre au Caire quelques années plus tard, d'abord comme costumière puis actrice. Elle devient rapidement la plus grande vedette du théâtre égyptien sein de l'incontournable troupe Ramsès de Youssef Wahbi. En désaccord avec ce dernier, elle quitte la troupe et crée son salon intellectuel au Caire dans les années 1920. Elle fonde ensuite, en 1924, le célèbre magazine culturel et politique, le Rose al-Youssef qui, cas unique dans le monde, porte le nom d'une femme. Célèbre pour ses caricatures de presse, il devient très populaire et influent. Cet hebdomadaire s'est maintenu jusqu'à aujourd'hui, et ce, malgré la mort de sa fondatrice en 1958.

Des planches aux grands écrans

Au début du XXe siècle, le théâtre chanté égyptien est un milieu très masculin. Les femmes y sont peu représentées et les acteurs et actrices sont souvent d'origine syro-libanaise, chrétienne ou juive. Mounira al-Mahdiyya est la première musulmane à monter sur une scène de théâtre en 1916. En quelques années, plusieurs artistes féminines réussissent à défier la domination masculine dans le monde du divertissement. Accédant à un statut de vedettes, leurs photographies envahissent la presse et les affiches de spectacle les mettent en avant. Elles s'y présentent modernes et dévoilées. Dès le premier long-métrage égyptien, Laila, en 1927 (de et avec Aziza Amir), les liens avec le théâtre sont évidents: beaucoup de grandes pionnières du cinéma ont commencé leur carrière sur les planches. A ses débuts, le cinéma égyptien est porté par des entreprises privées ou chaque vedette possède sa propre société. Les « actrices productrices », Aziza Amir (Isis film), Assia Dagher (Lotus film), et Bahiga Hafez (Fanar film) sont alors des personnalités incontournables du milieu. En 1932, au moment de l'avènement du parlant, les films s'organisent, comme au théâtre, autour du chant.

Bahiga Hafez

1908-1983

Issue d'une famille de l'aristocratie égyptienne, Bahiga Hafez est une des figures majeures du cinéma égyptien. En 1930, elle tient le premier rôle et compose la musique du film Zeinab de Mohammed Karim. Sa forte personnalité, ses talents de musicienne et de monteuse ainsi que ses connaissances du doublage la pousse à créer sa propre société de production Fanar films en 1932. Elle fait preuve d'une virtuosité absolue lorsqu'en 1937, elle mène toutes les étapes de réalisation du film Laila, fille du désert sélectionné pour participer au festival de Venise en 1938: écriture du scénario, composition de la musique, dessin des costumes, interprétation du premier rôle. A la fin de sa carrière, les connaisseurs de la musique se réunissent dans sa maison qui devient un haut lieu culturel.

 "Toutankhamon" de Mounira al-Mahdiyya

Une taqtuqa est une chanson de "divertissement" en arabe dialectal interprétée par des femmes. Ce morceau a été écrit pour célébrer la découverte par Howard Carter de la tombe de Toutankhamon en 1922. Le texte mêle des paroles comiques à un sentiment de fierté national contre l'impérialisme anglais.

Tu trouveras pas mieux que moi si tu fais le tour de la terre, Car c'est Toutankhamon notre père ! Demande à l'histoire de t'instruire Sur notre gloire, et après je te suivrai. Toi tu nous montres tes bobards Mais notre père c'est Toutankhamon! Des splendeurs sont apparues parmi les ruines, Elles ont émerveillé tout le monde. Mes formes aussi ont fait tourner les têtes, C'est que notre père c'est Toutankhamon!

Mon cœur ne s'apaisera pas tant Que les noces ne reprendront pas. Le pacifisme sera mon arme Et puis notre père c'est Toutankhamon!

Pourquoi crois-tu valoir mieux que moi ? Mon pays est le berceau de la liberté. L'Egypte est la mère de la civilisation Et notre père c'est Toutankhamon!

Le combat féministe en Égypte

Dans les années 1920 au Caire, des personnalités comme Hoda Chaaraoui, Ceza Nabaraoui ou Safia Zaghoul, luttent pour l'émancipation des femmes, tout en s'engageant dans les mouvements anti-impérialistes. Elles prennent position dès 1919 en manifestant dans la rue contre la présence anglaise. Ces féministes issues de la bourgeoisie concentrent leurs actions sur les questions du voile, l'éducation, le droit de vote des femmes, la législation sur le mariage et le divorce. Certaines, comme la célèbre femme de lettres May Ziadé,
tiennent un "salon" ou intellectuels et politiques échangent.

En laissant entrer les hommes dans l'espace privé, elles bouleversent les codes traditionnels. Journalistes, autrices, fondatrices de journaux, elles se servent de l'arabe du français, plus rarement de l'anglais pour diffuser leurs idées. Les années 1920 sont celles des premiers dévoilements en public qui vont bouleverser la place du corps des femmes dans la cité.
Hoda Chaaraoui (1879-1947) est l'icône du féminisme égyptien du début du XXe siècle. Fille de pacha, elle développe des idées progressistes, nationalistes et féministes qu'elle défend en tant que présidente du comité du Wafd pour les femmes.
Elle est à la tête du mouvement féminin nationaliste de 1919 à 1923. Avec Ceza Nabaraoui, elle créé l'Union féministe égyptienne (UFE) en 1923 et s'engage dans la lutte contre l'analphabétisme, la pauvreté et les maladies dont sont victimes les femmes.
Portrait Ceza Nabaraoui
Égypte, 1925
C. ZACHARY
Dîner pour une conférence humanitaire chez Hoda Chaaraoui
Le Caire, Kasr al Nil, 1946
KOFLER
Portrait de groupe durant un rassemblement chez Hoda Chaaraoui avec Nayla Alouba au centre
circa 1946

Les voix d'or

Pendant endant l'entre-deux-guerres, l'industrie musicale devient un acteur majeur de la scène artistique et participe à l'avènement de la starification de l'interprète. En devenant parlant en 1932, le cinéma égyptien va s'intéresser à ces chanteuses, placées au centre d'un nouveau star-system, tandis que la radio égyptienne (1930) diffuse dans tout le monde arabe leurs chansons. Portées par ces nouvelles économies du divertissement qui permettent une large audience, des femmes hors du commun s'imposent comme les ambassadrices de l'identité arabe. Elles s'appellent Oum Kalthoum, Asmahan, Warda et Fayrouz. Elles viennent d'horizons différents et ont des parcours singuliers. Elles chantent la liberté, l'exil, la douleur, l'amour et la fierté d'être arabe. Toutes, grâce à leur fougue, leur talent et leur aura sont devenues, parfois sans le vouloir, des icônes du monde arabe. Ces femmes avant-gardistes, pour certaines rebelles, mais toutes déterminées, ont su dépasser leur condition de femme et se sont imposées par leur intelligence scénique et leur capacité à incarner les aspirations de nations entières.
Assia Dagher

1908-1986

Née au Liban dans une famille chrétienne, Assia arrive en Egypte en 1923. Très tôt, elle nourrit une grande passion pour le 7¹ art. C'est une jeune fille de dix-neuf ans aux yeux immenses, au teint clair et au port altier qui débute comme figurante dans le légendaire Laila. Ambitieuse, elle devient productrice en fondant en 1929 Lotus film. Un premier long métrage, La Belle du désert, voit le jour la même année, Assia le produit et tient le premier rôle. Elle joue dans plus de vingt films et c'est auréolée de gloire mais consciente des limites de son jeu, qu'elle met entre parenthèses sa carrière d'actrice. En tant que productrice, elle donne sa chance à sa nièce Mary Queeny, lance le réalisateur Youssef Chahine et découvre la future diva Sabah. Ses succès lui vaudront la nationalité égyptienne. Son génie et sa sensibilité font d'elle la productrice la plus importante du pays dans les années 1960.
Née au tournant du XXe siècle à Tamay al-Zahayira, un petit village du delta du Nil, Oum Kalthoum commence sa formation en psalmodiant le Coran. Déguisée en garçon, elle accompagne au chant son père et étourdit la foule par sa voix. En 1923 au Caire, la jeune femme brillante et ambitieuse s'émancipe de sa famille. Entourée de grands musiciens et d'intellectuels, elle change son répertoire et se métamorphose : une diva vient d'éclore. En 1926, elle enregistre son premier disque << En kont asameh >> (Si je te pardonne), sur un texte de son ami et éternel prétendant, Ahmed Rami. Dès lors, le succès ne la quittera plus. Elle chante le désir, l'amour, la douleur et l'abandon.

À partir de 1934 et pendant vingt-sept ans, tous les premiers jeudis du mois, elle donne un concert retransmis en direct sur Radio Le Caire. Elle chante et le monde arabe l'écoute. Oum Kalthoum est  "l'Astre de l'Orient". Sur scène, reine de l'improvisation et d'une puissance vocale inégalée, ses chansons pouvaient durer plus d'une heure, menant le public jusqu'à l'extase. Discrète, elle contrôle son image publique d'une main de fer. El-Sett (la Dame) est une légende musicale et politique. Son engagement auprès du président égyptien Gamal Abdel Nasser fait d'elle l'ambassadrice du panarabisme.

Le destin d'Oum Kalthoum est celui d'une jeune fille de la campagne qui s'éleva au plus haut par son talent et sa volonté, jusqu'à devenir la plus grande chanteuse du monde arabe.

La Dame

Oum Kalthoum est une femme secrète. Cette artiste qui s'est imposée dans un univers masculin a fait de sa vie privée une forteresse. Elle se marie tardivement avec son médecin et on ne lui connaît que peu d'amis. Cette pudeur et les blessures que l'on devine ont contribué à façonner son mythe. Son foulard de soie, seul objet scénique qu'elle utilise dès son premier concert, ses diamants, son chignon, ses lunettes et ses perles, sont devenus emblématiques.
Warda 1939-2012

De mère libanaise et de père algérien, Warda al-Djazairia («< la Rose algérienne ») commence sa carrière à neuf ans dans le cabaret oriental de son père à Paris, le TAM TAM (pour Tunisie, Algérie, Maroc). Dès ses débuts, ses chansons témoignent de son engagement en faveur de l'indépendance de l'Algérie En 1956, elle doit s'exiler avec sa famille, alors accusée de cacher

des armes du FLN (Front de Libération National algérien). À 18 ans, après trois années passées au Liban, elle s'installe en Égypte où elle connaît rapidement le succès. Les musiciens Mohammed Abdel Wahab et Riad al-Soumbati reconnaissent son talent et lui composent des morceaux. Ce n'est qu'en 1962, au moment de l'indépendance de l'Algérie qu'elle découvre enfin son pays d'origine. Elle se marie et à la demande de son époux, disparaît de la scène musicale pendant dix ans. En 1972, le président algérien Houarri Boumedienne l'invite à chanter lors des commémorations de l'indépendance de l'Algérie. Elle redémarre alors une carrière en Égypte, épouse le compositeur Baligh Hamdi et devient une diva admirée par l'ensemble du monde arabe. Son style musical perpétue l'héritage d'Oum Kalthoum, tout en innovant par l'intégration de sonoritès venues du Maghreb. Marquée par l'exil, la carrière de Warda, entre Paris, Beyrouth, Le Caire et Alger, témoigne de l'unité culturelle du monde arabe.
Fayrouz 1935

Nouhad Haddad est née à Beyrouth en 1935 dans une modeste famille. chrétienne. Sa voix est un don qui ne passe pas inaperçu. En 1947, Halim el-Roumi, directeur de la Radio libanaise, est fasciné par cette jeune femme qu'il baptise Fayrouz (Turquoise). Grâce à lui, Assi Rahbani, son futur mari, et son frère Mansour, découvrent la voix qui portera leur révolution musicale. Désormais, on ne fera plus. sans le Liban. Ils imposent un style nouveau, mêlant folklore libanais et rythmes occidentaux. Fayrouz sait tout chanter, Ils lui écriront donc des chansons, des opérettes et des pièces de théâtre. Le trio feral des Nuits Libanaises » du festival de Baalbeck un évènement de renommée internationale. Son chant devient plus tragique après 1967. Elle interpelle le monde en interprétant « El Qods» (Jérusalem), suite à la défaite des troupes arabes après la guerre des Six-Jours. Fayrouz devient une icône. L'artiste réservée mais à la volonté de fer, incarne alors pour tout le monde arabe la tolérance et l'amour. En 1975, le Liban sombre dans le cauchemar de la guerre civile. Fayrouz refuse l'exil mais décide de se taire. Pendant dix-neuf ans elle ne chantera plus au Liban. Sa carrière continue à l'international et après la mort de son mari Assi Rahbani en 1986, c'est son fils, Ziad, qui composera pour elle. Le 17 septembre 1994, Fayrouz remonte sur scène dans Beyrouth meurtrie et retrouve enfin le public libanais qui n'a eu de cesse de la chérir.


, allant jusqu'à se jeter à ses pieds.
Seules sur scène

Cet espace présente Oum Kalthoum, Fayrouz et Warda en concert. Le talent des trois chanteuses se mesure dans la qualité de leurs prestations scéniques.

Interprète de génie au charisme exceptionnel, elles sont capables de mener la foule jusqu'au tarab.

Ce phénomène propre à la musique arabe, est généré par la concentration du public et la performance de la chanteuse. Par la répétition, la variation de la même phrase et la créativité de son improvisation, elle mène le public jusqu'à une émotion artistique d'une grande intensité, proche de l'extase musicale. Oum Kalthoum est la plus grande représentante du tarab et fut, à ce titre, une source d'inspiration pour ses héritières. Elle entrait dans une forme de transe et provoquait de vives réactions des spectateurs.


Des actrices qui connaissent la chanson

Les années 1940 voient la montée en puissance du cinéma égyptien marqué par le succès des Studios Mist créés en 1935 par l'économiste Talaat Harb. Sans rival, l'industrie cinématographique égyptienne, Nilwood, inonde le marché du cinéma arabe. Avec près de 225 films musicaux entre 1945 et 1965, c'est l'âge d'or»> des comédies musicales. Le cinéma égyptien est avant tout chantant et dansant! Les films cherchent à divertir le public: les scénarios sont simples et au service des épisodes musicaux. On s'aime, on se dispute et on se réconcilie. Cette entreprise féconde met sous le feu des projecteurs des femmes exceptionnelles, actrices, chanteuses et danseuses. Samia Gamal et Tahiyya Carioca popularisent la danse orientale. Laila Mourad, Sabah excellent dans le domaine du chant. Hind Rostom, Souad Hosni, Faten Hamama et tant d'autres crèvent l'écran en jouant aussi bien dans des comédies musicales que des mélodrames. On y découvre aussi des talents comme Dalida qui, avant de s'envoler pour la France, doit ses débuts de carrière au cinéma égyptien. Le 7 art est aussi un projet politique exportant un modèle social à l'égyptienne» dans tout le monde arabe. Si le genre musical est omniprésent et offre des rôles consensuels, les cinéastes du Réalisme égyptien s'appuieront également sur ces artistes pour tourner leurs chefs-d'œuvre.
Sabah

1927-2014

D'origine libanaise, Sabah est une des plus grandes chanteuses et actrices de l'«< âge d'or » du cinéma égyptien. Elle apparaît dans une centaine de films et interprète plus de 3500 chansons. Au cinéma, elle joue aux côtés d'acteurs et musiciens reconnus tels que Farid al-Atrache, Abdel Halim Hafez, Farid Chawki et Rouchdi Abaza. Dans les années 1960, les frères Rahbani lui écrivent plusieurs comédies musicales qui feront les riches heures du festival de Baalbeck. Sabah se tourne aussi vers les cabarets et enregistre son tube Allô Beyrouth qui sera le clip le plus vu sur les scopitones des cafés arabes parisiens contribuant ainsi à faire rayonner la musique libanaise à travers le monde. Extrêmement populaire, elle a également été l'une des premières artistes arabes à jouer au Carnegie Hall à New York, à l'Olympia de Paris et à l'Opéra de Sydney. Son sourire, ses boucles d'or, son regard pétillant et ses robes fantaisistes ont fait d'elle une icône populaire dont la générosité et la joie de vivre sont légendaires.

Faten Hamama

1931-2015

Très aimée du grand public, elle est une icône du cinéma égyptien qu'elle marque par son talent pendant un demi-siècle. Elle débute sa carrière à l'âge de sept ans et apparaît dans plus de cinquante-sept films jusqu'en 1993. Elle tourne pour les plus grands réalisateurs égyptiens tels qu'Ezzedine Zoul-Fikar, Henri Barakat et Youssef Chahine. Capable d'interpréter tous les rôles, elle apparaît dans des mélodrames populaires, des comédies musicales et des films réalistes et engagés. Elle rencontre l'acteur Omar Sharif grâce à Youssef Chahine qui les réunit en 1954 dans Ciel d'enfer. Ils vivront une histoire d'amour passionnelle et resteront un des couples les plus légendaires du cinéma égyptien.
Souad Hosni

1942-2001

Actrice emblématique du cinéma égyptien, elle est connue comme la << Cendrillon de l'écran arabe ». Elle débute au cinéma à l'âge de quinze ans dans une comédie musicale d'Henri Barakat intitulée Hassan et Naïma (1959) puis apparaît dans soixante-quinze films, allant de la comédie aux films policiers et mélodramatiques. Cette brune espiègle et souriante incarne à merveille la jeunesse rêvée des années 1970. Elle devient célèbre dans le monde arabe grâce à Méfie-toi de Zouzou (1972). Cette comédie musicale reste plus d'un an à l'affiche. Elle est également l'icône du réalisme égyptien, avec ses rôles mémorables dans Le Caire 1930 (1966) et La Seconde Femme (1967) du realisateur Salah Abou Seif. Cette grande amoureuse se marie cinq fois. Sa mort tragique en 2001 pendant son exil londonien continue d'alimenter sa légende.
Tahiyya Carioca

Légende de la danse orientale égyptienne, elle debute au Caire dans le cabaret de Badia Massabni après avoir fui sa famille à douze ans. Elle y devient rapidement danseuse soliste. Elle introduit dans ses performances des rythmes d'Amérique latine, notamment carioca (samba). Elle trouve ainsi son nom. Danseuse et actrice, elle tourne au cinéma dans plus de cent-vingt films. Elle y joue souvent des rôles de femmes séductrices. Actrice confirmée, elle apparaît au sommet de son art dans La Sangsue, présenté en 1956 au Festival International du Film de Cannes. Elle met fin à sa carrière de danseuse en 1963 pour diriger son propre théâtre. Sa danse toute en lenteur et en sensualité a fait sa renommée ; sa beauté et son tempérament volcanique, sa légende. Elle se marie quatorze fois et en 1953, elle est arrêtée et emprisonnée trois mois pour ses activités communistes.
lolanda Gigliotti, issue d'une famille italienne, est née au Caire. En 1954, elle remporte le concours de Miss Égypte. Ce titre lui ouvre les portes du cinéma égyptien. La même année, elle incarne une "vamp" dans le film Un verre, une cigarette puis une femme fatale dans Le masque de Toutankamon, l'or du Nil. Elle part ensuite à Paris où elle débute une carrière de chanteuse. C'est auréolée de gloire qu'en 1977, la star internationale, reprend une chanson du folklore égyptien, «Salama Ya Salama ». Le succès en France et au Moyen-Orient est vertigineux. Son second titre enregistré en arabe  "Helwa Ya Baladi", rencontre le même enthousiasme. Le rêve cinématographique de Dalida, attendra trente-deux ans avant de se réaliser et c'est l'Egypte qui le lui offrira. Le grand réalisateur égyptien Youssef Chahine la choisit pour être l'héroïne du bouleversant film Le Sixième Jour (1986). Elle y incarne, en arabe, Saddika, une blanchisseuse, occasion inespérée de rompre avec son personnage glamour de chanteuse.

Les années 1970 la fin d'un "âge d'or"

Les lourdes conséquences de la guerre des Six-Jours en 1967 puis la mort de Gamal Abdel Nasser en 1970 signent la fin du rêve panarabe. La crise économique après les deux chocs pétroliers (1973 et 1979), la guerre du Liban (1975-1990) et la montée d'une mouvance religieuse conservatrice, marquent aussi un tournant important dans l'histoire politique, sociétale et artistique du monde arabe. La prééminence culturelle de l'Égypte et du Liban décline alors au profit de la montee en puissance des monarchies du Golfe. D'un point de vue artistique, les comédies musicales disparaissent et les grands représentants de la musique arabe tels qu'Oum Kalthoum ou Mohammed Abdel Wahab s'éteignent. La fermeture de nombreux cinémas au Caire et à Alexandrie témoigne la fin de l'« âge d'or » du cinéma égyptien.

L'héritage des divas

Les grandes divas des années 1930-1970 ont enrichi le patrimoine musical et cinématographique des pays arabes. Leur héritage est visible depuis plusieurs années dans les arts plastiques, la musique, la littérature, et le cinéma.

L'art contemporain démontre un intérêt pour l'univers esthétique des années 1940-60. Les films de « l'âge d'or » du cinéma égyptien, souvent ponctués de baisers et de scènes de danses orientales sensuelles interrogent les artistes sur l'évolution de la place des femmes dans la société. Dans leurs œuvres, ils ne traduisent donc pas seulement un sentiment de nostalgie à l'égard de cette période mais s'y réfèrent aussi dans le but de questionner la société contemporaine. Les divas sont parfois érigées au rang d'icônes et deviennent des symboles d'émancipation de la femme. Cette époque fait aussi parfois l'objet d'une remise en question par des artistes qui critiquent une certaine tendance à l'instrumentalisation du corps des femmes dans les comédies musicales.

Depuis plusieurs années, les DJ et beatmakers samplent ou remixent certains extraits musicaux de cet «âge d'or». Ce patrimoine est le socle d'une identité et d'une culture commune transmis de génération en génération. Les divas bénéficient alors d'un nouvel engouement et leurs morceaux sont écoutés dans les boîtes de nuit du Caire, Beyrouth, Casablanca ou Paris. Si certains musiciens reconnaissent avoir été bercés par ces musiques, ils en renouvellent le style en explorant de nouveaux registres et en s'inscrivant sur la scène musicale internationale.

NABIL BOUTROS (Le Caire, 1954-Le Caire, Paris)

Futur antérieur

Paris, collection de l'artiste

Dans cette installation, Nabil Boutros présente une série de photomontages issus de films égyptiens des années soixante ; une période faite de promesses dont le souvenir est encore vif dans sa mémoire. Ces films sont des comédies ou des drames qui témoignent des bouleversements sociaux traversés par l'Egypte : évolution du cadre patriarcal de la famille, condition de la femme, aspiration d'élévation sociale, droit de choisir l'être aimé. Il y associe des images de la vie urbaine promue dans les magazines et affichages publiques de l'époque. Nabil Boutros questionne ici les aspirations à un avenir meilleur qui semblait se réaliser à brève échéance et pose la question des raisons de son échec. Ces images sont également pour l'artiste une promesse, un message d'espérance pour demain.

LAMIA ZIADÉ

(Beyrouth, 1968 - Beyrouth, Paris)

"Ô Nuit Ô mes Yeux",

le mur des curiosités de Lamia Ziadé

Installation inspirée de son livre «Ô Nuit O mes Yeux>> (P.O.L 2015)

Production Institut du monde arabe, 2020

Objets personnels Paris, collection de l'artiste

Cette installation inédite est la transposition du roman
graphique "Ô Nuit Ô mes Yeux" dans lequel Lamia Ziadé nous transporte dans l'« âge d'or » de la chanson et du cinéma arabe, avec en arrière fond les évolutions politiques du Moyen-Orient. Les femmes sont au cœur de cet ouvrage où l'on découvre l'intimité et la dureté de certaines existences. C'est surtout un remarquable témoignage d'amour pour ces chanteuses et actrices lumineuses. Dans cette installation, l'artiste a rassemblé des œuvres personnelles et des objets de son quotidien. Se compose devant nous une cartographie de ses inspirations, de ses passions qui ont permis
la construction de son roman et alimenté sa créativité.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Normandism de David Hockney au musée de Rouen en juillet 2024

LE MIROIR MAGIQUE David Hockney (1937, Bradford) partage sa vie entre Londres, Los Angeles qu'il a découvert en 1964, et la France où il...