vendredi 25 novembre 2022

Champollion, la voie des hiéroglyphes au Louvre-Lens en novembre 2022


Une exposition intéressante lors de notre passage à Lens. On en profite !

CHAMPOLLION La voie des hiéroglyphes
Le nom de Jean-François Champollion (Figeac, 1790 - Paris, 1832) est attaché au déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens. Né en pleine Révolution française, il se passionne dès sa jeunesse pour les langues orientales avant de s'intéresser à l'Égypte antique. Il étudie avec ardeur toute la littérature disponible sur le sujet. Son frère aîné, Jacques- Joseph (Figeac, 1778 - Fontainebleau, 1867),l'encourage et lui fournit les ouvrages qu'il réclame avec avidité. Au fil de ses études, à Grenoble puis à Paris, comme au cours de ses voyages, en Italie puis en Égypte, cette passion dévorante le pousse tout au long de sa courte vie à travailler sans relâche à la redécouverte de la civilisation égyptienne. Cette entreprise pleine d'acharnement et d'enthousiasme a pour incroyable dénouement la compréhension de l'écriture hiéroglyphique en 1822, ouvrant la voie à une nouvelle science humaine, l'égyptologie. Cette exposition du bicentenaire se propose de célébrer la découverte géniale de Champollion, en décrivant ce que l'on comprenait de l'Égypte avant ses recherches. En ce début du bouillonnant 19e siècle, les enjeux sont religieux et intellectuels, mais également politiques et économiques. Nous sommes à un moment où l'Égypte devient un pays moderne en cherchant son indépendance de l'empire turc et où, alors que l'art pharaonique est
pleinement réhabilité, les grands d'Europe, souverains, riches collectionneurs et curieux, désirent les plus belles œuvres égyptiennes pour leurs cabinets privés et les musées publics.

Statue d'Aménophis II présentant les vases nou
Le pharaon Aménophis II, agenouillé, offre le vin aune divinitédu Narnak..
Vêtu d'un pagne plissé, appelé chendjyt, le souverain porte les attributs royaux que sont le némès protégé par un cobra dressé,
l'uraeus et la barbe postiche droite. La
statue est achetée par le roi de Sardaigne en 1824, avec le reste de la prestigieuse première
collection de Bernadino Drovetti, consul de France en Égypte. Champollion la voit lorsqu'il
est à Turin entre 1824 et 1825 pour rédiger le catalogue du tout nouveau Museo Egizio

De Grenoble à Paris, la formation d'un savant
De 1801 à 1807, Jean-François Champollion étudie au lycée de Grenoble dans le même temps qu'il s'initie à l'art et aux langues anciennes. Il est entouré d'amis qui lui resteront fidèles, tels Camille Teisseire ou la famille Berriat: Pierre, président du conseil des avoués, son fils Honoré-Hugues, futur maire de Grenoble, et sa fille Zoé qui épouse en 1807 Jacques-Joseph, le frère aîné de Jean-François.
C'est la même année que le jeune Champollion part étudier à Paris où il fréquente assidûment l'École des langues orientales, le Collège de France et la Bibliothèque impériale. En 1809, il rejoint son grand frère à Grenoble: Jacques-Joseph Champollion-Figeac y est devenu bibliothécaire. Jean-François se voit quant à lui nommé au poste de professeur adjoint d'histoire à la toute nouvelle faculté des lettres. Il a 19 ans...

Attribué à
Victorine-Angélique-Émilie
RUMILLY-GENÈVE
Grenoble, 1789 - Paris, 1849
Portrait de Jacques-Joseph
Champollion-Figeac
Après 1822
Huile sur toile
Jacques-Joseph Champollion-Figeac
(Figeac, 1778 - Fontainebleau,
1867), de douze ans l'aîné du
déchiffreur, entretient avec son
cadet une relation fusionnelle. Bien
qu'autodidacte, sa grande érudition
et les rapports privilégiés qu'il
entretient avec nombre de figures
savantes et politiques, à Grenoble
et à Paris, lui garantissent une
ascension sociale et académique
impressionnante. Il veille ainsi sur
son cadet, organise son éducation,
s'implique dans ses recherches.

Ces quatre feuilles, dessinées à l'âge
de 13 ans, sont toutes signées, au
revers, de la main de Champollion, et
contresignées par Louis-Joseph Jay
et Charles Couturier, ancien élève du
maître et qui l'assiste dans ses fonctions.
Les sujets académiques représentés
reflètent le programme pédagogique
d'alors, à l'encontre duquel Champollion
fait parfois preuve d'indiscipline, rendant ses résultats irréguliers.
 Le jeune écolier développe pourtant un intérêt certain pour l'art du dessin et les cours de Jay
aiguisent son sens de l'observation et
son goût pour la précision. Ces deux
qualités lui seront très utiles plus tard,
pour les nombreux relevés réalisés de
manière systématique en France, en
Italie ainsi qu'en Égypte.

Jacques-Augustin PAJOU
Carpentras, 1758 - Montmorency, 1846
Portrait de Louis-Joseph Jay
Vers 1798-1799
Huile sur toile
À la rentrée 1802, Champollion-
Figeac inscrit son jeune frère à
la pension de l'abbé Dussert et à
l'École centrale, créée en 1796. Aux
cours de latin et de grec donnés
à la pension, s'ajoutent ainsi ceux
de botanique et de dessin. Ces
derniers sont délivrés par
Louis-Joseph Jay (Saint-Hilaire-
de-la-Côte, 1755 - Vienne, France,
1836) qui, après avoir enseigné le
dessin à l'Académie des arts de
Montpellier jusqu'en 1795, a été
recruté par la ville de Grenoble. Dix
ans plus tôt, il était le professeur
d'Henri Beyle, le futur Stendhal.

Louis-Joseph JAY
Saint-Hilaire-de-la-Côte, 1755 - Vienne, France, 1836
Portrait de l'abbé
Claude-Marie Gattel
Début du 19e siècle
Huile sur toile
En 1804, Champollion est inscrit
par son aîné au lycée impérial.
L'établissement est alors dirigé par
Claude-Marie Gattel (Lyon, 1743 -
?, 1812), philosophe, grammairien,
lexicographe et proviseur éclairé.
L'abbé Gattel était déjà connu du
jeune Champollion : à l'époque
de son arrivée à Grenoble, le
professeur avait communiqué sur
les origines de l'écriture devant
la société savante de la ville,
présentation dont on peut penser
qu'elle inspira le futur Déchiffreur

Attribué à
Jean-Baptiste François
DESORIA
Paris, 1758- Cambrai, 1832
Portrait de Camille Teisseire
1800-1850
Huile sur toile
Petit-fils du fondateur d'une
entreprise ayant fait fortune dans le
négoce de ratafia de cerise, Camille
Hyacinthe Teisseire (Grenoble, 1764-
1842) hérite de cette affaire familiale
à la mort de son père. Il fait partie
des notables grenoblois avec lesquels
les frères Champollion nouent des
relations privilégiées et qui leur
permettent de se tisser un réseau
étendu. Ce sont quelques bouteilles
de ce même ratafia que Champollion
emporte lors de son expédition en
Egypte de 1828 à 1829.

Victorine-Angélique-Émilie
RUMILLY-GENÈVE
Grenoble, 1789 - Paris, 1849
Portrait de la famille
Berriat-Saint-Prix
Début du 19e siècle
Huile sur toile
Lors d'une soirée mondaine et
savante de Grenoble, l'aîné des
Champollion rencontre Hugues
Honoré Berriat, futur maire. Ce
dernier lui présente ensuite sa
sœur Zoé Berriat, que Jacques-
Joseph épouse en 1807. Les
frères Champollion entretiennent
d'excellentes relations avec les
membres du clan Berriat, comme
Jacques Berriat Saint Prix, frère de
Zoé, ici représenté dans un portrait
familial peint par sa propre belle-
soeur. Les deux frères trouvent
régulièrement refuge dans la
<
même que Zoé n'en hérite de son
père.

Sous la protection de Joseph Fourier
Mathématicien, Joseph Fourier avait été recruté en 1798 pour rejoindre les jeunes savants appelés à accompagner Bonaparte dans sa campagne d'Égypte.
En 1802, il est nommé préfet de l'Isère, chargé par Napoléon de rédiger la préface historique de la description de l'Égypte. Cette spectaculaire aventure éditoriale de vingt ans est l'une des reférences essentielles de Champollion, ce qui ne l'empêche pas de porter un jugement très critique sur l'ouvrage.
Recommandé par Jacques-Joseph, Jean-François fait la connaissance de cet homme influent qui décèle aussitôt en lui des capacités exceptionnelles et le place sous sa protection.

Attribué à
Claude GAUTHEROT
Paris, 1769-1825
Portrait du baron Joseph
Fourier en habit de préfet
d'Empire
19e siècle
Pastel sur toile apprêtée montée sur châssis
Le talent avec lequel Fourier (Auxerre,
1768 - Paris, 1830) s'acquitte de
ses missions lui vaut d'être nommé
préfet de l'Isère à son retour en
France. Arrivé à Grenoble en 1802, il
y est préfet jusqu'en 1815, servant le
Consulat, l'Empire puis la première
Restauration de Louis XVIII. Vêtu de
son uniforme de préfet, ce portrait
officiel le représente également en
homme de lettres et de sciences,
entouré de volumes de Platon et
Cicéron et interrompu dans sa lecture
d'un ouvrage de l'inventeur de la
gravité universelle, Isaac Newton.

Léon COGNIET
Paris, 1794-1880
Portrait de Jean-François
Champollion, égyptologue
1834
Huile sur toile
Les deux colosses thébains sont
présents dans le lointain du
portrait de Champollion peint
par Cogniet. Alors au faîte de sa
carrière et déjà à la fin de sa courte
vie, ce Champollion à la chevelure
ébouriffée est celui qui avait été
nommé conservateur du Musée
égyptien du Louvre en 1826. Le
savant est vêtu d'une redingote,
à laquelle est accrochée la Légion
d'honneur reçue en 1825. Son
visage vigoureux est animé d'un
regard déterminé. Le paysage
rappelle son unique séjour égyptien
entre 1828 et 1829, pendant lequel
il troqua ses habits parisiens pour
un costume oriental et laissa ses
rouflaquettes se transformer en
une épaisse barbe.

Reproduction de L'Étude et
le Génie dévoilant l'antique
Égypte à la Grèce
de François Édouard PICOT
(1786-1868)
1827
Huile sur enduit

Hubert ROBERT
Paris, 1733-1808
Farandole au milieu de
monuments égyptiens
Vers 1750
Huile sur toile
Cette peinture d'Hubert Robert
est incontestablement plus
"égyptienne" que celle de Panini,
dont elle est contemporaine.
L'artiste orne le premier plan
de sa toile d'une fontaine à
l'obélisque brisé, alimentée par
un lion semblable à celui déjà
représenté par le peintre italien.
Bien qu'imaginaire, ce monument
trouve son origine dans les
fontaines de la Rome moderne
où se mêlent lions et obélisques
pharaoniques. La composition de
l'arrière-plan, avec un sphinx - et
non un lion - présente un paysage
à trois pyramides qui évoque
fortement le plateau de Giza.
Mougins, Musée d'art 

Giovanni Paolo PANINI
Plaisance, 1691 - Rome, 1765
Caprice architectural avec
prédicateur dans des ruines
romaines
Vers 1745-1750
Huile sur toile
Des peintres de paysage comme
Giovanni Panini se sont fait une
spécialité de montrer de véritables
monuments dans leurs peintures
de caprices architecturaux. Parmi
d'autres édifices de la Rome
antique, à l'image du temple
de Vesta à Tivoli ou des ruines
identifiées comme celles du temple
de Minerva Medica, cette grande
toile représente ainsi quelques
monuments égyptiens bien connus.
On y voit l'obélisque de la Piazza
del Popolo à Rome aux côtés de
l'un des deux lions de
Nectanébo ler.

Nicolas POUSSIN
Les Andelys, 1594 - Rome, 1665
Moïse sauvé des eaux
1647
Huile sur toile
La méconnaissance de l'Égypte
caractérise les œuvres des
artistes de l'époque moderne,
jusqu'à la fin du 18e siècle, dans
lesquelles quelques palmiers et une
pyramide suffisent à la camper.
Par contraste, un peintre comme
Nicolas Poussin paraît infiniment
plus "égyptien" que les autres :
on distingue dans ce tableau trois
pyramides, trois obélisques et
trois palmiers dans le lointain. À
gauche, un sistre, instrument de
musique d'origine égyptienne, est
posé dans l'herbe, à droite, le Nil
personnifié se reconnaît au sphinx
qui l'accompagne. Une chasse à
l'hippopotame se déroule dans le
fleuve à l'arrière-plan.

Statue d'Isis
Rome (Italie) ?
2° siècle après J.-C.
Grauwacke noir à inclusions du Quadi
Hammamat (corps antique), roche volcanique  (tête, Claude Bertin (vers 1653-1705)) et plâtre noirci (bras)
Paris, musée du Louvre, département
des Antiquités grecques, étrusques et
romaines, en dépôt au château de
Versailles
Cette statue du milieu de l'époque impériale témoigne du développement des cultes dits "isiaques" dans le monde romain. La déesse Isis est la mère de l'héritier du trône - son culte se diffuse autour du bassin méditerranéen à partir de l'époque ptolémaïque. Cette Isis se signale à tous comme déesse égyptienne, notamment grâce au nœud de sa robe qui orne sa poitrine.

Hubert ROBERT
Paris, 1733-1808
L'Orangerie du château
de Versailles
Vers 1777-1798
Huile sur panneau de bois
La peinture d'Hubert Robert
montre la statue d'Isis présentée
à droite à l'emplacement qu'elle
avait dans une niche de l'Orangerie
du Château de Versailles depuis
la fin du 17° siècle. Dénuée de tout
élément pouvant rappeler l'Égypte,
elle reflète bien plus le goût officiel
des grandes cours d'Europe pour
les antiques grecs et romains.

Statue de Ramsès II,
dit "Horus Albani"
Rome, villa Albani; Champs de Mars,
temple d'Isis et de Sérapis (Italie)
1279-1213 avant J.-C. (partie inférieure)
et 18° siècle (partie supérieure)
Calcite (albâtre égyptien)

Anonyme (école française)
Vue de la salle des Saisons au
Louvre
1826
Huile sur toile
À l'époque de Champollion, la
statue de Ramsès II dit "Horus
Albani", présente dans l'exposition,
se trouvait dans la salle des
Saisons du Louvre les anciens
appartements de la reine Anne
d'Autriche - entourée de sculptures
gréco-romaines. La statue est
figurée à gauche, en pleine lumière.
C'est là que Champollion en traduit
les inscriptions, redonnant ainsi
son identité véritable à cette statue
d'albâtre au nom de Ramsès II.

Buste d'Antinous en
pharaon
Tivoli, villa Hadriana (Italie)
Vers 130-140 après J.-C.
Marbre blanc
Paris, musée du Louvre, département
des Antiquités grecques étrusques et
romaines
S'il est une figure emblématique de la vision de l'Égypte antique à l'époque romaine et encore à celle de Champollion, c'est bien celle d'Antinoüs, favori célèbre et célébré de l'empereur Hadrien et devenu une figure héroïque triomphant de la mort et à la beauté parfaite. Ce buste faisait partie du Canope de la villa Hadriana, composition symbolique de la topographie égyptienne autour d'un étroit plan d'eau qui débouchait sur une
exèdre représentant la vallée et le Delta du Nil, la Haute et la Basse-Égypte. Huit Antinous
sculptés, tantôt blancs, tantôt rouges, portaient cette symbolique en reprenant les couleurs des deux couronnes des pharaons.

François BAROIS
Paris, 1656-1726
Cléopâtre mourant
1700
Marbre blanc
Paris, musée du Louvre,
département des Sculptures
Cette sculpture dit tout de la
célébrité et de l'intemporalité de la
figure dramatique de Cléopâtre VII
(51-30 avant Jésus-Christ), dernière
reine d'Égypte, représentée ici dans
son dernier souffle. Les sources
classiques divergent sur la cause de
son décès alors que son suicide par
morsure d'un aspic (cobra égyptien)
s'est durablement enraciné dans
la culture populaire. Cette mort
tragique inspirait les artistes et
permettait de théâtraliser non pas
seulement la fin d'une reine mais
avec elle, celle d'une dynastie et plus
symboliquement encore, celle du
royaume d'Égypte.

RASSURER L'ÉGLISE.
CONVAINCRE LES SAVANTS
Le premier quart du 19ª siècle est celui de la redécouverte de l'Égypte antique
et de la réhabilitation de son art par l'Europe. Tandis que la publication de la description de l'Égypte suit son cours, les musées ne cessent de se développer.
Dans L'Égypte sauvée par Joseph, plafond peint en 1827 par Abel de Pujol (1785-1861) pour le musée Charles X, l'accumulation de motifs égyptiens d'architecture et de costumes représentés de façon fidèle est remarquable.
Bien avant cette redécouverte, il était de tradition de représenter l'Égypte pour illustrer des épisodes bibliques, conformément cependant à une vision créée de toutes pièces et en accord avec le dogme chrétien, selon lequel la Création
du monde remonterait indiscutablement à 4000 ans avant Jésus-Christ. C'est dans ce contexte que les travaux de Champollion, dans le même temps qu'ils lui attirent la rivalité d'autres savants, ne tardent pas à inquiéter l'Église, le clergé et les plus dévots craignant que la chronologie biblique puisse être remise en cause.

Attribué à
Ferdinando Maria CAMPANI
Sienne, 1702-1771
D'après RAPHAËL
Urbino, 1483- Rome, 1520
Plat rond: Joseph expliquant
le songe du Pharaon
Sienne (Italie), vers 1735
Faïence
Selon la Bible (Genèse 41, 15-36),
Joseph est appelé par le pharaon qui,
tourmenté par un rêve, demande son
interprétation : sept vaches grasses
sont dévorées par sept vaches
maigres. Joseph prédit au pharaon
sept années de grande abondance
pour l'Égypte, suivies de sept années
de famine. La scène est représentée
dans les fresques des Loges de
Raphaël au Vatican. Elle a fait l'objet
de multiples traductions en peinture
et en gravure. Campani s'inspire des
décors historiés (« a istoriato») créés
dans l'atelier des Grues de Castelli
dès la fin du 17° siècle.
Paris, musée du Louvre.
departement des Objets d'art

Anonyme (Jean I Lenoir ?)
La Traversée de la mer Rouge
Vers 1600
Huile sur toile
Ce tableau offre une vision de
l'Égypte antique inspirée d'œuvres
grecques et romaines, elles-
mêmes revues par l'époque du
peintre. Dans le ciel, l'inscription
«Exode 14 et 15 » en lettres d'or
identifie la scène : la traversée
de la mer Rouge derrière Moïse,
reconnaissable à ses cornes. Les
personnages ont été adaptés
au contex français du peintre :
au centre, c'est un pharaon
moustachu et à la barbe taillée en
rond, typique du règne d'Henri IV,
qui tombe de son char.
Langres, Musée d'Art et d'Histoire.

Reproduction de L'Égypte
sauvée par Joseph
d'Alexandre-Denis ABEL DE PUJOL
(1785-1861)
1827
Huile sur enduit

L'entourage scientifique et académique
Champollion s'entoure d'amis et de soutiens parmi les intellectuels de son temps : François Arago, Georges Cuvier ou encore Antoine Silvestre de Sacy. D'autres, en revanche, sont ses rivaux ou, au mieux, de simples détracteurs qui mettent en doute ses travaux. De nombreuses et régulières querelles sont rendues publiques dans la presse et la littérature savantes et s'expriment dans les échanges épistolaires. Les uns tachent de répondre aux attaques et aux invectives des autres. Même entre savants, ces oppositions
peuvent être teintées de politique et de simples opinions divergentes mènent parfois à de profondes et durables inimitiés.

Charles DE STEUBEN
Bauerbach, 1788 - Paris, 1856
Portrait de François Arago
1832
Huile sur toile
François Arago (Estagel, 1786-
Paris, 1853) est un astronome,
physicien et homme politique
français. Par ses contributions à la
physique et à l'astronomie, ainsi
que par ses talents d'organisateur
et de vulgarisateur, il a fortement
marqué de son empreinte le
développement scientifique
du 19e siècle. Il est aussi une
figure politique, aux convictions
républicaines affichées, militant
pour le progrès social et technique.
il est l'un des premiers défenseurs
des théories de Champollion.
Contemporain du portrait de
Champollion par Cogniet et réalisé
l'année de la mort de
Jean-François, ce portrait d'Arago
est représentatif du modèle
romantique du portrait de savant.

Anonyme
D'après Thomas LAWRENCE
Bristol, 1769- Londres, 1830
Portrait de Thomas Young,
médecin, physicien et
égyptologue
Après 1820
Huile sur bois
Physicien et secrétaire de
la Royal Society de Londres,
Thomas Young (Milverton, 1773 -
Londres, 1829) s'intéresse aussi
à la pierre de Rosette. Il tente le
déchiffrement des hiéroglyphes
et publie plusieurs études à ce
sujet. Ce tableau est une esquisse
d'un autre portrait conservé au
Bawdeswell Hall à Norwich. Il a
été probablement commandité
par le même Thomas Young pour
être offert à son collègue, François
Arago. Considérant l'amitié de ce
dernier avec le jeune Champollion.
l'inimitié entre les deux déchiffreurs
doit être relativisée.
Paris, musée du Louvre.
département des Peintures

Julien-Léopold BOILLY
Paris, 1796-1874
Le baron Georges Cuvier
Le baron Frédéric-
Henry-Alexandre de Humboldt
Désiré Raoul Rochette
Le baron Antoine-Isaac
Silvestre de Sacy
Quatremère de Quincy
Antoine-Chrysostôme Quatremère
de Quincy
1820
Gravure
Beaux-Arts de Paris

Champollion, la religion et les ultras
La relation entre Champollion et l'Église se révèle plus complexe qu'une aversion réciproque. Il est vrai que les rapports du savant avec les plus fervents catholiques n'ont jamais été cordiaux. En témoignent ses inimitiés avec César-Laurent de Chaléon, ultraroyaliste et partisan isérois de la branche des Bourbons, comme avec Denis Frayssinous, évêque et grand maître de
l'Université de France. Dans le même temps cependant, il bénéficie du soutien d'autres figures religieuses et compte parmi ses amis proches le cardinal Louis-François de Bausset. Il est par ailleurs soutenu dans sesrecherches par les frères Charles et Athanase Coquerel: théologien et pasteur protestants, ils ont en effet bon
espoir que les découvertes de Champollion permettront d'interpréter les écrits bibliques sous un nouveau jour.

Anonyme
Portrait de Laurent-César de
Chaléon
Vers 1750-1820
Huile sur toile
Laurent-César de Chaléon
(Grenoble, 1729 - Vif, 1821) est
un parlementaire respecté,
partisan de réformes modérées
lors de la Révolution. Il fait partie
des quelques grandes familles
d'aristocrates ou de bourgeois
ayant joué un rôle important dans
la vie de la commune de Vif après
les Cent-Jours et la montée sur le
trône de Louis XVIII. Sur la fin de
sa vie, il accueille dans son hôtel
particulier les réunions du groupe
royaliste le plus ultra, nommé « le
Casino». Ces notables sont les
responsables de la fermeture de
la faculté des lettres de Grenoble.
gênant ainsi Champollion et ses
ambitions universitaires.

Reproduction de L'Expédition
d'Egypte sous les ordres de
Bonaparte
de Léon COGNIET
(1794-1886)
1835
Huile sur enduit

Louis-François LEJEUNE
Strasbourg, 1775 - Toulouse, 1848
Bataille des Pyramides,
le 21 juillet 1798
1806
Huile sur toile
Le 21 juillet 1798, Bonaparte et
l'armée d'Orient se rapprochent du
Caire afin de prendre possession
de cette ville stratégique. Les
mamelouks, sous les ordres de
Mourad Bey et d'Ibrahim Bey,
tentent de résister aux Français au
nord des pyramides de Giza. Huit
ans après les faits et sans même
avoir participé à la campagne
d'Égypte, le soldat et peintre
Louis-François Lejeune exécute
cette vue panoramique montrant
le Nil et les pyramides, au moment
où les carrés d'infanterie français
finissent de repousser la cavalerie
mamelouke. Ce sont les débris
de cette armée vaincue que le
général Desaix et sa division furent
chargés de pourchasser jusqu'en
Haute-Egypte, poursuite qui fut
ponctuée de nombreuses visites
et découvertes de monuments anciens 

Détail du tableau précédent 

Détail du tableau précédent 

Charles-Philippe
LARIVIÈRE
Paris, 1798-1876
Portrait  d'Ibrahim Pacha
1846
Huile sur toile
Avec ce portrait du fils ainé de
Méhémet Ali, le peintre met en
scène le rapprochement entre
l'Egypte et l'Occident. Ibrahim
Pacha (Dráma, 1789 - Le Caire,
1848), redoutable commandant
suprême des forces turques
et égyptiennes, porte ici un
uniforme oriental européanisé
et pose à Paris, devant l'Arc de
Triomphe, Symbole des victoires
napoléoniennes, ce monument fut
achevé l'année même de l'érection
de l'obélisque de Louxor à la
Concorde, en 1836. Champollion
rencontre Ibrahim Pacha au
cours de son voyage en Egypte et
envisage avec lui le projet d'une
expédition scientifique aux sources
du Nil.

Auguste COUDER
Londres,1789-Paris 18073
1843
Huile sur toile
Méhémet Ali pacha d'Égypte
Officier albanais de l'armée
offomane venue chasser les
Français en 1801, Méhémet Ali
(Kacle, 171-Alexandrie, 1849) est
nommé pacha en 1805,
Cest- dire gouverneur d'Égypte,
Il modernise le pays de façon
autoritare avec des experts
européens. En novembre 1829,
de retour de haute Egypte,
Champolion lui remet une
note pour la conservation des
monuments de l'Egypte pour
l'inviter mettre fin au trafic des
antiquités.

Bague aux chevaux
Provenance inconnue
Vers 1295-1186 avant J.-C. (Nouvel Empire,
19⁹ dynastie)
Or et incrustations de cornaline
Cette bague est décorée de deux
chevaux minuscules entourés de
pétales de fleurs et de grands
lotus. L'originalité de ce bijou et le
thème équestre invitent à le dater
de l'époque de Ramsès II. Cette
bague faisait partie d'un lot de
quarante-deux bijoux d'or offerts
par le pacha d'Égypte, Méhémet
Ali, au roi de France, Charles X.
Confiée à Bernardino Drovetti,
consul de France à Alexandrie, de
retour à Paris, elle est remise en
mains propres à Champollion, le 25
septembre 1827, quelques semaines
à peine avant l'inauguration des
salles égyptiennes du Louvre.

Michel RIGO
Gênes, 1770-1814
Portrait du Cheikh Sulayman
al-Fayyûmî, directeur des bourgs
et provinces d'Egypte
Vers 1798
Huile sur toile
Cette toile appartient à la série
de portraits de notables cairotes
commandée par Bonaparte au
peintre Michel Rigo, membre de
l'Institut d'Égypte, en septembre
1798. Sulayman al-Fayyûmî,
réputé pour sa grande générosité,
constitue l'un des plus solides
soutiens égyptiens des Français. Il
meurt en 1809 alors que Méhémet
Ali a rétabli l'ordre et commence
à moderniser le pays. Des figures
comme le cheikh Fayyûmî et
Ibrahim Pacha illustrent les
mutations de l'Égypte et son entrée
sur la scène internationale à
l'époque de Champollion.

Des risques d'être libéral et bonapartiste
Les engagements et les prises de positions libérales et bonapartistes de Jean-François Champollion et de Jacques-Joseph leur portent préjudice, au point que les préfets de l'Isère Montlivault et Haussez s'emploient à
entraver leur vie publique et professionnelle. En mars 1816, Casimir Guyon de Montlivault les exile à Figeac. De retour à Grenoble en 1817, Champollion doit finalement se réfugier à Paris en 1821, poussé par Charles Lemercier de Longpré, baron d'Haussez, le nouveau préfet.
Soucieux de ne pas contrarier davantage les rois Louis XVIII et Charles X, et encouragé par Jacques- Joseph et par le duc de Blacas, Jean-François tempère ses engagements et ses humeurs. En 1825, il participe même à l'érection d'un obélisque célébrant le sacre de
Charles X dans les jardins de la villa Médicis à Rome....


Portrait du Comte Casimir
Guyon de Montlivault
19e siècle
Lithographie
Après les Cents-Jours et l'échec
du retour au pouvoir de Napoléon,
les frères Champollion, réputés
bonapartistes, subissent les foudres
de la seconde Restauration et sont
exilés à Figeac, leur ville natale. Ils
quittent Grenoble le 19 mars 1816
sur ordre du préfet Montlivault. A
la même date, dans un rapport au
Ministre de l'Intérieur, ce dernier
écrit : "J'ai plusieurs fois entretenu
Votre Excellence de ces individus
d'autant plus dangereux que tous
deux ont beaucoup d'esprit et de
connaissance."

HIÉROGLYPHES
Forgé par les Grecs, le mot « hiéroglyphe » signifie «< (texte) sacré gravé », car les hiéroglyphes étaient gravés ou peints sur des murs ou des objets liés au culte. Les Égyptiens les appelaient medou-netjer, << paroles du dieu », c'est-à-dire du dieu Thot qui, selon leur mythologie, les leur avait révélées. La maîtrise de l'écriture << secrète », comme le proclame l'artisan Irtysen-iger, conférait un très grand pouvoir au sein de la société égyptienne. Don des dieux, ses principes fondamentaux ont résisté à la fuite des siècles. L'état de la langue
que transcrivent les hiéroglyphes date du deuxième millénaire avant Jésus-
Christ; il s'est perpétué comme une langue morte jusqu'à l'époque romaine,
un peu comme le latin d'église dans l'Europe médiévale et moderne. Avec ses 3600 ans d'usage (environ 3200 avant Jésus-Christ - 4° siècle après
Jesus-Christ), le système hiéroglyphique emporte la palme de longévité absolue dans l'histoire de l'humanité.

Moulage du kudurru
dit le "caillou Michaux"
La copie en plâtre de cette stèle
babylonienne du type «< kudurru >>
(prononcer << koudourrou ») appartenait à la famille Champollion et peut-être
a-t-elle accompagné les recherches
de Jean-François sur les hiéroglyphes.
Ce document enregistre une donation
de terre faite par un père à sa fille pour
son mariage au 12° siècle avant Jésus-
Christ. L'original fut rapporté d'Iraq en
(1746-1802), ce qui en faisait le plus
ancien exemple d'écriture cunéiforme
1786 par le botaniste André Michaux
connu en Europe. Elle a longtemps
donné lieu aux interprétations les plus
fantaisistes avant que l'akkadien ne soit
déchiffré au milieu du 19e siècle.
D'après un original provenant de Mésopotamie 19° siècle (moulage). Original daté de l'époque du Bronze récent, 2° royaume d'lsin, règne de Marduk-nadin-ahhe, 1100-1083 avant J.-C. Plâtre d'après un original en serpentine Vif, Musée Champollion

Anonyme
Moulage de la pierre de Rosette
1800-1885
Plâtre patiné
Paris, musée du Louvre,
département des Antiquités égyptiennes

Anonyme
Estampage de la pierre de
Rosette
Papier
C'est en juillet 1799 que la pierre
de Rosette est découverte à Rachid
(en français << Rosette »), à l'est
d'Alexandrie, lors de travaux
supervisés par l'officier du génie
Pierre-François-Xavier Bouchard
(1771-1822). L'intérêt du texte
est compris très tôt et la pierre
est immédiatement envoyée
au Caire tandis que le bulletin
de l'armée française publie sa
découverte en septembre de la
même année. Récupérée par les
Anglais victorieux en 1801, puis
emportée à Londres, elle fait l'objet
de moulages largement diffusés
en Europe. Il s'agit d'un décret pris
par le roi Ptolémée V Épiphane
le 27 mars 196 avant Jésus-
Christ, inscrit en trois écritures :
hiéroglyphe en haut, démotique au
milieu et grec en bas. Grâce aux
moulages, gravures et estampages
dont il dispose alors, Champollion
en entreprend l'étude dès 1809.

Henry PERRONET BRIGGS
Walworth, 1793 - Londres, 1844
d'après Thomas LAWRENCE
Bristol, 1769- Londres, 1830
Portrait de Thomas Young
Vers 1822
Huile sur toile
Thomas Young (1773-1829), ou le
dernier homme « qui savait tout ».
Exceptionnellement compétent
en physique, mathématique,
optique, médecine, mécanique
et en musique, il maîtrise par
ailleurs de nombreuses langues
anciennes. Auteur de la théorie
ondulatoire de la lumière, il se
met aux hiéroglyphes sur le tard,
obtient de bons résultats dans
la compréhension du démotique
et serait sans doute parvenu au
but s'il avait été moins dilettante,
n'avait professé un certain mépris
pour l'antiquité égyptienne par
rapport à celle de la Grèce et
n'avait reconnu, avant de lâcher
l'affaire, la supériorité des résultats
de Champollion.

Reproduction du Roi donnant
aux Arts le musée Charles X
d'Antoine-Jean GROS
(1771-1835)
1826-1827
Huile sur enduit

Sphinx
Égypte
664-332 avant J.-C. (Basse Époque)
Paris, musée du Louvre,
Département des Antiquités égyptiennes
Ce grand sphinx et son symétrique, dont
la provenance exacte - tant égyptienne
que romaine - demeure inconnue, faisaient partie de la collection Borghèse achetée par
Napoléon en 1807. Rapportés d'Égypte à Rome sous l'empire romain, ils sont significatifs du goût des empereurs mais aussi de celui des collectionneurs des temps modernes pour ces créatures si évocatrices de la puissance des
pharaons. Restaurés et complétés à plusieurs reprises, ils offrent désormais un aspect déroutant. Visages, coiffures, pattes et griffes dénoncent la modernité italienne autant qu'une Egypte antique de convention, jusqu'à la fleur de lys en lieu et place de l'uraus, le cobra divin dressé sur le front des pharaons.

Statue de
Nakhthorheb
Hermopolis-Baqlieh (Égypte, dans le
Delta)
595-589 avant J.-C. (Basse Époque, 26° dynastie,
règne de Psammétique II)
Grès silicifié
Dignitaire du royaume exerçant des fonctions sacerdotales à la cour de Saïs, la capitale de la 26° dynastie, Nakhthorheb était un prochedu roi Psammétique II. Son impressionnante statue faisait partie de la collection de François Sallier, à qui le comte de Forbin, tout nouveau directeur du musée royal du Louvre, l'achèteen 1816. Il doit alors en effet reconstituer des collections clairsemées par les restitutions des prises de guerre napoléoniennes et met en oeuvre une brillante politique d'acquisitions

Statue de la
chanteuse d'Amon
Hénoutideh

Statue du premier
serviteur d'Osiris à
Abydos, Youyou
Probablement Abydos (Égypte)
Vers 1279-1213 avant J.-C
Granite rose

Masque funéraire
Provenance inconnue
Vers 1555-1070 avant J.-C. (Nouvel
Empire)?
Or
Ce masque funéraire confectionné
à partir d'une feuille d'or,
mesure un dixième de millimètre
d'épaisseur. Les sourcils et les
yeux, ajourés, étaient réalisés à
partir de matériaux rapportés, tout
comme la barbe postiche, trahie
par la présence d'une perforation
sous le menton. Le pourtour du
visage est aussi perforé pour
permettre sa fixation sur le visage
d'un cercueil. Dans la pensée
égyptienne, les pièces en or sont
destinées à garantir la renaissance
post-mortem du défunt et sa survie
dans l'au-delà.

Couvercle du
sarcophage de
Djedhor
Saqqara (Égypte)
380-342 avant J.-C. (30° dynastie) ou 332-306
avant J.-C. (début de l'époque ptolémaïque)
Diorite
Paris, musée du Louvre


ÉPILOGUE
D'une santé chancelante et le corps affaibli par son expédition
égyptienne, Champollion s'’éteint à Paris le 4 mars 1832, à l'âge de 41 ans. Il laisse derrière lui une somme considérable de notes et de manuscrits inachevés dont certains seront
publiés par son frère Jacques-Joseph. Les travaux fondateurs de Champollion constituent une contribution majeure au
déchiffrement des hiéroglyphes et à une compréhension << totale » de la civilisation égyptienne. Sa découverte de génie est de celles qui ont changé notre rapport au monde.

Auguste
BARTHOLDI
Colmar, 1834 - Paris, 1904
Jean-François Champollion



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