samedi 18 mai 2024

Artistes & Paysans, battre la campagne au musée des Abattoirs de Toulouse en mai 2024

De passage à Toulouse pour garder notre dernier petit fils, on profite de cette exposition sur "l'artgriculture" dans le Frac Les Abattoirs dont voici l'essentiel :

ARTISTES & PAYSANS
Battre la campagne
Cette exposition propose une exploration des
relations multiples entre les artistes et les paysans. Des artistes ont entrepris ces dernières années de s'extraire d'une représentation de la ruralité qui a pu confiner à l'image d'Épinal, pour en comprendre la réalité humaine, sociale, économique et environnementale. Ils et elles cherchent à mieux représenter celles et ceux qui sont à la fois au centre et en marge de la société, après avoir pendant des siècles constitué la majorité de la population française, et qui exercent aujourd'hui leur métier entre des injonctions contradictoires de productivité et de respect du vivant. Face au contexte de crises climatique et sociétales, l'un des principaux défis de notre temps est de repenser le rapport de l'humain au vivant, et de réfléchir aux répercussions de nos activités sur notre environnement - les sols, l'eau, l'air, le végétal, l'animal - et sur nos corps, notre alimentation et notre santé. À la croisée de ces enjeux, étant au début de la chaîne de la production alimentaire et sculptant nos paysages, les agriculteurs et les agricultrices occupent une place fondamentale. Pourtant, leur présence dans l'espace public comme dans l'histoire de l'art est loin de refléter l'importance de leur rôle.
À travers près de 150 œuvres, l'exposition creuse le sillon d'une histoire commune, depuis l'entrée du monde paysan au musée grâce aux peintres du XIXe siècle et son étude dans les musées d'Arts et Traditions populaires nouvellement créés au XXe siècle, puis les artistes pionniers des années 1970 pour qui l'acte de planter est une action artistique et politique, jusqu'à la création contemporaine.
Les artistes mettent en relief les réalités actuelles de la vie paysanne. Ils révèlent les visages, les corps, les récits derrière les individus, dont ils soulignent les existences fières et vulnérables forgées par le travail, et vécues en accord avec les fondamentaux que sont la famille et l'évolution d'un "métier-vie". Le parcours aborde les gestes et les savoir-faire, entre tradition et technicité. Il témoigne de la métamorphose des paysages, questionne l'histoire des semences, l'éloignement entre les lieux de production et de consommation. De la ferme à l'abattoir en passant par le pré, le champ et la stabulation, lieux oubliés de l'histoire de l'art, les artistes présents dans l'exposition, parfois eux-mêmes issus du monde rural, parfois eux- mêmes "artgriculteurs", appellent à reconnecter les pratiques artistiques et agricoles.
Dans ce musée qui fut lui-même un abattoir, chaque œuvre nous invite à réinvestir notre lien au vivant et aux mains qui nous nourrissent. Alors que le dialogue entre artistes et paysans semble à priori éloigné, ils partagent de manières différentes la même quête de vivre, d'exercer et d'habiter leur travail, de parfaire leurs gestes, de cultiver leur histoire, de faire œuvre. Toutes et tous cherchent à exister dans un monde en transformation, où "être à sa place" se révèle complexe mais vital.
L'exposition s'ancre également dans le territoire de la région Occitanie à travers un parcours d'une dizaine de projets hors des murs de l'institution affirmant "l'artgriculture" comme un mode possible de reconnexion avec le territoire.

Eliott et la vache 
Non identifié 

Fernand Léger
(1881, Argentan, France - 1955, Gif-sur-Yvette, France)
(d'après)
La Grande Fleur qui marche
Bronze, patine verte Florentine
Réalisation: Fonderie Tesconi, Pietrasanta (Italie)
Réalisation d'après la sculpture en terre cuite émaillée polychrome de Fernand Léger,
La Fleur qui marche, de 1952, conservée au Musée national Fernand Léger, Biot
Dépôt Haim Chanin Fine Arts Gallery New York aux Abattoirs, Musée - Frac Occitanie Toulouse
Tout au long de sa carrière, Fernand Léger a abordé différents domaines artistiques (peinture, céramique, architecture, poésie, etc.). Dès les années 1920 il promeut un art "hors cadre", un art qu'il fait descendre dans la rue. Pour lui, peintres, architectes et artisans doivent s'unir pour inscrire la création artistique dans la vie des hommes et de la cité. "J'établis les maquettes, les élèves les agrandissent, puis entrent en jeu les mosaïstes, céramistes,
verriers...".
La Grande Fleur qui marche est une version en bronze de l'une des premières sculptures qu'il créee, puisant dans le répertoire formel habituel de l'artiste. Transposition monumentale de ses œuvres en deux dimensions, la sculpture anime l'espace et invite à la rencontre, jouant sur la relation de l'œuvre avec l'espace urbain, les visiteurs, les passants, les oiseaux. Elle a été présentée à travers le monde entier, réalisant le rêve de Fernand Léger, celui d'un art vivant. "J'ai l'idée d'une haute sculpture polychrome, massive en diable, avec des formes comme des flammes, où le vent du large pourrait jouer. On la placerait au bord de la mer, des enfants pourraient passer, courir à travers, ou cracher dessus en douce... Pas un monument qu'on regarde, mais un objet utile et spectaculaire dans la vie, et surtout pas de gardien autour!". La Grande Fleur qui marche vient compléter un ensemble d'œuvres de l'artiste présentées dans les cours des Abattoirs ainsi que des céramiques émaillées et des tapisseries conservées dans les collections du musée

Fernand Léger
commentaire audio
Les Femmes au Perroquet, 1952
Bas-relief en bronze polychrome,
Edition de I/II
H 342 x 494 cm
Réalisé par la Fonderie Tesconi, Pietrasanta, Italie, d'après Les Femmes au perroquet, 1952. Collection particulière
Courtesy Galerie Haim Chanin Fine Arts

Photo de l'affiche de l'exposition 


LE MUSÉE PAYSAN
Quelle est la place des paysans dans l'histoire de l'art? Au XIXe
siècle, un intérêt nouveau pour la vie paysanne apparaît. Les peintres comme Jean-François Millet, Jules Breton, Léon Lhermitte et Rosa Bonheur prennent pour motif la figure du paysan et les sujets liés au monde rural, rapprochant l'agriculture de la modernité artistique. Leurs œuvres ont marqué durablement l'art occidental, au point de devenir au XXe siècle de véritables icônes populaires reproduites sur tous types d'objets. Si elles contribuent à forger une imagerie des paysans, la création de musées d'ethnographie au XXe siècle participe également de cette construction. L'exemple le plus important est la création par Georges Henri Rivière en 1937 du Musée national des Arts et Traditions populaires. Les collections, aujourd'hui conservées au Mucem (Marseille), rassemblent des milliers d'objets qui documentent la vie et l'artisanat dans les campagnes, alors transformés par le dépeuplement des zones rurales et l'industrialisation. Une partie d'entre eux provient d'enquêtes ethnographiques et de collectes qui célèbrent la reconnaissance de savoirs et de pratiques. L'intérêt populaire pour le monde paysan façonne une image d'Épinal d'autant plus aimée que celui-ci se transforme profondément avec l'industrialisation, l'urbanisation et l'exode rural.
Comment peut s'écrire le musée paysan aujourd'hui ? Les artistes tels que Agnès Varda, Sylvain Gouraud ou Hassan Musa revisitent cette iconographie qui a durablement marqué l'imaginaire collectif. Le film Les Glaneurs et la glaneuse (2000) d'Agnès Varda a offert un versant contemporain aux Glaneuses (1857) de Millet, dont la réalisatrice possédait des reproductions sur de nombreux objets populaires. Sylvain Gouraud, lui, filme les agriculteurs en visite au musée qui se réapproprient, face aux tableaux, leurs savoirs, leurs voix, leur histoire de l'art.

Jules Breton
(1827, Courrières - 1906, Paris)
Le Rappel des glaneuses, 1859
Huile sur toile
La Glaneuse
Collection musée d'Orsay, Paris /don de l'empereur Napoléon III au musée du Luxembourg en 1862
Jean Tuffery, jute,
Inv.: MI 289
Jules Breton est issu d'une famille de la bourgeoisie rurale du Pas-de-Calais. Après des études d'art et des participations au Salon, il retourne vivre dans sa ville natale en 1854 et consacre une grande partie de son œuvre à la vie paysanne, qu'il voit comme un monde où règnent l'humilité et le respect des traditions anciennes.
Le Rappel des glaneuses (1859) illustre chez Jules Breton la pratique du glanage, un droit coutumier hérité du Moyen Âge consistant à ramasser après la moisson les récoltes oubliées au sol. Appelé aussi "la part du pauvre", ce système a un intérêt politique et social dans une société très inégalitaire.
Breton idéalise ici la figure de la glaneuse : l'abondance de la récolte et l'attitude statuaire des femmes donnent à la scène une noblesse qui occulte la dureté du labeur et de leurs réalités sociales.
Par leur succès dès le XIXe siècle, ces représentations des glaneuses deviennent emblématiques et un motif récurrent de l'histoire de l'art de Jean-François Millet à Agnès Varda. Elles rappellent combien les artistes ont contribué à véhiculer une certaine image du monde paysan et de leurs valeurs, toujours présente dans l'imaginaire collectif.

Léon Lhermitte
(1844, Mont-Saint-Père - 1925, Paris)
La paye des moissonneurs, 1882
Huile sur toile
Collection musée d'Orsay, Paris / legs Alfred Chauchard
Inv.: RF 333
Surnommé "le peintre des paysans", Léon Lhermitte s'attache presque uniquement à la vie de campagne de la moitié du XIXe siècle au début du XXe siècle, s'inscrivant ainsi dans le sillage de peintres comme Jean-François Millet et Jules Breton mais proposant un style naturaliste qui lui est propre.
C'est dans son village natal, dans le nord-est de la France, que Lhermitte trouve ses sujets, qu'il traite avec dignité et sincérité, et l'inspiration de La paye des moissonneurs (1882). Il y dépeint toute la dureté du travail aux champs et la fatigue des paysans, principalement perceptible dans le regard et la position du personnage central. Le peintre montre aussi la relation entre l'exploitant et les employés paysans, rarement évoquée dans l'iconographie de la représentation agricole.
Il dévoile également un basculement important dans l'histoire de l'agriculture, mettant l'accent sur l'utilisation de la faux, au détriment de la faucille et de la sape, qui s'impose dans les pratiques en France à partir du milieu du XIXe siècle. Accroissant la rentabilité des moissons, elle entraîne à l'époque la hausse de la précarité des glaneurs et des glaneuses.

Jean-François Millet
(1814, Gruchy-1875, Barbizon)
Bergère avec son troupeau, vers 1863
Huile sur toile
Collection musée d'Orsay, Paris/legs Alfred Chauchard
À partir de la IIe République (1848-1851) les artistes manifestent un intérêt pour le monde rural et renouvellent la tradition de la représentation paysanne. Cette iconographie témoigne des bouleversements dans la société française.
Issu du milieu agricole et se définissant comme "[...] paysan, et rien qu'un paysan", Jean-François Millet peint des scènes de genre de la réalité rurale.
La Bergère avec son troupeau (1863) reflète chez Millet le rude travail de la terre dans une campagne ancestrale préservée de la révolution industrielle, et apporte une dimension religieuse en harmonie avec la nature, à l'instar de L'Angélus (1857-1859).
Habitées de figures humanistes souvent perçues comme des allégories politiques (Des Glaneuses (1857)), incarnant le prolétariat rural du XIXe siècle, ses oeuvres l'installent comme peintre des sujets paysans et peintre paysan. Millet ou encore Rosa Bonheur créent un nouveau langage visuel accompagnant la modernité et dont s'inspirent les artistes des générations suivantes comme Vincent Van Gogh.

Rosa Bonheur
(1822, Bordeaux - 1899, Thomery)
Trois bœufs roux au pâturage, 1899
Papier marouflé sur toile
Collection musée d'Orsay, Paris / don de Mme Anna Klumpke en 1900/ en dépôt au musée national du château de Fontainebleau
Entourée de sa propre ménagerie de bêtes sauvages et domestiques, la peintre Rosa Bonheur se démarque par sa préférence pour la représentation animalière, notamment des bovidés. L'animal est mis au premier plan, relayant la figure humaine en arrière-plan.
Trois bœufs roux au pâturage (1899), montrant trois positions différentes d'un boeuf, témoigne de la conscience qu'a Rosa Bonheur d'un monde naturel qui n'est pas figé, et de sa volonté de représenter le sujet dans son entière réalité. Le réalisme de ses toiles prend forme par une observation patiente, rigoureuse et respectueuse de la nature et des êtres vivants qui l'entourent. Elle peint avec précision les attitudes de chaque animal, en portant une attention particulière à leurs regards et expressivités.
Peintre à succès de son époque aussi bien en Europe qu'en Amérique du Nord, elle est considérée aujourd'hui comme pionnière dans l'émancipation des artistes femmes et également des pensées écoféministes, interrogeant l'hégémonie humaine sur la faune, au profit d'une cohabitation plus juste entre tous les vivants. Idéalisant parfois le monde rural, elle inscrit la paysannerie et l'animal comme un motif désormais central de l'histoire de l'art

Non identifiée

Ferruel & Guédon
Aurélie Ferruel: 1988, Mamers
/Florentine Guédon: 1990, Cholet
Culte, 2017
Tissu, coton, lin, peinture et bois Collection des artistes
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon sont un duo de sculptrices réunies par un appétit commun des rencontres, de l'amour de la matière et du faire.
Elles qualifient l'oeuvre Culte (2017), constituée de trois tentures cousues et de sculptures en bois, de "collection d'objets affectifs/agricoles" inhérents à leurs propres histoires.
L'installation renvoie aux trois dimensions du monde agricole - l'animal, le paysage et l'agriculteur - symbolisées par des outils, des silhouettes ou des vêtements. Tous forment une composition de symboles et de signes que les artistes accompagnent parfois d'une performance au cours de laquelle elles embrassent une à une les œuvres posées au sol, avec une gratitude personnelle, nourrie d'amour, de respect et de fierté.
Le duo rassemble les histoires qu'on leur raconte sur le terrain partagé des traditions et de l'art contemporain. Leur transmission, liée dans leur pratique à une observation des pratiques collectives et à leur réinvention, passe par l'activation d'une matière vivante et de la réappropriation des formes d'artisanat.

Henri Cueco
(1929, Uzerche - 2017, Paris)
Coucher de soleil, 1975
Acrylique sur toile non vernie Succession Cueco
Figure centrale du mouvement de la Figuration narrative apparu dans les années 1960, Henri Cueco est artiste et écrivain, mais aussi membre de la Coopérative des Malassis, actif dans l'éducation populaire.
Son oeuvre picturale est politique, engagée dans la contestation sociale, et aussi tournée vers les liens qu'entretiennent l'humain et le vivant. Persuadé du rôle social que l'artiste a à jouer dans la société, il s'applique notamment à la célébration des Herbes et des Paysages, entre 1977 et 1987. Il fonde en 1979, l'association Pays- Paysage dans son Limousin natal, pour inciter au dialogue entre agriculteurs, scientifiques, artistes et habitants. Les figures animales occupent une part importante de son œuvre, où évoluent chiens mais aussi cochons, serpents, tout un large bestiaire. Le mouton y est souvent présent et renvoie à une tradition de l'élevage ovin vieille de plusieurs millénaires, en particulier dans le Limousin. Il est le reflet de pratiques immuables, qui ne sont pas épargnées par les difficultés contemporaines.
Coucher de soleil (1975) représentant un troupeau de moutons dans les rayons orangés du soleil, interroge notre rapport à l'animal nous renvoyant à la longue histoire de la domestication et de la cohabitation humaine et animale

LES GRAINES DU CHANGEMENT
Dès les années 1970, l'artiste Lois Weinberger interroge la hiérarchisation du vivant en prenant pour médium les espèces végétales des zones de friche. Son travail fait écho à celui de Marinette Cueco qui collecte graines et végétaux, mettant en lumière leur force à la fois plastique et politique. Conscients de la nécessité de préserver la graine dans toute sa diversité, chacun propose une iconographie alternative loin des classifications traditionnelles de la botanique. Les artistes représentent l'hétérogéneité du monde végétal et le rôle fondamental des semences dans l'histoire humaine et agricole. Maria Thereza Alves et Daniel Otero Torres rappellent l'impact de l'histoire coloniale et du commerce sur la circulation des plantes. Aujourd'hui, comme le soulignent Jade Tang et Noémie Sauve, une poignée de variétés de graines sont autorisées et commercialisées : stériles, elles obligent les agriculteurs à en racheter chaque année de nouvelles, réduisant ainsi la palette des semences cultivées. Quelle est la place aujourd'hui des espèces non domestiquées et pourtant primordiales pour la biodiversité ? Ce sujet est au cœur des débats et des combats autour du brevetage et de la privatisation du vivant face aux multinationales de l'agro-industrie. Les graines "paysannes" (non cataloguées) font dès lors l'objet d'une lutte économique, politique et culturelle, tout en offrant une matière première symbolique aux artistes. Ces derniers invitent à prendre conscience de la portée politique des semences, capables de redessiner notre vision du monde et de réfléchir aux différents modèles possibles.

Marinette Cueco
(1934, Argentat - 2023, Paris)
Bris et débris, 2022
Casiers formant un damier carré de plantes et matières choisies Succession Cueco
Dès les années 1960, Marinette Cueco pratique le tissage et la tapisserie, qu'elle étend ensuite au végétal. Les herbes, plantes, écorces, mousses et feuilles, comme les terres et les minéraux, récoltés lors de longues promenades, deviennent les matériaux à partir desquels elle crée des compositions et des assemblages parfois
monumentaux.
Bris et débris célèbre la richesse de la terre par l'espace accordé aux semences et aux végétaux séchés disposés au sol. L'artiste mène des collectes selon des connaissances précises des milieux naturels et des saisons et les concilie avec le temps long et la patience inhérents à une pensée modeste de l'art.
Constituée d'autant d'échantillons" attendant de s'épanouir en paysages poétiques, cette matière vivante souligne la nécessaire préservation de la diversité des espèces végétales, leur force visuelle et sensible. L'artiste en conserve les noms vernaculaires, tout en détournant les traditionnels herbiers des muséums d'histoire naturelle et la classification scientifique des espèces, pour embrasser une relation affective au vivant.

Daniel Otero Torres
(1985, Bogotá, Colombie)
Las Huellas del Viento, 2022
Peintures acryliques et assemblage (feuilles de maïs, graines et céramique) sur toile de jute sur panneau
Les oeuvres de Daniel Otero Torres sont autant d'assemblages produisant différents récits au service d'une nouvelle version de l'histoire.
Inscrite dans la mémoire rurale de la Colombie et plus largement de l'Amérique du Sud, son œuvre Las Huellas del Viento (2022-2023), "les traces du vent", illustre la pollinisation des graines de maïs, d'un champ à l'autre, emportées et déposées par les vents.
Ce fragile écosystème est aujourd'hui menacé dans les pays d'Amérique latine où les semences indigènes sont remplacées par des variétés hybrides et stériles développées par les multinationales de l'agrochimie. Intégrant les premières à la surface de la toile, avec des feuilles de maïs, l'artiste dénonce la menace de leur disparition et le danger de la monoculture: l'appauvrissement des sols et de la biodiversité


UN PAYSAGE EN MOUVEMENT
Les artistes et les paysans ont en commun cette force créatrice de façonner les paysages, avec chacun leurs outils propres. L'avènement du mouvement impressionniste au XIXe siècle marque un jalon important dans l'histoire de la représentation du paysage, autour d'artistes qui découvrent le plaisir de peindre en pleine nature et qui prennent pour motif le développement de l'activité industrielle auquel prend part l'agriculture. À mesure que les pratiques agricoles évoluent, notamment depuis les années 1950, cette empreinte de l'agriculture sur les paysages se fait plus présente. Sensibles à ces changements, les artistes Morgane Denzler, Terence Pique, Mathilde Caylou, Mathieu Asselin et Aurelia Mihai renouent avec ces sujets et transcrivent ce questionnement du rôle de l'agriculture sur la mutation de notre environnement. Leurs oeuvres mettent en lumière la manière dont les paysans et paysannes inscrivent dans les sols l'histoire de leurs activités marquées, notamment à partir des années 1950, par l'accélération du "remembrement". Cette redistribution des parcelles, redessinées afin d'accroître les surfaces cultivables et la production alimentaire, a plusieurs conséquences, dont l'uniformisation du paysage, l'érosion des sols ou encore la perte de la biodiversité. À travers la photographie et la collecte de récits, les artistes rendent compte de la mémoire des paysages des campagnes. Ils racontent l'évolution des modèles agricoles tout en dégageant un nouvel horizon, celui de l'avenir de notre rapport au vivant et à nos paysages qu'il nous reste à écrire collectivement.

AURORE SALINIER COUTURE / EBENEZER
Mémoire d'un corps
Fil de fer, maille, laine, jean Tuffery, mousseline, soie, encre aquarellable, aluminium
Cette structure en fil de fer représente l'empreinte éthérée d'une robe flottante, en parallèle à l'empreinte d'un champ de l'oeuvre de Mathilde Caylou, Là où j'ai attrapé l'air (2010).
Recouverte de multiples pans de maille et d'un corset en jean, elle évoque à la fois la légèreté et la complexité des tissus. L'oeuvre explore les thèmes de l'absence autant que de la présence, capturant le vide laissé par un vêtement qui semble s'être évaporé, laissant derrière lui une trace tant délicate qu'imposante.
Cette pièce textile invite les spectateurs à plonger dans les souvenirs et les impressions laissés par les objets du quotidien, et sur l'influence de ces traces dans notre mémoire collective.
Les matériaux utilisés tendent à prolonger le dialogue entre le spectateur et le propos de cette création. Afin d'apporter cette sensation de fluidité, de mouvement et de légèreté, les jeunes créateurs ont utilisé du jean décoloré, de la maille tricotée ou encore du fil de fer.

Non identifié 

Suzanne Husky
(1975, Bazas)
Jérôme, 2018
Tapis en laine vierge
Collection FRAC Bourgogne
Le travail pluridisciplinaire de l'artiste Suzanne Husky se présente comme une réflexion sur les problématiques environnementales (déforestation, exploitation de la faune et de la flore, extraction) et propose des pratiques alternatives dans nos rapports au vivant.
En 2017, l'éleveur bovin Jérôme Laronze est abattu par des gendarmes après une cavale de neuf jours et un long bras de fer avec l'administration française pour sauver ses animaux. L'artiste rend hommage, avec la tapisserie Jérôme (2018), à une histoire qui a profondément marqué le monde agricole et fait surgir au grand jour les difficultés et la détresse des paysans. Les motifs tissés retracent ce moment tragique, à la manière à la fois des jeux vidéo et des scènes pastorales traditionnelles, par l'utilisation d'un savoir-faire artisanal et ancestral. L'artiste affirme une position ouvertement militante et engagée face au système agricole actuel. L'usage de la tapisserie, de même que la céramique, matériaux sur lesquels elle retranscrit des images à caractère politique dénonçant les systèmes de domination des humains sur le vivant, est récurrent dans son travail.

La Chevrolière - Loire-Atlantique
Pierric s'est jeté dans sa mare en voiture à l'âge de 53 ans.
Ce jour-là, ses parents, sa femme et une de ses filles étaient présentes. Le traumatisme familial est énorme. Pierric avait une ferme de 165 hectares, il cultivait des céréales, des haricots verts, des haricots beurre et des vignes. Il n'avait pas de problème de trésorerie cependant il travaillait énormément. Dû à la fatigue et de nombreuses heures de travail, Pierric a subi plusieurs accidents de tracteur avec des séquelles.
Il estimait qu'il n'était pas possible d'embaucher un salarié, il trouvait que c'était trop risqué vu les oscillations que pouvait avoir le prix des céréales sur le marché. Pierric n'aurait en aucun cas voulu licencier donc il n'embauchait pas, au moins le problème ne se posait pas. Mais à quel prix ?
Karoll Petit
(1981, Ancenis)
Un système à bout de souffle ?, 
2019 - en cours
Photographies contrecollées sur dibond (extraites de la série) Collection de l'artiste
Autrice et photographe, Karoll Petit tourne sa pratique vers l'humain, ses façons d'être et sa complexité.
D'abord engagée auprès d'associations, elle voyage à travers le monde pour immortaliser, selon elle, "l'expression emblématique" des individus qu'elle croise. Elle s'intéresse également aux métiers de l'artisanat et se concentre aujourd'hui sur le milieu agricole.
La série Un système à bout de souffle ? met en lumière un sujet encore tabou: le suicide chez les agriculteurs et agricultrices (2 suicides par jour en 2019 selon la Mutualité Sociale Agricole). Elle manifeste l'absence, et la détresse de ceux et celles qui restent. Ces images le matérialisent par une chaise vide, photographiée dans leur environnement de travail. La chaise prend place dans un paysage, entourée d'animaux, de fleurs ou de meules de foins.
L'artiste parle de la persistance des récits face à la situation complexe d'une profession multipliant les difficultés : surendettement, dévalorisation, catastrophes naturelles, compétitivité, disparition de la solidarité. La quiétude de cet environnement contraste avec les combats quotidiens tout en témoignant d'un profond respect pour le métier.

Sud de Nantes - Loire-Atlantique
Karoll Petit
(1981, Ancenis)
Raymond, 51 ans, s'est pendu à 5h45 du matin.
Il était dans la stabulation de la ferme, il s'est ligoté les mains. Raymond est arrivé en 1992 à la ferme de Jean-Michel. Ils ont créé un GAEC, Raymond s'occupait des vaches et Jean-Michel dit «Michou», s'occupait des champs, des céréales. Ils s'associent avec un autre GAEC qui se trouve à I km de chez eux. En avril 2011, ils commencent à travailler tous ensemble. Malheureusement, l'entente n'est vraiment pas au rendez-vous... Après deux étés de sécheresse, Raymond ne voit aucune issue et se pend.
«Au début, je lui en ai voulu, il m'avait abandonné. Je voyais qu'il n'était pas bien mais moi non plus. On n'arrivait pas à se mettre d'accord avec nos collègues. On n'arrivait pas à rentrer dans leur cercle, ils sont tous frères, on avait aucun poids de décision. J'en ai bavé et ce n'est pas fini. Il faut absolument que je sorte de là, en reprenant mes terres mais mes collègues ne le voient pas sous cet angle>>.

Limoges - Haute-Vienne
Karoll Petit
(1981, Ancenis)
Jean-François s'est pendu à l'âge de 61 ans.
En pleine journée, devant la porte d'entrée du bâtiment de la SAFER en août 2018. Jean-François avait une ferme de 315 hectares. Il élevait des vaches allaitantes et était auto-suffisant pour leur nourriture. Ses terres étaient divisées sur deux fermes. L'une se trouvaient à 10 km de chez lui. En 2012, il a voulu acheter une autre ferme située à quelques centaines de mètres de son exploitation principale pour le bienêtre de ses bêtes. La SAFER a vendu cette ferme à un autre agriculteur après lui avoir pourtant promis qu'elle lui reviendrait. Rongé par l'injustice, et ayant déjà vendu son corps de ferme et ses étables, Jean-François se retrouve coincé, sans issue. Il aurait pu vendre une partie de ses bêtes mais diminuer une ferme ne se fait pas du jour au lendemain et surtout pas quand la ferme fonctionne bien.

Moréac - Morbihan
Karoll Petit
(1981, Ancenis)
Jean-Pierre s'est donné la mort à l'âge de 46 ans.
Le 14 décembre 2016, il se tire une balle en plein coeur avec un fusil de chasse. Il avait une ferme avec son frère, ils élevaient des vaches laitières. Depuis la fin des quotas en avril 2015, ils se sont retrouvés en très grande difficulté financière. Mais la ferme n'a pas pu s'arrêter du jour au lendemain. Dû aux emprunts à rembourser, à la pression de la famille, issue du milieu agricole et à l'attachement à leurs animaux. Arrêter revenait à les abandonner... c'était lâche, c'était un échec cuisant pour eux. Jean-Pierre a alors demandé à plusieurs reprises d'échelonner différemment les emprunts mais la banque n'a rien voulu savoir. Ne trouvant pas d'issue, il s'est suicidé.


Chemillé-en-Anjou - Maine-et-Loire
Karoll Petit
(1981, Ancenis)
Xavier s'est pendu dans son garage à l'âge de 47 ans.
Il a travaillé plusieurs années en tant qu'ouvrier agricole dans différentes fermes. Il s'était installé en 2000 pour être éleveur de vaches laitières et ce durant II ans. Le rendement n'était pas au mieux et il était dans l'obligation de mettre sa ferme aux normes mais il n'avait pas les fonds pour le faire. Il a dû prendre une décision et a arrêté la production laitière. Il est ensuite devenu cultivateur de plantes médicinales mais sans grande passion. Les cultures n'étaient pas si simples et sa trentaine d'hectares ne lui assurait pas une production suffisante. La veille de son suicide, il a appris que sa banque refusait d'échelonner son prêt. Lorsqu'ils ont vidé la maison, sa soeur se souvient qu'il n'avait plus d'argent, ni sur ses comptes ni dans son porte-monnaie.
Seules des pièces jaunes traînaient, il ne pouvait même plus s'acheter une baguette de pain.

SACRIFICE ET DEVENIR PAYSAN
Donner corps aux mondes paysans implique aussi de visibiliser les réalités, parfois difficiles de ces métiers, qui s'ancrent dans l'histoire des différents modèles agricoles. À partir du milieu du XXe siècle, l'industrialisation de l'agriculture a eu un impact considérable sur les conditions de travail des agriculteurs, substituant à la ferme familiale l'exploitation intensive. C'est par un lien direct avec ce milieu que les artistes mettent en lumière sa complexité. Celle-ci est liée entre autres à l'évolution d'un métier, de l'artisan de la terre au chef d'entreprise, qui se heurte à la réalité de la ferme. Les contraintes administratives qui se multiplient révèlent une déconnexion progressive du vivant et du travail des paysans, et alimentent une pression constante. Si l'on parle aujourd'hui du sacrifice d'une communauté, c'est face à l'absence de reconnaissance de la spécificité de ces métiers, un sujet qu'explore Asunción Molinos Gordo en revalorisant leurs savoirs et leurs compétences. C'est aussi face à la réalité du nombre quotidien de suicides des paysans avec en France une moyenne d'un suicide tous les deux jours, selon la Mutualité sociale agricole (chiffres de 2019). Suzanne Husky, Karoll Petit et Morgane Denzler racontent ces difficultés d'un monde en crise et soulignent la nécessaire reconsidération de celles et ceux qui y jouent un rôle essentiel. Leurs œuvres interrogent l'avenir de ces métiers, alors que la moitié des exploitants agricoles en France seront à la retraite d'ici à dix ans, ainsi que notre capacité à prendre soin de qui est ignoré ou invisibilisé

Les féeseuses, 2022
Damien Rouxel
(1993, Saint-Brieuc)
Série: Histoires de famille
Photographies contrecollées sur dibond Collection de l'artiste
Damien Rouxel est un artiste issu du monde paysan: fils d'agriculteurs, il a grandi à la ferme et tâche de se réapproprier ce lieu, pour en faire un terrain de jeu artistique où les animaux, ses parents et sa soeur, les machines, les outils deviennent le décor et les acteurs de mises en scène.
À travers sa série photographique Histoires de famille (2016-en cours), il réinterprète des oeuvres de l'histoire de l'art, comme La Pietà (1499) de Michel-Ange ou encore El 3 de mayo en Madrid (1814) de Francisco de Goya. Il mêle ainsi l'histoire de l'art à son histoire personnelle, sa famille, son identité sexuelle, la question du monstre, du mythe, du modèle et du travestissement. Au-delà de la dimension familiale, ses images troublent la binarité entre le masculin et le féminin pour générer une représentation plurielle des corps.
Par ses photographies, Damien Rouxel explore de manière intime la ferme comme espace de recherche
et de création : il allie à cet héritage paysan ses engagements queer.
Loin des images idéalisées de Jean-François Millet, Damien Rouxel propose une figure alternative du
paysan, en jouant des marges dans un monde lui-même marginalisé.

L'Exécution, 2020
Damien Rouxel
(1993, Saint-Brieuc)

Portrait royal, 2019
Damien Rouxel
(1993, Saint-Brieuc)

Mère et fils en piétà, 2016
Damien Rouxel
(1993, Saint-Brieuc)

PROFIL PAYSAN
Un certain imaginaire collectif autour de la figure du paysan s'est forgé au fil du temps, notamment depuis le XIXe siècle. Celui-ci a participé à la construction et à la circulation d'images, de stéréotypes, voire de préjugés sur les métiers qui le caractérisent. Il convoque aussi bien une forme de nostalgie, qui se traduit par un ensemble d'images d'Épinal, qu'une vision médiatique déformant des réalités très différentes. Dans le sillage d'une longue tradition du portrait, des artistes cherchent à capturer l'essence de la figure du paysan et de la paysanne. Ils se réapproprient les codes de l'iconographie du monde rural, duquel ces artistes sont souvent eux-mêmes issus. À travers la photographie ou la peinture, Julien Beneyton et Morgan Fache dressent le portrait d'individus qui oeuvrent au quotidien auprès des animaux, dans les champs, sur un tracteur ou les bottes dans la boue. Mêlant dimension documentaire et représentation de l'intime, les oeuvres laissent entrevoir des existences invisibles, souvent silencieuses, fières et pudiques. La représentation de la famille évoque également la question de l'héritage de la ferme à porter d'une génération à une autre. Au centre des portraits de Nina Ferrer-Gleize et Damien Rouxel se trouve ladite ferme familiale, le lieu qui réunit à la fois l'outil de travail et la maison, mais aussi le lieu de création. Les deux artistes explorent et s'approprient cet espace l'écriture ou la photographie de chefs-d'œuvre de l'histoire de l'art rejoués, réunissant ainsi culture et agriculture.


Julien Beneyton
(1977, Échirolles)
86 Six pieds sur terre, 2016
Peinture acrylique sur bois
 Collection de l'artiste
Julien Beneyton documente son environnement immédiat. Ses portraits sont ceux de ses proches ou d'anonymes.
Sa peinture s'exprime par un réalisme au trait fin, un travail de la lumière et une palette prononcée qui le rapprochent de ses références, tels que les peintres Pieter Brueghel (v.1525-1569) ou Jan Van Eyck (v.1390- 1441).
Avec Eleveurs (2016), l'artiste transpose des
photographies dans une série de peintures sur panneaux de bois. Il recompose les scènes dont il représente chaque détail d'une manière quasi chirurgicale - la texture d'un vêtement, le grain de peau d'un visage. La série représente des éleveurs bovins dans le Limousin, menacés par un contexte économique et politique mouvant, partagés entre fierté et désespérance. S'il n'envisage pas la peinture en dehors de la société, c'est parce qu'elle témoigne de son temps, de réalités complexes auxquelles il s'attaque de manière frontale et décomplexée, en célébrant un ensemble de métiers. Les agriculteurs, qui excercent ces métiers en voie de disparition, et qui tentent de préserver au mieux une transmission de génération en génération d'un savoir- faire spécifique, en font partie.

Julien Beneyton
(1977, Échirolles)
The world is yours, 2023
Peinture acrylique sur bois 
Collection de Nathan Churchill

Julien Beneyton
(1977, Échirolles)
Morgane Tissandier & Guillaume Pichou, 2016 Série: Éleveurs
Peinture acrylique sur bois
 Collection de l'artiste

Julien Beneyton
(1977, Échirolles)
Stéphane Marcailloux,
2016
Série: Éleveurs
Peinture acrylique sur bois
 Collection de l'artiste

Julien Beneyton
(1977, Échirolles)
82 Denis & Corinne Lavaud, 2016
Série: Éleveurs
Peinture acrylique sur bois
 Collection privée

Julien Beneyton
(1977, Échirolles)
Bernard & Olivier Brette et Benjamin Jimenez, 2016 Série: Éleveurs
Peinture acrylique sur bois
 Collection de l'artiste

Fernand Léger
1881, Argentan (France) - 1955, Gif-sur-Yvette (France)
Le Grand Tournesol, 1952
Sculpture en bronze polychrome
Edition 3/6
H 354 x 255 x 110 cm
Collection particulière
Courtesy Galerie Haim Chanin Fine Arts
commentaire audio
La formation de Fernand Léger lui permit d'aborder différents domaines artistiques sur lesquels il reviendra tout au long de sa carrière. En effet l'artiste commence son apprentissage chez un architecte à Caen, avant d'être admis aux Arts décoratifs de Paris, pour travailler ensuite chez un photographe. C'est seulement lorsqu'il fréquente l'Académie Jullian et le Louvre que commence son vrai travail de peintre.
Au fur à mesure de son activité il s'intéressera aussi bien à la nouvelle aventure qu'est le cinéma avec la réalisation de son Ballet mécanique (1924), qu'à la création de costumes et décors pour des productions théâtrales. C'est en 1936, avec l'arrivée au pouvoir du Front populaire, qu'il mettra en œuvre sa conception sociale de l'art, mettant en exergue un art collectif supérieur à un art individuel. Après la Seconde guerre mondiale, de retour en France, en butte aux limites techniques de l'art mural, Fernand Léger, qui cherche les moyens de rendre la couleur pérenne, trouve alors des solutions à Vallauris dans les ateliers de céramiques : l'épreuve du feu éternise la couleur.
La transposition monumentale de ses œuvres peintes dans le bronze ou le minéral servait et prolongeait son grand projet d'art collectif alliant peintres, architectes et artisans divers, et devant s'inscrire dans la vie des hommes et de la cité.
Initiée en 2005 à l'occasion de l'exposition Léger Monumental »>, l'installation du Grand Tournesol, de mosaïques et d'un bronze peint dans les cours publiques des Abattoirs tente de respecter les credo de l'artiste au travers de ses représentations humanistes: l'union de la peinture et de l'architecture, la place de la couleur dans l'environnement, le rôle social du peintre.



Les chevaux de Gericault au musée de la Vie romantique en mai 2024



Une jolie expo dont voici la présentation et l'essentiel des œuvres :

À l'occasion du bicentenaire de la mort de Théodore Géricault (1791-1824), le Musée de la Vie romantique rend hommage à ce peintre, ami et voisin d'Ary Scheffer - qui vécut dans cette maison -, en présentant cette exposition consacrée aux chevaux. Depuis sa formation chez Carle Vernet puis dans l'atelier de Pierre Guérin, Géricault observe ces équidés, les monte et réalise des dizaines de tableaux et des centaines de dessins dans lesquels il explore l'anatomie, le mouvement, l'expressivité, sans jamais oublier les émotions de l'animal.
Grâce à une centaine d'oeuvres exceptionnelles, on découvre les multiples visages du cheval, ainsi que les fascinantes représentations de têtes, de poitrails (poitrines) ou de croupes (derrières). Du champ de bataille au four à plâtre et de l'écurie au champ de course, cette diversité d'images témoigne chez Géricault d'une véritable passion pour le monde équestre, développée depuis l'enfance. Elle révèle aussi l'importance du cheval dans la vie quotidienne au XIXe siècle, et la faculté pour tout artiste de l'étudier et de l'utiliser dans ses œuvres.
L'exposition vous invite dans un parcours décliné en cinq sections - intitulées Le cheval politique, L'écurie sanctuaire, À Rome: la Course de chevaux libres, à Londres: prolétaires et dandies, et La mort du cheval -, tout en suivant la vie du peintre.

Théodore Géricault (1791-1824)
Portrait d'un carabinier en buste
avec son cheval
1814-1815
Huile sur toile
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Géricault peint ce tableau dans la suite des portraits militaires en vogue à l'époque impériale, chez les maîtres qui l'ont formé (Carle Vernet, Pierre Guérin) ou qu'il a admirés (notamment Antoine-Jean Gros). Le carabinier porte la cuirasse double en acier recouvert d'une feuille de laiton propre à son régiment d'élite de la cavalerie française. Mais ce portrait est peint à la fin de l'Empire. Avec l'abdication de Napoléon et l'avènement de Louis XVIII, la gloire militaire est passée. C'est pourquoi le peintre représente le soldat, sans armes, pied à terre devant un cheval qui n'est qu'une ombre noire.

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval cabré au tapis de selle rouge dit Tamerlan
1814
Huile sur toile
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Géricault séjourne fréquemment à Versailles pour installer son chevalet dans les écuries impériales. Il représente Tamerlan, cheval «du rang de l'Empereur » reconnaissable à sa riche selle d'officier général en velours rouge brodé d'or, utilisée sous l'Empire. Son attitude est altière et majestueuse, pleine de panache. Ce tableau témoigne
des recherches faites par le peintre pour saisir le cheval en mouvement dans toute son énergie et sa vitalité

Théodore Géricault (1791-1824)
Sapeur du 1er régiment de hussards
1814
Huile sur toile
Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Cuirassier à cheval fuyant le champ de bataille, dit aussi Le Cuirassier de Waterloo
1815
Huile sur toile
Marseille, collection Sylvain Bennarrouche
Géricault peint ici la déroute, la fuite, la terreur du champ de bataille après les nombreuses défaites napoléoniennes. Le cuirassier, aidé de son cheval, essaye de sauver sa vie alors qu'il est poursuivi par des ennemis et des chevaux aux yeux rouges! Rouges comme le sang, la guerre et la mort. Cette dernière est évoquée au premier plan par une branche cassée, évidente allégorie de la vie brisée.

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude d'après S. M. le Roi de Westphalie [Jérôme Bonaparte] d'après Antoine-Jean Gros
1812-1814
Huile sur toile
Paris, Musée national Eugène-Delacroix
Géricault fréquente assidûment le Musée du Louvre et s'inspire des peintres anciens, qu'il copie sans préférence d'école ni de siècle : Raphaël, Caravage, Titien, Véronèse, Vélasquez, Ruisdael, Michel-Ange, Rembrandt... L'inventaire posthume de son atelier recense ainsi plus de soixante peintures d'après les maîtres. Il admire particulièrement Antoine-Jean Gros (1771-1835) et copie ici librement, sans doute dans l'atelier de Gros, son portrait équestre du roi de Westphalie qui fut exposé en 1808. Fidèle à sa méthode de copie d'interprétation, il modifie le cadrage, les couleurs et la structure du visage du roi.

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Retour de la course, d'après
Carle Vernet
1811-1812
Huile sur toile
Rouen, Musée des Beaux-Arts, M.N.R. 146 (Musées Nationaux Récupération)
Cette peinture de jeunesse de Géricault est l'une de ses premières copies ambitieuses. C'est la version peinte et la copie libre, inversée, d'un dessin de Carle Vernet (Un conducteur de char, venant de remporter le prix de la course, ramène avec lui sa compagne, à qui il laisse conduire ses coursiers) exposé au Salon de 1800 et conservé aujourd'hui au Getty Museum, à Los Angeles. Cette copie est libre de forme: la touche large et colorée est à l'opposé de la technique des artistes classiques. La scène antique y est comme transfigurée par l'énergie déployée par le jeune homme conduisant le char. Cette œuvre a été récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, attribuée le 16 mai 1951 au Musée du Louvre et déposée le 29 novembre 1955 au Musée des Beaux-Arts de Rouen, en attente de sa restitution à ses légitimes propriétaires.

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude pour le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné]
1812
Mine de plomb et aquarelle sur papier
Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude pour le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné]
1812
Plume et encre noire, lavis de brun et rehauts de gouache blanche sur papier
Paris, collection Gilles Grimm

Théodore Géricault (1791-1824)
Esquisse pour le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné]
1812
Crayon noir et huile sur papier marouflé sur toile
Bruxelles, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Esquisse pour le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné]
1812
Huile sur papier collé sur toile
Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures
En 1812, à seulement 21 ans, Géricault expose au Salon du Louvre son premier tableau, le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné], pour lequel il multiplie les esquisses et les études préparatoires. Bien que simple lieutenant des chasseurs de la Garde impériale, le modèle, Alexandre Dieudonné, est tout le sujet du grand tableau. Ce guerrier, véritable antihéros, aux yeux si mélancoliques, semble seul sur son cheval fougueux, enjambant au milieu d'un champ de bataille des vestiges éloquents: roues brisées, canon détruit. Il médite alors qu'il est en plein combat, comme l'a dit Jules Michelet: «Il se tourne vers nous et il pense. »

Théodore Géricault (1791-1824)
Esquisse pour le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné]
1812
Huile sur toile
Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Cuirassier au galop
1812-1816
Mine de plomb et aquarelle sur papier
Saint-Étienne, Musée d'Art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole.

Theodore Géricault (1791-1824)
Etude pour le Cuirassier blessé,
quittant le feu
1814
Huile sur toile
Israël, collection particulière
En 1814, année de la chute de l'Empire, Géricault présente au Salon du Louvre son Cuirassier blessé, quittant le feu, pour lequel il réalise de nombreuses études préparatoires. Tout est disproportionné dans cette
composition: le cuirassier est trop grand pour le cheval, qui est lui-même trop grand pour le cadre. En plein salon royaliste,
ce soldat est présenté comme un antihéros incarnant l'effondrement des armées napoléoniennes. En peignant ici la défaite, Géricault explore les arcanes d'un romantisme noir où la guerre n'a plus rien de triomphal.

Théodore Géricault (1791-1824)
Train d'artillerie de la Garde impériale changeant de position
1819
Crayon noir, aquarelle, sanguine et gouache sur papier
Paris, collection particulière
Alors qu'il entreprenait son Radeau de la Méduse (1818-1819), on sait, par un témoin visuel, que Géricault, le soir, composait ce genre de sujet qui résume toute sa vision du monde militaire. Dans cette magistrale aquarelle, il ne représente pas la guerre mais sa préparation, grâce à la force motrice des chevaux et l'endurance des hommes. Géricault y célèbre l'énergie de héros anonymes et la vigueur de l'effort. L'audace et la modernité de cette mise en page sont ici renforcées par cette palette de couleurs explosives.

Théodore Géricault (1791-1824)
Artillerie de la Garde en action
1819
Crayon noir, lavis d'encre brune, aquarelle et gouache blanche sur papier brun
Paris, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Tsar Alexandre Ier et ses aides
de camp
1814
Huile sur toile
Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique
Ces militaires n'ont pas d'yeux, pas de regard. Seuls les chevaux en ont. Ces derniers sont, pour Géricault, une allégorie de la force virile d'une nation martyrisée. Unique visage en pleine lumière dont on distingue les yeux fixés vers la droite, le sujet est bien le tsar Alexandre qui, en 1814, après la chute de Napoléon, entre à Paris avec ses alliés. En prince de la paix, il refuse (après l'incendie de Moscou) de se venger sur la ville de Paris. Cette toile représente une scène quasi onirique, sans aucun mouvement, qui peut être vue comme une condamnation de la guerre.

Théodore Géricault (1791-1824)
Napoléon donnant un ordre à un officier supérieur des Guides
1814-1815
Huile sur toile
Reims, Musée des Beaux-Arts
Géricault, à la différence de ses amis Horace Vernet et Nicolas Charlet, a très peu
représenté Napoléon, qui, de toute évidence, n'était pas son héros. Il devient mousquetaire en juillet 1814 pour accueillir le nouveau roi installant la restauration, Louis XVIII, alors symbole de paix après vingt-cinq ans de
guerre. Ici, Napoléon, par sa gestuelle, donne des ordres, mais ses troupes sont invisibles. Une fois encore, ce sont les chevaux qui semblent faire la guerre et manifester une farouche énergie.

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude de chevaux et de cavaliers
pour la revue de Louis XVIII au Champ-de-Mars
1814
Plume et encre noire sur papier
Saint-Lô, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude pour la revue de Louis XVIII au Champ-de-Mars
1814
Mine de plomb, plume, encre brune, encre de Chine et aquarelle sur papier
Lyon, Musée des Beaux-Arts
Dès la chute de Napoléon, Géricault s'engage dans la Garde nationale, au printemps 1814, puis, en juillet, dans la troisième brigade de la première compagnie des mousquetaires du roi Louis XVIII. Le 19 septembre 1814, il assiste à la revue militaire de Louis XVIII au Champ-de-Mars, où la troupe de la capitale prête serment au monarque. Il représente cette parade sans héroïsme: la compagnie tourne le dos au spectateur, dans sa cavalcade fougueuse, et le roi est si lointain qu'on le devine à peine sur le parvis de l'École militaire. Géricault abandonne ce sujet qu'il avait envisagé pour le futur Salon de 1814.


Le cheval politique
Théodore Géricault naît à Rouen pendant la Révolution, en 1791, et grandit au rythme des batailles napoléoniennes sous l'Empire. Dispensé de rejoindre l'armée de Napoléon grâce à son statut social et à son aisance financière, il se voue à la peinture. En 1812, alors qu'il n'a que 21 ans, Géricault expose au Salon du Louvre son premier tableau: le Portrait équestre de M.D. [Dieudonné], pour lequel il a multiplié les études préparatoires. Cette peinture monumentale consacre le romantisme de Géricault, nourri de mélancolie et d'opposition politique.
Alors qu'il est engagé dans le des corps mousquetaires du roi Louis XVIII, avec une partie de la jeunesse française soucieuse de soutenir la paix européenne, l'artiste réalise pour le Salon de 1814 son Cuirassier blessé, quittant le feu. Dans ce tableau où le motif du cheval est central, Géricault manifeste son empathie pour les vaincus de l'histoire.
Tandis qu'il prépare son grand Radeau de la Méduse (1818-1819), Géricault se tourne à nouveau vers les malheurs et les atrocités des guerres napoléoniennes. Il représente le champ de bataille avec de jeunes soldats blessés et des chevaux, à l'impressionnante force musculaire, exténués. Il évoque aussi les mouvements d'indépendance des peuples d'Amérique du Sud et la guerre menée par les affranchis de Saint-Domingue contre l'armée napoléonienne venue rétablir l'esclavage. Dans ces tableaux historiques et politiques, l'artiste accorde une importance particulière à tous les types de chevaux, petits et grands, glorieux et vaincus, blessés et morts.

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval arabe
1820-1821
Gouache et lavis sur graphite, sur papier vélin filigrané
Montpellier Agglomération, Musée Fabre

Théodore Géricault (1791-1824)
La Charrette de blessés
1818-1819
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France

Théodore Géricault (1791-1824)
Mamelouk de la Garde impériale défendant un trompette blessé
1818-1819
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France
Si Géricault ne s'est jamais rendu en Orient, il a représenté de nombreux mamelouks, soldats réputés puissants, mystérieux et fanatiques. Originaires de Géorgie ou de Circassie, enlevés très jeunes par des marchands turcs et soumis à un sévère entraînement en Syrie et en Égypte, ils étaient destinés à servir les plus éminents chefs de l'Islam. Rapportés de la campagne d'Égypte et intégrés dans la Grande Armée par Napoléon, ils constituaient une troupe d'élite par excellence. Dans cette lithographie, Géricault représente un mamelouk défendant un trompette contre un cosaque, ce qui situe la scène en 1814 ou 1815, époque des défaites napoléoniennes.

Théodore Géricault (1791-1824)
Retour de Russie
1818-1819
Lithographie à deux teintes sur papier Paris, Bibliothèque nationale de France
Cette lithographie fait partie d'un poignant corpus d'œuvres graphiques qui témoigne de l'intérêt de Géricault pour les sujets militaires et les malheurs de la guerre. Il évoque le repli, fin 1812, de l'armée napoléonienne vers la France à l'issue de l'occupation de Moscou, pendant la campagne de Russie. En entremêlant, dans la neige, soldats estropiés, cheval exténué et chien affamé, il montre la misère et la souffrance de simples soldats dans une marche funèbre. Dans ce chef-d'œuvre du genre, où culmine le pathos du désastre, il dénonce l'absurde barbarie de la guerre.

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Caisson d'artillerie
1818-1819
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France
La guerre, pour Géricault, est synonyme de violence et s'exalte à travers les motifs du cheval et du feu. Dans cette composition dramatique, le cheval est déjà mort et annonce le sort du militaire qui menace ses ennemis de faire sauter un caisson d'artillerie. Un suicide héroïque, ultraviolent, mais qui participe à désacraliser la guerre et montrer les horreurs du champ de bataille. Alors que Napoléon n'est pas encore mort (1821), Géricault s'efforce, à la différence
de ses amis Horace Vernet et Nicolas Charlet, de créer une légende antinapoléonienne.

Théodore Géricault (1791-1824)
Choc de cavalerie: combat de hussards et de mamelouks pendant la campagne d'Égypte
1822-1823
Crayon noir, plume, encre brune et aquarelle
sur papier
Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Soldat oriental à cheval
1820-1822
Gouache et lavis sur graphite, sur papier vélin filigrané
Montpellier Agglomération, Musée Fabre
Géricault représente de nombreux soldats orientaux et mamelouks, révélant son goût romantique pour l'Orient lointain. Après le succès obtenu par son Radeau de la Méduse (Salon de 1819), il envisage, comme François-René de Chateaubriand, de se rendre à Jérusalem. Il séjourne finalement en Angleterre, où il dessine de magnifiques cavaliers et de fiers chevaux orientaux,
très loin des lourds chevaux anglais destinés au transport du charbon.


L'écurie sanctuaire 
Destiné par son père avocat au même métier que lui, Théodore Géricault, passionné de chevaux, entre en 1808 dans l'atelier de Carle Vernet grâce à la complicité de son oncle. Célèbre peintre de batailles, Vernet est aussi connu pour son intérêt pour ces équidés. Son fils, Horace, alors de âgé de 19 ans, devient l'ami et le compagnon chevauchées de Théodore.
À la fin de l'année 1810, Géricault entre dans l'atelier de l'artiste néoclassique Pierre Guérin, pour se préparer à son futur métier de peintre d'histoire. Il continue son exploration du monde équestre sous toutes ses formes. Très peu encouragé par Guérin et lassé de l'atelier, il se rend aux casernes de Courbevoie pour faire des études de chevaux. Il profite aussi de ses séjours au château du Grand-Chesnay, propriété de son oncle, et de la proximité des écuries impériales à Versailles pour observer les différences de race, d'âge, de force, de robe et de poil de ses modèles, qu'il peint d'après nature.
Tout au long de sa vie, Géricault ne cesse de représenter des chevaux à l'écurie et en liberté. Au-delà du simple motif animalier, il défend l'idée que cet animal exprime la diversité de la psychologie humaine ainsi que la puissance des passions et des sentiments. Le peintre restitue de la sorte la trivialité du quotidien dans les scènes de soin du cheval, de tendresse et de monte. L'écurie devient pour Géricault l'annexe de son atelier et le creuset de son inspiration.


Théodore Géricault (1791-1824)
Trois chevaux vus de face et
à mi-jambes, dit aussi Les Poitrails
1811-1812
Huile sur papier marouflé sur toile
Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Trois chevaux à l'écurie
1811-1812
Huile sur bois
Le Plessis-Robinson, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Cinq chevaux vus par la croupe
dans une écurie
1811-1812
Huile sur toile
Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures
Pendant sa formation dans l'atelier de Pierre Guérin, Géricault explore le monde équestre sous toutes ses formes. Très peu encouragé par son maître et lassé de l'atelier, il se rend aux écuries de Courbevoie, à l'ouest de Paris. Ce n'est donc plus sur le champ de bataille que l'artiste prend ses modèles, mais dans les écuries. Avec ses croupes en série, il innove totalement, non seulement par l'angle peu conventionnel qu'il choisit pour représenter les chevaux, mais également par le réalisme presque scientifique de son observation.

Theodore Géricault (91-84)
Cheval turc dans une écurie
1814-1818
Huile sur papier collé sur toile
Paris, Musée du Louvre, Département de Autres

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval arabe gris et blanc, dit aussi Cheval blanc
1812-1814
Huile sur toile
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Géricault est un observateur passionné des robes des chevaux, définies par la couleur des poils et des crins. Les accents de lumière tombent avec justesse sur cette belle robe mouchetée de gris et de blanc, découpant par éclats, sur un fond sombre, l'apparition presque fantastique de ce cheval à l'oeil fixe. Il est peint avec une légèreté telle qu'il semble ne pas peser sur le sol. Au-delà du simple motif animalier, Géricault introduit le portrait dans le genre équestre, caractérisé par une individualité et l'expression
d'émotions quasiment humaines.

Théodore Géricault (1791-1824)
Deux chevaux gris pommelé se battant dans une écurie
1818
Huile sur toile
Israël, collection particulière
Dans cette scène triviale et violente à l'écurie, les protagonistes sont les deux chevaux aux intentions belliqueuses. Ils usent farouchement de leurs dents tandis qu'un palefrenier (employé d'écurie chargé de s'occuper des chevaux) tente de les séparer à l'aide d'un balai, sous le regard impassible d'un autre homme. Ces chevaux dressés et agités renforcent le sentiment d'impuissance de l'homme face à l'animal.

Théodore Géricault (1791-1824)
La Monte
1819-1820
Pierre noire, lavis et aquarelle sur papier Paris, collection particulière
S'intéressant à toutes les phases de la vie du cheval, de la naissance à la mort, Géricault ne pouvait pas ignorer le moment, spectaculaire, de la procréation. Le motif, particulièrement érotique et troublant, semble avoir été situé en Orient, comme si Géricault voulait dévoiler la fabrique des fameux purs-sangs.


Théodore Géricault (1791-1824)
Chevaux au pâturage
1822
Huile sur toile
Dijon, Musée des Beaux-Arts
Ce tableau, réalisé à la fin de la vie de Géricault, représente deux chevaux en liberté dans un champ, près de deux arbres. L'éclairage, centré sur les chevaux, est lunaire, et les nuages sombres font de ce décor champêtre une oeuvre éminemment romantique.
De cette scène nocturne de tendresse animale, à la palette chromatique bleutée, émane en effet une inquiétante étrangeté, voire
un caractère surnaturel.

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval alezan doré à l'écurie
1818
Huile sur toile
Gand, Museum voor Schone Kunsten

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval brun à l'écurie
1818
Huile sur papier collé sur toile
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval devant une mangeoire
1821
Huile sur toile
Besançon, Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie

Théodore Géricault (1791-1824)
Deux chevaux vus par la croupe dans une écurie
1820-1821
Mine de plomb, lavis de brun, aquarelle et rehauts de gouache blanche sur papier Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Un cheval à l'écurie et son lad
1822-1823
Huile sur toile
Paris, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
La Sortie de l'écurie
1822-1823
Mine de plomb et aquarelle sur papier
Paris, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques

Théodore Géricault (1791-1824)
Deux chevaux de poste à la porte d'une écurie, dit aussi
Un postillon faisant rafraîchir ses chevaux
1822-1823
Huile sur papier collé sur toile
Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures, don Hauguet, Schubert, Milliet
Avec ce conducteur de la poste aux chevaux qui donne à boire et à manger à ses bêtes, Géricault représente une scène de la vie quotidienne et laborieuse de son siècle. Le postillon est reconnaissable à son écu porté au bras droit, c'est lui qui chevauche les équidés d'un relais à l'autre.



À Rome: la Course de chevaux libres
Après sa tentative infructueuse au concours du prix de Rome du mois de mars 1816, Théodore Géricault décide de se rendre en Italie à ses frais. Il traverse la Suisse, séjourne à Genève, passe par Florence puis arrive à Rome à la mi-novembre 1816. Fasciné par l'Antiquité et par Michel-Ange, il s'intéresse à la vie romaine. À la manière d'un reporter, il dessine des scènes quotidiennes de la rue, de la proche campagne, des réjouissances publiques, de la vie religieuse et politique.
En février 1817, il s'inspire du célèbre carnaval romain pour un projet de tableau monumental. Il représente ainsi une course de chevaux sauvages qui a lieu entre la Piazza del Popolo et la Piazza Venezia en passant par la Via del Corso. À cette occasion, la rue devient le théâtre d'une course acharnée où les accidents mortels sont fréquents. Les principaux moments ayant retenu l'attention du peintre sont ceux où les palefreniers, la tête couverte d'un bonnet rouge, essayent de retenir (la mossa) ou de rattraper (la ripresa) des chevaux frénétiques et martyrisés pour les besoins de la fête. Géricault érige ici de véritables héros devant faire face aux corps puissants et convulsés des chevaux, symboles d'une liberté entravée.
Géricault rapporte de Rome d'innombrables dessins et une vingtaine d'esquisses peintes de la Course de chevaux libres, tableau inachevé aujourd'hui disparu.

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude pour la Course de chevaux
libres sur le Corso à Rome
(la mossa)
1817
Plume, encre brune et crayon sur papier
Monaco, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude pour la Course de chevaux libres sur le Corso à Rome
(la ripresa)
1817
Mine de plomb, plume et encre brune sur papier
Rouen, Musée des Beaux-Arts

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval retenu par des esclaves
1817
Huile sur toile
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Dans un paysage, quatre hommes, nus ou à demi vêtus, maintiennent un cheval en furie, la crinière au vent, prêt à s'élancer, au départ de la course. Loin de Rome, tout semble à la fois calme et en mouvement, dans cette peinture. Chaque membre est en tension, pas une seule ligne n'est droite, et les éphèbes dompteurs immobilisent l'animal prêt à bondir. Cette scène témoigne des recherches passionnées de Géricault, qui puise dans la tradition classique et dans le rendu du mouvement, vibrant et fougueux.

Théodore Géricault (1791-1824)
Mazeppa
1822-1823
Huile sur toile
Paris, collection particulière
Géricault s'inspire du poète romantique anglais Byron (récit publié en 1818 et traduit en français en 1822) pour peindre le héros légendaire Mazeppa, un jeune page polonais condamné à mourir après être devenu l'amant de la femme de son maître. Mazeppa est représenté en supplicié, attaché sur un cheval en train de franchir un gué. Ce supplice symbolise les souffrances du génie incompris, thème romantique par excellence. Mazeppa incarne aussi le vieux rêve du peintre: celui de l'homme-cheval, à l'osmose exemplaire, même au prix de la chute fatale.

Théodore Géricault (1791-1824) et Eugène Lami (1800-1890)
Mazeppa
1823
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France

Théodore Géricault (1791-1824)
Th
La Course de chevaux libres sur le Corso à Rome (la ripresa)
1817
Huile sur papier marouflé sur toile Lille, Palais des Beaux-Arts
Dans cette esquisse peinte pour le projet de tableau monumental qui devait faire près de dix mètres de long, Géricault représente l'arrivée de la course. La fête se termine sur cette image forte de combat de l'homme et de la bête. Géricault érige de véritables héros aux couleurs vives devant faire face aux corps puissants et convulsés de chevaux. C'est cette débauche d'énergie, de muscles, de fureur et de bruit qui semble avoir fasciné le peintre, Géricault peint ici cet épisode à la manière d'une scène de genre, loin du classicisme abstrait des marbres antiques.

À Londres: prolétaires et dandies
Au lendemain du grand succès obtenu par Le Radeau de la Méduse, présenté au Salon de 1819 à Paris, Géricault, faute d'avoir vendu son tableau monumental à l'Etat, décide de l'exposer à Londres en 1820. De retour en Angleterre l'année suivante, il découvre deux visions opposées du monde équestre : les chevaux laborieux et les chevaux de course. Géricault commence la publication d'une série de lithographies dites « anglaises », Various Subjects, éditée par Hullmandel, l'un des meilleurs imprimeurs de l'époque. Ces treize lithographies sont consacrées aux acteurs et aux victimes de la révolution industrielle à Londres, capitale économique alors noyée dans une épaisse fumée de charbon. De retour en France en 1822, il s'intéresse au développement de l'industrialisation et au rôle de la force motrice des chevaux dans les mines.
Grâce au marchand de chevaux Adam Elmore, qu'il rencontre à Londres, Géricault fréquente la haute société anglaise. Il étudie les fins chevaux de course, souvent d'origine arabe, les garçons d'écurie, les jockeys et les propriétaires avides de remporter des courses prestigieuses leur procurant gloire et prospérité. Plusieurs dessins et aquarelles décrivent ce monde privilégié fait de promenades équestres où semblent régner la splendeur des chevaux de race, mais aussi la mode et le luxe des étoffes, telles les robes des amazones.

Théodore Géricault (1791-1824)
Étude pour The English Farrier [Le Maréchal-ferrant anglais]
1821
Crayon noir, plume et lavis d'encre sur papier
Paris, collection de Monsieur et Madame Dominique Mégret

Théodore Géricault (1791-1824)
The Flemish Farrier [Le Maréchal-ferrant flamand]
1821
Lithographie sur papier
Rouen, Musée des Beaux-Arts
Séjournant en Angleterre en 1821, Géricault s'éloigne des sujets épiques ou grandioses de sa jeunesse pour s'intéresser au monde du travail. Il trouve à Londres ce qu'il cherchait à Rome: l'observation du réel, une vision directe de la nature et un langage esthétique affranchi des normes (notamment celles de l'Antiquité). Il montre de nombreuses scènes anecdotiques où il compare des maréchaux-ferrants anglais, français et flamands qui déclinent chacun une étape de la fabrication des fers à cheval. Le Flamand est représenté en train d'ajuster, dans un nuage de fumée, le fer brûlant au sabot de l'animal.

Théodore Géricault (1791-1824)
La Promenade, dit aussi Palefrenier anglais promenant deux chevaux
1821
Aquarelle et mine de plomb sur papier beige Paris, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques
A Londres, Géricault résidait chez Adam Elmore, qui possédait une écurie près de Hyde Park, site rêvé d'études d'après nature. Les courses de chevaux, véritable phénomène social en Angleterre, séduisent Géricault, qui s'intéresse aux fins coursiers - chevaux souvent d'origine arabe -, aux garçons d'écurie, aux jockeys et aux propriétaires avides de remporter des courses prestigieuses leur procurant gloire et prospérité. Cette aquarelle, aux tons clairs, excelle à rendre l'allégresse des jeux hippiques. La présence d'un extraordinaire cheval bleu donne à cette oeuvre une grande modernité.

Théodore Géricault (1791-1824)
Les Scieurs de bois
1820
Plume et encre noire sur papier calque
collé sur carton
Rouen, Musée des Beaux-Arts
À Londres, Géricault s'adonne à sa passion des chevaux et s'intéresse à la vie
quotidienne des ouvriers. Dans ce dessin, il représente d'humbles travailleurs manuels s'affairant autour d'une charrette en bois. Le cheval est immobile, docile, hiératique, comme figé. C'est la rue qui fascine Géricault, et sa tragique modernité, nouveau lieu de la révolution industrielle alors en cours.

Théodore Géricault (1791-1824)
Entrance to the Adelphi Wharf [L'entrée du quai Adelphi]
1821
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France
Cette gravure fait partie d'une série de treize lithographies dites « anglaises »>, exécutées par Géricault lors de son second voyage en Angleterre. Le quartier d'Adelphi se situe à Londres sur les bords de la Tamise. C'est sur les quais de ce quartier qu'étaient déchargés des bateaux transportant du charbon. Alors que des palefreniers et des chevaux passent sous la voûte d'un tunnel d'un noir sépulcral, l'accent est mis sur l'utilisation laborieuse de l'équidé, considéré avant tout pour sa force de travail. La noirceur de l'encre va de pair avec celle du sujet, ce convoi de l'industrie londonienne, à l'allure ténébreuse.

Théodore Géricault (1791-1824)
The Coal Waggon
[Le Chariot à charbon]
1821
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Chariot à charbon
1821-1822
Mine de plomb, plume et lavis d'encre brune sur papier crème
Paris, collection particulière
Ce dessin évoque le transport du charbon. Tiré de la mine dans des conditions difficiles et dangereuses, le charbon est ensuite pelleté puis transporté sur des chariots jusqu'à la rivière et embarqué sur des bateaux visibles en contrebas. Le pénible travail des chevaux et des hommes est renforcé dans la composition par une diagonale plongeante. Géricault s'intéresse au rôle de la force motrice des chevaux dans les mines.
Sa fougue réside en cela aussi: s'enthousiasmer pour l'humanité tout entière, dans toutes ses dimensions épiques et tragiques.

Théodore Géricault (1791-1824) Horses going to a fair [Chevaux conduits à la foire]
1821-1822
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France

Théodore Géricault (1791-1824)
Horses going to a fair
[Chevaux conduits à la foire]
1821-1822
Lavis d'encre brune et d'encre noire, rehauts de gouache blanche sur papier beige Tourrettes-sur-Loup, collection particulière
Dans ce dessin préparatoire pour une lithographie, des palefreniers mènent en une lente procession ascendante de massifs chevaux de trait pour les vendre à la foire. La lourde carrure de ces animaux s'oppose à celle élancée des chevaux de course et se rapproche de celle des chevaux chargés de tirer les lourds chariots de charbon. Ils représentent une force de travail nécessaire dans l'Angleterre industrielle du xix siècle. Pour Géricault, aucune hiérarchie n'existe entre les différentes races de chevaux, qu'ils soient à usage militaire ou industriel.

Théodore Géricault (1791-1824)
Paysage sur la côte d'Angleterre
1820-1821
Huile sur toile
Bruxelles, collection particulière
Au tout premier plan, un lourd cheval, monté par un jeune palefrenier, avance tranquillement et traverse un plan d'eau. Sa lourde carrure, nécessaire pour les besoins de l'industrie, opposée à celle, élancée, des chevaux de course n'est pas exploitée ici. Au contraire, le temps semble presque arrêté; un mendiant philosophe assis au bord du chemin renforce cette sensation, Géricault offre ce paysage onirique, inspiré des panoramas anglais et hollandais, à son grand ami Horace Vernet.

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval de trait à l'écurie
1821
Huile sur toile
Neuilly-sur-Seine, collection particulière

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Cheval du plâtrier
1823
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France
De retour en France en 1822, Géricault a acquis une excellente réputation de peintre de chevaux. Il s'intéresse au développement de l'industrialisation et au rôle de la force motrice des chevaux. Le coursier de race ou le destrier de combat cèdent la place à la bête de trait, à la croupe massive, à l'échine musculeuse et aux sabots velus. Comme dans son célèbre tableau testamentaire Le Four à plâtre, conservé au Musée du Louvre, Géricault représente ici le transport par un cheval de lourds sacs de plâtre. La fabrication de ce matériau à partir de la cuisson du gypse était une activité maîtresse de l'époque.

La mort du cheval
Les guerres napoléoniennes (1803-1815) entraînent la mort d'un million de militaires et civils français, ainsi
que de centaines de milliers de chevaux. Géricault s'intéresse au cheval blessé, agonisant sur le champ de bataille, victime innocente de la folie des hommes.
À Londres, lors de ses séjours de 1820 et 1821, l'artiste est confronté à une tout autre mort, celle, lente et cruelle, des chevaux laborieux, force de travail indispensable à la révolution industrielle. Il représente des carcasses, abandonnées à terre ou transportées chez l'équarrisseur, comme un dernier convoi funèbre. De retour en France en 1822, Géricault consacre encore plusieurs de ses études aux dépouilles de chevaux. Avec sa lithographie du Cheval mort, il revient au champ de bataille napoléonien, où des corbeaux tournoient au-dessus des restes de l'animal. Il explore aussi une lutte à l'issue fatale, celle d'un corps-à-corps cruel entre un lion et un cheval. Dans un tableau envoûtant et quasi testamentaire, Géricault s'inspire du poète romantique anglais Byron pour peindre le héros légendaire Mazeppa, un jeune page polonais devenu l'amant de la femme de son maître. Condamné à être fouetté puis attaché nu sur le dos d'un cheval sauvage lancé dans une course éperdue, Mazeppa échappe en définitive à la fin atroce qui lui était réservée tandis que le cheval meurt d'épuisement.

Théodore Géricault (1791-1824)
Cheval blessé sur un champ de bataille
1814
Huile sur toile
Paris, collection particulière
Les guerres napoléoniennes entraînent la mort d'un million de militaires et civils français, ainsi que de centaines de milliers de chevaux. Géricault représente ici un cheval blessé et agonisant sur le champ de bataille. Victime innocente de la folie des hommes, cet animal, en occupant l'ensemble du tableau, évoque à lui seul les malheurs de la guerre.

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Cheval mort
1821
Huile sur papier marouflé sur carton
Paris, collection particulière
La mort du cheval est un sujet que Géricault aborde à plusieurs reprises et dans des contextes fort différents. Au cours de son séjour londonien, en 1821, l'artiste est confronté à la mort, lente et cruelle, des chevaux laborieux, force de travail indispensable à la révolution industrielle. Avec cette carcasse anonyme, abandonnée à terre, le peintre célèbre le requiem de l'animal. L'absence d'un quelconque caractère de violence dans la représentation de cette dépouille renforce l'impression de chaos et de vacuité.


Théodore Géricault (1791-1824)
Le Cheval mort
1823
Lithographie sur papier
Paris, Bibliothèque nationale de France
Dans cette poignante lithographie, l'une des dernières de l'artiste, Géricault revient au champ de bataille napoléonien.
Brisant un silence mortifère, des corbeaux tournoient au-dessus des restes de l'animal dans un paysage de neige désolé, comme un écho aux désastres de la campagne de Russie. A l'arrière-plan, un homme gît sur le dos, les bras en croix, tandis qu'un cheval, sans doute blessé, essaye de se relever. Sa posture évoque le cheval sauvage de Mazeppa tentant d'aborder la rive d'un fleuve.

Théodore Géricault (1791-1824)
Le Convoi du cheval mort
1820-1821
Mine de plomb et aquarelle sur papier Paris, collection particulière
Comme dans un dernier convoi funèbre, l'équarrisseur (celui qui tue et écorche les bêtes) transporte dans sa charrette des quadrupèdes promis à l'abattoir, et deux sinistres chevaux squelettiques ferment la marche. Dans cette scène, que l'on voit de dos, l'horizon où rôdent des corbeaux semble sans limites et d'une infinie tristesse. Le léger lavis d'aquarelle contraste avec le drame silencieux de la scène à caractère testamentaire.



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