samedi 16 mars 2024

Théodore Rousseau au Petit-Palais en mars 2024

Une exposition sympa dont voici l'essentiel :

Le Petit Palais présente au printemps 2024 une grande exposition consacrée au peintre Théodore Rousseau (1812-1867), qui a fait de la nature son motif principal, son monde et son refuge. Devenu chef de file de la colonie d’artistes qui fréquente le village de Barbizon et la forêt de Fontainebleau, il arpente la forêt solitairement, durant de longues heures, exécutant des esquisses sur le motif avant de réaliser
ses œuvres définitives dans son atelier.

Son amour de la nature se transforme bientôt en combat et, à ce titre, il peut être considéré comme un véritable proto-écologiste : avec d’autres artistes et écrivains, Rousseau porte un nouveau regard sur la forêt de Fontainebleau, qui aboutira à la protection d’une partie de celle-ci sous le nom des célèbres « réserves artistiques » (1853), une première dans un monde en pleine industrialisation.

 

À la fois romantique et réaliste, Rousseau aspire à capturer l’harmonie du monde, en y mêlant son âme. Il brouille les frontières entre peinture et dessin, entre esquisse et œuvre achevée. Il expérimente, ajoute de la matière, retouche inlassablement ses toiles, allant jusqu’à les surcharger pour faire sentir la vie des forêts. « Naturaliste entraîné sans cesse vers l’idéal », comme l’écrit Baudelaire, il joua un rôle fondamental dans l’affirmation d’une nouvelle école française de paysage au milieu du XIXe siècle, ouvrant la voie à l’impressionnisme.


Le Mont-Blanc, vu de la Faucille.
Effet de tempête
Mont-Blanc Seen from La Faucille. Storm Effect
Commencé en 1834 Huile sur toile
En 1834, Théodore Rousseau séjourne au col de la Faucille, dans le Jura, qui offre un point de vue unique sur le massif du Mont-Blanc. Désireux de traduire sur la toile l'immensité qui l'environne, il délaisse la perspective traditionnelle et l'exactitude topographique. Sa toile représente un abîme plutôt qu'un panorama. L'espace vers le sommet du mont Blanc semble s'approfondir à mesure qu'on le contemple. Le tableau, dépourvu de toute présence humaine, met au premier plan le sentiment de l'artiste face au déchaînement des éléments.

Étude de branche d'arbre
avec une feuille
Study of a Branch with Fine Leaves
Vers 1829
Huile sur bois
Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen, don Wouter Palte Collection

Étude de troncs d'arbres
Study of Tree Trunks
1833
Huile sur toile
Strasbourg, musée des Beaux-Arts

Village en Normandie
1833
Aquarelle et gouache sur papier
Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt


Paysage d'Auvergne
1830
Aquarelle et pastel avec rehauts de gouache sur papier Paris, musée du Louvre, département des Arts graphiques

Théodore Rousseau est marqué par les paysages volcaniques d'Auvergne. Il les représente dans de puissantes œuvres sur papier, lyriques et expressives. Dans ce paysage, il mêle l'aquarelle, la gouache et le pastel. Cette texture riche évoque l'aspect de la peinture à l'huile. La transparence de l'aquarelle contraste avec l'opacité des autres médiums. Cela lui permet de saisir la fluidité de l'atmosphère, à la manière de William Turner, tout en restituant l'aspect terreux et dense du paysage.

Clairière près du village de Pierrefonds dans la forêt de Compiègne

Edge of a Cleared Wood, Forest of Compiègne

or View of the Village of Pierrefonds

1833

Huile sur bois

Hambourg, Kunsthalle

Cette œuvre remarquable par sa composition, admise de justesse au Salon de 1834 (onze voix contre dix), est achetée par le duc d'Orléans. L'artiste représente les environs de Compiègne. Derrière un terrain agricole, on distingue à peine les toits d'un village. Au fond, une colline est bordée par la lisière d'un bois. Sous le ciel bleu et gris, on sent le léger frémissement de l'air dans les branches. Des paysans et un garde champêtre assis au premier plan ajoutent quelques touches vives.

La Vallée de Saint-Vincent
1830
Huile sur papier marouflé sur toile
Londres, The National Gallery, achat 1918

Paysage panoramique
des environs de Grenoble
Panoramic Landscape of
the Surroundings near Grenoble
Vers 1834
Huile sur papier marouflé sur toile
Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt

Le Lac de Malbuisson
Malbuisson Lake
Vers 1831
Huile sur papier montée sur carton
Collection particulière

RÉVOLUTIONNER
LA PEINTURE DE PAYSAGE
Théodore fait son apprentissage dans l'atelier du maître du "paysage historique", Jean-Charles-Joseph Rémond. En 1829, prêt à passer à son tour le concours du prix de Rome, Rousseau se rebelle et renonce pour toujours à la voie académique. Il veut peindre la nature pour elle-même, et non comme un simple décor pour des scènes mythologiques ou bibliques. Inspiré par les paysagistes hollandais du XVIIe siècle et par l'Anglais John Constable, il pose comme principe de son art l'étude attentive du réel et des phénomènes naturels.
Il part alors en Auvergne. Ce voyage solitaire sera le point de départ de nombreux autres périples à travers la France: Normandie, Jura, Vendée, Landes, Pyrénées, Berry, mais jamais l'Italie, comme la tradition l'y invitait. On peut le suivre grâce aux oeuvres qu'il en rapporte : études à l'huile, dessins et aquarelles. Son ambition étant de fouiller le visible, tout devient sujet pour le peintre : marais, sous-bois, rochers, vieux arbres ou simples branches de bois mort peuplent alors ses études comme ses tableaux plus aboutis

Jean-Charles-Joseph Rémond
(1795-1875)
Caïn et Abel
Cain and Abel
1837
Huile sur toile
Vire, musée de Vire-Normand

Maisons dans un bosquet
Houses in a Grove
1837-1840
Plume et encre brune sur papier
Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt

L'Abreuvoir
Cattle at the Trough
1850-1860
Huile sur bois
Reims, musée des Beaux-Arts
L'acidité des couleurs de ce tableau rappelle le paysagiste anglais John Constable, dont Théodore Rousseau
a probablement vu La Charrette de foin, vendue à Paris en 1832. Son admiration pour Constable fusionne avec la leçon des paysagistes hollandais du xvi siècle, notamment Jacob Van Ruisdael ou Meindert Hobbema. Leur sensibilité aux conditions atmosphériques, infiniment changeantes en fonction des saisons et de l'heure du jour, inspire durablement Rousseau.

La Mare près de la route, ferme dans le Berry
The Pond near the Road,
Farm in the Berry
1845-1848
Huile sur bois
Paris, musée d'Orsay

La Source du Lison (Doubs)
Lison Springs (Doubs)
Vers 1863
Fusain et pastei sur toile
Œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée par l'office des biens et intérêts privés (OBIP); en attente de sa restitution à ses légitimes propriétaires.
En 1860, Théodore Rousseau se rend en Franche- Comté. La région lui inspire de nombreuses études et tableaux. Il représente ici la cascade majestueuse du Lison, formé par les eaux du Doubs, qui, après un voyage souterrain, refont surface à travers les hautes falaises, dans une majestueuse cascade. Le statut de cette œuvre, exécutée au fusain et pastel sur toile, demeure ambigu. S'agit-il d'un tableau inachevé, ébauche que Rousseau entendait peindre ensuite à l'huile, ou d'un dessin sur toile autonome?

Paysage boisé, coup de vent
 Wooded Landscape, Gust of Wind
Vers 1836
Crayon Conté, graphite, fusain, estompe, lavis gris, pochoir de gouache blanche sur papier vélin beige
Reims, musée des Beaux-Arts

"LE GRAND REFUSÉ" : ROUSSEAU
L'INDISCIPLINÉ
Théodore Rousseau travaille d'abord en plein air, au plus près du motif, puis il retouche longuement ses œuvres dans l'atelier, parfois pendant plusieurs années. << Finir» a été le grand tourment de sa vie, à cause d'une tension fondamentale entre son désir de saisir le réel et celui d'y mêler son âme. «C'est un naturaliste entraîné sans cesse vers l'idéal », résume Charles Baudelaire.
Rousseau est un artiste libre et indiscipliné à tous points de vue, y compris technique: il crée des œuvres hybrides, entre dessin et peinture, et efface les frontières entre esquisses et tableaux. On le lui reproche à partir de 1836, ses oeuvres sont systématiquement refusées au Salon officiel. Même son Allée des châtaigniers, qui devait être acquise par l'État, est refusée par le jury. Découragé, l'artiste n'enverra plus rien au Salon, jusqu'à ce que l'avènement de la République, en 1848, ne fasse prendre à sa carrière un nouveau tour. Soutenu par le gouvernement, il reçoit une commande officielle et expose à nouveau au Salon, après treize ans d'absence.
Le surnom de «grand refusé », né de son intransigeance et du soutien indéfectible de certains critiques, comme Théophile Thoré, lui a paradoxalement profité sur un plan commercial. Ses œuvres obtiennent un succès croissant auprès des collectionneurs et d'un public en quête d'authenticité.

Paysage avec coucher de soleil orageux
Landscape with Stormy Sunset
Vers 1844
Huile sur bois
Londres, The National Gallery,
legs George Salting

Orage au-dessus
d'un paysage vallonné
et boisé
Rising Storm above a Hilly
and Wooded Landscape
1840-1860
Huile sur bois
Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen,
don Wouter Palte Collection

Paysage d'automne
Autumn Landscape
Sans date
Huile sur toile
Valence, musée de Valence, art et archéologie

La Descente des vaches dans le Haut-Jura, ébauche
The Descent of the Cattle in the Haut-Jura Mountains, outline
1835-1836
Huile sur toile
Amiens, musée de Picardie
En raison de processus chimiques irréversibles liés à l'utilisation de bitumes, La Descente des vaches est aujourd'hui presque entièrement détruite. Mais quelques oeuvres préparatoires subsistent, dont ces deux esquisses. Le peintre donne à son paysage l'importance et le format d'une peinture d'histoire. Le jury du Salon refuse le tableau, ce qui soulève une tempête de protestations. En soutien à l'artiste, le peintre Ary Scheffer décide de l'exposer dans son atelier parisien (actuel musée de la Vie romantique).

La Descente des vaches dans le Haut-Jura,
esquisse
The Descent of the Cattle
in the Haut-Jura Mountains, sketch
1834-1835
Huile sur toile
La Haye, De Mesdag Collection

L'Allée des châtaigniers
Avenue of Chestnut Trees
1837-1841, refusé au Salon de 1841
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures
Théodore Rousseau commence son tableau sur le motif, dans le parc du château de Souliers en Vendée, puis il le retouche dans son atelier pendant plusieurs années. Sur une composition ébauchée au fusain et à l'encre, il peint avec des glacis sombres, à la recherche de tons vibrants. Les branches et le feuillage forment une voûte portée par les troncs des arbres, tels des piliers de cathédrale. Plus bas, dans les zones claires, le peintre imite les surfaces rugueuses des châtaigniers en appliquant grossièrement sa peinture.

BARBIZON,
LE VILLAGE DES ARTISTES
Lorsque Théodore Rousseau s'installe à Barbizon en 1847, le hameau ne compte qu'une seule rue. Derrière les maisons, la plaine s'étend à perte de vue, ponctuée de quelques bosquets. À l'est s'étale la spectaculaire forêt de Fontainebleau. Depuis le début du siècle, celle-ci attire des dizaines de peintres, qui logent à l'auberge du père Ganne. L'ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Melun favorise l'essor de ce que l'on nommera bientôt la « colonie » des peintres de Barbizon, à défaut d'être une véritable école.
Une communauté se forme autour
de Rousseau : les peintres Narcisse Diaz de la Peña, Karl Bodmer, Jean-François Millet et Charles Jacque, ou encore le photographe Eugène Cuvelier, comptent parmi ses intimes. D'autres leur rendent régulièrement visite, tels Constant Troyon, Honoré Daumier, le sculpteur Antoine- Louis Barye, sans oublier les critiques, les collectionneurs et les marchands.
Entre Millet et Rousseau, l'amitié est parfaite, fondée sur la communauté de goûts et l'entraide. Cependant, ils ne peignent pas ensemble: Millet se fait le chroniqueur des terres agricoles côté plaine, tandis que Rousseau se tourne vers la forêt, préférant la solitude des bosquets denses


Henri Chapu (1833-1891)
Millet et Rousseau
Millet and Rousseau
1884
Plâtre sur traverse en bois
Le Mée-sur-Seine, musée Henri-Chapu
Ce double portrait sculpté de Théodore Rousseau et Jean-François Millet est le modèle en plâtre du monument érigé à la mémoire des deux peintres en forêt de Fontainebleau, grâce à une souscription publique organisée par les artistes de Barbizon. Le bas-relief est fondu en bronze et scellé dans un rocher situé en lisière de forêt, non loin de la route principale sortant de Barbizon. Inauguré le 19 avril 1884, le monument y est toujours visible aujourd'hui.

Non identifié
Détail du tableau précédent

Antoine-Louis Barye (1795-1875)
Le << Jean de Paris", forêt de Fontainebleau
The "Jean de Paris", Fontainebleau Forest
1875
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, dépôt du musée du Louvre, département des Peintures

Jean-François Millet (1814-1875)
Le Printemps
Spring
1868-1873
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Le Printemps est commandé à Jean-François Millet en mars 1868 par Frédéric Hartmann, mécène de Théodore Rousseau. Rare paysage << pur >> dans l'oeuvre de Millet, l'oeuvre semble un hommage à son ami Rousseau disparu quelques mois plus tôt. Elle ne laisse que peu de place à l'homme - petite figure de paysan sous un arbre -, mais il s'agit d'une nature domestiquée, un verger protégé par une barrière. Par ses couleurs fraîches, Millet se rapproche des futurs impressionnistes, Claude Monet, Frédéric Bazille ou Auguste Renoir, qui fréquentent la forêt de Fontainebleau à cette date.

Constant Troyon (1810-1865)
Vaches buvant à une mare
Cows Drinking at a Pond
1853
Huile sur bois
Paris, musée d'Orsay

Charles Jacque (1813-1894)
Moutons au pâturage
Grazing Sheep
1871
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Détail du tableau précédent

Narcisse Diaz de la Peña
(1807-1876)
Lisière de forêt
The Edge of the Forest
1871
Huile sur bois
Paris, musée d'Orsay


FONTAINEBLEAU,
UNE FORÊT REFUGE
Théodore Rousseau arpente la forêt en solitaire du matin jusqu'au soir. Ses œuvres sont toujours précisément situées, et le spectateur peut le suivre dans ses promenades au fil des saisons, du pavé de Chailly à la gorge aux Loups, en passant par le plateau de Bellecroix, les sous-bois du Bas-Bréau, les déserts de Macherin et d'Apremont, les rochers de Franchard ou encore la mare aux Fées.
Sa grande ambition est de peindre « la manifestation de la vie », de faire « qu'un arbre puisse réellement végéter ». Cela le conduit à étudier sans relâche les formes, les matières, les couleurs et, surtout, la lumière et l'air qui donnent forme au chaos. Ses tableaux sont composés de telle manière qu'ils donnent l'impression de ne pas l'être. En renonçant à toute perspective géométrique, Rousseau place l'homme à l'intérieur de cet écosystème, et non face à lui.
Rousseau affiche ainsi une conception organique de la nature et du vivant, typique du panthéisme romantique. En immergeant le spectateur dans la nature, il aspire à montrer qu'elle est un tout et que l'homme fait corps avec ce tout, dans une harmonie retrouvée.

La Campagne au lever du jour
The Countryside at Sunrise
1859
Huile sur bois
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts
de la Ville de Paris

Sous-bois
Undergrowth
1852
Huile sur toile
La Haye, De Mesdag Collection

En forêt de Fontainebleau
In the Forest of Fontainebleau
1830
Huile sur panneau de chêne Hambourg, Kunsthalle
La composition en ellipse de cet << intérieur
de forêt » est le produit d'une volonté fréquente de Théodore Rousseau d'immerger le spectateur au coeur de la nature. Celui-ci est enveloppé par le végétal, des broussailles du sol aux branches dans la partie haute du tableau. L'oeil n'atteint pas la cime des arbres : au contraire, il plonge vers le lointain, vers l'intérieur de la forêt, où un espace plus lumineux l'attire. Immerger ainsi l'observateur, c'est l'inviter à faire corps avec ce tout organique qu'est la nature.

Intérieur de forêt, dit Le Vieux Dormoir du Bas-Bréau (forêt de Fontainebleau)
Inside the Forest, known as The Vieux Dormoir du Bas-Bréau (Forest of Fontainebleau)
1836-1837
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, dépôt du musée du Louvre, département des Peintures
Ce tableau de jeunesse dépeint une scène idyllique de sous-bois dans le Bas-Bréau, l'un des plus anciens bois de la forêt de Fontainebleau. Au milieu d'un paysage végétal aux tons bruns, verts et jaunes qui évoquent le début de l'automne, un troupeau de vaches s'abreuve à un étang. Bien que le ciel bleu soit visible à travers le feuillage, l'absence de ligne d'horizon et la succession des troncs d'arbres verticaux ferment cet espace chaotique, célébrant la profusion incontrôlable de la nature.

Clairière dans la Haute Futaie, forêt de Fontainebleau
Clearing at Haute Futaie,
Forest of Fontainebleau
Avant 1866
Huile sur bois
Paris, musée d'Orsay

La Mare au Chêne
The Oak Pond
1860-1865
Huile sur bois
Cherbourg-en-Cotentin, musée Thomas-
Henry, dépôt du musée d'Orsay

Paysage dans la forêt de Fontainebleau
Landscape in the Forest of Fontainebleau
1850-1852
Huile sur bois
Rotterdam, Museum Boijmans Van Beuningen, dépôt Foundation Willem Van der Vorm

Paysage rocheux
A Rocky Landscape
1836-1840
Huile sur panneau de bois
Londres, The National Gallery, présenté par A.E. Anderson à la Tate Gallery
par l'intermédiaire de l'Art Fund en 1926, transféré en 1956

Bruyères du bois de Macherin
Heather at Macherin Woods
1860-1862
Muile sur panneau
Pans, Fondation Custodia, collection Frits Lugt

Les Gorges d'Apremont en forêt de Fontainebleau Apremont Gorge in the Forest of Fontainebleau
Après 1862
Huile sur toile
Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek
Au début des années 1860, la beauté farouche du désert d'Apremont, fait de rochers et de bruyères, est menacée par la plantation massive de pins sylvestres. Indigné, inconsolable, Théodore Rousseau peint le site avant sa transformation, pour en conserver la mémoire. Lorsque le critique Théophile Thoré décrit le site des gorges d'Apremont dans « Par monts et par bois »>, on croit voir le tableau. On y pénètre, écrit-il, par un «< sentier tortueux entre les rochers, et bientôt on découvre une arène immense, tapissée, au milieu, de mousses couleur de peau d'ours, et bordée de collines en granit argenté >>.

La Mare aux Fées, forêt de Fontainebleau
Fairies' Pond, Forest of Fontainebleau
Vers 1848
Huile sur toile
Collection particulière
Les lignes obliques dynamiques guident le regard au cœur d'un paysage lugubre. Les arbres squelettiques se détachant sur un pâle crépuscule évoquent les tableaux de Caspar David Friedrich. Le terrain humide et presque nu est rendu avec une grande densité de matière, tandis que le ciel laisse apparaître la toile. Au centre, la mare semble irréelle. Ses puissants verts contrastent harmonieusement avec le ciel rougi. Le tableau a fait partie de la collection de Théophile Thoré, qui fut le plus ardent défenseur de Rousseau.

La Chaussée du Roi, dans la forêt de Fontainebleau
The King's Road, in the Forest
of Fontainebleau
Vers 1850
Fusain, lavis brun et gris, rehauts d'aquarelle sur papier
Paris, musée du Louvre,
département des Arts graphiques.

 Le Pavé de Chailly
Chailly Path
1840-1850
Huile sur bois
Barbizon, musée départemental
des Peintres de Barbizon

Sortie de forêt à Fontainebleau, soleil couchant Edge of the Forest at Fontainebleau, Setting Sun
1848-1850
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures
Au soleil couchant, un bouvier rassemble son troupeau qui s'abreuve paisiblement à la lisière d'une vieille chênaie. Le thème du pâturage choisi par Théodore Rousseau pour sa première commande d'État cache des enjeux politiques. Les artistes de Barbizon s'en emparent régulièrement pour soutenir et défendre le droit des paysans à faire paître leur troupeau en forêt. À l'Exposition universelle de 1855, Rousseau place ce tableau à côté d'un autre qui représente le même site à un moment différent de la journée, annonçant les séries de Claude Monet.

 
Détail du tableau précédent 

LA VOIX DES ARBRES
La forêt de Fontainebleau compte de nombreux << arbres remarquables >>, chênes et hêtres grandioses et séculaires, signalés et nommés par les guides de Claude-François Denecourt. « Le Charlemagne >>> peint par Corot, « le Rageur >> par Barye, «> par Diaz: ces portraits d'arbres deviennent le passage obligé de l'artiste, peintre
ou photographe, qui fréquente la forêt. L'exercice est plus ardu qu'il n'en a l'air : sans récit ni allégorie, l'artiste doit se confronter à la matérialité de l'arbre.
Les portraits d'arbres constituent en quelque sorte la signature de Rousseau. L'artiste observe minutieusement leur structure organique et l'entrecroisement de leurs branches, il scrute leur musculature, leurs noeuds. Les figures humaines sont réduites au minimum, et ce sont les arbres qui font office d'acteurs principaux. Rousseau les appréhende non en tant qu'espèces, mais comme des individus, dont il faut dévoiler «< tout le système de vie ». Il les écoute, entend leur voix, comprend leur langage, cherchant à percer le secret de leur puissance et de leur énergie sereine.

Le Chêne de la Reine-Blanche
Reine Blanche's Oak
1840-1845
Fusain et rehauts de craie blanche
sur toile préparée gris-brun
Paris, Fondation Custodia, collection Frits Lugt

Le Chêne de roche
The Rock Oak
1861
Eau-forte, épreuve du premier état dédicacé sur papier de Chine
Collection particulière

Le Chêne de roche
The Rock Oak
1860
Huile sur bois
Copenhague, Ny Carlsberg Glyptotek
Théodore Rousseau représente deux fois le tortueux «< chêne de roche >>, par la peinture et par l'estampe, au cœur d'un entrelacs de branches et de feuillages. Les deux oeuvres se présentent tels des fragments de nature brute, comme si elles étaient dénuées de construction. Par son cadrage, Rousseau offre une vision touffue et obscure de la forêt, contrepoint aux sentiers balisés de Claude-François Denecourt qu'il abhorre. Aucune figure humaine, même minuscule, ne traverse le paysage: c'est une rareté dans l'œuvre de Rousseau.

Groupe de chênes, Apremont
Group of Oaks, Apremont
Exposition universelle de 1855
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures
Le tableau est empreint d'une nostalgie palpable. Théodore Rousseau omet délibérément les collines et les rochers caractéristiques d'Apremont pour mettre en valeur les trois grands chênes bicentenaires. Alfred Sensier, le biographe de Rousseau, soutient que ce tableau a été spécialement créé pour préserver l'ancienne apparence du site menacée par des plantations de pins. La présence du troupeau de vaches et du bouvier souligne aussi une pratique pastorale traditionnelle en plein déclin dans les années 1850 : le pâturage dans la forêt de Fontainebleau.

Arbre dans la forêt
de Fontainebleau
Tree in the Forest of Fontainebleau
1840-1849
Huile sur papier marouflé sur toile
Londres, Victoria and Albert Museum

ROUSSEAU ÉCOLOGISTE?
Dès les années 1840, artistes, critiques et écrivains se préoccupent du sort de la forêt. D'une part, elle est saccagée par les coupes massives d'arbres pour l'industrie; de l'autre, le développement du tourisme et les aménagements de Claude-François Denecourt altèrent profondément son paysage. Théodore Rousseau cherche à susciter la compassion du spectateur pour ces arbres innocents tombant sous les coups des forestiers. Si dans la plupart de ses tableaux, il met en avant l'unité organique entre l'homme et la nature, il peint aussi parfois des abattages d'arbres, pour éveiller les consciences.
En 1852, Rousseau se fait le porte-voix de la forêt. Il écrit au ministre de l'Intérieur, le comte de Morny, au nom de tous les artistes qui peignent la forêt. Les lieux qui leur servent de modèle et d'inspiration doivent être préservés et mis à l'abri des coupes intempestives. Cet appel passionné trouve un écho. En 1853 naît la toute première réserve naturelle au monde, sous le nom de «<< série artistique », une réserve officialisée et étendue en 1861. Au nom de l'art, Rousseau participe à l'émergence occidentale d'une conscience écologique.

Le Massacre des Innocents
ou Abattage d'arbres dans l'île de Croissy
The Massacre of the Innocents or Felling Trees on the Île de Croissy
1847
Huile sur toile
La Haye, De Mesdag Collectie
Il est rare que Théodore Rousseau représente une scène précise impliquant des personnages. Même si la toile est restée à l'état d'ébauche, on distingue, presque au centre de la composition, un homme, en hauteur, nouant une corde sur le tronc du chêne principal. D'autres bûcherons, tout à gauche, tirent sur une seconde corde pour abattre le chêne le plus éloigné. Au premier plan, un arbre gît en travers du passage. Le titre donné par l'artiste, Le Massacre des Innocents, évoque le récit biblique du meurtre de tous les enfants de moins de deux ans dans la région de Bethleem, sur l'ordre du roi Hérode. En comparant les chênes à ces innocents tués, Rousseau a pour objectif d'éveiller les consciences contre la destruction des environnements forestiers induite par l'industrialisation.
L'Arbre penché au carrefour de l'Épine The Crooked Tree at the Carrefour de l'Épine
1852
Huile sur toile
La Haye, De Mesdag Collectie
À première vue, le tableau semble être peint en brunaille. Mais un examen attentif révèle une riche palette de couleurs : un vert vif pour la plaine, un gris profond pour le ciel et un brun chaud et rougeâtre pour l'arbre, protagoniste du tableau. La minuscule silhouette assise près du tronc renforce l'effet imposant de ce chêne majestueux et séculaire. Elle convoque le souvenir des figures dans un paysage de Caspar David Friedrich et rappelle les racines romantiques de l'art de Rousseau,

Jean-François Millet (1814-1875)
Bouleau mort, carrefour de l'Épine, forêt de Fontainebleau
Dead Birch, Carrefour de l'Épine, Forest of Fontainebleau
1866
Pastel sur papier
Dijon, musée des Beaux-arts


FONTAINEBLEAU UNE FORÊT À DÉFENDRE
Lieu remarquable par son étendue, l'abondance de son gibier et ses gisements de grès, la forêt de Fontainebleau devient forêt royale dès le Moyen Âge. Vers l'an mille, le roi Robert II le Pieux crée le domaine royal. Au xvIe siècle, François le transforme le fort médiéval existant en une prestigieuse demeure parée des plus beaux atours de la Renaissance française. Dès lors, Fontainebleau devient un lieu de séjour prisé des souverains. De Henri IV à Louis-Philippe, château et forêt se transforment au gré des usages de la chasse à courre.
Cette chronologie s'étend du xixe siècle à nos jours. Elle commence cinquante ans avant le combat déterminant de Théodore Rousseau, au début de l'ère industrielle, alors que la vocation économique de la forêt s'affirme autour de l'exploitation du bois et du grès. Elle montre, sur deux siècles, l'évolution de la forêt à travers l'émergence de nouvelles pratiques, notamment culturelles et écologiques.

Henri Gervex (1852-1929) et Alfred Stevens (1823-1906)
Le Panorama du siècle :
Dupré, Rousseau, Isabey, Millet, Couture, Daubigny, Diaz, Corot, Troyon, Fromentin, Barye, Decamp, Courbet, Robert-Fleury
The Panorama of the Century
1889
Huile sur toile
Paris, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Pour l'Exposition universelle de 1889, célébrant le centenaire
de la Révolution française, Alfred Stevens et Henri Gervex réalisent un panorama sans précèdent, de cent vingt mètres de long sur vingt mètres de hauteur, figurant six cent quarante et une personnalités marquantes des cent dernières années. La toile a ensuite été découpée en soixante morceaux, aujourd'hui dispersés. Le fragment présenté est un portrait de groupe de peintres de paysage, montrant l'importance acquise par le genre du paysage réaliste au cours du siècle. Théodore Rousseau y côtoie, notamment, ses amis de Barbizon.






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