samedi 4 février 2023

Promenade Loin(g)taine au château-musée de Nemours en février 2023

Jolie exposition à Nemours qui permet de découvrir de nombreux peintres étrangers et des beaux tableaux, en particulier norvégiens. En voici la présentation et la plupart des œuvres :


Organisée après la restauration de 12 peintures, l'exposition "Promenade loin (g)taine, les artistes étrangers au fil du Loing" propose une balade au bord du Loing dans les deux niveaux du Château-Musée ouverts à la visite.
Au cours du XIXe siècle, la ville de Paris capitale des Arts » ne va plus être l'unique centre artistique de France. De multiples foyers vont se développer partout sur le territoire. Les peintres vont ainsi se déplacer pour aller peindre sur le motif ou un site.
Ces nouveaux foyers ou colonies vont aussi se développer grâce à l'arrivée, parfois massive, d'artistes étrangers venant de toute l'Europe, mais aussi des États-Unis, d'Australie ou du Japon. Après un séjour à Paris, notamment pour poursuivre leurs apprentissages dans des ateliers comme l'Académie Julian, ces artistes prennent également le chemin de la province.
En sud Seine-et-Marne, le Loing va voir se développer de multiples foyers d'artistes dans les villes qu'il traverse et les auberges vont faire leur plein de clients/artistes comme quelques décennies plus tôt l'auberge Ganne à Barbizon.

Robert VONNOH (1858-1933)
La Cour de Marie Simar
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Robert Vonnoh naît à Hartford dans l'état du Connecticut en 1858. Très jeune, en 1872, il commence à travailler dans une compagnie de lithographie et suit des cours du soir auprès du peintre Charles Perkins.
Étudiant à la Massachusetts Normal Art School à Boston, il part ensuite en France et s'inscrit en 1881 aux cours de l'Académie Julian sous la direction de Jules Lefebvre et Boulanger durant deux années.
Effectuant plusieurs allers-retours entre la France et les Etats-Unis, où il enseigne dans différentes écoles, c'est à Grez-sur-Loing qu'il apprécie de séjourner, parfois de façon assez longue, comme de 1907 à 1911.

Paul GIVRY (1853-1905)
La Gare de Bourron
Bourron-Marlotte, Mairie-Musée

Katherine MAC CAUSLAND
(1859-1928)
La Mère Moreau, 1891
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Appelée aussi « Miss Mac », elle se rend à Grez avec les peintres irlandais qu'elle connaît bien, puis à Pont-Aven où elle rencontre Guy Maynard, peintre américain, qui devient rapidement son compagnon.
En 1889, le couple s'installe à l'hôtel Chevillon puis achète une maison à Grez. Ils sont très liés avec Arthur Heseltine qui a préféré se sédentariser à Bourron-Marlotte, C'est d'ailleurs ce dernier qui offre cette toile à la ville de Grez.

Robert VONNOH (1858-1933)
Le Père Alexandre Dupérat, 1890
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Ella BLACKBURN
Grézoise cousant, 1908
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Élève à l'Académie Julian, elle achète une maison à Grez-sur- Loing et y reçoit de nombreux artistes.
Très peu connue de nos jours, les informations sur cette artiste sont infimes.

Fernande SADLER (1869-1949)
La Mère Chevillon
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée
En 1860, Paul Chevillon et sa femme Virginie reprennent une ancienne auberge à Grez. Elle prend le nom d'Hôtel Chevillon et devient le point de rencontre de nombreux artistes du monde entier.
L'Hôtel Chevillon attire les jeunes peintres en recherche d'inspiration, de bons repas et des plaisirs de la campagne. Fernande Sadler réalise le portrait de Virginie Chevillon. C'est une femme gentille, bonne cuisinière et attentionnée avec les résidents, Proche d'eux, ces derniers l'appellent la mère Chevillon

Katherine MAC CAUSLAND
(1859-1928)
Portrait de Jules Chevillon, 1894
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Fernande SADLER (1869-1949)
La Tisane
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

LE PONT DE GREZ
D'origine médiévale, le pont de pierre permettait l'accès à l'une des quatre entrées de Grez-sur-Loing. Composé de dix arches et enjambant le Loing, il suscite l'intérêt de nombreux artistes français et étrangers au cours des XIX et XX siècles. Parfois motif unique, il est l'emblème du village et dépasse de loin les motifs de la Tour Ganne ou bien encore de l'église.
DE COROT AU XIXE SIÈCLE
. Chez les français
Camille Corot (1796-1875) est le premier artiste français à s'y intéresser en réalisant la peinture Le Pont de Grez-sur-Loing vers 1850-1860. Bien que Jean-Charles Cazin (1841-1901) n'ait pas peint à Grez, il y réalise deux vues du vieux pont de pierre dont une gravure est assez proche du point de vue adopté par Corot. L'influence de ce peintre sur les artistes étrangers va être notable par la suite, notamment au niveau de la gamme de couleurs employée et les effets de lumière. Chez ces artistes, le pont est le motif essentiel et la raison des créations picturales.
Figure locale de Grez-sur-Loing, Fernande Sadler (1869-1949) représente le pont à de nombreuses reprises sous forme de gravures et peintures, et l'incorpore à son ouvrage sur l'histoire de la ville. Artiste et archéologue, elle devient également la première femme maire de Grez-sur-Loing de 1945 à 1947.
. Chez les étrangers
Séjournant à Grez-sur-Loing pour profiter de la rivière et des plaisirs de l'eau à bord de périssoires, les artistes vont avoir à cœur de représenter le pont dans leurs peintures. Dans un premier temps, il n'est pas la raison principale de l'oeuvre, mais fait plutôt figure d'élément d'ensemble. En 1870, le peintre italien Francesco Netti (1832-1894), premier artiste étranger à s'intéresser à ce motif, réalise Environs de Fontainebleau. Le pont est représenté en partie seulement, sur les bords du tableau, avec une vachère accompagnée de son animal. L'américain Hiram Reynolds Bloomer (1845-1910) fera de même en plaçant le pont tout au bout du chemin de halage. Par la suite, le motif du pont prend de plus en plus de place. Les artistes n'hésitent pas à en faire une attraction, un lieu de vie en y plaçant des figures comme le suédois
Carl Larsson (1853-1919) qui s'installe à l'Hôtel Chevillon où il rencontre sa future femme. De cette union, naît leur fille Suzanne, en 1884. C'est la première naissance d'un étranger dans ce petit village! L'irlandais John Lavery (1856-1941) donne aussi une place importante au pont et aux plaisirs que procure la présence du Loing.
Le Pont de Grez représente le vieux pont, mais également deux embarcations: une périssoire, menée par un homme et un canoë sur lequel se trouvent deux femmes : une à la manoeuvre et l'autre se protégeant du soleil avec une ombrelle. L'américain Francis Chadwick (1850-1943) exprime à la perfection dans sa composition La Barque au pont de Grez- sur-Loing l'atmosphère et le «< gris de Grez » qui va tant inspirer et donner envie aux artistes de séjourner dans ce village.
Mais Grez attire également des artistes venant de plus loin. À partir de 1890, le japonais Kuroda Seiki (1866-1924), s'installe pendant deux ans et demi à Grez. Puis ce sera au tour d'Asai Chu (1856-1907), Kojima Torajiro (1881-1929), etc.


Théophile CHAUVET (1831-1909)
Camille COROT (1796-1875) (d'après)
Vue de Grez-sur-Loing
Lithographie
Nemours, Château-Musée
Adepte du paysage, des voyages et des nouvelles découvertes, Corot va bien évidemment séjourner en forêt de Fontainebleau. À cette occasion, il se rend plusieurs fois à Grez-sur-Loing, entraînant parfois avec lui ses élèves.
Dans ce village, il peint au moins quatre tableaux, dont cette gravure reprend le motif de Le Pont et l'église vers 1860, conservée aujourd'hui à Manchester (Etats-Unis).

Jean-Charles CAZIN (1841-1901)
Le Pont de Grez
Eau-forte
Collection particulière
Natif de Samer dans le Pas-de-Calais, Cazin, encore jeune adulte, va très vite séjourner en Île-de-France et notamment dans les environs de Fontainebleau: à Chailly, à Arbonne, à Bourron, etc.
Suite à son mariage avec Marie Guillet, le couple va fréquenter de façon plus régulière la région et séjourne chez son beau- frère Arthur Heseltine.
Maîtrisant parfaitement la langue anglaise, il échange avec les artistes étrangers présents à Grez et va inspirer nombre d'entre eux.

Emma LÖWSTADT-CHADWICK
 (1855-1932)
Vieux pont à Grez-sur-Loing
Eau-forte
Nemours, Château-Musée

Jelka ROSEN (1868-1935)
Le Pont de Grez
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Jelka Rosen est née à Belgrade en 1868. Son père est le Consul-Général allemand de la ville et sa mère est peintre et fille du compositeur et pianiste Ignaz Moscheles.
En 1892, elle entre à l'Académie Colarossi à Paris, accompagnée de sa mère récemment veuve. En janvier 1896, elle rencontre Frederick Delius. Disposant d'une modeste fortune familiale, elle achète une maison à Grez où le couple vivra par la suite.
La vue représentée sur cette toile est une vue depuis la chambre de la maison qu'elle achète en 1899.

Une périssoire
Bois
Collection des association « Robert Louis Stevenson, de Barbizon à Grez sur Loing» et « Artistes du Bout du monde »
L'origine de la périssoire est très ancienne, elle est issue de l'évolution de la pirogue monoxyle, c'est-à-dire creusée dans un seul tronc d'arbre.
Très en vogue comme petit canot de plaisance aux XIXe et XXe siècles en Eu- rope, elle se manœuvre à la pagaie double. De nombreux artistes en feront des motifs de prédilection comme Gustave Caillebotte dans Les Périssoires de 1878.

Francis Brooks CHADWICK (1850-1943)
La Barque au pont de Grez-sur-Loing
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Cette scène est située à Grez, en bord de Loing. À l'arrière- plan se trouve le pont menant à une des entrées du village. Le peintre Francis Brooks Chadwick s'y installe définitivement avec son épouse, la Suédoise Emma Löwstadt, après l'acquisition de l'ancienne Pension Laurent. Ils y restent jusqu'à leur mort.
L'artiste est un des premiers peintres américains à rejoindre le mouvement impressionniste, L'eau agitée, dont les reflets sont teintés d'argent et de blanc, les nuages gris et le ciel sombre permettent de souligner toute l'intensité de ce paysage.

Oscar TÖRNÅ (attribué à) (1842-1894)
Le Pont de Grez-sur-Loing, 1899
Huile sur toile
Collection particulière
Actif à Montigny et Marlotte dès 1875, Törn arrive à Grez l'année suivante. Il peint le pont à l'automne, dans une gamme chromatique que l'on retrouve chez les artistes des générations suivantes sans être l'emblématique gris 

Johannes Grimelund (1842-1917)
Le Vieux pont de Grez-sur-Loing vers 1878-1879
Huile sur bois Collection particulière

LES ARTISTES ANGLAIS ET AMÉRICAINS AU BORD DU LOING
LES PRÉMICES
Les artistes anglais et américains vont faire partie des premiers artistes étrangers à se rendre à Grez-sur-Loing. Attirés dans un premier temps par l'attractivité artistique de Paris, ces artistes se rendent ensuite en forêt de Barbizon, afin de rencontrer les artistes majeurs de ce foyer (Millet, Corot, Rousseau, etc.). Vers 1875, la ville de Barbizon reçoit déjà beaucoup de touristes et les artistes présents ne retrouvent plus l'authenticité des premières années. Ils sont à la recherche d'un nouvel Éden. Présent à Barbizon entre 1873 et 1875, l'Américain Will Hicok Low propose à ses camarades d'aller à Grez afin de profiter du nautisme et de fuir les touristes. Ils ouvrent ainsi la voie à plusieurs vagues d'artistes anglophones jusqu'au début des années 1900.
UNE PREMIÈRE VAGUE D'ARTISTES «BOHÈME», AUTOUR DES ANNÉES 1876
Dans cette première vague d'artistes anglophones à l'esprit << bohème » on retrouve notamment l'Américain Will Hicok Low, l'Anglais Henry Enfield, l'Irlandais Frank O'Meara et l'Écossais Robert-Alan Mow Bray Stevenson. Ces artistes sont souvent de passage. Ils vivent en tant que jeunes célibataires, profitant de toutes les joies qu'ils peuvent trouver à Grez-sur-Loing. Lors de leur présence à Paris, ils vont donner envie à d'autres artistes de se rendre à Grez, louant notamment la beauté du site, son caractère pittoresque et le coût de la vie.
UNE SECONDE VAGUE, AUTOUR DES ANNÉES 1880
Une seconde vague d'artistes anglophones va résider plus longuement autour des années 1880. Si certains comme l'Irlandais Frank O'Meara sont déjà des habitués des lieux, d'autres y viennent pour la première fois comme les Américains Théodore Robinson, Kenyon Cox et Burge Harrison; les Anglais Arthur Heseltine, William Stott et Louis Welden Hawkins ou les Écossais Arthur Melville et Thomas Millie Dow.
LA TROISIÈME VAGUE, À PARTIR DES ANNÉES 1883-1884
Une troisième vague d'artistes est issue du groupe des « 12 ru Jacob ». Il s'agit d'un nouveau groupe d'artistes anglophonese se réunit d'abord à Paris dans le quartier Latin et qui, plus tas lors de leur retour en Angleterre seront appelés les << Glass Boys ». Parmi eux figurent John Lavery, Alexander Roche, Will Kennedy et Thomas Millies Dow.
Bien évidemment, ces différentes « vagues » ou « groupes donnés de façon arbitraire. Plusieurs artistes se retrouve plusieurs vagues, tandis que d'autres s'installent à de ou juste à côté pendant des décennies. C'est notamme pour Arthur Heseltine, qui va résider à Bourron-Marlot suite.

Frédéric EDE (1865-1943)
Berger et son troupeau
Huile sur toile
Collection particulière
Passionné de dessin et de peinture depuis son enfance, il vient en France vers sa vingtième année et s'installe à Paris.
Il devient élève à l'Académie Julian et se lie d'amitié avec Numa Gillet et Michel Korochansky, qui l'emmènent à Montigny. Là tout l'enchante, la forêt, les bords du Loing, les prairies, les animaux de ferme, le canal mais aussi les rochers gravés sur lesquels il écrira beaucoup et entreprendra de multiples recherches.

Frédéric EDE (1865-1943)
Berger gardant son troupeau de moutons
Aquarelle sur papier marouflé sur carton Nemours, Château-Musée

LES PORTRAITS D'ARTISTES
Profitant de leurs séjours à Grez-sur-Loing, les artistes de passage ou séjournant dans les différentes auberges de la ville vont en profiter pour se portraiturer. C'est une pratique assez courante, d'autant plus qu'en cette fin de XIXe siècle, la photographie, bien qu'existante, est encore peu développée surtout dans les milieux les moins aisés. Ces portraits permettent de montrer la proximité qui existe entre ces différents artistes, les réseaux d'amitiés et d'entraide.
LES PORTRAITS D'ARTISTES DE LA COLLECTION DU CHÂTEAU-MUSÉE
Au sein de la vaste collection du Château-Musée, sont conservés plusieurs centaines de dessins du peintre anglais Arthur Heseltine. Séjournant à Grez-sur-Loingavant son installation à Bourron-Marlotte, Arthur Heseltine a, en plus des paysages, réalisé plusieurs portraits d'artistes séjournant également dans le village.
Montrés au public pour la première fois, ses dessins
représentent: le peintre Louis Taylor, Robert Alan Mawbray
Stevenson, Frederick Waugh, Sir John Lavery ou bien encore William Warrener.
Pour la plupart, il s'agit de simples portraits et pour le dernier notamment, il est portraituré
dans son intérieur, jouant au piano.
En 1898, l'artiste anglais Allan Deacon réalise deux portraits d'Heseltine, offerts par le modèle au Château-Musée en 1919. Le plus grand adopte une position courante pour un modèle au XIXe siècle, à l'image du Portrait de Monsieur Bertin par Jean-Auguste-Dominique Ingres en 1834. Le modèle, vêtu de couleur foncé, tranche sur un fond uni. Ici, Heseltine tient des feuilles dans les mains, geste qu'il adopte aussi dans ce qui ressemble à une étude. Restaurées pour cette exposition, ces deux peintures ont retrouvé toute leur superbe!

Allan DEACON (1858-1928)
Un connaisseur: portrait du peintre Arthur Heseltine (1859-1930), 1898
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée
En 1898, l'artiste anglais Allan Deacon réalise deux portraits d'Heseltine. Offert par le modèle en 1919, le plus grand adopte une position courante pour un modèle au XIXe siècle, à l'image du Portrait de Monsieur Bertin par Ingres en 1834. Le modèle, vêtu de couleur foncé, tranche sur un fond uni.
Séjournant par la suite dans les Cornouailles, il vit à Saint-Yves là où la Suédoise Emma Chadwick réalisera une peinture de la jetée.

Arthur HESELTINE (1859-1930)
Portrait du peintre Louis Taylor (actif fin du XIXe siècle), 1883
Crayon au graphite sur papier 
Nemours, Château-Musée

Arthur HESELTINE (1859-1930)
Le Peintre William Warrener (1861-1934) jouant au piano, 5 janvier 1892
Encre noire sur papier
Nemours, Château-Musée

Arthur HESELTINE (1859-1930)
Portrait du peintre Frederick Waugh (1861-1940), 1883
Crayon au graphite sur papier 
Nemours, Château-Musée

Arthur HESELTINE (1859-1930)
Portrait du peintre Sir John Lavery (1856-1941), 23 juillet 1883
Crayon au graphite sur papier 
Nemours, Château-Musée

Les artistes scandinaves à Grez-sur-Loing
Tout comme les artistes anglais ou américains, les artistes scandinaves vont venir en France afin de découvrir d'autres sources d'inspirations et une formation moins académique. Si certains scandinaves préfèrent se rendre à Düsseldorf, la majeure partie se rend en France et notamment à Paris. On retrouve ainsi les scandinaves suivant les enseignements de l'Académie Julian ou dans certains cours privés comme celui du peintre lillois Carolus Duran.
LES ANNÉES 1880
L'époque phare pour la présence des peintres scandinaves à Grez-sur-Loing correspond au années 1880. Même si certains peintres, comme Oscar Torna, découvrent Grez dès 1876, la majeure partie arrive vers 1882 puis vers 1886.
À Grez, les scandinaves vont faire évoluer les attitudes. Finis les artistes «< bohèmes », place à la pratique en << famille >>, << entre amis ». Cette ambiance est due aussi à l'union de plusieurs couples dans ce village, comme par exemple celle de Francis B. Chadwick et Emma Löwstadt ou Carl Larsson et Karin Bergöö, et la future
naissance des enfants.
Ces artistes sont des adeptes de la peinture en plein air. Ils s'intéressent ainsi aux ruelles du village, aux maisons, aux jardins et bien sûr aux bords du Loing.

EMMA CHADWICK
Emma Chadwick étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Stockholm, ouverte dès 1864 aux artistes féminines. Elle y poursuit un cursus très élogieux et en 1882, elle arrive à Grez. Emma y rencontre un peintre américain fortuné, Francis B. Chadwick. Le couple se marie avant la fin de l'année et ne quittera plus Grez pendant cinquante ans. À cette occasion, ils font l'acquisition de la Pension Laurent, qui au préalable, propose des hébergements aux personnes de passage. Avec son mari et ses trois enfants, elle continue à fréquenter de nombreuses colonies artistiques comme celle de Concarneau ou de Saint-Ives en Cornouailles. À Grez, la peintre s'attache à peindre les femmes du pays comme sa cuisinière Julie Clara Noret qui fait partie de son important personnel de maison mais également des sujets bibliques comme Moïse sauvé des eaux, traité d'une manière très moderne. Les roseaux égyptiens sont remplacés par des ombellifères des bords du Loing.

JOHANNES GRIMELUND
Né à Oslo en 1842, Johannes Grimelund est le fils de l'évêque Andreas Grimelund (1812-1896). Agée de 24 ans, il commence des études de théologie et fréquente l'école de peinture de Johan Fredrik Eckersberg. Lors d'un voyage en Italie en 1869- 1870, il a l'idée de devenir peintre. Il passe ensuite quelques mois à Karlsruhe (sud-ouest de l'Allemagne) chez Hans Fredrik Gude, un peintre norvégien de paysage et de marine de l'école de Düsseldorf. En tant qu'élève, il accompagne son professeur dans divers voyages d'études, notamment en Forêt-Noire (1872), ou bien encore à Düsseldorf en 1874.
L'année suivante, il expose au Salon de Paris, où il a déménagé en 1875. Installé définitivement en France, il n'en reste pas moins qu'il continuera régulièrement à séjourner en Norvège d'où il rapporte plusieurs tableaux.
Le Château-Musée de Nemours conserve quatre huiles sur toile et une huile sur bois de ce peintre norvégien. Offertes par Raoul Dos Santos, beau-fils du peintre, époux de Charlotte Devaux. Celle-ci reste très attachée à la ville de Nemours par sa proximité avec la famille d'Adolphe Dumée, grand collectionneur d'art et généreux donateur pour le Château-Musée,

Wiliam STOTT OF OLDHAM 
(1857-1900)
Frank O'Meara (1853-1888), 1881
Huile sur toile
Collection particulière
Ami de beaucoup d'artistes, il existe aujourd'hui de nombreux portraits de Frank O'Meara, notamment ceux réalisés par John Singer Sargent.
Présent lui aussi à Grez-sur-Loing, William Stott of Oldham, d'origine anglaise, a dû profiter de l'un de ses séjours grézois pour réaliser ce portrait.

Ernst LUNDSTRÖM (1853-1931)
Vue de Grez, vers 1884
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, The Grez-sur-Loing Foundation
Lundström étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Stockholm de 1877 à 1879 puis à l'école de peinture gratuite d'Edvard Perséus. Par la suite, il séjourne en Allemagne, en Belgique, en France et en Italie pour des études d'art.
Il participe à l'exposition d'art nordique de Copenhague en 1883 et l'année suivante, le peintre séjourne à Grez-sur-Loing durant l'été. Il y réalise cette vue, chère aux peintres grézois puisqu'elle représente les bâtiments de la pension Laurent et les jardins qui descendent en pente douce jusqu'au Loing.

Oscar BJÖRCK (1860-1929)
Joueurs de cartes à Grez, 1884
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, The Grez-sur-Loing Foundation
Professeur à l'Académie de Stockholm, Björck séjourna à l'hôtel Chevillon avec la colonie d'artistes scandinaves dans les années 1880.
Sur cette toile peinte dans les jardins de l'hôtel, deux hommes sont en train de participer à la bésigue, jeu de cartes qui se joue principalement à deux. Très prisé au XIXe siècle en France, notamment à Paris, ce jeu est très apprécié d'une figure illustre du XXe siècle: Winston Churchill.

Emma LÖWSTADT-CHADWICK
(1855-1932)
"La Mère Lhuillier" ou «Pain de noix» de Montcourt
Craie sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Emma
LÖWSTADT-CHADWICK (1855-1932)
Julia Clara Noret, 1899
Craie sur toile émérie
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Emma LÖWSTADT-CHADWICK
 (1855-1932)
Moïse sauvé des eaux
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée

Emma LÖWSTADT-CHADWICK
(1855-1932)
La Digue Saint-Ives (Cornouailles)
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Johannes GRIMELUND (1842-1917)
Port de pêche en Norvège, 1888
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée

Johannes GRIMELUND (1842-1917)
Matinée d'été à Molde, 1892
Huile sur toile
Le Puy-en-Velay, musée Crozatier
Installé définitivement en France à partir de 1875, Grimelund continue d'effectuer des séjours dans son pays natal pendant les étés. Il aime à voyager le long des côtes norvégiennes de Svolær au nord, à Horten tout au sud. Au cours de l'été 1892, Grimelund est présent à Molde et il peint cet imposant bateau à vapeur.
Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, Molde est connue pour son attrait touristique et notamment ses hôtels de luxe où séjourneront plusieurs têtes couronnées.

Johannes GRIMELUND (1842-1917)
Village de pêcheurs au crépuscule, 1904
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée
Pourquoi ces cinq œuvres de Grimelund dans les collections du Château-Musée de Nemours? Effectivement la question peut se poser.
Grimelund épouse en mai 1879 Juliette Renaud de Saint Amour. Le couple va séjourner à Montigny et Grez. Son beau- fils Raoul dos Santos (né d'une union première de Juliette) épousera Charlotte Devaux, liée à Nemours par ses attaches avec la famille Dumée.
Cette dernière va léguer au Château-Musée ces oeuvres de Grimelund et des céramiques de Montigny en 1933, perpétuant ainsi la générosité des Dumée.

Johannes GRIMELUND (1842-1917)
Norvège : vergers en fleurs, 1898
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée 
Participant au Salon, les créations de Grimelund sont particulièrement appréciées du public qui aime cette nouvelle forme d'exotisme, non tournée vers le sud mais vers les espaces septentrionaux.
Comme encore de nos jours les cerisiers du Japon, le fleurissement des vergers à Hardanger est tout autant apprécié des norvégiens.
Dans cette œuvre, Grimelund met en avant toute une palette de couleurs claires afin de représenter au mieux cet instant furtif que le moindre coup de vent menace.

Johannes GRIMELUND (1842-1917)
Bord d'un fjord au printemps (Norvège), 1896
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée
Appréciant particulièrement la nature et les paysages, goût qu'il acquiert auprès de son professeur norvégien Hans Gude, Grimelund multiplie les vues de fjords.
Ici la représentation est idyllique, la nature complètement préservée et seules quelques maisons sont regroupées de façon harmonieuse dans le bas de la composition. Dans le fond se détache le glacier qui se reflète dans les eaux.

LES ARTISTES DU BOUT DU MONDE

L'un des premiers à séjourner à Grez- sur-Loing et qui plus est, d'une façon assez longue, est l'italien Giuseppe Palizzi. Appréciant ce village, il va demander à monsieur Chevillon la possibilité de construire un atelier en bordure de l'hôtel. Cette construction, qui existe toujours aujourd'hui, lui permetdes'adonnerà la peinture. Connu dans les environs, il va aussi travailler pour les manufactures de Montigny-sur- Loing et à cette occasion, va participer à la décoration de céramique émaillée.
Les artistes femmes sont également bien représentées dans l'exposition. En plus d'Emma Chadwick, Julia Beck, Kathleen Honora Greatorex figure aussi Jelka Rosen. Née à Belgrade, elle va épouser le compositeur britannique Frédérick Delius. Le couple va s'installer dans l'atelier précédemment construit pour Palizzi. À Grez, le couple va pouvoir s'adonneraux arts tout en recevant leurs amis. L'intérêt de Jelka Rosen c'est sa touche picturale. Elle ouvre la voie à la modernité.
Là encore ces artistes suivent le même cheminement que les artistes étrangers: un attrait pour la ville de Paris, un enseignement dans un atelier ou galerie privé, puis la recherche du motif en lien avec la fascination pour les artistes de l'école de Barbizon et enfin la rencontre avec un artiste qui est déjà venu à Grez et qui transmet à d'autres l'envie d'y séjourner.
Ils vont réaliser des œuvres dans le goût des créations de Corot en adoptant des motifs de Grez comme le pont.
LES JAPONAIS
À ces artistes présents dans l'exposition, il faut aussi ajouter une nationalité importante pour l'art à Grez-sur-Loing mais non représentée ici : les Japonais. Trois artistes sont vraiment notables dans ce village: Kuroda Seïki, Asai Chu et Kojima Torajiro.

Jelka ROSEN (1868-1935)
Les Meules
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Giuseppe PALIZZI (1812-1888)
Les Moutons aux chardons
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Aîné d'une fratrie d'artistes, Giuseppe Palizzi étudie à l'Académie des Beaux-Arts de Naples avant de s'établir dans la ville. Excellent peintre paysagiste romantique et animalier, il est proche de la nature.
En 1844, il vient s'établir en France et entre en contact avec Corot et Courbet. Un des premiers peintres italiens à peindre dans la forêt de Fontainebleau, il se lie d'amitié avec Millet, Díaz de la Peña, Rousseau et Jacque.
Surnommés << les peintres des ânes et des chèvres » avec son frère Filippo, ils en glissent dans toutes leurs compositions.

Giuseppe PALIZZI (1812-1888)
Plat aux martins-pêcheurs
Faïence émaillée 
Collection particulière

Giuseppe PALIZZI (1812-1888)
Plat aux hirondelles
Faïence émaillée
 Collection particulière

C'est à Grez-sur-Loing, vers la fin des années 1860, que Guiseppe Palizzi signe un bail de dix années avec l'aubergiste Chevillon pour une autorisation de construire un cabanon- atelier sur le terrain de boules de l'auberge. L'atelier est la plupart du temps occupé par son frère Filippo. Giuseppe s'installe à Marlotte, dans ce qui sera la << villa Palizzi ».
Ne se limitant pas à la peinture, Palizzi réalise aussi des décors pour le céramiste Eugène Schopin de Montigny-sur- Loing, comme ces deux plats à décors d'oiseaux.

Karl BODMER (1809-1893)
Forêt de Fontainebleau, 1886
Eau-forte
Nemours, Château-Musée 
Formé auprès de son oncle, le peintre Johann Jacob Meyer, Bodmer rencontre le prince Maximilien Zu Wied-Neuwied lors d'un voyage en Allemagne. Ce naturaliste et anthropologue engage le jeune artiste dans son expédition de plus d'un an en Amérique du Nord. Bodmer y représente « sur le vif >> les tribus indiennes sur plusieurs centaines d'aquarelles.
De retour en Europe, il s'installe à Paris en 1836 puis à Barbizon en 1849, tout proche de son ami Millet. Peintre, graveur et photographe, Bodmer s'intéresse tout particulièrement à la faune et à la flore de la forêt de Fontainebleau, un sujet constamment présent dans les oeuvres qu'il présente au Salon.

Roderic O'CONOR (1860-1940)
Femme nue
Fusain sur papier
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie

Julius Leblanc STEWART (1855-1919)
Jeune fille dans un sous-bois
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée
Fils du grand collectionneur d'art américain William Hood Stewart, Julius s'installe à Paris avec sa famille en 1865. Surnommé le « Parisien de Philadelphie », il peint de nombreux nus et portraits. L'artiste privilégie les mises en scènes de nus en plein air, au sein de clairières ou de sous- bois.
Le corps, alors en harmonie avec la nature, est l'occasion pour le peintre d'employer des effets naturalistes comme l'ombre des feuillages sur la peau de ses modèles.

Birge-Lowell HARRISON (1854-1929)
Le Chemin du Moulin du Roi à Grez
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Birge-Lowell et son frère Thomas Alexander naissent à Philadelphie et étudient à la Pennsylvania Academy of fine Arts. Sur les conseils de John Singer Sargent, que Birge-Lowell rencontre à Philadelphie lors de l'Exposition Centennale de 1876, les deux frères embarquent pour la France et s'inscrivent dans l'atelier de Carolus Duran.
La même année, Birge-Lowell se rend à Grez, accompagné d'autres Américains comme le californien Hiram Bloomer et Walter Launt Palmer d'Albany.

Birge-Lowell HARRISON (1854-1929)
La Jeune fille dans le pré, 1889
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Les créations des frères Harrison présentes dans cette exposition illustrent bien l'une des caractéristiques du << style Grez », c'est-à-dire le positionnement haut de la ligne d'horizon, permettant d'inclure le spectateur dans l'oeuvre.
En 1881, l'État achète au Salon une œuvre de Birge-Lowell, Novembre, peinte également à Grez, devenant ainsi l'une des premières œuvres d'un artiste étranger acheté par l'État.

Harry ALLIS (1870-1938)
Le Moulin de la fosse
Huile sur toile
Grez-sur-Loing, Musée de la mairie
Un des moulins de Grez est ici représenté, et son reflet blanc apparaît dans les eaux du Loing. A gauche, un bâtiment est entouré d'arbres, nombreux dans cette toile.
Harry Allis, peintre américain faisant parti des artistes étrangers en Île-de-France, vient à Grez-sur-Loing dans les années 1885 et représente les villages environnants. Le ciel est par endroits chargé de nuages gris et les hautes herbes ployées laissent deviner un temps venteux.

Thomas-Alexander HARRISON
 (1853-1930)
À Grez-sur-Loing
Huile sur toile
Nemours, Château-Musée
Ce peintre américain né à Philadelphie vient à Paris en 1879. Il suit les cours de Jean-Léon Gérôme et de Jules Bastien- Lepage. Comme son frère Birge, il se rend à Grez et y peint le tableau En Arcadie, très apprécié au Salon de 1886 (Musée d'Orsay).
Dans cette peinture, l'artiste s'attache à représenter deux enfants conversant dans l'herbe. Elle constitue probablement une étude préparatoire comme le suggère le carroyage visible en partie supérieure. La composition montre de fortes similitudes inspirées de Jules Bastien-Lepage: scène champêtre, absence de ciel ou
d'horizon, motif central marqué.

Kathleen Honora GREATOREX
 (1851-1913)
Paysage au coucher du soleil avec un ruisseau
Huile sur toile
Moret-Loing-et-Orvanne, 
collection municipale

Robe de promenade ou Robe d'après-midi, 1907
Corsage en satin de coton, pèlerine noir en organza de soie, plastron en den- telle ivoire. Jupe en satin de coton.
Chapeau, 1900
Feutre beige, plumes d'autruche et ailes de faisan.
Parapluie, 1900
Toile enduite, manche en ébène et aiguillette en ivoire.
Collections Le Ballet Impérial
Décor de table évoquant les bords de Loing
Création et réalisation par Anne-Marie Beaurent et Camilla Cardia.

Frank O'MEARA (1853-1888)
Étude pour Towards night and winter, 1884
Huile sur toile
Collection particulière
Au cours de ses nombreux séjours à Grez, Frank O'Meara va représenter plusieurs fois les bords du Loing. Sur cette étude de grande dimension l'artiste peint différents jardins longeant la rivière, en contre bas des habitations de l'actuelle rue Wilson. Parmi l'une de ces maisons, O'Meara représente la toiture de la Pension Laurent, là où réside le couple Emma et Francis Brooks.
Cette peinture est une étude pour la toile aujourd'hui conservée dans les collections de la Hugh Lane Gallery à Dublin.

Quelques tableaux sur Paris et les académies de peinture 



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