AVEC
NIKI DE SAINT PHALLE, YVES KLEIN, MARTIAL RAYSSE, KEITH HARING...
Le 17 août 1955, le peintre Fernand Léger disparaît dans sa maison-atelier de Gif-sur-Yvette. En octobre 1955, Yves Klein présente ses tableaux monochromes au club des Solitaires à Paris et rencontre par l'intermédiaire d'Arman,
le critique d'art Pierre Restany. La même année, Niki de Saint Phalle et Jean Tinguely font connaissance; César expose ses << Compressions >> à la galerie Rive Droite à Paris. Une génération, celle des avant-gardes modernistes, s'efface tandis qu'émerge une nouvelle vague d'artistes, témoins et acteurs des profondes mutations économiques et culturelles de l'après Seconde Guerre mondiale. C'est le début de l'aventure du Nouveau Réalisme sous l'égide de Pierre Restany. Historiquement, la rencontre entre Léger et les Nouveaux Réalistes n'a donc pas eu lieu. Pourtant, l'œuvre du peintre moderne contient déjà en germe les recherches et révoltes portées par ses successeurs : détournement de l'objet, appropriation des symboles de la société urbaine et industrielle, contestation de toutes les formes d'académisme, insertion de l'œuvre d'art dans l'espace public et utopie d'un art pour tous...
Voyageant d'une période à l'autre, la notion de «< nouveau réalisme» constitue le fil conducteur autour duquel se décline cette filiation. Fervent admirateur de l'œuvre de Léger, Pierre Restany, présent avec Raymond Hains à Biot pour l'inauguration du musée Léger le 13 mai 1960, aurait baptisé le groupe en hommage au peintre, qui utilise cette formule dès 1924 pour définir sa démarche esthétique.
Au travers de rapprochements inédits, thématiques ou formels, tour à tour pertinents, ludiques ou audacieux, l'exposition aborde la façon dont les artistes européens et américains assimilent, rendent hommage ou rejettent l'héritage de Léger, à partir des années 1960.
À partir des collections du musée national Fernand Léger à Biot et du Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de Nice, le parcours souligne pour la première fois l'apport du peintre moderne aux Nouveaux Réalistes et aux avant-gardes contemporaines. Il invite le public à un jeu de regards croisés, à une promenade libre et insouciante au gré d'une histoire de l'art revisitée.
À gauche de haut en bas et à droite
de bas en haut :
Martial Raysse, Bénédicte Pesle, Jean Tinguely, Brooks Jackson, France Raysse, Niki de Saint Phalle, Alexandre lolas, Rotraut Klein,
André Mourgues, lors de l'exposition << Martial Raysse: Made in Japan...Tableau horrible...Tableau de mauvais goût >>, Alexander lolas Gallery, New York, 1965
William Klein
LES CINQ ELEMENTS
Les Nouveaux Réalistes ouvrent la voie à un art de gestes en interaction avec la nature et avec le monde. Dans un désir de conquête, ils s'emparent des objets les plus emblématiques de la société, donnent à voir la beauté urbaine dans toute sa trivialité. Dans un même temps, ils s'approprient les quatre éléments qui composent l'univers et y adjoignent la couleur.
«FAISONS ENTRER LA COULEUR, NECESSITE VITALE COMME L'EAU ET LE FEU, DOSONS-LA SAVAMMENT. » Fernand Léger (1924)
Ces recherches plastiques et symboliques questionnent la place de l'humain et de la nature au sein d'une époque en pleine expansion capitaliste, à l'image de l'approche critique d'Alain Jacquet, artiste proche du Pop Art. Dans une critique en acte de la société, l'artiste- accumulateur Arman aborde très tôt la question des déchets, de la surconsommation et de l'obsolescence programmée. Précurseur, Fernand Léger enregistre les grandes mutations du monde moderne, tantôt critique, tantôt fasciné par les révolutions technologiques et mécaniques. Au fil du temps, la nature devient omniprésent dans son œuvre et appelle à un ralentissement.
Davantage animé par une quête métaphysique, Yves Klein multiplie les tentatives de reconnexion avec le monde par l'intermédiaire de la couleur pure et des énergies primordiales. Ce programme résonne avec l'utopie de Fernand Léger, pour qui la couleur est un élément fondamental, vital, bénéfique et thérapeutique, qui a la capacité d'agir sur le bien-être social.
FERNAND LÉGER
La Danseuse bleue
1930
Huile sur toile
Don de Paul Rosenberg en 1946
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle
En dépôt au musée national Fernand Léger, Biot
Dans sa quête d'absolu, Yves Klein s'empare d'un chef-d'œuvre de l'Humanité, la Vénus d'Alexandrie conservée au musée du Louvre à Paris en l'imprégnant de son bleu IKB. La couleur pure, appliquée sur un moulage de l'œuvre antique, aboutit à une expérience esthétique unissant de façon organique, la peinture au corps. Klein a choisi une Vénus dépourvue de membres et de tête pour mettre en évidence le ventre et les seins, symboles de naissance et de vie. Avec sa Danseuse bleue, Fernand Léger se montre peu intéressé par les formes archétypales de la femme qu'il estompe et déforme. Mais il partage avec Klein la volonté de poser un bleu outremer sur une figure féminine pour en souligner la beauté et la pureté des formes.
YVES KLEIN
Vénus bleue
(La Vénus d'Alexandrie)(S 41)
Vers 1962
Pigment pur et résine synthétique sur plâtre
Don de Rotraut Moquay Klein et Daniel Moquay en 1999 Nice, MAMAC
ARMAN
The Birds 11
Novembre 1981
Pinces autobloquantes métalliques
L'année 1981 marque une nouvelle étape dans la série des << Accumulations » (1959-2005). Les «Wall Relief » (1981-1984) sont de grandes compositions murales d'outils mécaniques mettant en évidence l'efficacité plastique de l'objet industriel produit en masse. Ici, la puissance évocatrice des pinces métalliques se mue en une nuée d'oiseaux, associant l'outil inerte au vivant, l'artificiel au naturel. Cette fascination pour la mécanique est très présente chez Fernand Léger, qui traite de la même manière << un nuage, une machine, un arbre >>. Le contraste dynamique entre l'animé et l'inanimé est fréquent dans sa peinture, tout comme le motif de l'oiseau.
Achat à l'artiste avec l'aide du Fram en 1988 Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
Composition aux deux oiseaux sur fond jaune
Vers 1955
Huile sur toile
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national Fernand Léger
ALAIN JACQUET
La Source (Ingres)
1965/2004
Sérigraphie marouflée sur toile
Don de l'artiste en 2003
Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
La Baigneuse
1932
Huile sur toile
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
Dans la mouvance du Pop Art, Alain Jacquet détourne dès 1964 les icônes de l'histoire de l'art en les juxtaposant avec des images populaires. Avec un traitement tramé emprunté aux modes de reproduction industriels, il réalise une allégorie moderne de La Source (1820-1856) d'Ingres. Coiffée d'un casque, une pin-up se tient dans une cabine de douche, un jerricane sur l'épaule en lieu et place de l'amphore initiale. Trente ans plus tôt, Fernand Léger évoque, dans La Baigneuse, le mouvement du bras du nu d'Ingres. Ici, le corps déstructuré répond aux formes humanisées d'un tronc d'arbre. Une draperie bleue les sépare et se fond avec la chevelure féminine qui évoque les remous d'une cascade. Léger et Jacquet mêlent les motifs naturels, humains et manufacturés.
FERNAND LÉGER
La Forêt
1942
Huile sur toile
Exilé à New York depuis 1940, Fernand Léger passe l'été 1942 dans le New Hampshire, qui lui inspire cette toile annonçant les <<Paysages américains » (1942-1945). Il la choisit pour expliquer sa démarche artistique dans le film documentaire réalisé avec Thomas O. Bouchard en 1945, Léger in America. His New Realism. Le tableau est dominé par une sorte de croix bleue, élément récurrent dans l'oeuvre de Léger représentant une barrière et symbolisant l'intervention humaine dans le paysage. Autour d'elle, des formes vertes et noires ondulées, des silhouettes d'oiseaux ou d'insectes et des taches de couleurs évoquent ce paysage contrasté, où la nature reprend ses droits face aux assauts de la civilisation américaine.
Dation en 1982
Paris, Centre Pompidou, musée national d'Art moderne/
Centre de création industrielle
YVES KLEIN
Sculpture sans titre (S11)
1960
Pigment pur et résine synthétique sur bois Édition posthume sur bronze en 2002
Yves Klein est mondialement connu pour son bleu. En 1955, il met au point P'International Klein Blue, un mélange composé de pigment pur et de résine synthétique lui permettant d'utiliser le bleu outremer sans en altérer l'éclat. Avec l'IKB, il souhaite transmettre au public l'expérience de la couleur pure. En imprégnant de bleu des éléments végétaux comme des branches d'arbre, il tente de saisir les forces vitales de la nature, de capter les énergies primordiales, et ainsi de créer un lien entre le cosmos et la terre.
Collection particulière
En dépôt au MAMAC, Nice
CHRISTO ET JEANNE- CLAUDE
Three Wrapped Trees
1968
Tissu, polyéthylène, corde, carton, bois et peinture acrylique
Christo et Jeanne-Claude réalisent des projets d'emballages monumentaux financés par la vente des maquettes préparatoires. L'empaquetage protège autant qu'il révèle ce qui est caché.
En 1966, le couple envisage d'envelopper des arbres en hiver. Refusé dans plusieurs parcs américains, puis pour l'avenue des Champs-Élysées à Paris, le projet ne se concrétise qu'en 1998 en Suisse. Emballer des arbres vise à alerter sur la nécessité vitale de leur présence et de leur protection. Ce geste illustre à la fois la persévérance des artistes et leur attention à la préservation de la nature. Collection particulière
En dépôt au MAMAC, Nice
YVES KLEIN
Peinture de feu sans titre (F71)
1962
Carton brûlé sur panneau
Dans sa quête de transmettre l'énergie et la sensibilité du monde cosmique, Yves Klein travaille dès 1957 avec le feu. La flamme d'un brûleur donne naissance à des empreintes sur papier ou à des sculptures. En mars 1961, le Centre d'essais de Gaz de France lui permet de perfectionner sa technique. L'artiste y adjoint notamment les pouvoirs de l'eau. L'oeuvre est le résultat d'une action convoquant les énergies primordiales: «Mes tableaux ne sont que les cendres de mon art », confie-t-il.
Collection particulière
En dépôt au MAMAC, Nice
FERNAND LÉGER
Dessins préparatoires
pour la décoration de l'usine de Gaz de France à Alfortville
Vers 1955
Gouache sur papier
Peu avant sa mort, Fernand Léger reçoit une commande pour la décoration
de la nouvelle usine de Gaz de France. Afin d'incarner cette industrie en pleine modernisation, il choisit le feu, peu
représenté dans son œuvre, mais souvent célébré comme élément vital dans ses écrits. Une trentaine d'études préliminaires à la gouache lui sont nécessaires avant d'arrêter la maquette définitive, qu'il projette de réaliser en céramique et mosaïque. La flamme, qu'il semble étudier d'abord sur le motif d'après un brûleur à gaz, évolue vers une composition abstraite aux formes colorées et contrastées cernées de noir. Par ses couleurs pures et vives, ce projet de décor rayonnant vise à rendre l'usine accueillante chaque matin aux employés. Léger donne ainsi à la couleur une fonction à la fois utilitaire et psychologique.
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
FACE A NIKI DE SAINT PHALLE
Les <<< Nanas >>, qui ont rendu si célèbre Niki de Saint Phalle dès 1965, partagent avec les personnages de Fernand Léger un air de famille assumé. À leurs formes rondes, couleurs vives et cernes noirs similaires, répondent leur joie de vivre et leur démesure partagée. Ces femmes aux formes épanouies et dodues sont impertinentes, audacieuses, facétieuses.
Défiant la prédominance masculine, les << Nanas >>> ont le pouvoir d'agir, de créer, d'apaiser et de transformer. Multicolores, elles incarnent un féminisme solaire. Leurs pouvoir et puissance dialoguent avec la force de caractère des femmes actives, pleines d'humour et de vie de Léger. Danseuses, acrobates, cyclistes, elles affirment leur émancipation et la plénitude de leur corps, défiant parfois les lois de la gravité.
L'art, les loisirs et le sport apparaissent comme des espaces de liberté, d'expression et d'épanouissement. Pour Léger, leurs courbes et leurs couleurs vives se déploient pour lutter contre la morosité, le conventionnel contre << le goût bourgeois, gris nuancé, morne, décoloré »>
FERNAND LÉGER
FACE A NIKI DE SAT PHALLE
A
Niki de Saint Phalle et Fernand Léger revendiquent le caractère populaire et accessible de leur œuvre. Leur engagement social et politique se retrouve dans leur volonté de placer dans l'espace public œuvres des monumentales et ludiques. Ils imaginent des sculptures praticables destinées aux enfants.
Ils expérimentent la céramique et la mosaïque et donnent naissance à des motifs issus du monde végétal et animal, en interaction avec le paysage et l'environnement. Des êtres fantastiques
apparaissent une Fleur qui marche (1952-1953) chez Léger et un Golem (1972), chez Saint Phalle. L'émerveillement recherché montre leur foi dans l'avenir et dans les nouvelles générations.
Pionnière, l'artiste franco-américaine occupe, dès le milieu des années 1960, l'espace public et finance elle-même ses projets, à l'instar du Jardin des Tarots en Toscane. Si le peintre de la modernité réalise plusieurs commandes dans le cadre de la reconstruction d'après-guerre, il a à cœur d'œuvrer à l'échelle de la cité.
FERNAND LÉGER
FACE A KEITH HARING
U
F
Les figures humanoïdes du peintre américain sont les dignes descendantes des silhouettes tubulaires du maître de la modernité. Leur stylisation graphique cernée de noir dialogue avec des blocs de couleurs vives et autonomes, créant des contrastes dynamiques.
En faisant de la ville de New York un support d'expression, Haring prolonge la fascination qu'a Léger pour la rue. Leur objectif est similaire transmettre un art empli de joie de vivre, accessible et visible par tous. Méfiants à l'égard d'un art élitiste, ils préfèrent travailler pour le plus grand nombre. Léger s'intéresse aux arts décoratifs; Haring inonde le marché d'objets dérivés. Le peintre des travailleurs représente la naissance de la société de loisirs avec les premiers congés payés. L'artiste de rue s'attaque aux discriminations de son temps: racisme, oppression, pauvreté, maladie. Tous deux répandent un message de paix, s'inquiètent des menaces technologiques. Leur engagement social, démocratique et anticapitaliste les relie dans une ronde joyeuse, populaire et colorée qui vise à égayer et à transformer le monde.
KEITH HARING À PROPOS DE FERNAND LÉGER
"Je n'aurais certainement pas pu faire
les formes colorées et les dessins au trait noir sans connaître Léger."
New York, The Keith Haring Foundation, The John Gruen Papers, transcription, bande 16.
"[...] Je reconnais ma dette envers lui [Léger], [...] Le fait est que, même si j'ai emprunté
ou volé (si vous préférez) sa technique des couleurs bordées de traits noirs (que l'on trouve également chez Miró), je l'ai faite mienne en l'employant à ma façon."
Extrait des journaux personnels de Keith Haring (1987) Keith Haring Foundation, Inc.
FERNAND LÉGER
FACE A YVE KLEIN
L'œuvre figuratif de Fernand Léger dialogue de manière inédite avec celui du peintre de l'immatériel qu'est Yves Klein. Tous deux adoptent une approche picturale réaliste qui n'imite pas le réel mais en proposent une appropriation personnelle manifestant leur vision du monde. Avec eux, la couleur se libère, devient autonome. Klein s'empare de la couleur bleue parce qu'elle est, selon lui, l'expression d'une sensibilité picturale, immatérielle, indéfinissable. Léger utilise les qualités curatives de la couleur afin d'égayer le monde et d'agir sur le bien-être social.
C'est son ambition lorsqu'il accepte une commande pour orner une façade de Gaz de France à Alfortville en 1954. En 1961, Klein se rend au Centre d'essais Gaz de France de la Plaine-Saint-Denis, où il développe ses recherches sur les << Peintures de feu », initiées en 1957. Dans une quête d'absolu, il se confronte aux énergies primordiales, tente de capter tout ce qui ne se voit pas et est pourtant sous nos yeux. Et c'est dans cette quête cosmogonique, spatiale et spirituelle que son approche du réel se détache de celle de Léger
FERNAND LÉGER FACE À ARMAN
Dès les années 1920, Fernand Léger accomplit un geste révolutionnaire en supprimant le sujet de la peinture au profit de l'objet, prélevé dans la vie quotidienne ou le monde des machines. Avec Arman, l'objet est aussi omniprésent, de l'instrument de musique, symbolisant la bourgeoisie, à l'objet industriel en plastique.
Tous deux explorent le potentiel artistique des objets : Léger le fragmente, le grossit, l'isole, le fait flotter dans l'espace. Après ses << Cachets >> (1954-1959), qui marquent son abandon de la peinture, Arman expose l'objet à l'état de déchet dans les << Poubelles >>, le prive de son identité avec ses «< Accumulations >>, le désintègre violemment dans ses <<< Colères ».
La représentation ou l'utilisation de l'objet délivre alors un message ambigu, entre fascination pour sa beauté formelle et dénonciation de sa prolifération excessive. L'inquiétude visionnaire de Léger devant les dérives du matérialisme, accentuée par son exil aux États-Unis, rejoint le regard critique d'Arman qui assiste, dans les années 1960, à l'avènement de la société de consommation.
FERNAND LÉGER
La Joconde aux clés
1930
Huile sur toile
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
RAYMOND HAINS
Seita
1970
Bois mélaminé et peint, toile émeri
Achat à la galerie du Génie, Paris, avec l'aide du Fram en 1989 Nice, MAMAC
Œuvre emblématique de Léger, La Joconde aux clés tourne en dérision une image iconique de la Renaissance en attirant l'attention du spectateur sur des objets ordinaires. Poussant plus loin la démarche de Léger qui grossit et isole au centre du tableau un trousseau de clés, Raymond Hains réalise en 1964 sa première pochette d'allumettes géante, copie fidèle d'un modèle courant. Polymorphe, son œuvre évolue des affiches lacérées vers la création d'un répertoire d'objets quotidiens monumentaux non dénués d'un certain humour quant à la notion d'œuvre d'art. Cette série fait écho aux pièces contemporaines du Pop Art américain, en particulier les pastiches d'objet de Claes Oldenburg.
ROY LICHTENSTEIN
Interior with Chair
1997
Sérigraphie extraite du portfolio Leo Castelli 90th Birthday
Fernand Léger, qui a séjourné quatre fois aux États-Unis, notamment lors de son exil à New York de 1940 à 1945, exerce une forte influence sur le Pop Art américain et sur l'œuvre de Roy Lichtenstein. Fascinés par la publicité, ils partagent une technique picturale impersonnelle, froide et linéaire, l'emploi du cerne noir et de couleurs pures contrastées, la stylisation des formes, l'absence de hiérarchie dans le choix des sujets traités, la composition en strates de couleurs superposées. A plusieurs reprises, Lichtenstein cite directement l'oeuvre de Léger dans ses tableaux, comme dans Trompe l'Oil with Léger Head and Paintbrush (1973).
Don de Jean-Christophe Castelli en 2001 Nice, MAMAC
NIKI DE SAINT PHALLE
Plastic Circles and Rectangles
Vers 1960-1961
Peinture, plâtre, bois et objets divers
sur contreplaqué
Donation de l'artiste en 2001
Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
Composition aux dominos
Vers 1955
Estampe d'après une peinture
Éditions Guy Spitzer, Paris
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
Contrastes d'objets
1930
Huile sur toile
Au cours des années 1920, Fernand Léger s'intéresse à l'objet et à sa valeur plastique et cherche à renouveler le genre de la nature morte. Dès 1927, avec la série des «Objets dans l'espace », il supprime le support traditionnel de la table, disperse les objets en l'air et s'affranchit des lois de la perspective. Il étudie les rapports et les contrastes entre les objets tirés du quotidien, les formes géométriques ou abstraites et les couleurs. Il introduit également des figures humaines - ici une danseuse nue - aux détails gommés, rappelant que, pour lui "la figure humaine n'a pas plus d'importance que des clés ou des vélos."
Don de Paul Rosenberg en 1946
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne/ Centre de création industrielle
En dépôt au musée national Fernand Léger, Biot
LA VIE DES OBJETS
Les Nouveaux Réalistes, comme Fernand Léger trente ans plus tôt, se focalisent sur le symbole de la société moderne, l'objet. Léger se détache d'une représentation mimétique afin que les formes et les couleurs deviennent autonomes. Les artefacts ne sont plus mis en avant pour leur charge symbolique mais pour leur beauté formelle. Ils sont agrandis, juxtaposés, fragmentés par des aplats de couleurs vives et aléatoires. Une démarche que l'on retrouve chez les Pop artistes américains. En Europe, les Nouveaux Réalistes font basculer l'objet du domaine de la représentation à celui de la présentation par une action concrète sur le monde. Ils s'approprient, accumulent, assemblent des objets pour révéler leur potentiel plastique.
L'esthétique du vide-poche et des outils de l'atelier raconte une relation intime aux objets quotidiens. A l'inverse, la rue avec ses affiches, ses lettrages, ses vitrines, ses lumières, exerce un pouvoir de fascination et de méfiance critique à l'égard de la société capitaliste. Désormais, les visages sont traités comme des objets, voire des machines.
Archéologues du temps présent, les artistes ont capté l'essence d'une époque où l'art est concurrence, comme l'exprime Léger dès 1923, par le « bel objet >>, les << devantures >> et les supermarchés. La beauté banale et populaire est magnifiée en exprimant des nouveaux modes de vie, des revendications sociales
NIKI DE SAINT PHALLE
Paire de ciseaux (Scissors)
Vers 1960-1961
Peinture, bois et objets divers sur contreplaqué
Dès la fin des années 1950, l'artiste réalise des bas-reliefs en accumulant, sur un lit de plâtre disposé sur un panneau de bois, toutes sortes de petits objets quotidiens. On y trouve des débris, des outils et des objets pointus ou rouillés, des jouets en plastique colorés. Ces assemblages fonctionnent comme des paysages archéologiques du présent, des portraits psychologiques. Plus tard, l'artiste évoque son séjour en clinique psychiatrique à vingt-deux ans en raison de son obsession pour les objets tranchants. Avec la parution du livre Mon secret (1994), elle aborde les abus sexuels qu'elle a subis de son père lorsqu'elle avait onze ans. La présence d'objets tantôt enfantins tantôt agressifs prend dès lors une portée cathartique. L'art est un espace de liberté salvateur où elle peut surmonter ses angoisses les plus profondes.
Donation de l'artiste en 2001 Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
Main et ciseaux
1929
Crayon graphite sur papier
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
Les Gants
Vers 1930
Encre sur papier
Au début des années 1930, Fernand Léger exécute une série de dessins représentant des éléments naturels (silex, coquilles de noix...) ramassés dans la campagne parisienne. Isolés sur un fond neutre, épurés par un trait précis à l'encre, ces objets bruts deviennent le support d'une rêverie poétique proche de l'imaginaire surréaliste.
Léger crée également des portraits réalistes d'objets familiers, comme cette paire de gants qui semble retenir le volume et le souvenir des mains de Simone Herman, passion amoureuse du peintre. Derrière le défi de s'approprier le réel avec l'objectivité d'un photographe, l'émotion pudique de Léger affleure, ainsi qu'une sensualité autobiographique, rare dans son œuvre.
Achat en 2000
Biot, musée national Fernand Léger
NIKI DE SAINT PHALLE
Gant de travail
Vers 1960-1961
Peinture, plâtre et objets divers sur bois
Donation de l'artiste en 2001
Nice, MAMAC
ARMAN
Colère (meuble de style Henri-II)
1961
Assemblage de morceaux de meuble
Dès 1959, Arman réalise des «< Accumulations >>> d'objets. L'artiste affirme << la beauté par la quantité », interroge dans un même temps la société de consommation et les mutations de son époque. Dès 1961, il s'engage dans un corps-à-corps avec des objets domestiques ou des instruments de musique, symboles de la bourgeoisie, qu'il casse avec violence avant de les disposer sur un panneau de bois. Ces << Colères» expriment une critique en acte de la société conservatrice; elles révèlent aussi la beauté du geste qui détruit pour reconstruire et montrent des objets usuels sous de nouveaux angles, à la manière des natures mortes cubistes.
Achat à Charles Cordier en 1968
Paris, Centre national des Arts plastiques,
En dépôt au MAMAC, Nice
FERNAND LÉGER
Composition
Vers 1930
Crayon graphite
Achat en 2000
sur papier
Biot, musée national Fernand Léger
MAY WILSON
Untitled (Madonna and circles)
Vers 1960
Assemblage d'objets, technique mixte Untitled (Silver Broom and Cheese Grate)
Vers 1960
Assemblage d'objets, technique mixte Untitled (Green Drawer)
Vers 1960
Assemblage d'objets, technique mixte
May Wilson débute sa carrière artistique à quarante-deux ans, après une vie de femme au foyer. Dès lors, elle bouscule les normes sociales, imagine des portraits féminins entre réalité et idéalisation, crée des assemblages d'objets divers. Des objets domestiques sont réunis dans des tiroirs disposés verticalement. La couleur monochrome qui les recouvre leur confère une forme d'abstraction. Ses assemblages sont à la fois des ex-voto du temps présent et des signes de l'obsolescence programmée des objets du quotidien.
Achat à la Pavel Zoubok Gallery en 2022
Nice, MAMAC
ARMAN
Cachet
Vers 1956-1957
Empreintes de tampons sur papier
Dès le milieu des années 1950, Arman emploie pochoirs et tampons encreurs dans une série d'oeuvres qui préfigure son attrait objets ordinaires et l'accumulation. Il évince pour les le geste du peintre au profit de l'oblitération répétitive, violente et aléatoire. Déjà, en 1914, Léger utilise cet outil pour composer une Nature morte, qui rend hommage aux calligrammes (poèmes écrits en forme de dessin) du poète précurseur du surréalisme Guillaume Apollinaire. À quarante ans d'intervalle, Arman et Léger se rejoignent dans une expérimentation typographique et iconoclaste à mi-chemin entre abstraction et figuration. L'importance accordée au hasard et aux mots dénote également leurs influences surréalistes.
Achat en 2005 Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER BLAISE CENDRARS
La Fin du monde filmée par l'Ange N-D.
1919
Paris, Éditions de La Sirène
Bon à tirer avec inscriptions manuscrites de Fernand Léger et rehauts de gouache Exemplaire imprimé n° 1110
Dons de la galerie Jeanne Bucher en 1995 et 1996 Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER BLAISE CENDRARS
La Fin du monde filmée par l'Ange N-D.
1919
Paris, Éditions de La Sirène
Bon à tirer avec inscriptions manuscrites de Fernand Léger et rehauts de gouache Exemplaire imprimé n° 1110
En 1919, les éditions de La Sirène publient La Fin du monde filmée par l'Ange N-D., rédigée par Blaise Cendrars, farce satirique, pacifiste et anticapitaliste conçue comme un scénario. Ce << film de papier >> illustré par son ami Fernand Léger, évoque le vocabulaire cinématographique, joue sur l'interpénétration entre texte et images et la remise en cause du principe de lisibilité. Lettres noires ou en couleurs, rappelant le lettrage au pochoir, motifs figuratifs ou abstraits et plages colorées sont associés, dissociés, superposés, entremêlés dans
des compositions dynamiques qui évoquent l'agitation du monde moderne.
Dons de la galerie Jeanne Bucher en 1995 et 1996
Biot, musée national Fernand Léger
JACQUES VILLEGLÉ
Métro Arts et Métiers
1974
Affiches lacérées sur toile
Dès 1949, Villeglé opte pour le rapt urbain et décolle des affiches dans les rues de Paris (ici à l'arrêt de métro Arts et Métiers) avant de les ré-agencer sur toile. Ce geste subversif révèle la beauté sauvage de la rue; d'un travail de composition plastique il découle influencé par les collages dadaïstes, lettristes et cubistes. Avec les arrachages, l'artiste parodie la peinture abstraite, gestuelle
et lyrique encore dominante dans les années 1950. Cette volonté de créer un art figuratif, populaire et politique inspiré par l'esthétique de la rue le rapproche de Fernand Léger.
Achat à l'artiste avec l'aide du Fram en 1985
Nice, MAMAC
CÉSAR
Sans titre Sans date
Tôles compressées
Coutumier des matériaux de récupération et de la soudure, le sculpteur César découvre en 1960 la presse hydraulique destinée à compresser les voitures vouées à la destruction. Il développe alors des << Compressions » (1959-1998) de toutes sortes d'objets. Les matériaux sont choisis tant pour leurs propriétés physiques
que plastiques. Le geste créateur est délégué à la machine que l'artiste maîtrise peu à peu. Écrasés, compilés, les rebuts de la civilisation industrielle sont élevés au rang d'œuvres d'art. En 1975, le sculpteur réalise le trophée du cinéma français donnant son nom à la cérémonie des César.
Collection Guichard
En dépôt au MAMAC, Nice
BEN
Si l'art est partout,
il est aussi dans cette boîte
1985
Peinture acrylique sur Plexiglas
Figure incontournable du mouvement Fluxus, Ben développe un art de gestes et d'attitudes liant l'art à la vie. Il consigne ses idées et opinions dans des écritures à la calligraphie souple et presque enfantine, jouant avec les langues dans une dialectique locale/internationale. Cette boîte, qui illustre le concept de << tout est art >>>, n'est pas sans rappeler les mots de Fernand Léger, pour qui la typographie joue un rôle plastique important: <<< Il n'y a pas le beau, catalogué, hiérarchisé. Le beau est partout, dans l'ordre d'une batterie de casseroles sur le mur blanc d'une cuisine, aussi bien que dans un musée. >>>
Don d'Acropolis-palais des Arts et des Congrès Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
Nature morte, A.B.C.
1927
Huile sur toile
Dès 1914, dans la continuité des recherches cubistes, Fernand Léger introduit lettres et chiffres dans ses compositions, en écho à la publicité qui envahit les paysages: <<La vie moderne est souvent en état de contraste et facilite le travail. L'exemple le plus fréquent c'est le panneau-réclame dur et sec, couleurs violentes, lettres typographiques, qui coupe un paysage mélodieux >>>. En 1927, les lettres ABC deviennent le sujet principal d'une toile que Léger intitule Nature morte, genre qu'il entend renouveler. Il travaille et joue sur le lettrage en gros plan, dynamique et contrasté, posé sur un fond de bandes colorées et de formes géométriques qui évoquent une enseigne publicitaire. Donation de Daniel-Henry Kahnweiler en 1973 Biot, musée national Fernand Léger.
ROBERT INDIANA
The Figure 5
1971
Sérigraphie extraite du portfolio << Decade >> comprenant 10 sérigraphies et 10 photographies New York & Los Angeles, Éditions Multiples
L'artiste emprunte à l'esthétique lisse et simplifiée de la publicité les aplats de couleurs vives clairement délimités. Son travail s'articule autour du signe. Lettres, chiffres et formes géométriques s'enchevêtrent pour créer de nouveaux symboles qui combinent références artistiques, personnelles et populaires. La série "Decade" (1971) représente le parcours artistique d'une décennie. La dimension accessible et populaire de son œuvre, tout comme ses couleurs et ses formes, évoquent l'art de Fernand Léger. Cette œuvre est un hommage à un tableau de Charles Demuth représentant le passage à toute vitesse d'un camion incendie rouge, marqué du chiffre 5. Indiana ajoute des mots- cibles. <<< DIE » (mourir) évoque le décès de sa mère.
Don de l'artiste en 1998
Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
ROLAND BRICE, CERAMISTE
Les Femmes au perroquet,
couleurs en dehors
Vers 1952
Bas-relief en terre cuite émaillée
composé de 4 éléments
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
ROLAND BRICE, CERAMISTE
Visage à la main sur fond rouge
Vers 1954
Bas-relief en terre cuite émaillée
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national
MARTIAL RAYSSE
Nissa Bella
1964
Report photographique sur feutrine marouflée sur contreplaqué, acrylique et néon sur toile
Dès 1962, l'artiste met en scène des figures féminines stéréotypées aux couleurs acidulées et aléatoires inspirées de l'imagerie publicitaire, qu'il associe à des objets du quotidien. Initialement intitulée Le Portrait de France, en l'honneur de son épouse, l'artiste France Cristini, le tableau est rebaptisé, après la séparation du couple, Nissa Bella, en hommage à la cité azuréenne et à l'esprit de vacances perpétuelles qui y règne. L'artiste combine techniques et matériaux: report photographique, shaped canvas (toile découpée selon la forme du sujet peint), peinture acrylique, collage, feutrine et néon. Ce qu'il appelle la << couleur vivante» forme le coeur qu'il place sur la joue du modèle, tel un baiser. Raysse magnifie ce portrait d'amour, l'élève au rang d'icône d'une société de loisirs artificielle.
NIKI DE SAINT PHALLE
Petit Témoin visage vert
1971
Polyester peint et vernis acrylique
Donation de l'artiste en 2001
Nice, MAMAC
DANIEL SPOERRI Agg i Hatten
1965
Assemblage, bois, verre, plâtre
Cette sculpture de Daniel Spoerri traduit en image une expression suédoise peu usitée relevant le caractère impoli d'une personne qui n'ôterait pas son couvre-chef parce qu'elle y cache les fruits d'un vol. << Avoir des œufs dans son chapeau >>> est un clin d'oeil aux petits larcins que l'artiste a commis pendant sa jeunesse et à ses premiers pas dans le monde du spectacle, de la danse et du théâtre. Composée d'objets chinés dans des marchés aux puces, cette œuvre apparaît comme un portrait de l'artiste, qui évoque son attrait pour les objets trouvés, le surréalisme mais aussi son goût pour les jeux de mots, les farces et l'ambivalence entre le vrai et le faux.
Achat à l'artiste en 1976
Paris, Centre national des Arts plastiques, En dépôt au MAMAC, Nice
FERNAND LÉGER
L'Homme au chapeau bleu
1937
Huile sur toile
Cette œuvre représente un personnage dans un univers de contrastes et de couleurs où les fleurs coupées sont traitées comme des objets inertes. Malgré la dimension relativement impersonnelle du tableau, on pourrait voir dans cet homme un portrait déguisé du peintre qui compose, sans distinction, avec le vivant et le non-vivant et propose une nouvelle manière de peindre le réel.
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
GILBERT & GEORGE
Flower Worship
1982
Technique mixte
Ce duo de performeurs-photographes, formant une entité artistique, dépeint avec humour la société londonienne des années 1970-1980. Parodiant le conformisme, figeant les clichés,
il se représente dans des situations ordinaires avec impertinence. Cet attachement à la banalité prône un art populaire comme chez Fernand Léger. La chosification des personnages est une autre analogie. Le cerne noir, les teintes de couleurs vives et contrastées du photomontage, la monumentalité rappellent aussi l'art de Léger. Cette scène bucolique illustre tant le Flower Power que l'imagerie d'un bonheur naif qui n'est pas sans évoquer l'esthétique victorienne.
Achet à la galerie Crousel-Hussenot, Paris,
evec side du Fram en 1987
Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
Le Campeur
Vers 1954
Huile sur toile
En 1952, Fernand Léger s'installe à Gif-sur- Yvette en région parisienne, et entame la série <<< La Partie de campagne >>, inspirée de la nature environnante où les classes populaires viennent se ressourcer et se divertir pendant leur temps libre. Le Campeur s'inscrit dans cette même veine. En hommage aux acquis sociaux du Front populaire, ravivés à la Libération, Léger donne à voir une vision moderne du sujet traditionnel de la scène champêtre - ici rompue par des constructions métalliques et le contraste des personnages - et célèbre le thème des loisirs.
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
L'ART C'EST LA VIE
Pour Léger, artiste foncièrement optimiste, la peinture est un moyen de rendre hommage à la vie tout en témoignant des profondes mutations sociales de son époque. Inscrits dans le temps présent, les sujets qu'il traite reflètent la transformation des modes de vie avec l'adoption des premiers congés payés sous le Front populaire, en 1936.
L'essor des loisirs, l'esprit festif du spectacle (danse, musique, cirque), les sujets sportifs (cyclistes, plongeurs) sont pour lui l'occasion de célébrer le dynamisme du monde moderne, la plénitude des classes populaires qui se ressourcent au plus près de la nature, ou encore la souplesse des corps en mouvement des athlètes et acrobates. Afin de s'adresser à tout le monde, Léger évoque ces nouveaux sujets pleins de joie de vivre, dans des formats monumentaux qui intègrent l'oeil et le corps du spectateur.
À partir des années 1960, certains artistes du Nouveau Réalisme font aussi l'éloge de la société des loisirs et de l'émancipation des corps, à l'image de la série des << Nanas >> de Niki de Saint Phalle. En saisissant la poésie du quotidien, ils gomment les frontières entre l'art et la vie. Ils détruisent ainsi les symboles de l'ancien monde pour en construire un nouveau, placé sous le signe de la liberté.
FERNAND LÉGER ROLAND BRICE, CERAMISTE
La Fleur jaune
Vers 1952
Bas-relief en terre cuite émaillée
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national Fernand
FERNAND LÉGER ROLAND BRICE, CERAMISTE
Le Tournesol
1954
Bas-relief en terre cuite émaillée
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
NIKI DE SAINT PHALLE
Volleyball
1993
Sérigraphie
Donation de l'artiste en 2001
Nice, MAMAC
La Danseuse au chienFERNAND LÉGER
Les Quatre Cyclistes
1943-1948
Huile sur toile
Fernand Léger débute la série des << Cyclistes >> aux États-Unis. Symbole de modernité, de liberté et de loisir populaire, le vélo le fascine comme <<< objet en mouvement >>> mais aussi pour ses contrastes entre cadre orthogonal et roues mobiles. Avec Les Quatre Cyclistes, Léger expérimente pour la première fois la technique de la <<< couleur en dehors >>>, inspirée des lumières de New York. Librement distribuées, les couleurs s'affranchissent du contour cerné des formes et animent la composition frontale des quatre jeunes femmes aux corps enchevêtrés.
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
KAREL APPEL
Le Cycliste
1969
Huile sur toile et bois peint en relief
Don de l'artiste en 1988
Nice, MAMAC
LE BEAU EST PARTOUT
«MES DESSINS
NE TENTENT PAS D'IMITER
LA VIE, ILS TENTENT
Dès les années 1930, Léger crée, parallèlement à ses tableaux de chevalet, des œuvres abstraites et décoratives spécialement conçues pour l'architecture. Dans le contexte de la reconstruction d'après-guerre, il répond à des commandes publiques pour accomplir son rêve d'insérer sa peinture dans les paysages urbains ou naturels. En 1946, sa première réalisation, la façade en mosaïque de l'église du Plateau d'Assy, est suivie d'autres commandes tels que les décors de l'Hôpital-mémorial de Saint-Lô, manifeste le plus frappant de sa foi dans le pouvoir thérapeutique de la couleur.
DE CRÉER LA VIE,
DE L'INVENTER. »
Keith Haring
Niki de Saint Phalle rejoint les préoccupations de Léger en multipliant dès 1967, les projets de sculpture monumentale et habille le monde de ses figures rondes aux couleurs éclatantes. Elle imagine une « Nana Ville » avec le désir de donner le pouvoir aux femmes et de lutter contre la morosité de l'urbanisme moderne.
Une utopie artistique et politique, un idéal d'art pour tous, que les inventeurs du Street Art dans les années 1980, reprennent à leur compte en faisant des murs de New York le support de leur expressivité. Ainsi Keith Haring rend hommage à Léger en affirmant que « l'art n'est pas une activité élitiste réservée à l'appréciation d'un nombre réduit d'amateurs, il s'adresse à tout le monde. >>
Le Jardin des Tarots (Garavicchio, 1979-1998)
1991 Vue
panoramique
Impressionnée par le parc Güell d'Antoni Gaudí, à Barcelone, le Palais idéal de Ferdinand Cheval, à Hauterives, et les tours Watts de Simon Rodia, à Los Angeles, Niki de Saint Phalle aspire très tôt à créer une œuvre totale, un jardin de sculptures. En 1978, elle entreprend son projet sur un terrain de deux hectares en Toscane. Pendant vingt ans, elle consacre son énergie à y développer une œuvre hors normes, dialoguant avec la nature environnante composée de vingt-deux sculptures monumentales et polychromes, inspirées des arcanes du tarot de Marseille. L'aventure réunit de nombreux savoir-faire et l'artiste, qui est aussi cheffe de chantier et entrepreneure, veille à son indépendance financière en vendant ses maquettes et dessins préparatoires. Depuis 1998, le jardin offre au public <<un lieu métaphysique, un lieu de méditation, un lieu qui réjouisse les yeux et le cœur. >>
Photo Laurent Condominas - Niki Charitable Art Foundation/ADAGP, Paris, 2025
Fernand Léger
Façade en mosaïque de l'église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du Plateau
d'Assy, 1947-1950
Alamy Banque d'images ADAGP, Paris 2025
NIKI DE SAINT PHALLE
Miles Davis
1999
De la série « Black Heroes >>
Mousse de polyuréthane, résine, armature acier, mosaïque de verre teinté et miroir, doré à l'or fin
Installée en 2002 sur la promenade des Anglais à Nice devant le prestigieux hôtel Le Negresco, cette sculpture monumentale représente Miles Davis jouant de la trompette. La série des << Black Heroes » (1998-2000) témoigne de l'engagement politique de Niki de Saint Phalle qui, trente ans après la création de ses premières << Nanas >> noires en 1965, a à cœur d'incarner le multiculturalisme de la société moderne. Témoin dès son enfance de la ségrégation raciale à New York, elle transmet ainsi des valeurs d'émancipation, de respect et d'égalité.
Cette œuvre illustre aussi la joie de vivre et l'amour de la musique de Niki de Saint Phalle, tout en inscrivant son œuvre dans un paysage urbain public. Des similitudes esthétiques existent avec l'œuvre de Fernand Léger qui a été une source d'inspiration pour la série des << Nanas >> (1965-2001). En parfaite harmonie avec les décors abstraits conçus par Léger dans les années 1950, les couleurs chatoyantes et les motifs circulaires du veston en mosaïque du musicien tirent parti des contrastes dynamiques. Enfin, les deux artistes partagent la conviction que l'art et la beauté doivent inonder la vie pour le bonheur de tous.
Achat à l'artiste
Nice, Hôtel Negresco
FERNAND LÉGER
Projet pour une peinture murale << Vulcania >>>
1951
Huile sur toile
Au début des années 1950, la réhabilitation du navire <<< Lucania >> dédié au transport des passagers est en cours dans les chantiers navals de Provence à Marseille. L'architecte italien Giancarlo de Carlo fait appel à Fernand Léger pour réaliser le décor mural de la salle à manger de première classe. Une fois le choix du motif établi avec l'architecte, Léger peint sur toile la maquette du projet de dimensions réduites, qu'il confie à ses élèves pour exécuter le panneau définitif de 2,14 x 5,40 mètres. Léger intitule ce décor avec fantaisie << Vulcania >>> en détournant le nom du paquebot. Dans la salle à manger qui ne comporte que des petits hublots, ce décor mural fonctionne parfaitement pour créer une profondeur et une animation comme une fenêtre sur un jardin. Les formes abstraites de la composition suggèrent la flore terrestre et des papillons colorés. Le bleu utilisé est coordonné à la couleur du mobilier. Le panneau monumental, aujourd'hui démonté du bateau désarmé, se trouve dans une collection privée. Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
ROLAND BRICE, CERAMISTE
La Branche Rockfeller
1952
Sculpture en terre cuite émaillée
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national Fernand Léger
NIKI DE SAINT PHALLE
Le Soleil 1987
Mosaïque de miroir et de céramique
Niki de Saint Phalle travaille la mosaïque dans ses réalisations monumentales, notamment au Jardin des Tarots. Cette pratique décorative, artisanale et populaire, lui permet des déploiements merveilleux et fantastiques jouant sur les rapports d'échelles de l'infiniment petit à l'infiniment grand. Ce bas-relief de mosaïque affirme la dimension symbolique de son œuvre. Son iconographie fétiche (la nana-déesse de la création, la tête de mort, la main, le cœur, la fleur, le soleil...) s'articule ici dans une composition ésotérique qui révèle l'influence des cultures et traditions ancestrales et populaires, notamment amérindienne, mexicaine et égyptienne.
Donation de l'artiste en 2001
Nice, MAMAC
NIKI DE SAINT PHALLE
Wall Street
Vers 1975
Polyester peint
Donation de l'artiste en 2001
Nice, MAMAC
FERNAND LÉGER
Les Trois Musiciens
1930
Huile sur toile
Thème prisé par les artistes depuis la Renaissance, Les Trois Musiciens de Fernand Léger sont transposés dans le monde moderne. Leurs costumes endimanchés et leurs instruments évoquent les bals populaires parisiens que l'artiste fréquente dans les années 1920. Léger commence les <<< Musiciens >>> vers 1925, mais le tableau définitif de cette série sera exécuté aux États-Unis en 1944. L'artiste insiste dans ses écrits sur la nécessité vitale de la musique et sur son rôle social. Cette toile peinte vers 1930, abandonnée puis reblanchie par l'artiste, a été retrouvée après sa mort, roulée dans un coin de son atelier et sauvée in extremis.
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
Composition pour une peinture murale
1945
Huile sur toile
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969
Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER
Les deux Guidons
1945
Huile sur toile
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
FERNAND LÉGER ROLAND BRICE, CERAMISTE
Le Soleil
1954
Bas-relief en terre cuite émaillée
Donation de Nadia Léger et Georges Bauquier en 1969 Biot, musée national Fernand Léger
KEITH HARING
Untitled (n° 2557)
1986
Acrylique et huile sur toile
Dans les années 1980, Keith Haring utilise la ville de New York comme support d'expression. Ses interventions sont
aussi des actes politiques contre toutes les formes de discrimination et d'oppression. Plastiquement, l'emploi d'aplats de couleurs vives et contrastées, Futilisation du cerne noir ainsi que la stylisation des silhouettes humaines le rapprochent de Fernand Léger, dont il admirait l'oeuvre. Témoins de le modernité, ils sont chacun à leur manière les acteurs incontournables d'une culture populaire et urbaine accessible à toutes et à tous
Keith Haring dans son atelier,
New York, 1985
Photo Janette Beckman
Keith Haring Foundation Photo by Janette Beckman / Getty Images
Fernand Léger devant Les Plongeurs, dans son atelier, 1950
Photo akg-images/Archivio Cameraphoto Epoche Adagp, Paris,
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire