samedi 2 octobre 2021

Botticelli, artiste et designer, au musée Jacquemart-André en septembre 2021

Plus connu sous le nom de Sandro Botticelli, Alessandro Filipepi (vers 1445-1510) est aujourd'hui l'un des artistes les plus illustres de la Renaissance italienne. Célébré pour son extraordinaire puissance de création, il développa une manière toute personnelle, aussi harmonieuse qu'audacieuse, qui rencontra un vif succès dans la Florence de la fin du XVe siècle. Sachant s'adapter aux attentes variées de sa clientèle, il fut un peintre et dessinateur de génie, qui, en entrepreneur averti, sut alterner créations originales et uniques avec des compositions que pouvait décliner en série son atelier, selon une pratique typique du Quattrocento. L'exposition présente Botticelli tel qu'il fut en son temps : un immense artiste autant qu'un designer de talent, en mettant à l'honneur le travail de l'atelier au service de la vision créatrice du maître, un atelier qui fut à la fois un laboratoire foisonnant d'idées et un lieu de formation et de transmission du savoir.
Boticelli, Autoportrait (détail de l'Adoration des mages), 1475-1476, Florence,

Comme le rapporte l'ecrivain Gorgio Vasari,  dans la biographie qu'il lui consacre, Botticelli s'est certainement formé chez un orfèvre auprès de qui il apprend le dessin avant d'intégrer vers 1460  l'atelier de Filippo Lippi, l'un des grands représentants de la peinture du Quattrocento A ses côtés le jeune Sandro acquiert la technique de la peinture de chevalet mais aussi celle de la fresque. L'oeuvre de Lippi est largement dominée par les thèmes religieux et c'est donc en  peignant des sujets de dévotion et particulierement des Vierges à l'enfant que Botticelli débute sa carrière. Élève prodige le  jeune artiste acquiert rapidement une grande maitrise des volumes et des couleurs. 
Absorbant les lecons des artistes de son temps, Botticelli élabore son style si caracteristique et lui donne une nouvelle inflexion comme en témoigne ses chefs d'oeuvre des années 1490.

Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Vierge à l'Enfant dite Madone des Guidi de Faenza
Vers 1465-1470
Tempera sur bois de peuplier Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures

Tout en le répliquant, la version de Botticelli diffère à bien des égards du modèle lippien. Si paysage et personnages semblent très proches, Botticelli y introduit de subtiles variations. Il modifie légèrement la pose afin d'amplifier le sentiment de tendresse voilé de tristesse qui lie la Madone à son Enfant. Elle ne regarde plus le spectateur, mais baisse les yeux vers le Sauveur dont le visage semble ombré d'inquiétude. Botticelli expérimente ici la copie d'auteur, c'est-à-dire la production d'une variante qui introduit des notes tout à fait person nelles. On distingue dans cette œuvre de jeunesse les prémices d'un style en gestation : le doux visage mélan colique de la Vierge, qui caractérisera le type féminin botticellien par excellence, le jeu des architectures, qui montera en complexité, et une observation aiguë de l'art de ses contemporains.

Filippo Lippi (vers 1406-1469)
Vierge à l'Enfant
Vers 1460-1465
Tempera sur bois de peuplier
Munich, Bayerische Staatsgemäldesammlungen - Alte Pinakothek

Ce tableau appartient aux dernières années du peintre et se distingue par le pathos particulier qu'il dégage, la grande intimité entre la mère et l'enfant, le jeu des regards qui instaure un dialogue avec le spectateur et l'expression mélancolique de la Vierge annonçant le sacrifice ultime. Sa robe rouge et son manteau bleu reprennent les codes iconographiques traditionnels et, bien que rehaussés d'or, dénotent une certaine humilité. L'extrême naturalisme, sans rien envier aux modèles flamands alors en vogue à Florence, use déjà des effets de la perspective atmosphérique. Cet effort de réalisme est d'autant plus frappant que Lippi intègre à sa compo sition un cadre de pierre et répond ainsi aux préceptes d'Alberti qui avait défini l'espace pictural comme une fenêtre ouverte sur le monde (De pictura, I, 19).
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Vierge à l'Enfant soutenu par un ange sous une guirlande
Vers 1460-1465
Tempera sur bois de peuplier
Ajaccio, Palais Fesch - Musée des Beaux-Arts

Considéré comme l'une de ses premières œuvres indépendantes, ce tableau a sans doute été réalisé par Botticelli alors qu'il était encore sous l'autorité de son maître, Filippo Lippi. Entré dans l'atelier de ce dernier vers 1460, Botticelli commence selon l'usage à en imiter le style et la manière jusqu'à s'en imprégner complètement. Le jeune artiste emprunte à Filippo le motif de l'Enfant soutenu par un ange, le profil et le drapé du manteau de la Vierge, ainsi que le dessin du couple Mère-Enfant s'étreignant tendrement. Il choisit cependant de présenter une Vierge en pied, formule qui n'apparaît pas chez Filippo et que Botticelli a pu vouloir développer dans un souci d'innovation. L'arrière-plan du tableau laisse apparaître les premières tentatives de construction architecturale que Botticelli maîtrisera bientôt à la perfection.


Peintre d'histoires

Une grande partie de la production de l'atelier de Botticelli est également constituée de « peintures d'histoire » qui ornent traditionnellement les demeures patriciennes des Florentins. Leur mode d'exécution reflète la répartition des tâches entre le capobottega (chef d'atelier), qui conçoit la composition des scènes, et ses collaborateurs à qui il délègue l'application des couches picturales sur le support, mais aussi parfois le report de son dessin préparatoire. Le plus doué et le plus célèbre d'entre eux, Filippino Lippi (1457-1504), est le fils de son ancien maître qu'il recueille peu après la mort de ce dernier. Filippino prend rapidement une place de premier plan au sein de l'atelier de Botticelli, ainsi qu'en témoignent les œuvres qu'ils réalisent ensemble, comme les panneaux de cassone illustrant l'histoire d'Esther, et le dialogue artistique qu'ils vont entretenir tout au long de leur carrière.

Cette répartition des tâches n'exclut cependant pas que le maître lui-même intervienne sur un panneau en cours de réalisation, comme dans le Jugement de Pâris où certains passages de grande qualité révèlent sa participation directe. Une autre pratique d'atelier est assez répandue: l'exercice de la copie, qui relève autant d'un exercice d'apprentissage que d'une stratégie commerciale. Certaines compositions particulièrement appréciées du public, tel le Retour de Judith à Béthulie, sont ainsi plus largement diffusées.

Les conditions d'exécution des œuvres au sein d'un atelier du XVe siècle remettent donc en question la notion d'œuvre originale telle que nous l'entendons aujourd'hui. Toute œuvre sortie de l'atelier est le fruit d'un travail de collaboration, mais n'en est pas moins une œuvre «de Botticelli », car elle est conçue selon son dessin et porte sa marque de fabrique.


Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
et Filippino Lippi
(1457-1504)
La Reine Vashti quittant le palais royal Vers 1475
Tempera sur bois 
Florence, Museo Horne
L'Arrivée d'Esther devant Suse
Vers 1475
Le Triomphe de Mardochée
Vers 1475

La beauté et l'importance de ce cycle de panneaux pour coffre (cassone en italien) tiennent en particulier à la décision de Botticelli d'organiser un récit complexe en différents épisodes. L'invention lui revient donc, bien que le cycle ait été réalisé en majeure partie par son collaborateur le plus doué, le fils de son ancien maître, qu'il recueillit à la mort de ce dernier, Filippino Lippi. Cette association de talents nous renseigne sur la répartition des tâches au sein de l'atelier entre le maître et ses assistants. L'histoire d'Esther, héroïne biblique et modèle de vertu féminine, s'étendait à l'origine sur les six panneaux qui décoraient deux coffres, les meubles de ce type étant originellement commandés par paire, à l'occasion de mariages.

Atelier d'Andrea del Verrocchio (1435-1488) ou de Piero del Pollaiuolo
(1441-1496)
Le Triomphe d'Æmilius Paulus avec le triomphe de l'Amour
Vers 1470-1475
Tempera et huile sur bois Paris, Musée Jacquemart-André - Institut de France
Atelier d'Andrea del Verrocchio (1435-1488) ou de Piero del Pollaiuolo (1441-1496)
La Bataille de Pydna
Vers 1470-1475
Tempera et huile sur bois
Paris, Musée Jacquemart-André - Institut de France

L'iconographie de ces deux tableaux, tirée de Plutarque, est consacrée à la victoire de Pydna, remportée sur les Grecs par Æmilius Paulus en 168 avant J.-C. Cespanneaux proviennent très certainement de deux cassoni, coffres de mariage, souvent décorés de scènes à valeur morale. Fruits d'un travail collaboratif typique des ateliers de la Renaissance, ces panneaux ont été attribués à plusieurs artistes de renom, parmi eux Verrocchio, Pollaiuolo, Botticelli ainsi que le jeune Léonard de Vinci.
Le Retour de Judith à Béthulie (recto); Paysage avec deux cerfs et deux singes (verso)
Vers 1469-1470
Tempera sur bois
Cincinnati, Cincinnati Art Museum, Fonds John J. Emery, 1954.463

Cette œuvre est une réplique d'un tableau que Botticelli exécuta vers 1470. L'histoire de Judith, héroïne civique s'il en est, était particulièrement appréciée à Florence : comme David qui l'emporta sur le géant Goliath, Judith était perçue comme un exemple de courage et d'abnégation, car elle séduisit le général assyrien Holopherne afin de l'assassiner dans son sommeil et ainsi sauver son peuple. Ce tableau dénote une maîtrise certaine imputable à un collaborateur de talent, sinon à Botticelli lui-même. Il est donc possible qu'il ait été exécuté non seulement comme exercice d'apprentis sage, mais aussi comme une réplique d'atelier destinée à la vente, selon une pratique commerciale répandue. L'allégorie au verso pourrait avoir trait au commanditaire de cet exemplaire.

Détail  
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510) et atelier
Le Jugement de Pâris
Vers 1482-1485
Tempera sur bois
Venise, Fondazione Giorgio Cini, Galleria di Palazzo Cini

Ce tableau illustre l'histoire du berger Pâris, sommé par trois déesses, Junon, Minerve et Vénus, de choisir la plus belle d'entre elles. Il élit Vénus, choix funeste qui prélude à la Guerre de Troie. Dès sa découverte dans les années 1790, l'œuvre est attribuée à Botticelli, malgré une exécution un peu sèche. Cette impression d'étran geté s'explique par une pratique d'atelier courante : si l'invention est bien de Botticelli, l'exécution trahit l'inter vention d'assistants, ce qui n'exclut pas celle du maître en certains endroits particulièrement délicats, comme les figures. Il est possible qu'il se soit inspiré, pour la pose de Pâris, de la Florence gravée sur la médaille présentée à droite et dont il avait déjà reproduit l'autre face dans un portrait aujourd'hui conservé aux Offices de Florence.
L'atelier polyvalent

Depuis le début des années 1470 et jusqu'à la fin du siècle, Botticelli déploie également son talent dans le domaine des arts appliqués, témoin de son intérêt pour une expression artistique variée dans tous ses aspects.

Le caractère linéaire du style de Botticelli, hérité de sa formation d'orfèvre, rend ses dessins particulièrement transposables dans des techniques diverses, ce qui lui permet de déployer ses talents à l'ensemble de la production artistique de son temps. S'il ne réalise pas lui-même les broderies, tapisseries et autres marqueteries dont il conçoit les modèles, il supervise parfois l'exécution qu'en font les artisans spécialisés.

Pour différents supports, Botticelli puise à un large répertoire de figures qu'il adapte en fonction des procédés utilisés. L'artiste peut ainsi décliner une grande variété de compositions autour de motifs recurrents. Par exemple, le « personnage » de Minerve, déesse de la guerre, de la sagesse et des arts, l'une des figures centrales du mythe dont les Médicis entourent leur dynastie, est transposé par Botticelli dans une large gamme de techniques pour répondre à une multiplicité de commandes, allant de la tapisserie à la porte marquetée du Palazzo Ducale d'Urbino, reproduite dans cette salle. Pratique courante au sein des ateliers du Quattrocento, cette stratégie de duplication et de réutilisation des modèles nécessite un perpétuel effort d'innovation pour ne pas lasser. Botticelli, véritable génie du réemploi, y excelle grâce à une inventivité sans cesse renouvelée.

Manufacture française d'après Botticelli (vers 1445-1510)
Minerve pacifique
Vers 1491-1500
Collection particulière

Cette tapisserie est le seul exemplaire créé à partir d'un modèle dessiné par Botticelli qui nous soit par venu. Ce prototype, aujourd'hui perdu mais certaine ment semblable au dessin exposé dans la salle 5, donna naissance à une série d'œuvres célébrant la déesse Minerve, protagoniste importante du mythe humaniste promu par les Médicis. Elle apparaît pour la première fois sur l'étendard (aujourd'hui perdu) que Botticelli réalisa pour Julien de Médicis à l'occasion de la joute de 1475. On la retrouve sur la porte marquetée du palais ducal d'Urbin, reproduite dans cette salle. La tapisserie fut très probablement exécutée peu après 1491 pour Guy de Baudreuil, abbé commendataire de l'abbaye de Saint-Martin-aux-Bois (Oise), ainsi qu'en témoigne le blason tissé sous l'emblème sub sole sub umbra virens ("verdoyant à l'ombre comme au soleil").

Botticelli et les Medicis

Entrepreneur audacieux, Botticelli se distingue dès le début des années 1470 sur la scène artistique très compétitive de Florence. Son style très personnel et sa manière inégalable lui attirent les faveurs des Médicis, riche famille de banquiers dont la puissance connaît son apogée sous le gouvernement de Laurent le Magnifique (1469-1492). Les Médicis et leur cercle soutiennent l'émulation artistique au cœur de la cité par de nombreuses commandes.

L'activité de portraitiste de Sandro Botticelli nous est connue à travers une petite dizaine de tableaux, les belles « têtes » peintes sur les murs de la chapelle Sixtine (1481-1482) et quelques rares effigies sur des panneaux à sujet sacré. Le plus célèbre est sans doute le portrait de Julien de Médicis, commémorant l'assassinat du jeune homme en 1478. Botticelli imprime à ses modèles un charisme communicatif inédit, s'engageant au fil des années dans une voie toute de sobriété et de dépouillement. Il élabore dans les années 1490 des portraits d'une plasticité très sculpturale, dont celui du poète et guerrier Michele Marullo Tarcaniota offre l'exemple le plus accompli. L'intérêt de Botticelli pour la Divine Comédie de Dante Alighieri (1265-1321), œuvre majeure de la littérature italienne, coïncide avec un enthousiasme renouvelé des humanistes proches du cercle des Médicis pour le poète. Dans ce contexte, Botticelli est associé à deux entreprises d'envergure: l'impression de la première édition illustrée du poème, pour laquelle il aurait fourni une série de dessins, et un cycle inachevé de plus de 92 dessins, dont la destination reste encore inconnue. Vestiges extraordinaires de sa grande maîtrise du trait et de la forme, ces dessins révèlent les préoccupations intimes d'un artiste sensible à la culture de son temps.

Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Portrait de Michele Marullo Tarcaniota
Tempera et huile sur bois transposé sur toile Collection Familia Guardans-Cambó
1490-1500

Le fait que les Médicis aient choisi Botticelli pour réaliser le portrait commémoratif de Julien témoigne de sa remarquable compétence dans ce domaine,compétence réaffirmée dans le portrait du poète et guerrier Michele Marullo Tarcaniota. Proche de l'un des principaux commanditaires de Botticelli, Lorenzo di Pierfrancesco, Marullo était un humaniste, poète et soldat, dont la mort subite - il se noya dans un torrent à la suite d'une chute de cheval - fut perçue comme une tragédie par les milieux poétiques et humanistes italiens. Qu'il s'agisse d'un portrait posthume ou réalisé dal vivo, on est frappé par la force de caractère que l'artiste a su restituer au modèle. Le regard fier, le modelé puissant, l'articulation des volumes et le dépouillement du fond révèlent un portrait d'une grande sobriété, l'un des chefs-d'œuvre de Botticelli.

Alessandro Filipepi dit Bott (vers 1445-1510)
Portrait de Julien de Medicis
Vers 1478-1480
Tempera et huile sur bois 
Bergame, Accademia Carrara

A la messe de Pâques, le 26 avril 1478, des membres de la famille Pazzi et quelques alliés tentent d'assassiner les deux frères Laurent et Julien de Médicis. Si Laurent réussit à s'échapper de justesse, Julien est terrassé sous les coups de ses assaillants. Ce portrait posthume appartient à une série d'au moins trois versions pour lesquelles Botticelli a pu recourir à plusieurs sources : un masque mortuaire, un buste réalisé par Verrocchio en 1475 et enfin la médaille gravée par Bertoldo di Giovanni, dont un exemplaire est présenté ci-dessous. Le visage de Julien fait ici l'objet d'une étude attentive et d'une grande finesse d'exécution, laissant apparaître les traits meurtris du jeune homme assassiné. Ce portrait semble répondre à une demande d'ordre privé et personnel, bien que l'on ne connaisse l'identité des commanditaires d'aucune des trois versions. 

Vénus le mythe humaniste

A partir de 1470, Botticelli inaugure une période de création intense qui s'étendra sur plus d'une vingtaine d'années et fera de lui l'un des meilleurs représentants du renouveau artistique promu par les Médicis et leur entourage. Les grandes scènes mythologiques comme La Naissance de Vénus (conservée aux Gallerie degli Uffizi à Florence) incarnent cette synthèse remarquable entre le mythe antique et la philosophie poétique des humanistes florentins.

Fidèle à une stratégie de réemploi de motifs, Botticelli reprend la figure centrale de Vénus pour en renouveler la représentation, tout en répondant à la demande de la clientèle. Selon les premiers biographes de Botticelli, on pouvait admirer dans les demeures patriciennes de Florence de nombreuses « belles femmes nues » de la main du peintre. Des deux Vénus exposées ici, celle de Berlin, au canon très antiquisant, s'impose comme le nouveau prototype de la série des Vénus dites pudiques. Celle de Turin, plus simple mais apprêtée d'un voile qui souligne sa nudité plus qu'il ne la cache, a sans doute été réalisée à partir d'un même carton, avec une plus grande collaboration de l'atelier. Le succès de ce modèle botticellien est aussi attesté par une version réalisée à la même époque par Lorenzo di Credi. Cette production s'accompagne, au cours des années 1480 et 1490, de portraits << allégoriques », en réalité des figures féminines évanescentes jusque dans leurs connotations métaphoriques ou symboliques, comme en témoigne le portrait dit de la Belle Simonetta. Cette production illustre le génie créateur de Botticelli et le rôle important qu'il jouait en tant que promoteur d'un répertoire cher aux Médicis, devenu de nos jours emblématique de la Florence de la fin du Quattrocento.

Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Venus pudica

Vers 1485-1490
Tempera sur toile Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Gemäldegalerie

Ces deux Vénus sont les rares vestiges d'une large production de nus féminins exécutés par Botticelli, si l'on en croit le témoignage de ses premiers bio graphes. Le modèle dérive de La Naissance de Vénus œuvre célèbre pour laquelle Botticelli s'est inspiré de la description du tableau perdu d'Apelle, célèbre peintre de l'Antiquité. En extrayant la figure centrale de la déesse et en la reproduisant sur un fond noir, Botticelli renoue avec sa source d'inspiration, une sculpture antique dite « Vénus pudique », connue à l'époque en plusieurs exemplaires, tout en inventant un genre radicalement nouveau. Le dessin de la figure de Vénus a été reporté sur le nouveau support grâce à un carton, puis repris à main libre. Chaque version présente ainsi de légères variations et constitue une réplique originale et non une copie exacte, ce que ne fait d'ailleurs jamais Botticelli.
Lorenzo di Credi (1459?-1537)
Vénus Vers 1490
Tempera et huile sur toile Florence, Gallerie degli Uffizi

Ce tableau, parfois surnommé « l'autre Vénus des Offices », pourrait être qualifié de quatrième occur rence de la Vénus botticellienne tant son rapport au célèbre modèle est frappant. Il témoigne bien de la portée du génie créateur de Botticelli : non seulement La Naissance de Vénus est célébrée de son temps comme un chef-d'œuvre, mais les dérivations qu'il en fait deviennent un genre en soi, source d'inspiration pour ses contemporains et les générations suivantes. Lorenzo pour sa part introduit de subtiles variations en inversant la pose de la déesse et en ramassant ses longs cheveux en chignon selon la mode florentine de l'époque, attentif à produire une interprétation toute personnelle du chef-d'oeuvre de son confrère.

Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Figure allégorique dite La Belle Simonetta Vers 1485
Tempera et huile sur bois de peuplier Francfort-sur-le-Main, Städel Museum

Cette figure allégorique dérive probablement d'un portrait réel de la « belle Simonetta » Vespucci, célébrée de son vivant pour sa beauté et à qui Julien de Médicis vouait un amour chaste, dans la tradition de l'amour courtois. Il lui dédia sa victoire à la joute de 1475, chan tée par Ange Politien dans un long poème où apparaît Simonetta sous les traits de la déesse Minerve. C'est ainsi la présence d'une armure luisant sous sa poitrine qui a conduit les historiens à l'identifier comme telle dans ce panneau. Réalisé plusieurs années après la disparition de la jeune femme, ce tableau correspond à une série de figures féminines idéalisées dont Botticelli peuple son œuvre au cours des années 1480. Ces têtes idéales étaient par ailleurs en vogue à cette époque à Florence comme le rappelle Giorgio Vasari.

Botticelli illustrateur

L a contribution de Botticelli à l'illustration n'était jusque-là connue qu'à travers l'important cycle de dessins consacrés à la Divine Comédie de Dante. La découverte récente de ce dessin au sein d'un manuscrit réunissant le Chansonnier (Canzoniere) et les Triomphes de Pétrarque permet de mieux connaître l'activité de dessinateur de l'artiste à un moment relativement précoce de sa carrière. Il s'agit sans doute du premier exemple avéré d'un dessin composé de figures, exécuté sur parchemin et inspiré d'une source littéraire. L'application maladroite des pigments bleus et violets, qui occultent de nombreux détails, trahit une intervention ultérieure. C'est certainement lors de sa première formation auprès d'un orfèvre que Botticelli a acquis la maîtrise du dessin, puis par la suite développé sa profonde inclination personnelle pour cette pratique qui a occupé une place centrale dans son art et dans le fonctionnement de son atelier.

Témoin du rayonnement de Botticelli et de son influence sur ses contemporains, ce dessin a sans doute largement inspiré la composition d'un panneau de Jacopo del Sellaio, l'un de ses collaborateurs occasionnels, également présenté dans la salle.
Jacopo di Arcangelo dit Jacopo del Sellaio (vers 1441-1493)
Le Triomphe de l'Amour
Début des années 1480
Tempera sur bois Fiesole, Museo Bandini

La peinture religieuse du tondo au retable

L es peintures de format rond appelées tondi sont particulièrement en vogue à Florence dans la deuxième moitié du XV° siècle. Botticelli excelle dans la maîtrise de ce format complexe, innovant dans le choix des compositions et les jeux de perspective. Ces panneaux ronds, qui se prêtent particulièrement aux sujets religieux destinés à la sphère privée, témoignent aussi de certaines pratiques d'atelier. Pour répondre aux commandes qui se multiplient, Botticelli s'emploie à rationaliser sa production. Le recours aux livres de modèles et aux cartons (dessins préparatoires à échelle réelle) lui permet de déléguer à ses assistants l'exécution des tableaux tout en se réservant la conception seule, comme le montrent les variantes de la Vierge et saint Jean-Baptiste adorant l'Enfant ou encore la réplique de format réduit de la Vierge du Magnificat. C'est pourquoi l'on peut qualifier Botticelli de designer, au sens moderne du terme, puisque c'est l'invention, toujours renouvelée, qui est au cœur de l'œuvre. Comme le tondo, le retable (pala en italien) joue un rôle fondamental dans l'économie de l'atelier de Botticelli. Placé dans l'espace public, au-dessus de l'autel d'une église ou d'une chapelle, il fait partie des commandes les plus prestigieuses qu'un artiste puisse recevoir. Par sa visibilité, il assure la diffusion du style et des inventions du peintre, tout en constituant une démonstration parfaite susceptible de susciter l'engouement de nouveaux clients. Le Couronnement de la Vierge destiné à l'église de Volterra, réalisé par Botticelli et son atelier dans les années 1490, lorsque le peintre atteint la pleine maturité de son art, en est un exemple emblématique. Cette grande pala est accompagnée pour la première fois de sa prédelle reconstituée, attribuée à l'un des meilleurs collaborateurs.

Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510) et atelier
Le Couronnement de la Vierge avec saint Juste de Volterra, le bienheureux Jacopo Guidi de Certaldo, saint Romuald, saint Clément et un moine camaldule
Vers 1492
Tempera et huile sur bois transposé sur toile Miami Beach, Collection of The Bass, Don de John & Johanna Bass
Pèlerins sur la tombe de saint Juste
Vers 1492
Tempera sur bois
Cité du Vatican, Musei Vaticani
Saint Juste expulsant les démons de la région de Volterra
Vers 1492
Tempera sur bois Cité du Vatican, Musei Vaticani
Les Vandales dévorés par des ours
Vers 1492
Tempera sur bois Florence, Museo Nazionale del Bargello
Maître des bâtiments gothiques (Jacopo Foschi?, actif à Florence vers 1485 vers 1520)
Saint Juste distribuant le pain aux Vandales
Vers 1492
Tempera sur bois
Florence, Museo Nazionale del Bargello
Maître des bâtiments gothiques (Jacopo Foschi?, actif à Florence vers 1485 vers 1520)
La Vierge et saint Jean-Baptiste adorant l'Enfant devant une vue de Venise
Vers 1500
Tempera sur bois
Paris, Musée Jacquemart-André - Institut de France

Ce tondo, restauré pour cette exposition, reprend une composition largement reproduite dans l'atelier de Botticelli. Les différences entre les variantes suggèrent que, comme pour le tondo de Cardiff présenté à droite, la composition dérive d'un fonds de dessins de Botticelli, selon une pratique d'atelier courante qui permettait de diversifier des scènes à l'iconographie relativement fixe. Cette version se distingue par une vue de Venise à l'arrière-plan, rare dans l'art florentin, suggérant que l'œuvre était peut-être destinée à un client véni tien. Ce tondo a été attribué au Maître des bâtiments gothiques, aujourd'hui identifié comme Jacopo Foschi, en raison de la description minutieuse des architec tures. L'œuvre doit dater des environs de 1500, quand le peintre travaillait encore dans l'atelier de Botticelli, mais s'écartait déjà de son trait gracieux.

Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510) et atelier
La Vierge et saint Jean-Baptiste adorant l'Enfant
Vers 1490-1492
Tempera et huile sur bois
Cardiff, Amgueddfa Cymru - National Museum of Wales

Les tondi, peintures de format circulaire, étaient particulièrement appréciés à Florence dans la deuxième moitié du XVe siècle. Botticelli s'était fait une spécia lité de ce format complexe, le plus souvent réservé à des œuvres destinées à la dévotion privée. Les repré sentations de la Vierge à l'Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste étaient très populaires à Florence dont le Baptiste était le saint patron. Botticelli et son atelier produisirent de nombreuses variantes sur ce thème dont celle exposée ici qui était l'une des plus demandées. On retrouve en effet la composition dans trois autres tableaux au moins, tous de format différent et proposant à chaque fois un arrière-plan radicalement nouveau. Le tondo de Cardiff présente une facture de grande qualité qui laisse supposer une participation directe du maître.

Maître des bâtiments gothiques (Jacopo Foschi?, actif à Florence vers 1485 vers 1520)
d'après Botticelli (vers 1445-1510)
La Vierge du Magnificat
Années 1490
Tempera sur bois
Montpellier Méditerranée Métropole, Musée Fabre, dépôt du Musée du Louvre, 1979

Le chef-d'œuvre des Offices, La Vierge du Magnificat, marque l'apogée des recherches du maître dans le genre du tondo, ces peintures de format circulaire particuliè rement appréciées à Florence et dont Botticelli s'était fait une spécialité. Cette composition a donné lieu à plusieurs versions, toutes de dimensions et de qualité variées, dont celle-ci qui est sans doute la plus ambi tieuse, attribuée à un collaborateur de longue date de Botticelli. Réalisée dans les années 1490, elle est typique de ce peintre, qui oriente l'art de son maître vers une manière froide et distanciée. Elle est de dimensions à peine réduites, et rivaliserait presque avec le prototype par l'abondance de ses rehauts d'or. A l'arrière-plan se distinguent ces petites architectures gothicisantes qui ont valu au peintre son nom de convention.

La dernière manière une esthétique savonarolienne?

la fin des années 1480, le pouvoir des Médicis est ébranlé par l'audience croissante du moine Savonarole (1452-1498), dont les sermons apocalyptiques ont une violente incidence sur la population florentine. À la chute de Pierre l'Infortuné, fils aîné de Laurent le Magnifique, une nouvelle république s'installe en 1494. Savonarole occupe une place de plus en plus importante au sein de la vie publique jusqu'à son excommunication et sa condamnation à mort en 1498.

La question de l'adhésion de Botticelli au mouvement savonarolien fait toujours débat. Il est certain que l'esprit créatif du peintre ne pouvait que réagir vivement aux visions prophétiques et à l'éloquence tourmentée du moine. À la fin du XVe siècle, l'œuvre de Botticelli traduit un réel questionnement esthétique les formes autrefois harmonieuses et élancées se tassent, les beautés mélancoliques se voilent de pudeur, les compositions renouent avec une hiérarchie des rôles passée d'usage, comme dans Judith tenant la tête d'Holopherne. Malgré ces archaïsmes, le style botticellien conserve une empreinte de douceur, à l'œuvre dans le Retable du Trebbio ou dans le Crucifix, qui propose une interprétation sublimée et apaisée du thème sacrificiel cher à Savonarole.

Les dernières années sont marquées par une emprise plus grande de l'atelier sur l'activité du maître qui, relativement âgé et affaibli, ne peut sans doute plus contribuer autant qu'il le voudrait à la réalisation de ses œuvres. Les variantes d'atelier, aux figures de plus en plus monumentales, tentent de perpétuer la vision originale de Botticelli sans réussir à en conserver toute la grâce. C'est dans ce contexte qu'après avoir incarné un art résolument « moderne », Botticelli tombe dans l'oubli pour être finalement redécouvert au XIXe siècle, avec une fortune artistique et critique qui ne s'est pas démentie depuis.
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Judith tenant la tête d'Holopherne
Fin des années 1490
Tempera sur bois
Amsterdam, Rijksmuseum, Legs de J.W.E. vom Rath

Botticelli reprend une vingtaine d'années plus tard le thème de Judith qu'il avait déjà illustré dans sa jeunesse. Le contraste cependant est saisissant. Au pas dansant de Judith sur le chemin du retour à Béthulie des années 1470, s'est substituée une vision plus dramatique de l'héroïne de l'Ancien Testament, représentée au sortir de la tente, exhibant comme un trophée qui lui fait horreur la tête de l'ennemi assyrien. A la palette lumineuse du tableau de jeunesse s'oppose le chromatisme sourd teinté de violents contrastes de couleurs, une tendance qui se retrouve dans d'autres œuvres de cette période. Ce décor semble par ailleurs faire référence à la version du même épisode que propose Andrea Mantegna, qui était autrefois conservée dans la collection de Laurent de Médicis et que Botticelli pouvait donc connaître.
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510) et atelier
Vierge à l'Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste Vers 1505
Tempera et huile sur toile
Florence, Gallerie degli Uffizi (Palazzo Pitti, Galleria Palatina)

Le style de Botticelli évolue au cours des dernières années vers une représentation toujours plus monu mentale des figures. Celles-ci forment ici un triangle au sommet duquel le visage de la Vierge fait face à la croix que tient le jeune saint Jean. Véritable memento mori, cette confrontation invite à une méditation sur la nature éphémère de la vie, incarnée par le sacrifice du Christ. Dans le climat inquiet du tournant du siècle, le prototype du Palazzo Pitti rencontra un certain succès, comme en témoigne la réplique conservée à Birmin gham pour laquelle on a retourné le carton prépara toire afin d'y introduire une certaine variation. Le même processus se retrouve dans une autre réplique, présen tée en regard, découverte récemment dans une église française et restaurée à l'occasion de cette exposition.

Atelier de Botticelli
La Fuite en Égypte
Vers 1505-1510
Tempera et huile sur toile
Paris, Musée Jacquemart-André - Institut de France

Cette toile imposante illustre la fuite de la sainte Famille en Égypte pour échapper au roi Hérode. Le format vertical retenu pour cette scène est très rare dans le contexte de la peinture italienne. En raison de l'origi nalité de la composition, on a souvent conclu que ce tableau avait été conçu et peint par Botticelli lui-même à la fin de sa carrière, lorsqu'il privilégiait des compo sitions très resserrées telles que celle-ci. Cependant, il manque à l'exécution la facture large et lisse typique de ses œuvres tardives. La question de la survivance de l'atelier de Botticelli peu après sa mort en 1510 se pose ici. Il est tout à fait possible que ses collaborateurs aient perpétué pendant quelque temps l'activité de la bottega, puisant au riche répertoire que le maître avait laissé à la postérité.
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
et assistant (Simone Ardinghelli?)
La Vierge à l'Enfant en compagnie des saints Dominique, Côme et Damien, François, Laurent et Jean-Baptiste (retable du Trebbio)
1495-1496
Tempera sur bois transposé sur toile Florence, Galleria dell'Accademia

Ce tableau est l'une des rares œuvres de Botticelli sur lesquelles nous possédons quelques informations, grâce à un courrier envoyé par l'épouse de Lorenzo di Pierfrancesco qui nous apprend qu'un certain Simone, assistant du peintre, annonce l'arrivée imminente de son maître afin de réaliser le retable à Trebbio. On a pu ainsi en déduire l'identité d'un des apprentis de Botticelli, qui, d'après des recherches récentes dans les archives de Florence, correspondrait à Simone Ardinghelli. Le tableau présente une sainte Conversation où la Vierge et l'Enfant sont traditionnellement entourés de saints ; parmi eux se tiennent Côme et Damien, saints patrons des Médicis auxquels ils font allusion avec leurs tenues de médecins, medici en italien.
Atelier de Botticelli
Vierge à l'Enfant avec le jeune saint Jean-Baptiste
Vers 1505-1510
Tempera et huile sur toile Commune de Champigny-en-Beauce, église Saint-Félix 
Alessandro Filipepi dit Botticelli (vers 1445-1510)
Crucifix
Vers 1490-1495
Tempera sur bois
Diocèse de Prato, Museo dell'Opera del Duomo

Ce crucifix de taille quasiment humaine, peint des deux côtés, devait appartenir à une communauté religieuse non identifiée à ce jour. L'objet était certainement porté en procession lors de cérémonies et autres événements rituels. Restitué récemment au corpus botticellien, l'œuvre évoque un sentiment de grâce et d'acceptation du sacrifice, thèmes à relier aux prêches que Savona role prononça dans les années 1490. En réponse à de nouvelles pratiques spirituelles, Botticelli reprend et transforme des modèles esthétiques anciens, voire archaïques, qu'il sublime en une vision d'une grande beauté. Ainsi ce crucifix reprend les modèles sculptés du début du siècle, dont les plus célèbres, par Donatello à Santa Croce et Brunelleschi à Santa Maria Novella, devaient être bien présents à l'esprit du peintre.
Atelier reconstitué
Atelier reconstitué
Atelier reconstitué

Dans les collections permanentes du musée 
Vierge à l'Enfant entre saint Jean-Baptiste et un vieillard
Luca SIGNORELLI
(1445/1450-1523)
Tempera et huile sur bois, tondo
Vers 1491-1492

La Vierge et l'Enfant
Sandro BOTTICELLI (1444-1510)
Huile sur bois
XV° siècle

La Vierge et l'Enfant
Pictro VANUCCI, dit LE PÉRUGIN (1445-1523)
Huile sur bois
XV siècle

La Vierge et l'Enfant
Alessio BALDOVINETTI (1425-1499)
Huile sur toile Vers 1457

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