dimanche 4 mai 2025

Paris noir au Centre Beaubourg en mars 2025

Quelques belles découvertes dans cette exposition !

L'exposition «Paris noir, Circulations artistiques et luttes
anticoloniales, 1950-2000 » retrace cinquante ans d'expression artistique à Paris, lieu de formation et de débats intellectuels, qui voit émerger une conscience noire. Plus de cent cinquante artistes africains, africains-américains et caribéens y développent des esthétiques panafricaines émanant du mouvement de la négritude et de la revue Présence Africaine. Ils redéfinissent également l'histoire de l'abstraction, du surréalisme et de la figuration, notamment par la représentation de figures noires jusqu'alors invisibles dans l'histoire de l'art.
«Paris noir »> part de la condition noire issue de l'esclavage et de la colonisation, d'où ont émergé des cultures afro-atlantiques rassemblées en un «Atlantique noir »>, qui court de l'Afrique aux Amériques et retourne après-guerre le stigmate racial pour en faire une arme de libération. Le parcours déploie depuis Paris l'histoire des indépendances africaines, la lutte pour les droits civiques aux États-Unis et l'égalité en France à la fin du 20e siècle. Cette histoire sociale sert de contour à certaines œuvres, alors que des expérimentations solitaires trouvent dans l'exposition des affinités esthétiques.
Au centre du parcours, une matrice évoque le « Tout-Monde »> d'Édouard Glissant, esquissant un universalisme basé sur les différences. Parallèlement à ces histoires de l'art, se dresse une cartographie possible du Paris noir, d'une décennie à l'autre.
Défi historiographique de par l'invisibilisation des artistes
et la dispersion de leurs œuvres, l'exposition invite à une prise de conscience patrimoniale et scientifique en France comme à l'international
Gerard Sekoto
1913, Botshabelo (Afrique du Sud) - 1993, Nogent-sur-Marne (France)
Self-portrait, 1947 Autoportrait
Huile sur carton
The Kilbourn Collection
Peint quelques jours avant l'arrivée de Gerard Sekoto à Londres en 1947, cet autoportrait de facture moderniste, de trois quarts et en buste, marqué par de vifs contrastes de couleurs, s'érige en affirmation de soi. L'air interrogateur du peintre interpelle le regardeur et témoigne d'une certaine inquiétude vis-à-vis de l'avenir. Exilé politique sud-africain, Sekoto sera vite confronté à des conditions de vie difficiles à Paris. Empêché de retourner dans son pays natal, il continuera à représenter le quotidien des populations noires des townships sud-africains, dont il fait un terrain d'expérimentation esthétique.
Ben Enwonwu
1917, Onitsha (Nigeria) - 1994, Ikoyi, Lagos (Nigeria)
Negritude, 1977 Négritude
Aquarelle et gouache sur papier
Collection Kavita Chellaram
Ben Enwonwu
1917, Onitsha (Nigeria) - 1994, Ikoyi, Lagos (Nigeria)
Africa Dances, 1954
Danses africaines
Gouache sur papier
Collection Kavita Chellaram
Ben Enwonwu, qui étudie de 1944 à 1947 à la Slade School of Fine Art de Londres, compte parmi les premiers artistes nigérians formés par les Britanniques dès les années 1930, à Ibadan. Enwonwu rend ici hommage au continent africain, qu'il associe à la musique, à la danse et à la sculpture ainsi qu'à la figure de la femme noire en adéquation avec le concept de négritude théorisé par Léopold Sédar Senghor. Enwonwu souligne la dimension politique de la création artistique, encourageant les artistes à s'inspirer du patrimoine africain, position qu'il revendique lors de sa participation aux Congrès des artistes et écrivains noirs de 1956 et 1959 à Paris et Rome, puis au festival panafricain de Dakar en 1966.
Raymond Honorien
1920, Paris (France)-1988, Fort-de-France (Martinique, France)
Sans titre, après 1956
Huile sur toile
Collection Famille Glaudon
Né à Paris en 1920, Raymond Honorien s'inspire, avec Marcel Mystille et Germain Tiquant, des écrits de Joseph Zobel. Ensemble, ils créent le premier mouvement artistique martiniquais: l'Atelier 45. En dépit de réminiscences avec l'art de Paul Gauguin ou de Paul Cézanne, leur peinture s'émancipe de l'héritage culturel européen, abandonnant l'exotisme ou «doudouisme» antillais pour révéler une Martinique authentique. En 1956, Honorien peint « la femme antillaise» dans son environnement, incarnant fierté
et autonomie, dans des tons chauds et des traits directs, dessinant une réalité nouvelle.
Roland Dorcély
1930, Port-au-Prince (Haiti)-2017, New York (États-Unis)
Sans titre, 1959
Huile sur toile
Courtesy Loeve & Co
Paul Keene
1920, Philadelphie (États-Unis) - 2009, Warrington Township (États-Unis)
The Cliff Dwellers, 1950
Huile sur Isorel
Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York
The Cliff Dwellers réalisé à Paris en 1950 par Paul Keene, est probablement inspiré par l'œuvre éponyme de George Bellows datée de 1913 évoquant les résidents des immeubles urbains de la classe ouvrière du Lower East Side à New York. Des figures aplaties se regardent avec scepticisme dans une composition géométrique. Les proportions et le fond en patchwork reflètent l'influence du cubisme et de la sculpture africaine qu'il fréquente lors de son séjour parisien. Inscrit à l'Académie Julian entre 1949 et 1951, Keene fréquente l'atelier 17 et cofonde la Galerie Huit, l'une des premières coopératives-galeries organisées par un collectif d'artistes américains à Paris. Oscillant entre réalisme social et abstraction, il développe un afrocentrisme précoce nourri par la philosophie de la négritude
et les collections du Musée de l'Homme.
Eldzier Cortor
1916, Richmond (États-Unis) - 2015, Long Island (États-Unis)
The Couple, vers 1949
Le Couple
Huile sur Isorel
Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York
À la fin des années 1940, le peintre africain-américain Eldzier Cortor voyage aux Antilles, cherchant les traces de la culture africaine dans les diasporas caribéennes. Il se rend en Jamaïque, à Cuba, puis en Haïti où il enseigne au Centre d'Art de Port-au-Prince en 1949 et fréquente des artistes ayant séjourné à Paris comme l'artiste américaine Lois Mailou Jones. En Haïti, il observe la ténacité avec laquelle les descendants d'esclaves ont fait perdurer ce passé, malgré plusieurs siècles de déracinement. Dans The Couple, composition surréaliste, l'imagerie symbolique des objets couplée à la forme des visages évoquant des masques africains fait revivre la vitalité de cet héritage. Dans cette scène intimiste, les effets chromatiques du paysage cosmique et le regard énigmatique de la jeune femme confèrent à la toile une atmosphère onirique. À la fin des années 1980, il se rend à son tour dans la capitale française.
Georges Coran
928, Fort-de-France (Martinique, France) - 2017, Paris (France)
Idorah, 1964
Huile sur toile
Collection Claude Coran
Georges Coran débute son parcours aux à l'École des Arts Appliqués de Fort-de-France, avant d'obtenir son diplôme de l'École Boulle à Paris en 1953, où il perfectionne son approche de la gravure et enseigne jusqu'en 1983. En 1964, il peint Idorah en référence à Idurah, élément de la Terre à la vertu protectrice, mentionné dans La pratique de la magie évocatoire de Franz Bardon, médecin naturopathe et essayiste, tissant un lien entre le sacré et le règne animal. L'œuvre à la texture épaisse préfigure les expérimentations sculpturales de l'artiste avec différents matériaux, allant du fer à la pâte de verre.
Roland Dorcély
1930, Port-au-Prince (Haïti) - 2017, New York (États-Unis)
Sans titre (Au café de Flore), 1958
Huile sur toile
Collection Y.A.C.K F.O Courtesy Loeve&Co
Beauford Delaney
1901, Knoxville (États-Unis) - 1979, Paris (France)
Autoportrait, 1965
Huile sur toile
Whitney Museum of American Art, New York
Purchase, with funds from the Wilfred P. and Rose J. Cohen Purchase Fund,
the Richard and Dorothy Rodgers Fund, the Katherine Schmidt Shubert Purchase Fund and the Mrs. Percy Uris Purchase Fund 95.2
Beauford Delaney
1901, Knoxville (États-Unis)-1979, Paris (France)
James Baldwin, vers 1945-1950
Huile sur toile
Collection of halley k harrisburg and Michael Rosenfeld, New York
«C'est par Beauford Delaney que j'ai découvert la lumière, la lumière que contient chaque chose, chaque surface, chaque visage.»- James Baldwin. Arrivé à Paris en 1948, Baldwin, jeune écrivain engagé, invite son parrain spirituel, Delaney, à le rejoindre. Sur une période de plus de trente ans, Delaney a peint plus d'une douzaine d'œuvres inspirées par l'écrivain, souvent mises en dialogue avec ses propres autoportraits, explorant les représentations noires et queer. Ici, Baldwin est représenté dans une pose assise majestueuse, comme une présence flottante, se détachant sur un fond de couleurs vives. Ce portrait, probablement réalisé avant l'installation de l'artiste à Paris en 1953, reflète leur lien artistique et leur quête partagée de lumière et de liberté.

Paris comme école
A Paris, capitale des arts, l'attention des artistes à l'histoire de l'art européen est cruciale. Venus se former dans les ateliers de Fernand Léger ou de Ossip Zadkine, dans les écoles
et les académies, les artistes fréquentent le musée du Louvre et les collections d'art africain du musée de l'Homme. Ils procedent à des renversements historiographiques et à des hybridations: «La peinture classique m'a beaucoup appris, mais les fauves aussi (...) leur palette parfait à ce que j'avais apporté d'Afrique souligne le peintre Iba N'Diaye. Les artistes redécouvrent l'art africain par le biais d'œuvres modernes occidentales, dont le cubisme de Pablo Picasso, largement influencé par l'art africain Au-delà de l'exercice académique, revisiter la peinture d'histoire, mythologique et religieuse, devient le moyen de représenter l'expérience des communautés noires comme une émancipation artistique et politique. L'affirmation d'un regard subjectif et critique marque ainsi l'entrée dans l'histoire de l'art de figures noires historiques et contemporaines, jusqu'alors écartées
Georges Coran
1928, Fort-de-France (Martinique, France) - 2017, Paris (France)
Délire et paix, 1954
Encre sur toile de coton
Collection Claude Coran
Acquisition en cours par le Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Formé à Fort-de-France et à l'École Boulle à Paris,
Georges Coran pratique la peinture, la gravure et la sculpture, ainsi que les arts décoratifs. Exemple magistral d'une série de cotons peints aux couleurs éclatantes, Délire et Paix croise l'histoire de l'art classique et des mythologies de la Martinique. Empruntant son titre au poème Au serpent d'Aimé Césaire, Coran marie dans cette composition le foisonnement luxuriant de la jungle caribéenne à la fantasmagorie des tapisseries de la Dame à la licorne. Parmi les feuillages denses, deux figures féminines rappellent la scène du tableau Gabrielle d'Estrées et l'une de ses sœurs, conservé au Musée du Louvre.
Roland Dorcély
1930, Port-au-Prince (Haïti) - 2017, New York (États-Unis)
Léda et le cygne, 1958
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Achat, 2023
AM 2023-179
Après avoir successivement rejoint le Centre d'art d'Haïti en 1946, puis fait sécession avec les artistes du Foyer des Arts plastiques en 1950, Roland Dorcély obtient une bourse du gouvernement français afin d'étudier à Paris en 1951, avant de revenir en Haïti, où il fonde la galerie Brochette. À partir de 1957, il réalise plusieurs séries d'œuvres
aux couleurs pures et aux lignes noires ondulantes qui marient une nature tropicale à un langage plastique inspiré des peintres Fernand Léger et Henri Matisse. Dorcély revisite le mythe grec où Zeus, métamorphosé en cygne, poursuit Léda, ici représentée par une femme noire, contrastant avec la forme invasive et immaculée de l'animal. En 1958, il participe au Salon de la Jeune Peinture et au Salon de Mai et entre dans la collection du Museum of Modern Art à New York.

Surréalismes afro-atlantiques
Dans les années 1940-1950 à Paris, le surréalisme s'enrichit d'un vocabulaire afro-atlantique influencé par les échanges historiques et culturels entre l'Afrique et les Amériques. Wifredo Lam, artiste cubain, en est la figure centrale après des voyages à Cuba, en Martinique et en Haïti. Sa rencontre avec le poète Aimé Césaire influence profondément sa vision du surréalisme, qu'il transforme en outil politique et poétique. Lam développe un style unique mêlant totémisme anticolonial et iconographie inspirée de la nature. Cette approche apporte une dimension écologique et décolonisatrice au surréalisme. Il s'inspire de l'histoire des marrons, esclaves qui ont fui les plantations, pour créer des formes tropicales qui renouvellent la représentation des paysages caribéens, marqués par l'exploitation coloniale.
Certains artistes, en peuplant leurs ceuvres d'ossements
et de visions intérieures, travaillent «l'être intérieur fondamental »> tel que Césaire définit le surréalisme pour la Martinique. L'intégration d'écritures afro-atlantiques et de symboles, parfois issus du contact direct avec les objets africains, donne naissance à des abstractions-signes dans l'imaginaire surréaliste. A Paris, ces formes s'enrichissent au contact des mouvements CoBrA et lettriste. Il en résulte une symbolique à déchiffrer
ou à laisser au regard des « indéchiffreurs », selon l'invitation poétique de Césaire dans son recueil Cahier d'un retour au pays natal.

Roland Dorcély
1930, Port-au-Prince (Haïti) - 2017, New York (États-Unis)
Sans titre, 1962
Huile sur toile
Courtesy Loeve & Co.
Proche de Louise et Michel Leiris, qui publient sa poésie, Roland Dorcély et son épouse Nicole Turnier quittent Paris pour la Guinée, où Dorcély enseigne la peinture. Réalisée à son retour à Paris, cette toile fondue dans une palette assombrie, est «ténébrosée » selon les termes de l'artiste, privé de couleur et de toile lors de son séjour africain. Elle témoigne de son nouveau rapport à la nature, plus directement organique.

Roland Dorcély
1930, Port-au-Prince (Haïti) - 2017, New York (États-Unis)
Pour déposer la plante, 1958
Huile sur toile
Courtesy Loeve & Co

Roland Dorcély
1930, Port-au-Prince (Haiti) - 2017, New York (États-Unis)
Lianes, vers 1958
Huile sur toile
Courtesy Loeve & Co.
Wifredo Lam
1902, Sagua La Grande (Cuba) - 1982, Paris (France)
Umbral, 1950
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État, 1969; attribution, 1976
AM 1976-990
Né à Cuba, Wifredo Lam rejoint Paris en 1938 avant de se rendre en Martinique, en Haïti puis à Cuba en 1941. Réalisée à Paris, Umbral est un bouclier totémique croisant masques baoulés et symboles afro-cubains. La force ascendante et l'« ordre mystérieux de la diagonale >> selon les mots d'Édouard Glissant, renvoient au spectre du « passage du milieu », la traversée de l'Atlantique induite par la traite des esclaves. Influencée par la lecture du Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, cette peinture fondatrice indique le changement iconographique à l'œuvre chez l'artiste de retour au pays natal, où il cherche à «< perturber les rêves des exploiteurs ». Un autre versant de son œuvre s'affirme alors autour de la jungle et la reconquête de la nature tropicale, portant les stigmates de l'esclavage comme la mémoire des résistances marronnes.

Le saut dans l'abstraction
Dès les années 1950, les artistes, en quête d'expression libre, renouvellent les tendances abstraites de l'école internationale de Paris, qu'ils exposent dans la galerie-coopérative américaine Galerie Huit ou plus tard, dans la galerie Darthea Speyer. Une attention à la construction de l'image encourage les artistes à travailler la perspective et à recomposer l'espace pictural. Ceci se traduit également dans des pratiques sculpturales réalisées à partir d'assemblages de matériaux récupérés, nourrissant une esthétique composite. Les procédés du jazz comme le collage, l'improvisation et le dialogue direct avec la danse, conduisent à des abstractions gestuelles. Influencés par la rencontre avec les œuvres de Claude Monet et les vitraux des cathédrales, plusieurs artistes, dans un aller-retour fécond avec New York, témoignent alors d'une pratique expressionniste où la lumière a « le pouvoir d'illuminer, de réconcilier et de guérir» (Baldwin). Cette réinvention de l'abstraction vient corriger certaines généalogies esthétiques comme celle de l'expressionnisme abstrait, mouvement américain directement issu de la culture atlantique du jazz.

Beauford Delaney
1901, Knoxville (États-Unis)-1979, Paris (France)
Untitled, vers 1957 Sans titre
Huile sur toile
Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York


Ed Clark
1926, La Nouvelle-Orléans (États-Unis) - 2019, Détroit (États-Unis)
Self-portrait, 1953 Autoportrait
Huile sur toile
The N'Namdi Collection
Herbert Gentry
1919, Pittsburgh (États-Unis) - 2003, Stockholm (Suède)
The Claw, 1958
La Griffe
Huile sur toile
The N'Namdi Collection
Herbert Gentry peint The Claw en 1958, lors de son troisième séjour parisien. Cette œuvre cristallise son langage expressionniste unique, nourri par ses expériences transatlantiques et l'influence du jazz. Le traitement de la figure humaine s'inspire des collections d'art africain du Musée de l'Homme, tandis que l'abstraction et le chromatisme vif évoquent l'influence du mouvement CoBrA (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam). Les yeux menaçants et les griffes acérées ouvrent la voie à des interprétations politiques. Gentry, formé à l'école des Beaux-Arts et à l'Académie de la Grande Chaumière, côtoie à Paris les artistes Alberto Giacometti, Constantin Brancusi et Georges Braque. Il fonde le club-galerie Chez Honey, fréquenté par les musiciens et intellectuels de l'époque. The Claw reflète son rôle de passeur culturel entre Paris, Copenhague et New York.

Antonio Bandeira
1922, Fortaleza (Brésil) - 1967, Paris (France)
Les Arbres, 1958
Huile sur toile
Collection de l'Ambassade du Brésil en France
Antonio Bandeira, né dans le nord-est du Brésil, fréquente les avant-gardes brésiliennes avant de s'installer en France en 1946. À Paris, il se lie avec des artistes emblématiques tels que Wols et Camille Bryen. Figure de l'École de Paris et de l'art informel, Antonio Bandeira peint des œuvres où se rencontrent les signes du paysage, des cathédrales majestueuses aux arbres flamboyants. Dans un jeu de structures subtiles, projections de peinture et lignes entrelacées se côtoient librement dans une palette de couleurs vives.
Victoire Ravelonanosy
1910, Tananarive (Madagascar, alors Colonie de Madagascar) - 1981, Tananarive (Madagascar)
Le Repiquage du riz à Madagascar, 1960
Tapisserie, laine
Paris, Mobilier national
GMTT 863
Victoire Ravelonanosy s'engage dès les années 1950 en faveur des échanges culturels entre Madagascar et l'Europe, introduisant notamment nombre de ses compatriotes sur la scène parisienne. À partir de 1960, elle travaille comme conseillère artistique pour l'Unesco. Proche de la maison d'édition Présence Africaine, elle participe au premier Festival des Arts Nègres de Dakar (1966). Son intérêt pour les arts appliqués, selon elle adaptés à la défense d'un art typiquement malgache renouvelé, est palpable dans cette tapisserie représentant une scène rurale. Un groupe de femmes y œuvre dans une rizière, entouré de végétaux et d'animaux traités de façon stylisée, dans des tonalités de couleurs vives exaltant une nature luxuriante.

Paris Dakar Lagos
L'après-guerre voit Paris traversé par des expositions encore marquées par l'imaginaire colonial et organisées par des Européens vivant en Afrique, où émergent cependant des artistes modernes. Ainsi, l'école congolaise de Poto-Poto est mise à l'honneur à Paris puis à Rome, avant de devenir une des branches de l'école de Dakar. D'autres mouvements (Shona au Zimbabwe, Osogbo au Nigéria) bénéficient d'expositions parisiennes. Leurs ambassadeurs, le curateur anglais Frank McEwen et l'éditeur allemand Ulli Beier, souhaitent remettre l'Afrique sur le chemin d'une «authenticité»> parfois fantasmée. A Dakar, le Festival mondial des arts nègres de 1966 met à l'honneur de nombreux artistes formés à Paris. La capitale française constitue aussi un point de transit pour les artistes qui circulent activement entre Le Caire, Lagos et Dakar dans les années 1960. Le contact avec le continent africain les pousse à développer un nouveau rapport aux couleurs et une symbolique spécifique, notamment par la rencontre avec l'Égypte, assise civilisationnelle incontournable selon la pensée afro-centriste de Cheikh Anta Diop. En Afrique, les artistes ont à cœur de mettre en œuvre, parfois grâce aux techniques développées en Europe, des philosophies africaines. transformatrices pour la société.

Marcel Gotène
Vers 1939, Yaba, Abala (République du Congo, alors Afrique-Équatoriale françai -2013, Rabat (Maroc)
Femme perdue au cimetière, 1962
Huile sur toile
Collection Nihad et Julien Marlier
Marcel Gotène fréquente dès 1951 le Centre d'art africain Poto-Poto fondé par Pierre Lods à Brazzaville. Il y réalise des œuvres de style mike (signifiant «< petit »> en lingala) caractérisé ici par des silhouettes filiformes, de couleur noire se détachant sur des fonds colorés. En 1953, il cesse de participer aux expositions d'oeuvres Poto-Poto à Paris, qui invisibilisent les artistes en les rassemblant sous des mentions collectives anonymes. À partir de 1954, Gotène entreprend une synthèse du vocabulaire formel inventé à Poto-Poto et du langage surréaliste dans des formats plus importants. Ses échanges avec le peintre, céramiste et créateur de tapisserie Jean Lurçat sont palpables dans Femme perdue au cimetière, qu'il présente à la Biennale de Paris de 1963.
François Thango
1936, Souanké (République du Congo, alors Afrique-Équatoriale française) - 1981, Brazzaville (République du Congo, alors République populaire du Congo)
Sans titre, début 1950
Gerard Sekoto
1913, Botshabelo (Afrique du Sud) - 1993, Nogent-sur-Marne (France)
Tête de femme portant un plateau, 1968
Gouache sur papier
Collection Madame Béatrice Tallobre Pelage et Monsieur Philippe Tallob

Papa Ibra Tall
1935, Tivaouane (Sénégal, alors Afrique-Occidentale française) - 2015, Tivaouane (Sénégal)
Couple dans la nuit, vers 1965
Tapisserie en laine tissée
Lent by His Majesty King Charles III
RCIN 70898
Déçu par l'enseignement de l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, Papa Ibra Tall se tourne vers la tapisserie, la sérigraphie, la mosaïque ou encore la sculpture monumentale, afin d'exploiter ces médiums dans une
perspective africaine. Grande figure panafricaine, proche du cercle de Présence Africaine, il est embauché en 1959 par Léopold Sédar Senghor afin de diriger la section «Recherches plastiques nègres >> de la nouvelle École des Arts de Dakar. Il y encourage la formation d'un langage visuel inspiré par la négritude, qui triomphera dans les productions des Manufactures sénégalaises de Dakar, puis de Thiès, où circulent des artistes souvent passés par les Manufactures des Gobelins comme d'Aubusson, qu'il dirige à partir de 1962.

Solidarités révolutionnaires
Dans les années 1960, des formes éclatées de panafricanisme
culturel se font les échos parfois dissonants d'une culture militante à Paris. Suite à la guerre menée par la France en Algérie, la capitale française voit la marche pour les droits civiques organisée en 1963 par Baldwin, défenseur de la condition noire. Mai 68, qui suit les événements contestataires de mai 1967 en Guadeloupe, s'accompagne de prises de parole contre les oppressions
du « Tiers-monde». Les artistes américains en exil réinvestissent leurs abstractions de références engagées. En parallèle, les œuvres indépendantistes antillaises s'affirment au son du gwoka, musique percussive qui accompagne les contestations sociales en Guadeloupe depuis l'esclavage. Portés par la revue Tricontinental, des réseaux de soutien au Sud global, investis d'idéaux communistes, se constituent en opposition au modèle capitaliste. En 1969, le Festival Panafricain d'Alger rassemble artistes, intellectuels, musiciens et militants dont des membres du Black Panther Party-dans une effervescence teintée des premières désillusions post-coloniales. Le surréalisme y rencontre le free jazz chez des figures parisiennes comme Ted Joans et Archie Shepp,
tandis que circule un théâtre anticolonial autour d'Aimé Césaire et de Kateb Yacine

Beauford Delaney
1901, Knoxville (États-Unis) - 1979, Paris (France).
Marian Anderson, 1965
Huile et émulsion de tempera à l'œuf sur toile
Virginia Museum of Fine Arts, Richmond. J. Harwood and Louise B. Cochrane Fund for American Art
2012.277
Beauford Delaney explore la synergie entre couleur, motif et son dans son portrait de Marian Anderson, célèbre contralto africaine-américaine et figure centrale des droits civiques. Émergeant d'un fond jaune vibrant, couleur
de transcendance et d'espoir, explorée par l'artiste depuis les années 1960, Anderson est représentée frontalement, telle une icône byzantine. Fasciné par la transposition picturale de l'expérience auditive, Delaney compose une œuvre qui «vibre comme une étrange musique ». Les empêtements captent la dimension sonore, créant une riche surface expressionniste abstraite. Ce portrait parisien témoigne de son admiration pour Anderson, fusionnant abstraction et représentation pour saisir l'essence spirituelle de son sujet.
Merton Simpson
1928, Charleston (États-Unis) - 2013, New York (États-Unis)
Confrontation II-A, 1968
Huile sur toile
Billy E. Hodges Family Collection
«Je peins ce que je crois voir: des gens laids qui se battent contre des gens laids.» En 1963, Merton Simpson, artiste, collectionneur d'art africain et galeriste, participe à la création du groupe Spiral à New York alors que son abstraction devient plus politique. Ce collectif réfléchit à un art exprimant l'identité africaine-américaine au cœur du mouvement des droits civiques. Ayant approfondi ses connaissances de la sculpture africaine à Paris quatre ans plus tôt, Simpson diffuse la philosophie de la négritude au sein du groupe. Dans sa série Confrontation créée en réaction à la répression des soulèvements de Harlem dont il est témoin, il affirme le lien entre son activisme politique et une peinture expressionniste où s'affrontent deux visages blancs et noirs.
Mavis Pusey
1928, Kingston (Jamaïque, alors colonie de la Couronne de l'Empire colonial britannique)-2019, Falmouth (États-Unis)
Paris May June, 1968
Paris Mai Juin, 1968
Sérigraphie
Courtesy of the Petrucci Family Foundation Collection of African American Art
PFF410
«Le tempo et le mouvement se fondent en une synthèse, et, pour moi, deviennent une autre esthétique de l'abstraction. » En 1968, à Paris, l'artiste jamaïcaine-américaine Mavis Pusey s'immerge dans l'abstraction «Hard edge», influencée par les événements de Mai 68. Sa gravure utilise des formes élémentaires et des contrastes chromatiques audacieux et capte l'énergie du mouvement et des manifestations dont elle est témoin. En intégrant les rythmes et les sons ambiants, elle remet en question la pureté de l'abstraction en introduisant la temporalité propre à l'événement historique. Son approche reflète ses aspirations émancipatrices et son interaction avec l'environnement, qu'elle traduit ensuite dans de grandes toiles à son retour aux États-Unis.
Joseph René-Corail, dit Khokho
1932, Beaufond (Martinique, France) - 1998, Les Trois-Îlets (Martinique, France) Le Souci, [1971]
Pigments brûlés sur bois aggloméré
Collection Collectivité territoriale de Martinique
José René-Corail, dit Khokho, suit des cours à l'École des arts appliqués de Paris des 1950, avant de revenir en Martinique en 1956 pour enseigner à l'École des arts appliqués de Fort-de-France. Datée des années 1970, Le Souci fait écho à l'emprisonnement de l'artiste à Fresnes, suite à sa participation, en 1962, à l'affichage du Manifeste de l'Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de Martinique sur les murs de toute l'île. Inculpé pour atteinte à la sûreté de l'État, son procès aboutit à un acquittement. Emblématique du style matiériste de Khokho, cette œuvre est composée de peinture recouverte de sable, de terre cuite et d'un vernis que l'artiste étale sur la surface avant de l'embraser.

Gerard Sekoto
1913, Botshabelo (Afrique du Sud) - 1993, Nogent-sur-Marne (France)
Sans titre, 1964
Collection Annouchka de Andrade et Henda Ducados
Cette œuvre fait partie d'un ensemble de trois tableaux réalisés par Gerard Sekoto pour le film Le Glas, de René Vautier, tourné en compagnie de Sarah Maldoror à Alger en 1964. Véritable poème filmique, Le Glas, qui est conçu en collaboration avec le Zimbabwe African Party for Unity, dénonce le sort malheureux de trois révolutionnaires noirs en Rhodésie du Sud (aujourd'hui Zimbabwe) au début des années 1960, à Salisbury (aujourd'hui Harare). Graciés par la reine d'Angleterre, ils sont néanmoins pendus. Cette dénonciation abrupte de la violence coloniale s'inscrit dans la lignée de l'œuvre filmique profondément engagée de Vautie, et témoigne de l'importance d'Alger comme plateforme anticoloniale dans les années 1960.

Viteix
1940, Luanda (Angola, alors Afrique occidentale portugaise) - 1993, Luanda (Angola)
Conspiration- d'après oraison funèbre de L. Segall, 1973
Peinture acrylique sur bois
Collection Annouchka de Andrade et Henda Ducados
Viteix compte parmi les premiers artistes angolais à faire des études à Lisbonne puis à Paris, à partir de 1973. A Paris, il côtoie Mario Pinto de Andrade, co-fondateur du Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA) et sa compagne, Sarah Maldoror. C'est lors d'une des nombreuses rencontres avec le couple qu'il leur offre le tableau Conspiration-d'après oraison funèbre de L. Segall, peint l'année de son arrivée à Paris. A partir de 1976, il poursuit en Angola des recherches autour d'un art susceptible d'accompagner l'émergence d'un sentiment d'unité nationale, développées plus tard dans le cadre de sa thèse, Pratique et théorie des arts plastiques angolais (de la tradition à une nouvelle expression), soutenue à l'université de Paris VIII Saint-Denis en 1983.

Iba N'Diaye
1928, Saint-Louis (Sénégal, alors Afrique-Occidentale française) - 2008, Paris (France)
Le Droit à la parole, 1976
Lavis, encre brune sur papier
Collection Jom, Dakar

Henri Guédon
1944, Fort-de-France (Martinique, France) - 2006, Paris (France)
Miles Davis, 1980
Technique mixte sur toile
Collection particulière Gladys et Laëtitia Guédon

Jazz-Free jazz
L'émergence du jazz au début du 20e siècle puis du free jazz dans les années 1960 influence profondément les artistes visuels à Paris. De nombreux créateurs sont eux-mêmes musiciens. Cette forme d'expression libre se manifeste dans leurs techniques, telles que le collage ou l'improvisation, et dans leurs thèmes, à travers de nombreux portraits de musiciens également actifs dans la lutte pour l'émancipation. Leurs représentations du monde musical témoignent de la performance d'une conscience noire collective, mêlant célébration et résistance. Ces œuvres plastiques, comme certaines pratiques poétiques ou performatives, participent d'un processus de reconstruction mémorielle et d'affirmation de soi.

Iba N'Diaye
1928, Saint-Louis (Sénégal, alors Afrique-Occidentale française) - 2008, Paris (France)
The Blues Singer, 1984
La Chanteuse de blues
Huile sur toile
Collection Jom, Dakar

Retours vers l'Afrique
Dans les années 1960 et 1970, les artistes caribéens, pour certains formés à l'université de Vincennes, travaillent à des formes d'abstraction hantées par l'idée de retour vers l'Afrique, passant par une recherche expérimentale de matières et par une attention constante à la vitalité des formes. A Abidjan dans les années 1970, les artistes martiniquais Serge Hélénon et Louis Laouchez fondent l'école négro-caraïbe. Ils développent une nouvelle matérialité enrichie d'éléments de récupération dans des œuvres peuplées de silhouettes anthropomorphiques et de signes. Depuis la Côte d'Ivoire, ils forment les artistes du mouvement vohou-vohou, qui poursuivent leur formation à Paris dans l'atelier de Jacques Yankel à l'école des Beaux-Arts. Au même moment, le groupe Fwomajé, à la recherche d'une esthétique martiniquaise, se nourrit de références africaines, amérindiennes ou vaudoues, et entre en relation avec le groupe américain afro-centriste AfriCOBRA. D'autres formes d'abstractions-traces voient le jour
en Guyane. Ces retours vers l'Afrique débouchent cependant sur d'autres détours, dans l'esprit du « Tout-Monde>> d'Édouard Glissant.

Kra N'Guessan
1954, Daoukro (Côte d'Ivoire, alors Afrique-Occidentale française), vit et travaille à Chevry-Cossigny (France).
Blôlo, 1981
Sable, terres, collage et acrylique sur toile
Collection de l'artiste
Kra N'Guessan adhère au collectif d'artistes ivoiriens Vohou-Vohou dans les années 1970 à l'École des Beaux-Arts d'Abidjan, avant de rejoindre l'atelier de Jacques Yankel à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris. Le terme «vohou vohou », signifiant « n'importe quoi >> en langue gouro, renvoie à une pratique fondée sur la récupération de matériaux pauvres, souvent naturels : tapa (étoffe en écorce battue), cauris, cordes, ficelles, lianes. Peinte sur une vieille bâche trouvée à Paris, Blôlo, dont le titre signifie «l'au-delà » en baoulé, figure un animal imaginaire vomissant des cauris, symboles de divination en Afrique de l'Ouest. Le fond bleu se fait symbole de spiritualité tandis que le sable et les terres de différentes teintes naturelles rappellent la finitude humaine.

Rico Roberto
1946, Pointe-à-Pitre (Guadeloupe, France), vit et travaille à Nice (F
Guerrier Mau Mau, 1970
Huile sur toile, technique mixte, divers collages Collection de l'artiste
Ernest Breleur
1945, Rivière-Salée (Martinique, France), vit et travaille en Martinique (France).
Sans titre (Série Fwomajé), 1988
Acrylique sur toile
Collection Fondation Clément
C021_2006_014

Le Tout-Monde d'Édouard Glissant
L'écrivain et penseur martiniquais Édouard Glissant partage son temps entre Paris et Fort-de-France dans les années 1970. En 1981, il publie sa thèse Le Discours antillais, une étude socio-historique de la Martinique qui explore notamment l'oralité. L'exposition Soleil noir » de son ami l'artiste Victor Anicet, qui a lieu en Martinique en 1970, préfigure ses idées. À partir de 1982, il dirige Le Courrier de l'Unesco, ce qui lui permet de poursuivre une réflexion transatlantique et transafricaine. Avec l'aide de ses collègues le poète et romancier haitien René Depestre et l'homme politique sénégalais Amadou-Mahtar M'Bow, il en fait un laboratoire d'émancipation des Suds, à la suite de sa revue pionnière Acoma. Il y met en avant une communauté du Tout-Monde travaillant à Paris la mémoire de plusieurs continents et de multiples

Victor Anicet
1938, Le Marigot (Martinique, France), vit et travaille en Martinique (France).
Carcan n°5, 1987
Huile sur lin
Collection Collectivité territoriale de Martinique
Proche d'Édouard Glissant, Victor Anicet, céramiste
et cofondateur en 1984 du collectif Fwomajé, étudie à l'École des Arts Appliqués de Fort-de-France, puis obtient en 1961 son diplôme à l'École des Métiers d'Art de Paris. Après plusieurs résidences en Europe, il retourne en Martinique en 1967. Ayant mené de longues recherches sur l'époque esclavagiste, il crée Carcan N°5, issu d'une série où il s'imprègne des vestiges autochtones de son enfance, à l'origine de sa fascination pour l'art amérindien. Par la polysémie d'un unique signe abstrait et la couleur bleue, Anicet fait ressurgir les symboles croisés de mémoires collectives.
Victor Anicet
1938, Marigot (Martinique, France), vit et travaille en Martinique (France).
Sans titre (Invocation amérindienne), 1994
Acrylique sur bâche
Collection Fondation Clément
Henri Guédon
1944, Fort-de-France (Martinique, France) - 2006, Paris (France)
Portrait d'Édouard Glissant, 1979
Technique mixte
Collection particulière Gladys et Laetitia Guédon
Édouard Glissant est un poète et philosophe martiniquais majeur pour le développement de la pensée caribéenne, à l'origine de la notion de relation, qui a profondément influencé Henri Guédon. Tel un «plasticien linguiste »>, l'artiste réalise un portrait de Glissant, qui lui-même honore son art par ces mots: «Il a la patience des argiles rouges, la vitesse des lianes, la sérénité d'un peuple de masques. » La figure du poète y est suggérée par des lettres grises et en relief pour la physionomie du visage, enchevêtrées et colorées dans l'arrière-plan, soulignant l'attention de l'artiste à la composition, déployée comme une partition alphabétique et symbolique.
Faith Ringgold
1930, Harlem, New York (États-Unis) - 2024, Englewood (États-Unis)
The Bitter Nest, Part IV: The Letter, 1988 Le Nid d'amertume, partie IV: La Lettre
Acrylique sur toile avec bordure en tissu assemblé Courtesy ACA Galleries, New York
The Letter, quatrième chapitre de la série The Bitter Nest, explore les dynamiques d'une famille noire de Harlem. L'œuvre suit Celia, médecin accomplie, qui après une romance tragique à Paris, retourne à New York enceinte et abandonnée. Son parcours incarne les tensions entre émancipation et responsabilités familiales. Son fils, Percel, élevé par une amie, découvre la vérité sur ses origines à travers des lettres d'amour. Ringgold, artiste et militante féministe, adopte ici le quilting, tradition africaine américaine qu'elle revisite à travers à travers le textile Kuba du Nigeria. Elle redonne ainsi une voix à l'expérience des femmes noires, longtemps invisibilisées dans l'histoire de l'art, mêlant émancipation féminine et secrets intergénérationnels.

Nouvelles abstractions
Dans les années 1980, une nouvelle génération d'artistes femmes africaines-américaines bénéficie de bourses, poursuivant le dialogue franco-américain autour de l'abstraction. Leurs œuvres proposent une réécriture critique de l'histoire moderniste et oscillent entre engagement féministe, effacement et affirmation de soi. Parallèlement, des artistes caribéens élaborent à Paris des abstractions conceptuelles, explorant le noir, le blanc et la ligne de couleur, prélude à l'intégration d'autres gammes chromatiques. Leurs œuvres tridimensionnelles, prenant parfois la boîte comme motif plastique et conceptuel, ouvrent un espace poétique d'opacité, tout en réactivant le débat conceptuel sur l'usage du noir, présent dans l'art africain-américain depuis les années
Alex Burke
1944, Fort-de-France (Martinique, France), vit et travaille à Paris (France).
Sans titre, 1978
Technique mixte
Courtesy Loeve&Co.
Alex Burke fait ses études à l'école des Beaux-Arts de Nancy. À partir de 1975, il élabore des assemblages: casiers et boîtes recouverts de peinture en aérosol noire dans lesquels l'artiste range de petites poupées faites de fragments de draps blancs récupérés. Burke y voit une manière de critiquer
une société qu'il qualifie de cloisonnée et normative et donne à ces poupées de chiffon la mission « d'exorciser la folie de Babylone». D'abord résident à la Cité internationale des arts à Paris, il installe définitivement son atelier dans la capitale au début des années 2000. Il y poursuit un travail consacré à la mémoire des Amériques, à celles des humains déportés et humiliés par la traite, et s'attache, selon ses termes, à «faire apparaître les traces d'un passé confus >> et à «convoquer les éléments constitutifs de l'identité caribéenne ».

Affirmations de soi
Dans les années 1970, la réputation de terre d'accueil de Paris est mise en cause, alors qu'éclatent les grèves des foyers de travailleurs immigrés, dont plusieurs photographes et cinéastes révèlent les conditions de vie. Le Bureau pour le développement des migrations intéressant les départements d'outre-mer (Bumidom) encadre depuis 1963 la venue de travailleurs depuis les Outre-mer, et parmi eux, celle d'artistes guadeloupéens et martiniquais. Les représentations du corps noir s'affirment à travers des pratiques picturales, photographiques ou issues du monde de la mode. Alors que la chanteuse et mannequin Grace Jones fait l'ouverture du club Le Palace, incarnant la ferveur des nuits parisiennes des années 1980, les artistes réinventent la tradition de l'autoportrait et du portrait. Ils honorent des figures historiques de résistance, comme les anciens esclaves marrons, et revisitent des icônes parisiennes contemporaines comme la danseuse Joséphine Baker. Ces esthétiques militantes permettent alors de reprendre possession des représentations de soi au moment de l'apogée de la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud et de l'organisation de Marches de luttes pour l'égalité et contre le racisme, dont le Centre Pompidou se fait le forum en tant que place publique.
Henri Guédon
1944, Fort-de-France (Martinique, France) - 2006, Paris (France)
K.K.K., 1979-1983
Technique mixte
Collection particulière Gladys et Laëtitia Guédon
Né en Martinique, Henri Guédon s'installe à Paris en 1964 où des rencontres artistiques le mènent vers une carrière de peintre et de musicien. Les années 1980 voient l'affirmation de sa pratique, à l'image de K.K.K, représentant une femme martyre, face à ses bourreaux vêtus des costumes du Ku Klux Klan. Cette peinture provient d'un ensemble d'œuvres réalisées en hommage à des personnalités noires. L'artiste y dénonce les crimes racistes tout en célébrant des figures centrales de l'émancipation noire comme les marrons (esclaves fugitifs constitués en communautés autonomes), la reine autochtone Anacaona, Miles Davis, ou diverses figures militantes ou de sportifs.

Henri Guédon
1944, Fort-de-France (Martinique, France) - 2006, Paris (France)
À la décatché, vers 1990
Technique mixte et huile sur toile
Collection particulière Gladys et Laëtitia Guédon

Diagne Chanel
1953, Paris (France), vit et travaille à Avignon (France).
Le Garçon de Venise, 1976
Huile, pigment sur toile de lin
Collection de l'artiste
Acquisition en cours par le Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Le Garçon de Venise constitue l'une des premières figurations contemporaines noires selon des codes définis par l'histoire de l'art. Au centre et au premier plan de la toile dans un décor élaboré autour d'édifices vénitiens, un jeune homme, camarade de l'artiste à l'école nationale des arts décoratifs, soutient le regard du spectateur. La composition reprend la perspective en point de fuite et le sol en damier typiques des cités idéales peintes pendant la Renaissance. Installé dans un espace utopique, ce personnage est en soi
une revendication politique et annonce les recherches menées par Diagne Chanel dans les années 1980 sur les résidents de foyers africains à Paris et sur la boxe envisagée comme combat politique (La Nuit du boxeur, 1985).

Max Pinchinat
1925, Port-au-Prince (Haïti) - 1985, Paris (France)
La Métisse, 1985
Huile sur toile
Collection Marie Lavie, Paris

Rites et mémoires de l'esclavage
Paris, point d'ancrage de l'histoire culturelle noire et point de passage de ses diasporas, se prête à partir des années 1970 à des relectures critiques de l'histoire. Des commémorations organisées par l'État sont ainsi l'occasion pour de nombreux artistes d'interroger le modèle universel français. Le bicentenaire de la Révolution française en 1989 voit de nombreuses manifestations s'orchestrer, honorant aussi bien la révolution haïtienne que la Jeunesse communiste internationale. En 1994, alors qu'est également célébré le bicentenaire de la première abolition de l'esclavage, des représentations liées à l'histoire du marronnage se développent.
Autour de l'exposition «Rites» à La Villette, organisée par l'écrivaine et professeure Delia Blanco, de nouvelles figures de résistance entrent dans l'histoire, alors que l'abstraction s'exprime chez certains artistes par une géométrie triangulaire liée à l'histoire de la traite. Conformément au processus de reconstruction historique explicité par Édouard Glissant, cette mouvance exprime le devoir de mémoire et le refus de l'oubli, pour cheminer vers la définition d'un nouvel universalisme "de la différence".

Frantz Absalon
1948, Fort-de-France (Martinique, France), vit et travaille à Paris (France). La Liberté, 1998
Bois de sapin noirci à l'encre de Chine et ciré Collection de l'artiste
Frantz Absalon, artiste d'origine martiniquaise arrivé à Paris en 1968, entrelace dans sa pratique les cultures caribéennes et les traditions européennes. Son œuvre La Liberté, créé lors des commémorations du cent cinquantième anniversaire de l'abolition de l'esclavage en France, se distingue par l'utilisation de l'arc roman comme motif central. Disposés en série, ces arcs évoquent les maillons d'une chaîne, dont l'anneau situé au sommet, ouvert, rompt l'enchaînement. Le bois, dans sa nudité, contraste avec la brutalité implicite de la forme circulaire d'un anneau métallique et crée une sculpture ascendante conçue dans un profond sentiment d'élévation et d'ouverture.

Ousmane Sow
1935, Dakar (Sénégal, alors Afrique-Occidentale française) - 2016, Dakar (Sénégal)
Marianne et les révolutionnaires, 1989
Fer, béton, bois, tissus, pigments
Musée du quai Branly - Jacques Chirac
73.2012.0.137
Ousmane Sow, kinésithérapeute, débute dans les années 1960 une œuvre sculpturale fondée sur l'application, sur une structure de métal, de paille et de toile de jute, d'un mélange fait de substances hétéroclites, de colle et de terre. Marianne et les révolutionnaires fait partie, avec des sculptures du chef de la révolution haïtienne, Toussaint Louverture, et de Gavroche, personnage des Misérables de Victor Hugo, d'une série commémorant le bicentenaire de la Révolution Française. En 1991, la couverture du premier numéro de Revue Noire affiche une de ses œuvres et en 1999, son exposition sur le Pont des Arts est un grand succès populaire. Ousmane Sow est en 2013 le premier artiste noir à entrer à l'Académie française.

José Castillo
1978, Saint-Domingue (République dominicaine) - 2018, Paris (France) Saint Georges, 1994
Huile sur toile
Collection Marie-Annick Seneschal-Castillo
La pratique foisonnante de José Castillo, artiste d'origine dominicaine, reflète le syncrétisme culturel qui traverse la Caraïbe et témoigne de la culture visuelle des années 1980. La figure de saint Georges terrassant un dragon, représentée ici, évoque une iconographie chrétienne répandue et rend également hommage à un compositeur guadeloupéen: Le Chevalier de Saint-George, surnommé le Mozart noir favori de Marie-Antoinette.

Silvano Lora
1931, Saint-Domingue (République dominicaine) - 2003, Saint-Domingue (République dominicaine)
Machetes y hornos de la revolución, 1989 Machettes et fourneaux de la révolution
Acrylique sur toile libre
Collection MAC VAL - Musée d'art contemporain du Val-de-Marne
1989-281
Artiste dominicain engagé, Silvano Lora connaît des difficultés avec le régime politique dictatorial de son pays et voyage en France dès 1957, puis effectue des allers-retours réguliers toute sa vie. En 1989, il réalise Machetes y hornos de la revolución, accompagné par des danseurs et des percus- sionnistes, dans le cadre du Festival révolutionnaire de la jeunesse, célébrant le bicentenaire de la Révolution. Cette œuvre monumentale se déploie en un triptyque dont la moitié du premier panneau visible ici représente des mains libérées de leurs chaînes par une colombe et des machettes. Dans la veine des muralistes mexicains, Lora crée une œuvre qui témoigne de son engagement artistique et politique, exprimant sa solidarité avec les luttes d'émancipation de son temps.

Syncrétismes parisiens
Les abstractions syncrétiques se poursuivent dans des recherches de textures, où la mémoire des scarifications rituelles croise l'émergence contemporaine du graffiti. Se propageant de New York à Paris grâce à des artistes comme Jean-Michel Basquiat, le graffiti est le fruit d'une culture underground convoquant à la fois la peinture rupestre et la symbolique africaine. D'autres artistes travaillent l'assemblage dans une esthétique qui récupère et recycle les rebuts de la société de consommation. Une dimension spirituelle se dégage de leurs œuvres, qui mettent en scène des mondes intermédiaires peuplés de figures mythologiques. Plusieurs artistes femmes investissent ces thématiques, confirmant par leur travail un attachement aux questions de transmission et d'appartenance auxquelles s'ajoutent des mythologies intimes et féminines. Ces syncrétismes conduisent à la production de formes transculturelles et ancestrales, affirmant
non seulement la quête d'unité civilisationnelle mais aussi la reconquête d'un processus de transmission, après les fractures de la colonisation.

Henri Guédon
1944, Fort-de-France (Martinique, France)-2006, Paris (France)
Jean-Michel Basquiat, 1990
Technique mixte sur bois
Collection particulière Gladys et Laëtitia Guédon
"C'est à Paris que j'ai eu cette révolte esthétique, cette conscience noire", affirme Henri Guédon. Ce peintre, sculpteur et musicien intègre Jean-Michel Basquiat, qu'il considère comme «le Jimi Hendrix de la peinture », dans ses portraits de personnalités illustres, aux côtés d'Édouard Glissant et de Léon-Gontran Damas. Les œuvres de Guédon, comme celles de Basquiat, souvent inspirées par le jazz, combinent dynamisme des formes et syncrétisme culturel dans une expressivité brute. Ce portrait, hommage d'un artiste à un autre, témoigne de l'importante influence de Basquiat pour les artistes caribéens en France. À la fin des années 1980, Basquiat multiplie les séjours entre Paris et New York, après avoir effectué en 1986 un voyage pour Abidjan, où il expose aux côtés des artistes du collectif Vohou-Vohou.

JonOne (John Andrew Perello, dit)
1963, New York (États-Unis), vit et travaille à Paris (France).
Bright and Beautiful (Hôpital éphémère), 1997 Lumineux et magnifique (Hôpital éphémère)
Acrylique sur toile
Courtesy collection agnès b.
JonOne, d'origine dominicaine, découvre le street-art à New York où il commence à peindre sur les métros avec le groupe 156 All Starz. À cette période, le graffeur parisien Bando, résidant à New York, le pousse à rejoindre Paris. En 1987, JonOne installe son atelier à l'Hôpital éphémère où il transpose le graffiti de la rue à la toile. À rebours du figuratif qui domine alors sur la scène street-art, il prend la voie de l'abstraction, donnant lieu à des explosions de couleurs structurées rappelant l'abstraction gestuelle pratiquée par une génération d'artistes américains exilés à Paris depuis les années 1950

William Adjété Wilson
1952, Tours (France), vit et travaille à Paris (France).
Tête à tiroir, 1988
Assemblage bois, feutre, nacre, plume, métal Collection de l'artiste
William Adjété Wilson
1952, Tours (France), vit et travaille à Paris (France).
Sur invitation, 1984
Pastel sur papier
Collection particulière
Proche du mouvement de la figuration libre avec lequel il mène des actions de rue, William Adjété Wilson réalise au début des années 1980 des dessins d'inspiration surréaliste, citant volontiers les artistes Victor Brauner ou Wifredo Lam. Sur invitation fait partie de pastels sur papier craft dans lesquels se côtoient des êtres hybrides ou imaginaires, reflets d'un métissage par lequel il explique son absence d'affiliation à toute communauté. Marqué par un retour constant vers l'Afrique, il réalise à la même époque des masques à l'aide de chaises récupérées dans la rue. En 1988, sa collaboration avec le chorégraphe Dominique Bagouet au Centre Pompidou témoigne d'une recherche pluridisciplinaire qui le mène jusqu'à la mode ou au graphisme.

William Adjété Wilson
1952, Tours (France), vit et travaille à Paris (France).
Double monstre, 1975
Pastel et crayon sur papier
Collection de l'artiste

Everlyn Nicodemus
1954, Marangu (Tanzanie, alors colonie de la Couronne de l'Empire colonial britannique), vit et travaille à Édimbourg (Écosse).
Nude in Hat, 1987
Nue en chapeau
Acrylique sur toile
Courtesy Richard Saltoun Gallery, London, Rome and New York
Everlyn Nicodemus
1951 Maranga (Tanzanie, alors colonie de la Couronne de l'Empire colonia britannique, vit et travaille à Édimbourg (Écosse)
Explorer, 1987 Explorateuse
Huile sur toile
Courtesy Richard Saltoun Gallery, London, Rome and New York
En 1980, après des études d'anthropologie sociale, Everlyn Nicodemus s'engage dans une pratique artistique intimiste dans laquelle elle choisit, en tant que femme noire, de s'exposer comme sujet d'étude. À l'été 1987, fuyant le racisme systémique auquel elle est confrontéeen Suède, elle s'installe à Still, en Alsace, non loin de l'artiste féministe Hélène de Beauvoir. Confrontée à un environnement hostile, elle se représente seule ou avec son mari, cachée sous un chapeau surdimensionné. Dans Explorer (Explorateuse). r'artiste semble protégée par une structure défensive symbolique evoquant le portant d'un chevalet ou les montants d'une fenêtre. Cette œuvre cathartique est un rempart face à des traumatismes symbolisés par le motif du chapeau, que l'on voit dépasser du chevalet.

Pume Bylex
1968, Kinshasa (République démocratique du Congo), vit et travaille à Kinshasa (République démocratique du Congo).
Statue BYL ou La Maternité, 1988-1994
Technique mixte, éclairage interne 12 V
Collection Revue noire - JLP - PMSL
En 1988, après quelques années passées dans l'enseignement à Kinshasa, Pume entend la voix de « Byl»>, la «personne qui ne voit pas d'impossibilité ». L'artiste lui adjoint le phonème «<ex»> provenant du mot «exposition » pour forger le terme «< Bylex ». Bylex devient alors le double de l'artiste, son génie créateur. La Maternité est la matrice dont découle toute son œuvre. D'abord nommée la «statue Byl», elle est la maquette d'une statue publique monumentale Cette sculpture à la portée hautement symbolique, dont la panse est découpée de façon à rendre visible un fartus renvoie à la mère originelle.
Dorris Haron Kasco
1966, Daloa (Côte d'Ivoire), vit et travaille à Montpellier (France).
Fou nu dans une rue d'Abidjan, 1988-1990
Épreuve gélatino-argentique contrecollée sur aluminium Collection Revue noire-JLP-PMSL
Après des études à l'école Louis-Lumière de Paris, Dorris Haron Kasco retourne en Côte d'Ivoire, son pays natal. D'abord intéressé par la photographie de mode, sa pratique évolue vers des considérations sociales lorsque son regard se porte sur les "fous" d'Abidjan, ces laissés-pour-compte qui hantent les rues de la ville moderne africaine, parfois nus. Ce projet de trois ans vise à « interpeller les humains, de les inviter à porter un meilleur regard sur ces autres humains, leurs semblables, qu'ils dépassent hélas avec mépris et indifférence». La série Les Fous d'Abidjan donne lieu à une exposition présentée à Abidjan en 1993, puis à la publication d'un livre édité par Revue Noire en 1994.
Hassan Musa
1951, El Nuhud (Soudan), vit et travaille à Domessargues (France).
Autoportrait avec des idées noires, 2003
Peinture sur textile
Courtesy de l'artiste et Galerie Maïa Muller
Depuis son arrivée en France en 1979, Hassan Musa interroge la construction occidentale d'une supposée «identité africaine >> et développe le concept d'«artafricanisme »>, par lequel il dénonce l'engouement du marché pour l'art contemporain africain. Dans Autoportrait avec des idées noires, il représente les silhouettes nues de Sawtche, surnommée la «Vénus Hottentote»>, femme sud- africaine exhibée de force en Europe au 19° siècle (à gauche) et de Joséphine Baker, qui joue de la notion d'exotisme dans des spectacles faisant d'elle une figure culturelle majeure des années 1920 à Paris (à droite). Musa se représente au centre de la composition, refusant de se conformer à une image artificielle et stéréotypée.

Pascale Marthine Tayou
1966, Nkongsamba (Cameroun), vit et travaille à Gand (Belgique) et Yaoundé (Cameroun).
Fétiche Pascale, 2011
Socle, mât acier, numéros de Revue noire, aiguilles de couture, liasses de papier Collection Revue noire - JLP - PMSL
Fétiche Pascale fait partie d'une série de sculptures totémiques constituées d'un empilement de numéros du magazine Revue Noire, revue internationale d'art contemporain présentant les œuvres d'artistes, musiciens ou créateurs de mode africains ou caribéens, lancée en mai 1991 à Paris par Jean-Loup Pivin, Simon Njami, Pascal Martin Saint Leon et Bruno Tilliette. Pascale Marthine Tayou, qui figure en mai 1995 en couverture du 13° numéro de la revue consacrée aux «artistes et [au] Sida», témoigne ainsi de sa proximité avec l'équipe de rédaction, tout en louant leur contribution majeure à l'histoire de l'art contemporain africain, à travers des publications et des expositions pionnières à Paris comme «Ethnicolor (1987) ou Suites Africaines (1997).














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