lundi 11 octobre 2021

Cinémode de Jean-Paul Gautier à la cinémathèque française en octobre 2021




Guy-Gérard Noël (1912-1994)
Affiche du film de Jacques Becker, Falbalas, 1945

Falbalas

Le couturier Jean Paul Gaultier a souvent placé ses créations vestimentaires sous le signe du 7 art. Guides par son regard enthousiaste et curieux, vous allez découvrir les relations multiples entre le cinéma et la mode : tous deux transgressent les genres, inventent de nouvelles icônes et renouvellent leurs corps.

L'exposition est dédiée à son amie la cinéaste Tonie Marshall (1951-2020), fille de Factrice Micheline Presle, que Jean Paul Gaultier découvre à 13 ans à la télévision dans Falbalas de Jacques Becker (1945). Le film raconte l'histoire. d'un célèbre styliste parisien, fougueux et perfectionniste Séduisant ses mannequins le temps de renouveler son inspiration creatrice, il succombe a l'amour impossible. Ce mélodrame, ancre dans l'effervescence d'une maison de couture, a été une véritable révélation pour Jean Paul Gaultier et sa toute première école de mode.

Les costumes du film ont été réalisés par Marcel Rochas, l'un des premiers couturiers à avoir compris que le cinéma pouvait servir de vitrine à ses créations. Allant jusqu'à guider dans sa gestuelle l'acteur principal, il s'investit tout particulièrement sur Falbalas, dont le défilé final est une compilation de ses grands succès. Rochas est aussi souvent crédité comme l'inventeur de la guépière en 1945, que Jean Paul Gaultier revisite des ses premières collections prêt-à-porter au début des années 1980. Marqué par les corsets de sa grand-mère, le couturier transforme ce dessous en vêtement de dessus et en fait l'une des pièces maitresses de sa griffe.

Jean-Baptiste Mondino (né en 1949)
Portrait de Micheline Presle
Photographie parue dans Madame Figaro, septembre 2006
Jean-Baptiste Mondino (né en 1949)
Portrait de Tonie Marshall
Photographie parue dans Madame Figaro, septembre 2006
Photographie dédicacée par Micheline Presle à Jean Paul Gaultier

"Falbalas a pour moi une résonnance particulière, car l'actrice principale, celle dont Clarence tombe éperdument amoureux, est Micheline Presle, que j'ai bien connue et qui est mon idole absolue. Elle est aussi la mère de ma grande amie la réalisatrice Tonie Marshall, disparue en 2020 alors que nous préparions ensemble cette exposition. Nous avons fait ensemble le Fashion Freak Show, créé aux Folies Bergère en 2018, juste avant mon dernier défilé en 2020. Je pense à Tonie, et je dédie ce parcours cinéphile à sa mémoire. Merci Tonie"

Corset et guêpière

Les sous-vêtements féminins modernes apparaissent au début du 20e siècle. Après des siècles de corsets enserrant la taille et le buste, la gaine et le soutien-gorge continuent de modeler les silhouettes selon les modes, se concentrant sur le bassin et les hanches, mais avec moins de rigidité.

A partir de 1945, les attributs traditionnels de la femme sont à nouveau mis en avant : la guêpière, sorte de corset assoupli combiné à un soutien-gorge armaturé, se popularise avec le succès du New Look de Christian Dior. Elle dessine une poitrine haute, une taille fine et des hanches épanouies : ce sera la silhouette de toutes les pin-ups des années 1950 aux seins en forme d'obus.

Dans les années 1980, quelques couturiers anti-conformistes comme Vivienne Westwood revisitent les sous-vêtements structurants du passé. En exhibant les dessous par-dessus, véritable symbole de sa griffe, Jean Paul Gaultier affirme avec humour son goût pour des corps sexués et provocateurs.



Jean Paul Gaultier
Robe smoking
Collection Divine Jacqueline, haute couture Femme printemps-été 1999, look 46 Ottoman noir doublé de taffetas, tulle ivoire Jean Paul Gaultier, Paris
Ensemble inspiré d'une création de Marcel Rochas visible dans le défilé final de Falbalas.

Georges Annenkov (1889-1974)
Robe portée par Madeleine Sologne dans L'Eternel retour de Jean Delannoy 1943
Jersey de soie, robe à plis façon Grès La Cinémathèque française

En 1925, Marcel Rochas fonde sa maison de couture et connaît rapidement un grand succès. Comprenant très tôt le rôle d'ambassadeur du cinéma, le couturier voyage à Hollywood en 1934 où il habille plusieurs stars à la ville. Il crée, en 1941, un département cinéma au sein de sa maison suite aux nombreuses sollicitations de la profession. Georges Annenkov confie la réalisation de sa robe aux ateliers de Rochas.

Marcel Rochas (1902-1955)
Figurine n°11 1945
Robe et sandales en satin ivoire, gants mi-longs en chevreau blanc.
Personnages de fils de fer créés par Eliane Bonabel, chaussures
signées Cécile Peloux.
Don de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne et de Paul Verdier.

À la Libération, l'exposition Théâtre de la Mode présente la haute couture française au Pavillon de Marsan (devenu le Musée des Arts Décoratifs), avant de voyager à l'étranger pour renouer avec son prestige international d'avant-guerre. 180 mannequins miniatures étaient exposés dans 14 décors réalisés par divers décorateurs sous la direction de Christian Bérard. Cette robe de mariée,

l'une des six pièces signées par Marcel Rochas, était présentée parmi plus de 150 mannequins miniatures dans un décor de Jean Cocteau. Avec ses deux grands volants sous la taille, elle est proche du modèle créé pour Micheline Presle dans Falbalas. L'échelle réduite des silhouettes est due aux restrictions de matières premières imposées par la Seconde Guerre mondiale. Elle évoque les poupées mannequin dites pandore qui étaient utilisées pour présenter les dernières créations vestimentaires dans les cours royales, avant la généralisation du mannequin à taille humaine au 20° siècle.

Jacques Vaissier
Affiche des Pétroleuses de Christian-Jaque, 1971

De la courtisane à la Superwoman, du macho au dandy, les archétypes féminins et masculins du grand écran évoluent sans cesse, reflétant et devançant même parfois les rôles des femmes et des hommes au sein de la société.

Les studios hollywoodiens ont inventé des personnages à la féminité particulièrement explosive que Marilyn Monroe magnifie dans Les hommes préfèrent les blondes (1953). Face à cette star hypersexualisée aux costumes sophistiqués, l'icône française Brigitte Bardot (Et Dieu... créa la femme, 1956) apparaît comme une héroïne rebelle débordant de sensualité sauvage, à l'avant-garde d'une mode prêt-à-porter, plus jeune et simple. Ses contemporaines Delphine Seyrig habillée en Coco Chanel, Jeanne Moreau en Pierre Cardin et Catherine Deneuve en Yves Saint Laurent, symbolisent la fidélité à la haute couture française.

Face à elles, dans la lignée des héros à la virilité conquérante (tel le cow-boy John Wayne), Marlon Brando, vêtu d'un débardeur dans Un tramway nommé Désir (Elia Kazan, 1951), fait figure de véritable rupture érotique. Il est l'incarnation de l'homme-objet pour Jean Paul Gaultier, qui fut l'un des premiers couturiers à injecter des éléments du vestiaire féminin dans la silhouette masculine. Dans sa collection James Blonde (2011), il revisite ainsi l'élégance british du personnage de James Bond, saga culte où s'invite, le temps d'un film, la puissante Grace Jones habillée par Azzedine Alaïa.

Auteur inconnu
Affiche de Johnny Guitare de Nicholas Ray, 1954
C'est à Joan Crawford que l'on doit la dimension féministe inédite de ce western. En plein tournage, forte de son statut de star indépendante, elle exige la réécriture de son rôle pour devenir, en quelque sorte, le cowboy du film. Elle incarne au détriment de Sterling Hayden un personnage autonome et déterminé, qui exprime son désir et manie le pistolet.

Portrait de John Wayne dans La Prisonnière du désert (The Searchers) de John Ford, 1956
Avec une carrière s'étalant sur 50 ans et près de 180 films. John Wayne est une véritable icône américaine. L'acteur incarne le soldat héroïque et patriote, mais aussi l'archétype du cowboy: un homme viril, sûr de lui, solitaire et macho. dont la tenue vestimentaire doit le protéger de la rudesse de la vie en extérieur.
Les chaps comme ceux-ci (utilisés dans un western français muet) font, avec le chapeau Stetson, partie de la panoplie emblématique du cowboy.

Attribué à Raymond Voinquel
Marcel Escoffier (1910-2001)
Robe portée par Martine Carol dans Lola Montès de Max Ophuls, 1955
Le beige-crème s'impose pour la robe de mariée richement décorée de « la femme la plus scandaleuse de la terre », dont l'histoire est racontée à travers différents tableaux
dans un cirque à sensation. Marcel Martine Carol aux côtés de Georges Annenkov. Escoffier, imposé par créateur de costumes du film, lui compose une garde-robe
digne d'une superproduction. Mais sous la direction de Max Ophuls, alors au sommet de son art baroque, et contrairement aux productions érotico-historiques qui ont fait le succès de l'actrice, son personnage de courtisane ne se dénude quasiment pas. Les cols fermés participeront peut-être de l'échec du film, dont un article au titre révélateur témoigne, dans Rivarol du 1er janvier 1956 :
« Martine Carol est restée couverte : le public ne saluera pas"

Edith Head (1897-1981)
Robe portée par Mae West dans Sextette de Ken Hughes, 1978
Soie, sequins, perles et strass
Collier et tiare de la collection personnelle de l'actrice The Collection of Motion Picture Costume Design: Larry McQueen, Los Angeles.
Star après la naissance du cinéma parlant, Mae West tourne dans 12 films dont elle est souvent la scénariste. Plus qu'une femme fatale pour laquelle les hommes se perdent, Mae West est une déesse de la drague et du sexe, une gold digger à l'humour culotté. Toujours dans le contrôle, son personnage prend les hommes et les quitte quand il lui plaît. L'actrice portait des corsets serrés afin d'affiner sa taille, et des talons hauts de 20 centimètres pour élancer sa silhouette, ce qui lui donnait une démarche chaloupée très particulière. Ses costumes extravagants et outranciers, regorgeant de broderies, de plumes et de fourrure, en feront une figure adulée et parodiée par les performeurs camp. Elle engagea pour sa garde-robe personnelle et pour l'écran les meilleurs couturiers d'Hollywood, comme Walter Plunkett et Edith Head.

Orry Kelly (1897-1964)
Robe portée par Marilyn Monroe dans Certains l'aiment chaud (Some Like it Hot) de Billy Wilder, 1959
Dans l'Amérique de la prohibition, du jazz et des mafieux, Sugar Cane est chanteuse et joueuse d'ukulélé au sein d'un orchestre de femmes. Elle incarne le « naturel féminin » dont Jerry et Joe, deux travestis en fuite, doivent copier la démarche, les gestes et les rapports aux hommes. Le brouillage de l'identité sexuelle, la confusion des genres et la sursexualisation de Marilyn Monroe participent de la controverse du film. Perlée uniquement sur certaines zones, cette robe moulante au dos plongeant devait être soigneusement éclairée, le tissu couleur peau donnant l'illusion de nudité. Si les perles pendantes et l'absence de tour de taille sont caractéristiques de la mode des années 1920, l'effet de transparence en est une réinterprétation imaginée par le créateur de costumes Orry Kelly.

Jean Paul Gaultier costumier de cinéma

Premier couturier à être membre du jury du Festival de Cannes, en 2012, Jean Paul Gaultier travaille à plusieurs reprises pour le cinéma, où transparaît son goût pour la science-fiction et la bande dessinée, ainsi que pour l'expérimentation des matières.

"Dans le domaine du cinéma, j'ai des goûts très éclectiques car j'admire aussi bien Luc Besson que Pedro Almodóvar et Peter Greenaway. La seule fois où je me suis permis d'approcher des réalisateurs que je ne connaissais pas, c'était suite à la projection de Delicatessen [de Jeunet et Caro]. Je me suis reconnu dans ce mélange de modernité et de nostalgie créative un peu rétro, et j'ai collaboré à La Cité des enfants perdus quatre ans après. De même que j'étais enchanté de réaliser les robes de Catherine Deneuve dans Au plus près du paradis, de mon amie Tonie Marshall."

Jean Paul Gaultier
Jean Paul Gaultier
Maquettes préparatoires pour la création des costumes du Cinquième élément de Luc Besson, 12 juin 1992
Costumes de Bruce Willis et Prince.

Le casting comptait initialement Julia Roberts et Prince. J'ai fait des croquis pour chaque personnage. Comme Prince était de passage à Paris pour un concert, j'en profite pour lui présenter mes maquettes de ses futurs costumes. Je lui explique dans mon franglish les détails de ses vêtements. Pour l'un d'entre eux, j'avais prévu un intégral en résille noir avec des franges en long cheveux (assortis aux siens) en cache-sexe, et sans dos. 
It's like a tax-cul at the back dis-je en le prononçant à la Franglaise.
Fuck you comprit Prince. Il interrompt la rencontre sur-le-champ et annonça à Luc Besson qu'il trouvait ses costumes trop gay
John Bloomfield (né en 1942)
Costume porté par Christopher Reeve dans Superman IV: The Quest of Peace de Sidney J. Furie, 1987
Justaucorps, collants, slip et cape en lycra et laine; bottes et ceinture en cuir The Collection of Motion Picture Costume Design: Larry McQueen, Los Angeles, 102

Superman se bat pour la justice ; il ne boit pas, ne fume pas et dit toujours la vérité. Ce costume aux couleurs primaires marqué d'un large S, est initialement dessiné par Joe Shuster et Jerry Siegel en 1933 pour des comics. Il souligne les muscles d'un homme puissant et invulnérable, à l'opposé de sa doublure Clarke, employé maladroit et tête en l'air du journal Daily Planet. Les premiers justaucorps de Superman (dans des serials des années 1950) étaient en laine, avant d'être fabriqués, à partir des années 1970 et 1980, dans un matériau synthétique brillant. Les films les plus récents ont pris quelques libertés avec la forme du slip à coupe haute et l'utilisation de matériaux texturés caoutchoutés ; mais avec sa cape plissée et ses bottes zippées à l'arrière, le costume de Superman reste la silhouette de superhéros la plus reconnaissable.
Keith Hamshere (né en 1946)
Photographie de promotion de Dangereusement vôtre de John Glen, 1984 Avec Grace Jones
Azzedine Alaïa (1935-2017)

Robe similaire à celle portée par Grace Jones dans Dangereusement vôtre de John Glen, 1984
Robe viscose maille, ceinture cuir box, mannequin plastique et acier
Dans Dangereusement vôtre, Grace Jones interprète le personnage de May Day face à l'agent 007, incarné par Roger Moore. Azzedine Alaïa, qui l'avait choisie comme muse dans les années 1980, crée la majeure partie de ses costumes.

« Grace Jones était une mannequin très impressionnante par son attitude physique et sa personnalité. Elle était aussi une chanteuse androgyne incroyable qui se produisait au Palace, la boîte de nuit la plus branchée des années 1980. L'époque de La Vie en rose. Cette parfaite super woman au corps de rêve ne s'est pas contentée d'être un faire-valoir du héros, elle a eu le rôle du méchant ! C'était l'ennemi de Bond et elle lui tenait tête. »
Jean Paul Gaultier

Jacques Esterel (1917-1974)
Robe similaire à la robe de mariée portée par Brigitte Bardot, vers 1957
Pour son mariage avec Jacques Charrier le 18 juin 1959, B.B. porte une robe de jour à carreaux blanc et rose, à l'encolure bordée de dentelle, et ceinture assortie. L'époque est encore marquée par les grandes robes dont l'ampleur était soutenue par des jupons, selon un style lancé après-guerre par Christian Dior. Gardant la même silhouette, Esterel en donne une interprétation avant-gardiste et quasi scandaleuse, délaissant le blanc pour un tissu très bon marche, levichy dont lactrice lance la mode. En laissant
magazine ELLE reproduire le patron d'une robe Vichy similaire dans laquelle elle pose, Bardot introduit une manière démocratique et simple de s'habiller, loin de la haute couture traditionnellement adoptée par les stars.
Silhouette découpée à partir de l'affiche de Wonder Woman de Patty Jenkins, 2017

Yves Saint Laurent (1936-2008) Manteau mi-long porté par Catherine Deneuve dans Belle de jour de Luis Buñuel, 1966

Le modèle absolu de la relation couturier-actrice est certainement Yves Saint Laurent et Catherine Deneuve. Cette complicité a été rendue possible par le contexte de l'époque, mais surtout par les deux personnes concernées. Deneuve a une conscience aiguë du registre visuel des vêtements qu'elle porte. Elle lui a été extraordinairement fidèle, non seulement dans sa vie, au quotidien, mais aussi dans sa carrière d'actrice. Ce qui est exceptionnel dans la relation entre Deneuve et Saint Laurent, c'est la parfaite osmose entre eux : Saint Laurent était moderne et Deneuve - symbole de l'élégance française - l'était tout autant. »
Belle de jour (1966) est la première collaboration à l'écran du couturier et de l'actrice, qui démarrent alors leurs carrières et trouvent dans le film de Luis Buñuel une image anticonformiste proche de leurs personnalités.

Pascaline Chavanne (née en 1968)
Robes portées par Catherine Deneuve et Fanny Ardant dans Huit femmes de François Ozon, 2001

Les costumes de ce film sont inspirés des films hollywoodiens des années 1950, notamment ceux en Technicolor Douglas Sirk et d'Alfred Hitchcock. «L'allure de Catherine Deneuve est inspirée des mélodrames de Lana Turner, celle de Firmine Richard du personnage de la domestique du Mirage de la vie, Danielle Darrieux du personnage de la belle-mère de Madame X, souveraine absolue. Pour Fanny Ardant, nous nous sommes inspirés d'Ava Gardner dans La Comtesse aux pieds nus et de Cyd Charisse dans Tous en scène. »

Ellen Mirojnick (née en 1949)
Robe, veste et escarpins portés par Sharon Stone dans Basic Instinct de Paul Verhoeven, 1992 Picture Costume Design: Larry McQueen,
Laine, soie, cuir The Collection of Motion Los Angeles, 200

Romancière et diplômée de psychologie, Catherine Tramell est soupçonnée de meurtre et d'instrumentaliser le détective chargé de l'enquête. Belle, sexy et riche, partageant sa vie avec une autre femme, elle est une incarnation de la femme fatale: un être séduisant et machiavélique, vivant pour  son propre plaisir et conduisant les hommes à leur perte. Dans la célèbre scène d'interrogatoire, elle porte cette robe sans sous-vêtement. Croisant et décroisant les jambes, elle déstabilise aussi bien l'équipe policière, masculine, que les spectateurs du film. Cet ensemble sur mesure - très classique mis à part la longueur de la robe - est composé d'une robe droite courte sans manches et d'une veste assortie. Il est, avec la tenue disco cuivrée portée par l'actrice dans la boîte de nuit, la seule pièce de sa garde-robe conçue spécialement pour le film.

Gabrielle Chanel, dite Coco Chanel (1883-1971)
Robe identique à celle portée par Delphine Seyrig dans L'Année dernière à Marienbad d'Alain Resnais, 1962
Cette robe longue tout en fluidité et délicatesse, avec effet cape sur le long des bras, a été réalisée à la demande d'une cliente de Coco Chanel, marquée par L'Année dernière à Marienbad d'Alain Resnais (1960). Se déplaçant comme une diva du muet dans des poses alanguies, le personnage de Delphine Seyrig se dérobe aux allégations et aux avances de plus en plus appuyées du narrateur séducteur dans l'immensité glaçante et désertique d'un palace. Chanel habille l'actrice de pièces haute couture symboles d'une élégance distante, en totale harmonie avec le monde créé par Resnais et Alain Robbe-Grillet (auteur du scénario).
Karl Lagerfeld (1933-2019) pour CHANEL
Tailleur ivoire gansé marine et blanc avec blouse marine, sautoirs de perles et chaussures bicolores, portés par Audrey Tautou dans Coco avant Chanel d'Anne Fontaine, 2009

Porté par Audrey Tautou dans la scène où la couturière assiste pensive à son défilé dans l'escalier mythique de sa boutique rue Cambon, ce tailleur en tweed gansé est l'une des pièces les plus iconiques de la couturière.
Après la réouverture de sa maison en 1954, Chanel crée un vêtement à contre-courant, pouvant convenir aussi bien pour la journée que le soir, et dont le confort est inspiré du vestiaire masculin. Cet ensemble est composé d'une veste à double boutonnage et d'une jupe étroite s'arrêtant au niveau des genoux. Avec les sautoirs de perles et le sac matelassé à chaîne dorée, les chaussures bicolores font partie du nouveau style Chanel des années 1950.

Jean Paul Gaultier
Biker en cuir, manche en plumes recréant un coq Collection 50 ans de mode, haute couture printemps-été 2020.
 Ce coq en plumes a d'abord été montré sur un manteau au défilé couture Les Surréalistes (automne-hiver 2006) avant d'être porté sur un biker par Tanel Bedrossiantz en 2020.

"Tanel est vraiment un cas à part dans ma carrière. Dans la vie et sur le catwalk, il a une allure masculine, mais assume une certaine ambiguité. Fan avant l'heure de tous les top models, il fut ma muse des 1985 our il a défilé pour la collection Joli Monsieur, et il restera à jamais inégalé. C'est lui l'homme-objet (avec en plus un cerveau!) » Jean Paul Gaultier

Just Jaeckin (né en 1940)
Brigitte Bardot à moto, vers 1960
Tirage d'exposition, 2021 © Just Jaeckin
 "Belle, incroyable, égoïste, menteuse, amorale, impudique, indécente" : ce sont les reproches lancés par Samy Frey qui joue son amant dans La Vérité de Henri-Georges Clouzot. A l'image de cette femme sincère mais entravée par les valeurs traditionnelles, Brigitte Bardot, star internationale accusée d'outrages aux bonnes mœurs, subit beaucoup d'hostilité en France. L'actrice invente dès les années 1950 une mode à base de liberté et de jeunesse. Pieds nus ou chaussés de ballerines plates, vêtue de pantalons corsaires couleur pastel, les lèvres boudeuses, la diction trainante et les cheveux remontés en "choucroute", faussement négligée, elle incarne toujours à l'écran des héroïnes marquées par l'innocence, l'instinct et l'indifférence. Elle arbore un look plus rebelle à la fin des années 1960: mini-jupe en cuir, cuissardes, ceinturon mais aussi parce qu'elle sse l'approprie en chantant Harley Davidson de Serge Gainsbourg, en 1967. Ce look sera, lui aussi, maintes fois copié.
Pierre Cardin (1922-2020)
Robe similaire à celle portée par Jeanne Moreau dans La mariée était en noir de François Truffaut, 1968

Julie Kohler abat cinq hommes de sang-froid pour se venger de la mort de son époux. L'actrice revêt à chacun de ses crimes une tenue différente dessinée par Pierre Cardin, avec qui elle entretient au début des années 1960 une relation intense et fortement médiatisée. Le couturier l'habille entre autres pour La Nuit (Michelangelo Antonioni, 1961), Eva (Joseph Losey, 1962) et La Baie des Anges (Jacques Demy, 1963).

TRANSGRESSIONS
Dès les années 1930, des stars hollywoodiennes comme Marlene Dietrich ou Katharine Hepburn affirment leur androgynie par le port de vêtements - pantalon, smoking - d'ordinaire réservés au vestiaire masculin. Aussi bien dans la vie que dans les rôles qu'elles choisissent, ces pionnières bousculent les codes pour faire valoir la liberté de s'habiller comme elles le veulent. Minoritaires dans la société de l'époque qui réfute l'ambiguïté, elles ouvrent une nouvelle voie esthétique et morale, prônant déjà l'égalité des sexes. Il faudra attendre plusieurs décennies pour que ces transgressions
deviennent moins confidentielles. Les années 1970 popularisent le scandale, avec des héros de cinéma travestis à la sexualité outrancière (The Rocky Horror Picture Show, 1975). L'underground devient plus visible, mettant au placard la bienséance, comme l'affichera Querelle de Rainer W. Fassbinder (1982), et ses marins à la beauté phallique.

Marqué par cet homo-érotisme subversif, Jean Paul Gaultier fera de la marinière l'emblème de L'Homme-Objet, son premier défilé prêt-à-porter masculin, en 1983. Revisitée et dénudée dans le dos (caractéristique habituellement associée à la féminité), la marinière deviendra le symbole de sa marque. Cette inversion des genres, Gaultier l'exprime dans ses défilés, mais aussi dans les films dont il est le costumier, en particulier ceux de Pedro Almodóvar. Les deux "enfants terribles" partagent une vision du monde colorée, impertinente et sans préjugés. Avec une prédilection pour des corps différents.

Jean Paul Gaultier
Robe débardeur brodée à l'effigie de Louise Brooks
Collection 50 ans de mode, haute couture printemps-été 2020, 

Jean Paul Gaultier rend hommage à Louise Brooks, figure de femme libre et rebelle. Son refus du moindre compromis, dans sa vie et sur les tournages, explique sa carrière météorique comme actrice au cinéma. Sa coiffure unique déclencha une nouvelle mode imitée internationalement par les garçonnes et encore influente dans les années 1930.

Femmes transgressives dans l'Amérique de la censure
Mystérieuse et indomptable, Marlene Dietrich est l'incarnation parfaite de la femme fatale. Elle joue aussi sur une ambiguïté sexuelle, notamment dans les films qu'elle tourne avec Josef von Sternberg. Sa garde-robe comporte de nombreuses tenues et accessoires androgynes, portés à la ville comme à l'écran.


Quelques années avant le renforcement de la censure hollywoodienne, connue sous le nom de « code Hays (1934), les rôles de femmes plus affranchies et les allusions à l'homosexualité étaient relativement récurrents. Marlene Dietrich, mais aussi Greta Garbo et Katharine Hepburn ont, chacune à leur manière, usé des atours masculins pour brouiller la notion de genre et exprimer des désirs d'émancipation en rupture avec l'ordre social. Leur qualité d'êtres exceptionnels leur a permis d'afficher le port du pantalon - la révolution vestimentaire la plus significative de la mode féminine du 20e siècle - encore difficile voire interdit pour les femmes à cette époque.

Tenue militaire de Marlene Dietrich
Veste, pantalon, cravate, béret et bottes de contrat, vers 1940-1949

Dans les années 1930, Dietrich porte quelques fois l'uniforme à lécran, notamment dans La Maison des sept péchés de Tay Games. Pendant la guerre, l'actrice revet des uniformes militaires et se met au service de l'USO (United Service Organization) pour soutenir les soldats. La star fait ainsi preuve dengagement, à l'instar de beaucoup de ses personnages, mais aussi d'un sens de la camaraderie, dont le port de ce vêtement est le symbole.
Auteur inconnu
Photographie de plateau de Le Droit d'aimer (The Single Standard) de John S. Robertson, 1929
Avec Greta Garbo

Femme moderne, Arden Stuart pense qu'une même norme ( a single standard du titre en v.o.) devrait s'appliquer aux deux sexes. Portant le pantalon et conduisant elle-même sa voiture, elle recherche un équilibre entre la liberté, l'amour et l'honnêteté,
Raymond Cauchetier (1920-2021)
Photographies de plateau de À bout de souffle de Jean-Luc Godard, 1960

Marlon Brando
Georges Pierre (1921-2003)
Photographies de plateau et de tournage de Je t'aime moi non plus de Serge Gainsbourg, 1975

Georges Pierre (1921-2003)
Photographie de plateau de Tenue de soirée de Bertrand Blier, 1986

Béatrice Dalle 

Affiche 37°2

Auteur inconnu
Photographie de plateau de
Recherche Susan désespérément (Desperately Seeking Susan) de Susan Seidelman, 1985
Sandy Powell (née en 1960)
Costume porté par Tilda Swinton dans Orlando de Sally Potter, 1992
Velours, perles, cuir The Collection of Motion Picture Costume Design: Larry McQuee Los Angeles, 342

Adaptation du roman éponyme de Virginia Woolf (1928), le film met en scène un noble androgyne du 16e siècle qui traverse sans vieillir quatre siècles, Se transformant soudainement en femme au 18ème, le personnage refléte les rapports entre les sexes dans les sociétés anglaises de ces différentes époques, La créatrice de costumes Sandy Powell a reçu de nombreuses nominations pour ce film. L'actrice Tilda Swinton est par ailleurs connue pour porter sur les tapis rouges les créations les plus avant-gardistes de couturiers contemporains.

Gloria Gresham (née en 1946)
Costume porté par George Hamilton dans La Grande Zorro (Zorro the Gay Blade) de Peter Medak, 1981
Brocart, spandex, cuir et plumes d'autruche The Collection of Motion Picture Costume Design: Larry McQueen, Los Angeles, 085

Ce film est une version camp du personnage de Zorro, alias Don Diego de la Vega, aristocrate hispano-californien courageux du 19ème siècle, George Hamilton y interprète à la fois le justicier masqué, Don Diego Vega (sic), et son frère jumeau gay, Bunny Wigglesworth, qui doit se faire passer pour le chevalier masqué lorsque Don Diego est blessé. Gloria Gresham, costumière prolifique des années 1980 et 1990, est restée proche du look originel du personnage de Zorro existant depuis 1919.

Jean Paul Gaultier et Pedro Almodóvar

Le couturier et le réalisateur partagent plusieurs intérêts communs: la culture pop et alternative, l'excès de couleurs, la rue comme source d'inspiration, et la transsexualité, qu'ils rendent tous deux visibles, l'un dans ses défilés, l'autre dans ses films.

Admiratifs l'un de l'autre dès la fin des années 80, ils travaillent ensemble à trois reprises : pour Kika en 1993, La Mauvaise éducation en 2003 et La piel que habito en 2011. À chaque fois, les costumes spectaculaires créés par Jean Paul Gaultier imprègnent tout l'univers de la fiction et la transcendent pour en faire de véritables fétiches iconiques.

"Avec Jean Paul, nous utilisons la sexualité d'une façon qui peut sembler scandaleuse, et on nous a tous deux qualifiés d'enfants terribles; pourtant lui comme moi sommes des personnes très innocentes : il n'y a rien de trouble ni de malsain dans la manière dont le sexe apparaît dans notre travail respectif. Tout est une question de naturel, d'absence de préjugés. Et de sens de l'humour. "
Pedro Almodóvar

Diego López Calvín (né en 1965)
Gael García Bernal dans La Mauvaise éducation (La mala educación), 2004

Gilbert Adrian, dit Adrian (1903-1959)
Robe et collier portés par Greta Garbo dans La Reine Christine (Queen Christina) de Rouben Mamoulian, 1933

Le film met en scène Christine de Suede. Reine élevée au 17 siècle comme un garçon, son refus du mariage et de la maternité lui a coûté le trône. Sa bisexualité notoire a été coupée du récit par les studios, mais travaillée de concert par Greta Garbo et Adrian à travers les costumes.

Cette robe de cour, qui évoque une armure, a été un cauchemar de production: outre son prix exorbitant de fabrication, son poids d'environ 30 kg et la chaleur qui s'en dégageait donnaient à l'actrice des maux de tête. Le bruit de la robe trainant sur le sol empêchait quiconque de parler pendant ses déplacements, et la lumière réfléchie par la broderie causait des problemes d'éclairage.

Maidele Bickel (1937-2016)
Rube portée par Isabelle Adjani
dans La Reine Margot de Patrice Chéreau, 1994

METAL HURLANT
Récurrent dans les films historiques, le métal est l'apanage des guerriers et des guerrières, dont la plus célèbre icône, Jeanne d'Arc, a été tour à tour interprétée par Jean Seberg, Sandrine Bonnaire ou Milla Jovovich. En 1968, c'est Jane Fonda qui, sous les traits de l'aventurière Barbarella, revêt une tunique psychédélique en métal, spécialement créée par Paco Rabanne. Deux ans auparavant, le styliste a fait sensation en présentant sur les podiums parisiens "12 robes importables" en rhodoïd et acier fabriquées au chalumeau.

La mode des années 1960 est révolutionnaire. C'est l'époque du Space Age, que représentent des couturiers visionnaires comme Pierre Cardin et André Courrèges. Acclamés pour leurs collections de prêt-à-porter futuristes, ils expérimentent de nouvelles formes ou matières tout en dialoguant avec la science, le design et le cinéma : Blow-Up (Michelangelo Antonioni, 1966) ou Orange mécanique (Stanley Kubrick, 1971) accompagnent ce mouvement utopique.

Agitateur d'images exubérantes dans ce monde sixties en mutation, le photographe William Klein réalise en 1966 son premier long-métrage, Qui êtes-vous Polly Maggoo ?. Satire poétique du monde des médias et de la couture, le film s'ouvre sur une scène de défilé de robes métal, hurlant, grinçant, délirant. Vingt ans plus tard, William Klein filmera Jean Paul Gaultier backstage dans son documentaire Mode in France. L'occasion d'un hommage aux couturiers des années 1980 qui, émancipés de leurs aînés, ont réussi à faire de la mode un spectacle.

Danilo Donati (1926-2001)
Plastron et couronne portés dans Satyricon de Federico Fellini, 1969

"Le Satyricon fut un grand choc esthétique : fresque éblouissante, fantasmagorique, avec des costumes et décors grandioses, illustrant et réinventant la Rome antique. Le film a également réveillé ma libido. Ainsi, la scène troublante du ménage à trois : Ascylte et Encolpe, les deux héros complices sexuellement et aventureux, avec une esclave nubienne. Je me souviens encore parfaitement de l'apparition du personnage interprété par Donyale Luna, célèbre mannequin gigantesque, noire aux yeux bleus, portant une sublime tenue de mousseline, voilée de noir, cuirassée et bijoutée d'or! " Jean Paul Gaultier

Jean Paul Gaultier
Robe longue en mousse
de gris et body plaston metallique
Jean Paul Gaultier
Ensembles inspirés de Satyricon de Federico Fellini

Chemise, pantalon et veste de costume en coton, corset en métal, couronne en métal avec voile en mousseline noire Collection 50 ans de mode, haute couture printemps-été 2020

Chemise et pantalon en coton, corset en métal Collection 50 ans de mode, haute couture printemps-été 2020

Paco Rabanne (né en 1934)
Combinaison-pantalon à bretelle et coiffe sculpture

Jean Paul Gaultier
Ensemble inspiré d'Orange mécanique (A Clockwork Orange) de Stanley Kubrick, 1970


Les Sixties : une mode révolutionnaire

Les couturiers du Swinging London créent un prêt-à-porter plus libre à coups de mini-jupes, tandis que les mannequins Twiggy et Jean Shrimpton ainsi que des photographes tels que David Bailey deviennent des idoles comparables à des rock stars.

En France, Yves Saint Laurent ouvre sa boutique de prêt à-porter rive gauche. Les vêtements s'adressent désormais à la génération du baby-boom, alliant modernité et jeunesse. Empreinte des revendications égalitaires de cette époque, la mode unisexe propose alors un rapprochement radical des apparences masculine et féminine.

Dès 1962, André Courrèges crée ainsi des pantalons pour femmes pouvant être portés en journée dans la rue. Pierre Cardin dessine des modèles pour les deux sexes reposant sur une même souplesse et originalité : « Le travail des matières textiles m'a permis d'inventer une silhouette du futur, en tenant compte de la femme qui travaille », dira-t-il. En 1970, Jean Paul Gaultier fait ses premières classes auprès de ce couturier, disparu en 2020. Héraut d'une mode plus libre, Cardin a embrassé toutes les disciplines et inventé le prototype du créateur-vedette, que les décennies suivantes sacraliseront.

Pierre Cardin (1922-2020)
Robe Cardine et chapeau, 1968
Fibres synthétiques moulées Dynel et vinyle noir 

La robe Cardine est typique des vêtements structurés et du travail sur les tissus que Pierre Cardin expérimente à partir de la fin des années 1950. La fibre synthétique, chauffée à haute température, est coulée dans un moule pour être travaillée en 3D. L'actrice Lauren Bacall, qui anime un show consacré à la haute couture sur la chaîne de télévision américaine CBS en 1968, est l'une des premières à porter la Cardine.

Anaïs Romand (née en 1956)
Robes Mondrian conçues pour Saint Laurent de Bertrand Bonello, 2014
Jersey peint, fermeture éclair au dos

Ces deux robes sont des copies de la célèbre collection automne-hiver 1965 d'Yves Saint Laurent, rendant hommage au peintre abstrait Piet Mondrian. Dans la robe originale (droite et simple, laissant apparaître les genoux), les pièces de jersey de laine, travaillées en incrustations, ne laissaient apparaître aucune couture, tandis que ces costumes créés pour l'écran sont constitués d'une seule pièce de tissu peinte de différentes couleurs. "La robe Mondrian est une pièce de tissu entièrement peinte en trompe l'œil sur une coupe et une matière juste. Elle était impossible à reproduire, parce que faite dans un jersey de la maison Racine qui n'existe plus. " Anaïs Romand

Pierre Cardin (1922-2020)
Robe à incrustation cible, 1966
Fibranne

Pierre Cardin, au faîte de sa gloire dans les années 1960 70, est connu notamment pour ses vêtements futuristes. Cette robe, iconique avec ses formes géométriques, est une réédition commercialisée par le Printemps boulevard Haussmann en 1966. Pionnier du prêt-à-porter qu'il lance dès 1959, Cardin s'était à l'époque attiré les critiques de ses pairs en ouvrant un corner dans un grand magasin.

André Courrèges (1923-2016)
Tailleur deux pièces, chapeau et bottes montantes
Collection haute couture printemps-été 1965
Laine, paille, cuir

André Courrèges élabore un vestiaire fonctionnel, adapté à un nouveau mode de vie. Il simplifie les vêtements à outrance, notamment les pinces de poitrine et d'omoplates, pour ne garder que les coupures indispensables. La célèbre collection de 1955, constituée de mini-robes au-dessus des genoux, portées sans talon, est à cet égard visionnaire. La prédominance de la couleur blanche renvoie aux tenues immaculées des combinaisons spatiales et met fortement en avant les couleurs, sous forme de rayures.

Mode in Klein

Jean Paul Gaultier et William Klein se croisent en 1985 sur le tournage du documentaire Mode in France. Klein pratique alors la mode depuis une trentaine d'années, d'abord en tant que photographe pour Vogue aux États-Unis et à Paris, puis en tant que réalisateur avec Qui êtes-vous Polly Maggoo?, son premier long-métrage sorti en 1966, entièrement dédié à la mode et à la société du spectacle, alors naissante. Le fameux catwalk des défilés et leurs backstages figurent parmi les postes d'observation favoris de Klein. De là, il fait le récit cacophonique et jouissif d'une mode excessive, aussi géniale que ridicule. De ses séries photographiques à son œuvre cinématographique, qu'elle soit fictionnelle ou documentaire, Klein s'ingénie à provoquer la rencontre entre deux mondes qui, jusqu'à présent, ne se regardaient que de loin : la mode et la rue. Il fait de ses mannequins des passantes parmi la foule romaine et n'hésite pas à perdre son héroïne Polly Maggoo dans des boulevards parisiens surchargés. L'irrévérence de Klein rejoint celle de Jean Paul Gaultier, et touche au cœur une industrie de la mode qui n'a pas fini de vouloir conquérir la rue, sans vouloir trop s'y frotter.
William Klein (né en 1928)
Coulisse du film Qui êtes-vous Polly Maggoo? de William Klein, 1966


DÉFILÉS 
Célébration ultime de la mode, je moment du défilé est un incontournable de la plupart des films dont l'intrigue se déroule au sein de la haute couture. Il n'est pas inhabituel que la narration du film soit momentanément suspendue pour montrer un défilé dans toute sa splendeur. L'un des plus mémorables apparaît en CinemaScope dans The Women (George Cukor, 1940), pause émerveillée en couleurs dans un film encore en noir et blanc.

D'abord exclusivement sur rendez-vous, le défilé de mode se met en scène dans des salons à l'ambiance luxueuse. Les mannequins y prennent la pose, décrivant parfois elles mêmes leurs tenues, avant de déambuler sur des podiums, le plus souvent rectilignes. Les fictions se sont très vite emparées de tous ses à-côtés : les essayages en backstage, la presse, le public, notamment celui placé aux premiers rangs, composés de clients, journalistes, photographes et célébrités. De Funny Face (Stanley Donen, 1957) au Diable s'habille en Prada (David Frankel, 2006) en passant par Absolument Fabuleux (Gabriel Aghion, 2001), les rédactrices en chef et les riches clientes incarnent avec humour les rapports de pouvoir du fashion world.

Dans les années 1980, Jean Paul Gaultier, mais aussi Thierry Mugler ou Vivienne Westwood font du défilé de mode un spectacle à part entière. La scénographie, l'orchestration sonore et l'attitude des mannequins - qui semblent interpréter un scénario en une seule prise - font alors du défilé l'aboutisse ment d'une création collective similaire à celle du cinéma.

Christian Dior (1905-1957)
Tailleur Bar
Collection printemps-été 1947 (répétition de 2012) Tailleur d'après-midi, veste en shantung naturel, jupe corolle en laine plissée Christian Dior Couture, Paris
Appartenant à la ligne Corolle (jupe ample, taille marquée) du défilé haute couture de février 1947, le tailleur Bar se compose d'une jaquette à basques arrondies et d'une jupe plissée noire évasée.
Les collections de Christian Dior possèdent tout le glamour nécessaire aux stars du grand écran et font d'elles des silhouettes ultra-féminines et hors du commun. Elles influencent fortement le cinéma de la décennie suivante, aussi bien en Europe (Mannequins de Paris d'André Hunebelle, 1956) qu'aux États-Unis (Comment épouser un millionnaire de Jean Negulesco), deux films pour lesquels les créateurs de costumes réalisent des còpies. Tandis que de vrais défilés de créations Dior intègrent les intrigues des Hommes épousent les brunes (Richard Sale, 1955) et de La Fille de l'ambassadeur (Norman Krasna, 1956).

Edith Head (1897-1981)

Robe de cocktail portée par Grace Kelly dans Fenêtre sur cour (Rear Window) d'Alfred Hitchcock, 1954
Organza, soie

Grace Kelly interprète une riche mannequin et éditrice de mode new-yorkaise. Actrice à la beauté sophistiquée et au comportement posé, contrastant avec les vamps alors en vogue à Hollywood, Grace Kelly était l'une des comédiennes préférées d'Hitchcock. Edith Head, devenue la créatrice de costumes attitrée du réalisateur à Universal, a adapté pour elle le style New Look créé par Christian Dior, où la silhouette des femmes, à nouveau très contrôlée, permet d'exprimer une féminité ostensiblement traditionnelle.

Sa première apparition dans le film en jupe cintrée de tulle blanc brodé est d'une très grande élégance et d'un érotisme retenu, de même que cette robe à jupe plissée très en-dessous du genou. Tous les costumes de l'actrice qui « défile » à l'écran sont d'autant plus importants que l'action du film se déroule presque exclusivement en huis clos.

Jean Paul Gaultier Robe de mariée
Collection Le Couple Adam et Ève, rastas d'aujourd'hui, prêt-à-porter Homme Femme printemps-été 1991 Tulle ivoire
Jean Paul Gaultier, Paris

Cette robe, dont la traîne façon  "rideau vénitien" fait 25 mètres de long, est visible dans la scène de défilé d'Absolument fabuleux de Gabriel Aghion (2001).

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