samedi 2 octobre 2021

Augustin Rouart, la peinture en héritage au Petit-Palais en juin 2021

Une exposition sur une famille de collectionneurs et de peintres dont voici la présentation :

À l'occasion de la donation d'une dizaine d'œuvres issues de la famille Rouart, grâce à la générosité de Jean-Marie Rouart, de l'Académie française, le Petit Palais propose, au sein de ses collections permanentes, un accrochage dédié à cette illustre dynastie d'artistes et de collectionneurs. Outre les pièces de la donation, la présentation s'enrichit d'une quinzaine de prêts, ainsi que d'un dialogue avec des tableaux du musée liés à cette famille.

LA "CONSTELLATION" ROUART

Henri Rouart a été une personnalité culturelle majeure de la fin du xixe et du début du xxe siècle : éminent industriel, peintre, mais surtout collectionneur passionné et éclairé, il contribua à la reconnaissance de nombreux artistes, en particulier les impressionnistes. Autour de lui gravite une « constellation » artistique : peintres, écrivains, musiciens, critiques d'art.

Henri et son frère Alexis sont particulièrement proches d'Edgar Degas, avec lequel ils avaient effectué leurs études secondaires. Henri le retrouve dans le contexte du siège de Paris, en 1870, et leur amitié se poursuit jusqu'à sa mort. Le troisième fils d'Henri, Ernest, seul élève de Degas, épouse Julie Manet, la fille de Berthe Morisot et d'Eugène Manet, frère du peintre. A la mort précoce de ses parents, Julie peut compter sur le dévouement de son parrain, Auguste Renoir, qui la représente à plusieurs reprises. Julie est aussi très liée avec ses cousines Paule et Jeannie Gobillard. Cette dernière épouse l'écrivain Paul Valéry, qui devient l'une des figures emblématiques du clan.

Un autre fils d'Henri, Louis, épouse Christine Lerolle, fille du peintre Henry Lerolle. La jeune femme évolue dès sa jeunesse dans un cercle culturel en pleine ébullition où se côtoient peintres, écrivains et musiciens des mouvances impressionniste et symboliste. Représentée par Renoir avec sa soeur Yvonne dans le célèbre tableau des Jeunes filles au piano, Christine compta aussi parmi les muses du peintre Maurice Denis, qui fut son témoin de mariage.

Le Salon atelier de la rue de Lisbonne, Henri Rouart 1884

Henri Rouart s'installe en 1871 dans son hôtel particulier de la rue de Lisbonne, dans le 8e arrondissement de Paris. Ce dernier devient l'écrin de sa prestigieuse collection d'art ancien et moderne, comprenant des peintures, des sculptures, des dessins, mais également des antiquités. Véritable sanctuaire de l'amateur, le « salon-atelier » est fidèle au goût du XIXe siècle : le principe d'accumulation des œuvres y règne en maître. La vente de ce prestigieux ensemble, en décembre 1912, à la galerie Manzi-Joyant, après la mort d'Henri, fut un événement marquant de la vie culturelle.

Bateaux sur la Seine aux environs de Rouen, Henri Rouart 1880

Si Le Salon-atelier de la rue de Lisbonne permet d'évoquer le goût du collectionneur, cette toile se rattache à une autre facette d' Henri Rouart, celle du peintre le sujet centré sur la modernité industrielle et le traitement atmosphérique témoignent de la perméabilité de l'artiste à l'esthétique impressionniste, en particulier aux toiles produites à Rouen par Camille Pissarro. Ce tableau a appartenu à Edgar Degas, grand ami d' Henri Rouart et l'un des familiers de son hôtel particulier.

Madame Alexis Rouart et ses enfants 
Edgar Degas 1905

Degas était très lié avec Henri Rouart, duquel il réalisa pas moins de huit portraits. Il appréciait également beaucoup son fils aîné Alexis, dont il représenta à plusieurs reprises la femme, née Valentine Lamour (1875 1940). Sur ce pastel frappant par son âpreté et son coloris violent, Degas saisit sur le vif une scène familière : Mme Rouart console sa fille Hélène suite à une brouille l'ayant visiblement opposée à sa soeur Madeleine, assise sur une chaise et leur tournant le dos. Dérogeant à la passion familiale pour la peinture, Alexis Rouart s'illustra dans une carrière musicale, contribuant, par son activité d'éditeur, à la promotion des compositeurs modernes comme au renouveau de la musique folklorique et de la Renaissance.

Jeune fille au décolleté, la fleur aux cheveux, Berthe Morisot 1893

Berthe Morisot fut la seule femme peintre qui participa, chez Nadar, à la première exposition impressionniste, en 1874. La même année, elle épousa Eugène Manet, frère du peintre. Ce tableau met en scène l'un de ses modèles récurrents, une jeune fille prénommée Marthe. Après la mort de son époux (1892), Berthe Morisot délaisse progressivement la peinture de plein air pour le travail d'après le modèle, dans l'atelier aménagé dans son appartement de la rue Weber. La touche libre et vigoureuse et la fraîcheur de ton rattachent indéniablement l'œuvre à l'esthétique impressionniste. La toile fut donnée au musée par Julie Manet, fille de Berthe Morisot, et son époux Ernest Rouart.

Étude de jeunes filles courant
Berthe Morisot 1884

Berthe Morisot a représenté sa fille Julie occupée à des travaux de couture avec sa nurse Pasie. Cette sanguine peut être mise en rapport avec un tableau conservé à Minneapolis, La Leçon de couture (1884), où l'on retrouve les deux jeunes filles dans la même pose, mais dans un cadrage différent. Berthe Morisot attachait une grande importance à l'art du dessin, comme en témoigne la maîtrise de cette feuille à la sanguine, où quelques traits suffisent à l'artiste pour déterminer les formes et les volumes.

Portrait de Berthe Morisot et sa fille 
Auguste Renoir 1894

Auguste Renoir était très proche de Berthe Morisot, et il fut, avec Mallarmé, le tuteur de sa fille Julie. Cette dernière épousa, le 31 mai 1900, le troisième fils Henri Rouart, Ernest, élève d'Edgar Degas. Sur le pastel, Julie pose aux côtés de sa mère, prématurément vieillie par le chagrin, suite au décès de son époux Eugène Manet, en 1892, et peu de temps avant sa propre mort (1895). Si Berthe semble plongée dans ses pensées, Julie fixe le spectateur de ses grands yeux mélancoliques : Renoir a su saisir la détresse intérieure de la jeune fille bientôt orpheline.

Madame Paul Valéry et son fils Claude, Paule Gobillard, 1910

Paule Gobillard était la cousine de Julie Manet. Sa sœur Jeannie épousa, le 31 mai 1900, l'écrivain Paul Valéry ; le même jour, Julie se mariait avec Ernest Rouart. Ce double mariage témoigne des liens très étroits qui unissaient les deux cousines, précocement éprouvées par le deuil de leurs parents respectifs. Restée célibataire, Paule vécut la plupart du temps avec sa sœur et son beau-frère. Élève de Berthe Morisot et de Renoir, elle fut une brillante pastelliste et se plut à représenter ses proches, comme en témoigne cette toile saisissant sa sœur Jeannie et son neveu Claude dans un moment d'intimité.

Portrait de Paul Valéry 
Ernest Rouart, non daté 

Troisième fils d' Henri Rouart, Ernest renonça à une carrière d'ingénieur pour se lancer dans la peinture. Il eut le privilège d'être le seul élève d'Edgar Degas, qui lui enseigna les bases du dessin et de la peinture. Comme sa belle mère Berthe Morisot et son épouse Julie Manet, il aimait peindre ses proches. Très lié avec Ernest, Paul Valéry entra dans la « constellation » Rouart par son mariage avec Jeannie Gobillard, cousine de Julie Manet. L'écrivain et poète admirait profondément Henri Rouart « Je vénérais en M. Rouart la plénitude d'une carrière dans laquelle toutes les vertus du caractère et de l'esprit se trouvaient composées. »


Christine Lerolle cueillant des fleurs 
Maurice Denis 1902

Cadeau de mariage de Maurice Denis à Christine Lerolle, ce pastel constitue un émouvant témoignage des liens unissant l'artiste nabi et les familles Rouart et Lerolle. Épouse de Louis Rouart - fils d'Henri Rouart - et fille d'Henry Lerolle, Christine évolue, dès sa jeunesse, dans un cercle culturel raffiné. Fondateur de la Société des ateliers d'art sacré en 1919 avec George Desvallières, Maurice Denis incite les fils d'Henri Rouart (Alexis, Ernest et Louis) à en devenir les premiers actionnaires. Particulièrement sensible au renouveau de l'art chrétien, Louis Rouart, initiateur des éditions L'Art catholique, sollicitera de son côté Maurice Denis pour des illustrations d'ouvrages.

Trois baigneuses, Cézanne 1882

Les premiers collectionneurs qui saisirent la portée de la révolution picturale de Cézanne furent des peintres. Matisse fit l'acquisition de cette toile dès 1899 chez Ambroise Vollard. Il en fit don plus tard au Petit Palais, afin de faire partager la force d'une oeuvre qu'il jugeait de première importance: « Elle m'a soutenu moralement dans des moments critiques de mon aventure d'artiste: j'y ai puisé ma foi et ma persévérance. »

Rochers et branches à Bibemus 
Cézanne 1899

Cézanne est souvent allé peindre dans les anciennes carrières de Bibémus situées au flanc de la montagne Sainte-Victoire. Dans cet endroit isolé, les reliefs géométriques des blocs de pierre qui s'opposent à la souplesse des formes végétales inspirèrent au peintre des compositions presque abstraites.

Le bain, Marie Cassat 1910

Cette grande composition témoigne de la fidélité de Mary Cassatt au mouvement impressionniste. La scène a pu être observée sur l'étang du château de Beaufresne où Mary Cassatt passa les dernières années de sa vie. Les peignoirs du couturier Paquin portés par les jeunes femmes offrent un élégant prétexte au jeu des couleurs. 
Le peintre a choisi un cadrage qui supprime le ciel. La barque est entièrement entourée par les reflets vert et bleu des feuillages sur l'eau. Le souvenir des estampes japonaises se devine dans le basculement de la perspective et la franche diagonale de la barque dont l'extrémité reste hors champ. Cette peinture est entrée du vivant de l'artiste dans les collections du Petit Palais.

Portrait de Melle Yvonne Robiquet
Georges Desvallières 1911

Sur le pont de Trichinopoly
Albert Besnard 1911

Baigneuses à Perros-Guirrec
Maurice Denis 1912

Jeune fille à la mouette 
Pierre Bonnard 1917

Intérieur, Henri Lerolle 1880

Père Christine Lerolle, Henry Lerolle était le grand-père d'Augustin Rouart et l'arrière-grand-père de Jean-Marie Rouart. Peintre de grands décors, il s'illustra également avec de petits tableaux de veine intimiste, à l'image de cet Intérieur. Héritière de la tradition hollandaise du XVIIe siècle, cette toile séduit par son atmosphère silencieuse, ses tonalités claires caractéristiques de Lerolle - et l'acuité de sa lumière. Le motif de la femme de profil se détachant à contre-jour devant une fenêtre mani-feste l'admiration du peintre pour Vermeer, dont l' œuvre avait été redécouverte dans les années 1860.

AUGUSTIN ROUART (1907-1997)

La majorité de la donation est consacrée à des oeuvres d'Augustin Rouart, petit-fils d'Henri, fils de Louis Rouart et Christine Lerolle, et père de Jean-Marie. Épris des maîtres de la Renaissance, notamment Dürer dont il reprend le monogramme, Augustin crée son propre style, combinant respect du réel, fascination pour la nature et goût pour le décoratif dans une synthèse profondément humaniste, comme son maître Maurice Denis.

Si la carrière d'Augustin s'est prolongée jusqu'aux années 1980, sa production la plus significative se concentre autour des années 1930-1940. Parmi les œuvres les plus emblématiques, Le Nageur et Le Petit pêcheur, tout en courbes, témoignent de sa perméabilité au style art déco ainsi qu'à l'univers des estampes japonaises, tandis que Lagrimas y penas, mettant en scène l'épouse du peintre - Juliette Rapin -, se distingue par ses qualités chromatiques, le traitement en aplats et l'étonnant raccourci de la figure couchée sur le ventre.

Augustin s'est également illustré dans le domaine du portrait, affirmant sa filiation avec le hiératisme de la Renaissance nordique, notamment Holbein. Ses natures mortes allient dépouillement formel dans la composition, précision du miniaturiste dans la description des différentes espèces et sen sualité de la couleur dans la restitution chromatique des pétales.

Adolescent sur la plage, 
Augustin Rouart 1973

Jean-Marie Rouart endormi 
Augustin Rouart 1946

Portrait de Jean-Marie Rouart à 5 ans, Augustin Rouart 1948

Paysage du Béarn par temps clair 
Augustin Rouart 1978

Coucher de soleil dans les nuages 
Augustin Rouart 1985

Métro dans la nuit 
Augustin Rouart 1947

La plage par temps gris
Augustin Rouart 1974

Maison dans les marais salants
Augustin Rouart 1976

Jonquilles et narcisses dans un bocal
Augustin Rouart 1954

Mimosa, Augustin Rouart 1945

Glaïeuls au livre rouge 
Augustin Rouart 1943

L'arbre sur la Seine 
Augustin Rouart 1945

Jonquilles livre et bronze 
Augustin Rouart 1982

Autoportrait aux lunettes 
Augustin Rouart 1980

Le Nageur, Augustin Rouart 1943

Le petit pêcheur 
Augustin Rouart 1943

Lagrimas y penas
Augustin Rouart 1943

Autoportrait au pinceau 
Augustin Rouart 1944


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