vendredi 9 septembre 2022

Gérard Garouste au Centre Pompidou en septembre 2022

Magnifique rétrospective ! En voici la présentation et la plupart des œuvres :

Sous le signe de l'étude mais aussi de la folie, la vie et l'œuvre
de Gérard Garouste « l'intranquille » se nourrissent mutuellement en
un dialogue saisissant. L'exposition suit ainsi pas à pas le parcours
de l'un des plus importants peintres français, né en 1946, adepte d'une
figuration sans concession.
Les premières salles évoquent les recherches autour d'un fonctionnement de la peinture comme énigme, objet indéchiffrable, avant que la mythologie grecque ne vienne innerver les sujets de grands tableaux.
Les genres de la peinture sont tour à tour explorés et de grands récits
littéraires mobilisés, telle La Divine Comédie de Dante, qui est aussi pour
Garouste une introduction aux différents niveaux de lecture biblique.
Cette initiation prendra par la suite toute sa dimension à travers l'étude
du Talmud et du Midrach, à laquelle se consacre l'artiste. Sous-jacente
à ses travaux à partir du milieu des années 1990, elle inspire l'iconographie de toute sa production artistique dès les années 2000.
Pour Garouste, le sujet n'est cependant que prétexte à l'activation
du regard et de la pensée. S'il livre quelques clés pour aborder ses œuvres, il invite davantage à la réflexion, à une lecture personnelle.
La peinture de Gérard Garouste bouscule les certitudes mais sur le mode d'un jeu dont les règles seraient sans cesse à réinventer.

Portrait de Gérard Garouste au Palais de l'Élysée en 1983, dans la chambre de Danielle Mitterrand où vient d'être installée sa fresque
La Cinquième Saison

Le Classique, années 1970
Huile sur papier marouflé sur toile
Collection particulière, France

Dans les années 1970, à la suite d'un rêve, il invente deux caractères à la fois complémentaires et antagonistes qui viendront habiter son œuvre à venir, Le Classique et l'Indien,
ou encore l'apollinien et le dionysiaque, présents en chacun de
nous. Ici, le Classique est représenté affublé du bonnet à deux
protubérances (une mitre? un bonnet d'âne ?) que l'artiste pourtant
associe plutôt à l'Indien. Il marche seul, avec son bâton et sa
besace, tel le Juif errant, dans un paysage d'hiver.

En mars 1978, le Théâtre Le Palace est reconverti par Fabrice Emaer
en haut lieu de la vie parisienne nocturne. Garouste se voit proposer
la réalisation des décors de l'ancienne cage de scène, animée par
des lasers multicolores. Ce travail alimentaire, qui le plonge dans
les milieux les plus en vogue du show business, de l'art, de la mode
et du monde politique et intellectuel, se complète en 1980 par
la commande du décor du restaurant VIP du Palace, Le Privilège,
qu'il réalise avec son épouse Elizabeth, designer.

Comédie policière, 1978
Parallèlement à son activité de décorateur du Palace, Garouste
reprend le chemin de l'atelier. En février 1979 s'ouvre à la
Galerie Travers à Paris sa deuxième exposition personnelle,
«Comédie policière», dix ans après la première. Elle inaugure un
cycle de deux années avec plusieurs expositions liées par les codes
du théâtre, du jeu et des mythes. «Comédie policière » propose une
énigme au spectateur à travers une dizaine de tableaux mettant en
scène selon diverses combinaisons, un homme, deux femmes, un
enfant et trois accessoires : un bâton de rouge à lèvres, un bouchon
de champagne, un cavalier de jeu d'échecs.

Comédie policière
(Bouchon de champagne)
Comédie policière (Rouge à lèvres)

Adhara, 1981
Huile sur toile
Collection Liliane & Michel Durand-Dessert
Dans le cadre d'une exposition de promotion de la scène française à
New York en 1982, le tableau de Garouste, Adhara - construit selon
le tracé de constellations et du nom de la seconde étoile la plus
brillante de l'une d'entre elles - est choisi par le critique Otto Hahn
pour être exposé à la Galerie Holly Solomon. C'est le début d'une
reconnaissance fulgurante : le succès de l'œuvre incite le grand
marchand américain Leo Castelli à prendre Garouste dans sa
galerie. Il l'exposera dès l'année suivante, puis en 1985 et en 1987.

Orthros et le Classique, 1981-1982
Fusain sur papier
Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris

Ce premier dessin monumental inaugure une série d'œuvres sur
papier de grand format à la mine de plomb ou à la sanguine, qui se
poursuivra jusqu'en 1984. Orthros est dans la mythologie grecque
le chien bicéphale dont la liaison incestueuse aurait engendré le
Sphinx. Garouste lui associe son personnage du Classique dans
une composition où les pieux du jeu développé dans les expositions
antérieures occupent le centre du tableau. Le personnage est
lui-même accompagné d'un chien, qui, chez Garouste, est
psychopompe: il guide les âmes des morts.

Orion le Classique, Orion l'Indien, 1981
Huile sur toile
Musée national d'art moderne, centre Pompidou, Paris

De tous les grands tableaux qui marquent le début des années 1980
et le recours à un travail de peintre pleinement assumé, Orion le
Classique, Orion l'Indien est l'un des plus emblématiques. Il met en
scène la figure du beau chasseur aveuglé de la mythologie grecque,
qu'il superpose à celles du Classique et de l'Indien, issues de la
mythologie personnelle de l'artiste. Orion, représente parfois avec
Cédalion sur ses épaules qui le guide, pourrait être une métaphore
du peintre oscillant entre force et fragilité, entre quête de la
connaissance - le Classique - et excès - l'Indien

Le Déjeuner sur l'herbe, 1982
Mine de plomb sur papier
Collection particulière

Colomba, 1981
Huile sur toile
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Les très grands formats que Garouste réalise à partir du début des
années 1980 convoquent l'astronomie, qui s'ajoute aux thèmes des mythologies individuelles et collectives. Colomba est une petite
constellation située au sud de celle du Grand Chien, Canis Major.
Ce nom fait aussi écho à la nouvelle de Prosper Mérimée qui a pour
thème la vendetta. Mais le plus important est sans doute l'étrange
motif torsadé au sol qui semble sortir du tapis, possible allusion à
la nouvelle d'Henry James, L'Image dans le tapis, invitation à la
recherche d'une énigme qui constitue l'énigme elle-même.

Les Incendiaires 1982
Huile sur toile
Museu Coleção Berardo

Dans une composition très classique, sur un fond sombre rappelant
l'admiration de Garouste pour les peintres du Siècle d'or (17e siècle),
trois personnages fomentent un complot destructeur. La torsion
des membres et le tournoiement qui imprime un mouvement au
tableau ont poussé les critiques à qualifier la peinture de Garouste
de maniériste, à la suite d'artistes tel Le Greco ou Le Tintoret, dont
il ne nie pas l'héritage.

Les Lutteurs, 1982
Huile sur toile
Collection particulière
Autour d'une arêne où deux colosses luttent, se tient une femme
visiblement indifférente à la scène, un homme amusé et un enfant.
Ce qui se joue dans l'arène suscite l'interrogation : quels sont ces
personnages qui s'affrontent? Le Classique et l'Indien? Jacob et
l'Ange tels que les a peints Delacroix? Qui gît au sol ? Le peintre?
Caractéristique du fonctionnement de la peinture de Garouste,
ce tableau ne nous livre pas de lecture univoque pour mieux
nous faire prendre conscience de la nécessité de notre propre
interprétation.

La Chambre rouge, 1982
Huile sur toile
Ludwig Museum Koblenz
Dans cette composition mettant en scène un homme et une femme
dans un intérieur, les rôles traditionnels sont inversés : l'homme
nu se languit sur le divan tandis que la femme, habillée, se tient à
ses côtés. Le décor à l'antique évoquant l'ordre contraste avec le
guéridon renversé et les objets épars sur le sol, comme pour mieux
inviter à bousculer les codes et les certitudes.

Sainte Thérèse d'Avila, 
1983
Huile sur toile
FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine
Cette œuvre de commande du Comité national d'art sacré
dans le cadre du quatrième centenaire de la mort de la sainte,
a représenté un vrai défi pour Garouste, qu'il a toutefois souhaité
relever. Comment, après Picasso ou Duchamp, et par le moyen
traditionnel de la peinture à l'huile sur toile, est-il encore possible
de rendre le phénomène de l'extase d'une sainte, à mi-chemin entre
douleur et jouissance?

La Vénus et le Pendu,
 1984
Sanguine sur papier monté sur châssis
Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

L'Indien, le Chien et le Miroir, 
1982
Huile sur toile
Collection particulière

Le Commandeur et la Règle du jeu,
1985
Huile sur toile
Collection particulière

Orion, Maera et le miroir,
 1984
Diptyque. Huile sur toile
Collection Jean-Michel Wilmotte

Le miroir est omniprésent dans l'œuvre de Garouste des années
1980. Il se devine ici, entre les deux panneaux du diptyque, puisque
la chienne Maera, issue de la mythologie grecque, est inversée dans le panneau de droite. Orion, majestueux, est peint en empereur
romain, mais il a disparu d'un panneau à l'autre, comme absorbé
par le miroir, mettant en péril l'idée de représentation. Cette œuvre
est à la charnière du cycle précédent et d'un nouveau cycle autour
de la nature morte.

Le Pendu, le Vase et le Miroir, 
1985
Huile sur toile
Ludwig Museum - Museum of Contemporary Art, Budapest
Qu'est-ce qu'une nature morte? Garouste aborde ce genre dans
une série déstabilisante, où corps inertes et objets sont traités
sur le même plan. Réflexion sur le sujet représenté, qui n'est que
prétexte, c'est aussi un inventaire des manières de peindre au sein
d'un genre donné. Garouste revisite sans hiérarchie la touche des
maîtres, les glacis et les empâtements, les accords de couleurs.
Témoin de ce cheminement jubilatoire dans les arcanes de la
peinture, un vase bleu passe d'une toile à l'autre, motif traditionnel
bousculé par les facéties du peintre.

La Barque et le Pêcheur, la Douleur,
1984
Huile sur toile
FNAC 35015, Centre national des arts plastiques

La Barque et le Pêcheur, le Pantalon
rouge, 1984
Huile sur toile
Collection De Carbon

Assimilables aux recherches sur la nature morte, des peintures
sur le thème du pêcheur inanimé semblent suggérer que la nature
morte est davantage une manière d'aborder un sujet qu'un défi
lancé quant à la représentation d'une composition d'objets.
Ces tableaux mettent en scène corps inertes et personnages
gesticulant, barques au repos et arrière-plans aux narrations
indéchiffrables, dans un traitement similaire de tons sombres,
empâtements à outrance et touches à la gestuelle dévoyée.

Le Commandeur et le Vase bleu
ou Le Commandeur renversé, 1985
Huile sur toile
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York
Un personnage, le Commandeur, que l'on retrouvera dans d'autres
tableaux de la série, s'ajoute à cette nature morte. Dans l'histoire
de Don Juan à laquelle l'artiste fait directement allusion,
le Commandeur est à la fois un être mort et une statue vivante.
Garouste se joue de cette ambiguïté pour revisiter un genre de la
peinture qu'il cherche avec ironie à épuiser.

Sans titre, 1990-1991
Bronzes
Collection particulière, France
Terre cuite et fer forgé
ING Collection, Belgium
Si les peintures inspirées de la lecture de Dante datent des années
1986-1987, Garouste prolonge, à partir de 1990, ce thème en
sculpture. Le bronze, le fer forgé et la terre cuite sont les matériaux
de prédilection de ces œuvres qui transposent en trois dimensions
la vision fragmentaire et les motifs en délitement du corpus peint
foisonnant de La Divine Comédie. Ces matériaux constituent en
quelque sorte un pendant, en sculpture, de la traditionnelle peinture

Sans titre, 1986-1987
Huile sur toile
Musée d'art moderne et contemporain de Strasbourg

Peindre L'Enfer pour Garouste, c'est peindre les éléments
déchaînés, la nature exacerbée et hostile dans son imbrication
avec le supplicié, mais sans précision voyeuriste. Ainsi, le motif se
dilue dans le paysage, genre sous-jacent abordé par le peintre dans
cette série. Le point culminant de cette osmose est l'évocation des
«Violents contre eux-mêmes », résidus filiformes devenus branches
contre lesquelles les Harpies s'acharnent à mener une lutte
éternelle.

Sans titre, 1986-1987
Huile sur toile
Collection Stéphane Magnan

Inferno, Dante et Virgile, 1986-1987
Inferno, Dante and Virgil
Huile sur toile
Oil on canvas
Collection particulière, Paris

Les Rives de l'Eunoé, 1986
Huile sur toile
FRAC Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux

Phlégyas, Dante et Virgile
1986
Huile sur toile
Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris

Garouste s'inspire de La Divine Comédie de Dante, poème écrit
au 14 siècle, pour une série majeure qui l'initiera aux différents
niveaux de lecture biblique. Ce monument littéraire raconte, dans
les chants de L'Enfer, le parcours initiatique de Dante, conduit par
Virgile, des limbes jusqu'au centre de la terre. Ce tableau évoque
la traversée du Styx : lointain rappel de l'œuvre d'Eugène Delacroix
sur le même thème, il donne à voir des figures fantomatiques,
brossées à grand traits, à la limite de l'abstraction.


Manto, 1986
Huile sur toile
Collection Bernard Massini
Des formes, souvent indistinctes, que l'œuvre de Dante inspire à
Garouste émergent par moments des personnages plus ou moins
nets que l'on pourrait associer, comme certains titres le suggèrent
également, à un épisode donné du récit. Manto, fille de Tirésias et
dotée des mêmes pouvoirs de divination, est ici convoquée, mais là
n'est pas l'essentiel. Avec La Divine Comédie, Garouste développe
une peinture de l'imprécision d'une force saisissante.

La Visitation, 1987
The Visitation
Huile sur toile
Oil on canvas
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York
Marie, qui porte en son sein le Christ, rend visite à sa cousine
Élisabeth, enceinte de Jean-Baptiste : tel est le thème de la
Visitation dans la tradition chrétienne, souvent traité par les
peintres. Lointain écho de l'œuvre de Giotto (13⁹-14° siècle),
cette Visitation s'inscrit dans le cycle de Garouste autour de
Dante, même si cet épisode n'est pas directement évoqué dans
La Divine Comédie. Récit aux multiples strates d'interprétation,
le chef d'œuvre du poète est un réservoir de sujets pour le peintre.
La question des origines, au cœur des préoccupations de Garouste,
transparaît en filigrane dans La Visitation.

Dante et Cerbère, 1986
Dante and Cerberus
Huile sur toile
Oil on canvas
Collection Liliane & Michel Durand-Dessert
La descente aux enfers de Dante se fait depuis la forêt obscure
par une longue route qui traverse les neuf cercles concentriques
menant au Diable. Chaque palier, correspondant à l'expiation de
péchés, est une scène où se jouent les supplices sur fond de fange,
de pluie, de vent, d'eau boueuse, de fleuves de sang, de terre
brûlante, de fossés, de ravins. Cerbère est le gardien du troisième
cercle, celui des gourmands, mordus et griffés par le monstre.

Sans titre, 1986-1987
Untitled
Huile sur toile
Oil on canvas
Collection Patrick Fourtin

Indienne (Les Suppliciés), 1987
Acrylique sur toile
Collection particulière, France
À l'occasion d'une exposition collective au Musée des Beaux-
Arts de Reims en 1987, Garouste découvre d'imposantes tentures
en toile de lin des 15-16e siècles, succédanés de tapisseries,
qui servaient de décors provisoires lors de cérémonies. Ces
Indiennes deviennent l'objet des nouvelles recherches de
Garouste. La Divine Comédie de Dante continue à être le thème
de prédilection de ces toiles libres écrues et peintes à l'acrylique,
suspendues à des barres en métal. L'Indienne au sous-titre
«Les Suppliciés » inaugure la série, qui comporte aussi plusieurs
variations autour du thème biblique de la chute des anges.


Œuvres préparatoires pour le
livre Haggadah, 2000-2001
10 gouaches sur papier
Collection particulière, France

À partir des années 1990, Gérard Garouste s'intéresse à la tradition exégétique juive à travers
l'étude du Talmud et du Midrach, et il apprend l'hébreu. Sa peinture s'en fait désormais l'écho.
La figure y devient lettre: elle surgit des récits jamais univoques de ces textes sacrés pour lesquels l'artiste se passionne toujours davantage. La question de l'interprétation, qui selon cette tradition herméneutique ouvre à une multiplicité de lectures, trouve son contrepoint dans le choix des sujets par le peintre, empruntés à la Bible ou aux oeuvres littéraires d'écrivains tels Cervantès ou Kafka.

Haggada, 2001
220 pages, ouvrage tiré sur papier chiffon en 10 couleurs. Couverture pleine toile
Présentation sous coffret toilé incluant une édition intégrale pour la prière
Illustré de 50 gouaches et encres originales
Éditions Assouline, Paris
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York
La Haggada, ou récit, est un texte rédigé en hébreu ancien,
remontant à près de deux millénaires. Il comporte des histoires
sous la forme de contes, légendes, paraboles ou fables, propres à
rendre plus accessibles les messages sacrés de la tradition juive.
Il est utilisé en particulier dans la cérémonie de la Pâque juive.
Garouste a illustré deux Haggadot, dans deux éditions différentes.
Celle présentée ici, avec un ensemble de gouaches de l'artiste qui
ont servi à sa réalisation, est commentée par le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin.


Rouleau d'Esther, 2015
The Esther Scroll
Gérard Garouste, Armand Benhamron, Elizabeth Garouste
Lithographie numérique pigmentaire, gouache, feuille d'or
Étui en carton entoilé
Digital pigmentary lithograph, gouache, gold leaf
Slipcase in cardboard covered with canvas
Musée d'art et d'histoire du judaïsme, Paris
Don de la Fondation Excelvy
Garouste a illustré la Meguila ou « rouleau »> d'Esther. Il s'agit
d'un texte biblique en hébreu lu à l'occasion de la fête juive de
Pourim. Il évoque l'intercession de la reine Esther afin de déjouer
les plans du grand vizir Haman qui projetait l'extermination des
Juifs dans l'empire perse. Garouste accorde une place particulière
à ce texte, porteur d'avenir, qui résonne comme une mise en
garde. Il constituerait aux yeux des maîtres du Talmud l'ultime récit
susceptible de résister au temps.

Les Pieux, 1996-1998
Le Chariot de feu et la Nuée, 
1996-1998
Le Maître fou,
 1996-1998
Une Ombre de justice, 
1996-1998
Le Livre brûlé, 
1996-1998
Lirgandée, 
1996-1998

La Dulcinée paysanne,
 1996-1998
L'Écrit morisque, 
1996-1998
L'Âme de la poule, 
1996-1998
Le Pré fleuri,
 1996-1998
Le Dénombrement,
 1996-1998

La Pierre et la Cruche,
 1996-1998
Les Voyelles,
 1996-1998

L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de La Manche, 1998
688 pages, deux volumes brochés sous coffret, relié pleine toile Illustré de 150 gouaches et 126 lettrines ornées Bibliothèque Kandinsky, Centre Pompidou, Paris
Éditions Diane de Selliers, Paris

La redécouverte du Don Quichotte de Cervantès (17e siècle) par Garouste, à la lumière de la thèse selon laquelle l'auteur aurait pu être un marrane un Juif d'Espagne ou du Portugal converti de force au christianisme et pratiquant en secret sa religion - a suscité une nouvelle thématique dans l'œuvre du peintre. Elle est inaugurée par l'édition d'un ouvrage de bibliophilie, illustré de 150 gouaches, dont plusieurs sont exposées ici aux côtés du livre.

L'Adam purifié, 
1995-1996
Huile sur toile
Collection Philippe Starck

L'Ève à la fontaine, 
1995-1996
Huile sur toile
 Collection particulière

Garouste explore, par le moyen de la peinture, l'intertextualité au cœur des études hébraïques. Le petit personnage lisant sous la chevelure d'ève pourrait être un hommage à la liberté d'interprétation qu'il a trouvée dans l'exégèse biblique juive et qu'il salue ici de sa peinture, avec laquelle il peut tout se permettre : tordre, allonger, démultiplier, recomposer...

L'Adam et les Trois Lumières,
 1995-1996
Huile sur toile
 Collection particulière, France

Garouste approfondit dans les années 1990 sa connaissance de la Bible hébraïque et la richesse de son exégèse, à travers les études talmudiques. En 1995-1996, un ensemble de tableaux sur le thème de Tal la rosée (Tal en hébreu = rosée) marque le début d'un dialogue assumé entre image et mot. Les personnages ressemblent souvent à des lettres, et leurs bras sont démesurés, tordus, de même que leurs jambes.

Entre chien et loup, 
1995-1996
Huile sur toile

Il établira, 
1995-1996
Huile sur toile
Fonds François Fauchon pour l'art contemporain (Fffac)

Le titre donné par Garouste à cette œuvre, Il établira, est la traduction de «Yakhin», qui désigne l'une des deux colonnes d'airain dressées à l'entrée du temple de Jérusalem par le roi Salomon. À partir de la Bible hébraïque, ces colonnes ont fait l'objet de nombreuses interprétations.

Le Chien au baptême, 
1995-1996 
Huile sur toile
Collection particulière, France

Les thèmes récurrents de cette série sont Adam, la mort, la résurrection, le châtiment, le feu, et surtout, l'eau. Garouste se refuse résolument à une quelconque justesse de proportions dans la représentation humaine, ou à une véracité des propriétés physiques inhérentes à la matière. Nous sommes dans un espace-temps indéfinissable et ouvert à tous les possibles, où la logique et la rigueur scientifique ne sont pas de mise.

Le Guérisseur,
 1995 
Huile sur toile
Collection particulière, France

Don Quichotte et les livres brûlés, 2013 
Huile sur toile
 Collection particulière

Les livres brûlés est un thème récurrent dans la peinture de Garouste. Dans l'œuvre de Cervantès, représenté ici sous les traits de l'homme de théâtre et ami de l'artiste Jean-Michel Ribes, Don Quichotte est victime de la destruction criminelle par le feu d'une partie de sa bibliothèque. Mais le « Livre brûlé» renvoie également au rabbin Nahman de Bratslav (fin 18e-début 19º), auteur de l'ouvrage éponyme, qu'il fit détruire intentionnellement par les flammes.

Don Quichotte, 
2013

Le Vol du grison, 
1998 
Huile sur toile 
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Le Théâtre de Don Quichotte, 2012 Don Quixote's Theatre
Huile sur toile
Collection Hervé Lancelin, Luxembourg

La thématique de Don Quichotte ressurgit à plusieurs reprises dans la peinture de Garouste. Dans cette scène, les personnages du livre forment un défilé tragi-comique, dans lequel l'artiste s'est représenté en bouffon diabolique aux côtés de l'ange qui confie des secrets à l'âne.

Le Berger, 
1998
Huile sur toile
Collection particulière

Garouste pousse ici très loin la métaphore de la peinture comme terrain d'expérimentation pour de multiples niveaux de lecture au même titre que l'interprétation d'un texte. Le corps disloqué du berger dont les morceaux ne semblent tenir que grâce à la plage de couleur rouge du vêtement et de l'instrument, vibre d'une multitude d'yeux.

Le Masque, 
1998
Huile sur toile
 Collection particulière

Garouste continue à puiser son inspiration dans le Don Quichotte de Cervantès avec plusieurs tableaux sur ce thème à partir de 1998, date à laquelle paraît son ouvrage illustré en deux volumes, commencé en 1996. Le Masque est exemplaire du plaisir que prend l'artiste à étirer les membres de ses personnages, gage de son implication dans le texte. Dans les corps ainsi malmenés se devinent des lettres qui invitent à ouvrir le sens, à dévoiler les identités cachées sous les masques qui ponctuent le récit de Don Quichotte.

Adam Quichotte,
 1998
Huile sur toile 
Collection particulière

Adam renvoie à la question des origines, ce que vient renforcer ici l'imbrication entre un homme nu et un arbre, dont les racines se situent dans les pieds du personnage. L'histoire de Don Quichotte est l'illustration de cette quête, grâce à laquelle l'aventure est possible, riche d'enseignements et d'expériences tant douloureuses que fabuleuses. Le motif de l'arbre est aussi récurrent dans la Kabbale, dont l'étude est pour l'artiste une source iconographique majeure.

La Duègne et le Pénitent,
 1998
Huile sur toile
The Art Collection from the European Central Bank

La Ville mensonge, 
1999-2000 
Huile sur toile
Collection Victor Médard de Chardon

Le titre de ce tableau renvoie à l'épisode biblique de Juda et Tamar à Kézive, qui veut dire « mensonge ». Dans cette ville, la jeune Tamar, voulant une descendance suite au décès de son premier époux, puis du fait de la négligence et de la mort du second, se déguise en prostituée pour séduire son beau-père. Le stratagème de Tamar lui est dicté par l'intuition de la nécessité d'une descendance avec la famille de Juda. Elle donnera naissance à des jumeaux, dont l'un d'eux est l'ancêtre du roi David, la lignée messianique.

L'Alliance, 
1999-2000
Huile sur toile
Collection particulière

La jeune femme pourrait être Tamar, personnage du récit biblique auquel Garouste se réfère dans cette série. En guise de couvre-chef, elle arbore le petit instrument chirurgical utilisé dans la circoncision, appelé maguèn, «protection, bouclier ». Le chemin croise une rivière qui passe sous un pont, dans une possible évocation du flux vital.

Le Vieillard et la Prostituée, 
1999-2000
Huile sur toile
Collection particulière

La Croisée des sources 
1999-2000
Huile sur toile
Collection particulière, France

Garouste se plaît à réinventer la polysémie de l'hébreu en images. Dans cette langue, c'est le même mot qui désigne à la fois le carrefour, la croisée des sources, et l'échange des regards. Ainsi l'eau jaillit des yeux des deux personnages qui se rencontrent.

L'Antipode, 
1999-2000
Huile sur toile
Collection Bruno-Eugène Borie

Le Masque de chien
2002
 FNAC 03-057, Centre national des arts plastiques

Garouste a réalisé plusieurs autoportraits. Il se représente ici dans un paysage, portant sous le bras un masque de chien. Le chien guidé par son flair, que l'on retrouve aussi à l'arrière-plan avec les personnages du Classique et de l'Indien, renvoie à l'intuition. Les pieds de l'artiste, orientés vers l'arrière, soulignent le refus d'une direction unique et invitent à l'errance. L'artiste a trouvé l'inspiration de ce motif, qu'il détourne, dans des représentations pseudo-scientifiques des Indiens d'Amérique par les premiers colons.

Portrait d'Elizabeth,
 2005
Huile sur toile
 Collection particulière

Garouste commence en 2002 une série de portraits de proches et de personnalités du monde de l'art. Il part d'une photographie du modèle auquel il fait subir des déformations grâce à un logiciel informatique. Puis il le fait poser à nouveau en cherchant à lui faire atteindre la posture suggérée, et le photographie à nouveau. La peinture issue de ces images parachève la torsion et le démembrement des corps, laissant le visage presque intact et reconnaissable. Elizabeth, l'épouse de l'artiste, s'est prêtée au jeu, ainsi que leurs fils Guillaume et Olivier, et leurs belles-filles, Stephanie et Noémie.

Le Mat et le Fou (Portrait d'Olivier), 2003-2004
Huile sur toile
Collection particulière

Sans titre (Portrait de Stéphanie). 2003
Huile sur toile
Collection particulière

La Mouche (Portrait de Guillaume), 2003-2004
Huile sur toile
Collection particulière

Ave Eva, 
2005
Huile sur toile
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Selon l'artiste, ce tableau, inspiré d'une carte postale reçue par un ami, peut être lu comme une "approche approximative" de l'épisode biblique de la fuite en Égypte. Nulle urgence ne transparaît toutefois dans cette pérégrination tranquille à dos d'âne, où une jeune femme lascive, à l'ombre d'un figuier, donne à voir la rondeur de son ventre, annonciatrice d'un heureux événement.

Alma,
 2005
Huile sur toile 
 Collection particulière

Explorant le thème de la nativité, Garouste revient sur la question de la virginité de la Vierge. En hébreu, «alma » désigne la jeune fille, et « betula », la vierge. Les traductions en grec et latin de la Bible hébraïque auraient fait glisser le sens de «> à << vierge ». Par ailleurs, l'âne et le bœuf, issus d'une représentation traditionnelle de la crèche, renvoient à une transposition abusive d'un verset du prophète Isaïe, fustigeant le peuple d'Israël : comment ne peuvent-ils reconnaître la venue du Messie, alors que même ces animaux dociles sont capables de reconnaître leur maître? A droite au premier plan du tableau, le designer Philippe Starck, ami de l'artiste, appuyé sur son fameux tabouret Bubu 1er, en perd son latin!

Balaam, 
2005
Huile sur toile
Musée national d'art moderne, Centre Pompidou, Paris

Dans la Bible, Balaam est un devin à qui le roi Balak ordonne de maudire le peuple d'Israël. Sur la route qui mène Balaam au roi, l'ange du Seigneur, invisible, dont l'une des ailes est une main à quatorze doigts, empêche l'ânesse d'avancer. En réponse aux coups frappés par son maître, l'ânesse devient douée de parole et ramène Balaam à la raison. Se retrouvant face à l'«< ennemi »>, Balaam bénira alors le peuple d'Israël au lieu de le maudire. Cette prophétie émanant d'un devin profane reste encore aujourd'hui d'une importance majeure pour l'histoire de ce peuple.

L'Ânesse et la Figue, 
2005
Huile sur toile
 Collection particulière, Paris

En 2005, Garouste réalise une série d'œuvres sur le thème de «L'Ânesse et la Figue ». Il remarque qu'en hébreu, il existe une proximité consonantique entre les mots «ânesse >> et << figue »>, et qu'ils sont mis en relation dans le Talmud. Ce constat déclenche dans la peinture de Garouste une kyrielle d'associations entre ânesse et figue, ainsi que d'innombrables digressions autour de la figure animale de l'âne, que l'artiste affectionne tout particulièrement.

Dina, 
2005
Huile sur toile
 Collection Daniel Templon

Le sujet du tableau renvoie à un passage de la Genèse, dans lequel est contée l'histoire de Dina qui, après avoir été violentée par Sichem, sera aimée de lui avec le cœur. Garouste saisit la scène avant que le violeur n'opère, d'une certaine manière comme si la jeune fille était consentante, n'étant en réalité pas vierge. Le thème de la virginité dans la Bible hébraïque est souvent discuté par ses commentateurs, et Garouste s'en empare en observateur curieux, remarquant au passage les glissements de sens entre << pupille» et << jeune fille >>.

Épaule fils d'âne (Autoportrait),
 2005 
Huile sur toile
Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Ce titre intriguant est en réalité la traduction littérale du nom de l'Hévéen Sichem ben Hamor, celui qui avait, selon la Genèse, séduit Dina, représentée dans un tableau voisin. Mais il s'agit d'un autoportrait en âne, où Garouste semble empêché avec deux moignons en guise de bras, comme s'il nous mettait en garde contre le piège de la traduction littérale, qui peut conduire à des aberrations. Par chance, un bras parvient à se dégager, brandissant un serpent, le mot «Hévéen »>, apprend-on, signifiant << serpent >> en araméen.

Les Libraires aveugles, 
2005
Huile sur toile
 FNAC 06-044, Centre national des arts plastiques

Ce tableau met en image les propos méprisants de saint Augustin concernant le rapport des Juifs aux écritures saintes. Les Juifs seraient en effet les dépositaires des livres (l'Ancien Testament) qui portent en germe la venue du Messie. Mais ils n'auraient pas été capables de le comprendre. Ils sont comme des libraires aveugles - incarnés ici par l'écrivain François Rachline et le mathématicien Henri Berestycki - qui diffusent des livres qu'ils ne savent pas lire. L'idée de la preuve, réclamée par les Chrétiens, est ici mise à mal avec ironie comme procédant d'une quête dangereuse.

Passage, 
2005
Huile sur toile
Collection particulière

Dans un tableau qui met en scène une ânesse affublée du costume des suppliciés de l'Inquisition et l'artiste dans une posture contorsionnée qui suggère le malaise et l'indignation, trois livres sont stigmatisés, par ordre croissant: la Septante, le commentaire du Psaume 56 de saint Augustin, et Mein Kampf d'Hitler. L'artiste dénonce crûment les dangers du dogme en montrant qu'un fil relie les approximations et contresens volontaires issus de la traduction de la Bible hébraïque en grec et en latin, aux exactions qui ont conduit au génocide des Juifs lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans ce raccourci détonnant, la question centrale de l'interprétation des textes est réaffirmée avec force.

L'Étudiant et l'Autre lui-même, 
2007 
Huile sur toile
Collection particulière, Paris

Garouste reprend le thème du double dans un autoportrait, inspiré d'une gravure de Goya, qui fait la transition avec sa série précédente. Si l'âne incarne la sagesse, chercher à l'atteindre à travers l'étude est aussi un poids, comme le suggère le fardeau que semble représenter l'âne pour l'étudiant qui lit. L'esprit de Garouste est en effet aussi un esprit vagabond, donc difficile à contraindre.

Chartres, 
2007 
Huile sur toile 
Collection particulière, 
Paris

L'instabilité psychique de Garouste a marqué les années 1970 et le début des années 1980. Après une longue période de répit, une nouvelle crise survient en 1991, à laquelle ce tableau renvoie directement. L'artiste a maintes fois raconté sa route vers Chartres, dictée par une pulsion incontrôlable qui le conduit dans la cathédrale au fameux labyrinthe, où il interrompt un mariage, casse des cierges, sème le désordre, puis se retrouve interné.

Isaïe d'Issenheim,
 2007 
Diptyque
Huile sur toil
Collection Marc et Martine Jardinier

En proposant sa relecture du retable d'Issenheim de Grünewald (début du 16° siècle), Garouste en appelle à notre vigilance quant à la question de l'interprétation des textes et de l'iconographie qui en résulte. L'artiste met au premier plan le personnage d'Isaïe qui tient le livre des Prophètes, ouvert mais illisible dans le retable, tandis que le livre tenu par la Vierge, déchiffrable, est censé en être la traduction. Cependant, le retour au texte hébraïque d'origine prouve que cette traduction est erronée. L'artiste s'est représenté en camisole, et à terre pris de délire, pour mieux signifier le choc de cette duperie.

Le Coup de l'étrier, 
2007
Huile sur toile
 Collection UBIK

Garouste se réfère à un épisode terrifiant de son enfance. Son père, dont le comportement conduisit les médecins à le qualifier de << psychopathe», menaça un jour sa mère avec un révolver, agacé de la voir tenir l'aiguière par le goulot. Rétrospectivement, l'artiste s'amuse du titre de la tapisserie accrochée dans la salle à manger où la scène s'était déroulée : Le Coup de l'étrier.

Le Lit en portefeuille
2011
Huile sur toile 
 Collection particulière

Parmi ses souvenirs d'enfance de Bourgogne, Garouste se rappelle la cuisine de la maison à la fois chaleureuse et inquiétante, comme dans un conte de fées, où le lit de sa tante était toujours en portefeuille. L'artiste apparaît comme enserré dans les montants du sommier métallique que dévoile le matelas roulé, suggérant le refus de se reposer afin de privilégier la quête de la connaissance, à laquelle il semble s'atteler avec un compas.

Le Cirque Rosselin,
 2007
Huile sur toile 
 Collection Magnus Konow

La Bourgogne est l'un des trois termes du titre d'une nouvelle série commencée en 2007: La Bourgogne, la famille et l'eau tiède. Cette région était, dans l'enfance de Garouste, le doux lieu de séjours répétés chez la tante Eléonore et l'oncle Casso, artiste brut sans le savoir. Garouste transpose dans l'époque contemporaine un souvenir de cirque où, âgé de 6 ans, il faisait le pitre affublé d'une peau d'âne et agitant un balai entre ses jambes. C'est donc un homme de 60 ans que l'on voit entouré de sa mère, son oncle et ses tantes, plus jeunes que lui, comme pour signifier la capacité de l'artiste à conserver éternellement une âme d'enfant.

Véronique (Autoportrait),
 2005
Gouache sur papier Collection particulière, Londres

Allongé telle une odalisque, Garouste, qui s'est portraituré avec un sexe féminin, dévoile par le truchement d'un miroir un sexe masculin. Il n'y a donc pas de vérité, ou bien elle doit être sans cesse remise en question. L'allusion, dans le titre, à Véronique - nom dérivé de Vera Icon, l'image fidèle -, celle qui dans la Bible aurait recueilli sur un linge l'effigie du Christ, est une référence critique à la volonté de représentation chrétienne, comme preuve, comme gage de vérité.

Le Joueur de flûte,
 2007
Huile sur toile
 Collection particulière

De son premier internement à Villejuif, Garouste se souvient d'un malade accroupi, telle une gargouille, sur un meuble et jouant de la flûte avec une règle. L'artiste reprend cette vision qu'il fait incarner par son ami l'acteur Denis Lavant, mais un pinceau remplace la règle. La folie et l'inspiration se confondent dans un personnage que l'on peut rapprocher de la figure de l'Indien forgée par Garouste.

Caved,
 2007
Huile sur toile
Collection Magnus Konow

Cette peinture évoque une des nombreuses violentes disputes entre Garouste et son père, survenues tout au long de leur vie. Au sol, le sous-main renvoie aux biens que le père de l'artiste avait spoliés aux Juifs pendant la guerre, fait dont Garouste n'a pris conscience qu'à l'âge adulte. Le titre du tableau, Caved, qui en hébreu signifie << honorer» mais dont la racine comporte le mot «>, dit la difficulté du rapport parental.

L'Harfang et la Souris rouge,
 2011
Huile sur toile
Collection Nathalie Obadia

La Guitare brisée, 
2009
Huile sur toile
 Collection particulière

A la fin des années 2000, Gérard Garouste choisit de s'approprier le Faust de Goethe (19e siècle), dont la légende et les personnages variés (Faust, Méphistophélès, Marguerite, Wagner, les sorcières, ...) sont autant de sujets pour cette série qu'il intitule Songe d'une nuit de Walpurgis. La guitare brisée se réfère directement à une scène de la pièce de théâtre.

Le Golem, 
2011
Huile sur toile
 Collection particulière

Garouste se saisit du parallèle entre la création par Wagner - ancien disciple de Faust - de l'Homunculus, et celle, par le Maharal de Prague, du Golem. Cet être artificiel fait d'argile, dans la mythologie juive, ne doit pas son existence, contrairement à Adam, au souffle divin. La scène est inspirée d'un passage du Journal de Franz Kafka. Elle représente autour de la bête informe le maître, incarné par Garouste en alchimiste dément, et les étudiants, dont les visages sont ceux de familiers de l'artiste : l'avocat Olivier Coutard, le médecin et philanthrope Francis Charhon, le réalisateur Joël Calmettes, Guillaume et Elizabeth, fils et épouse de Garouste, et le collectionneur Stéphane Magnan.

Dérive, 
2010 
Huile sur toile
 Collection particulière, Paris

Garouste se projette dans la dérive des continents dans des millions d'années, et en a reproduit sommairement la modélisation sur une sphère. Il représente son ami mathématicien Henri Berestycki dans une scène où le scientifique perplexe contraste avec un grand singe satisfait, une banane à la main, qui semble peu perturbé par ce phénomène inéluctable.

Wagner, Méphistophélès et l'Homonculus, 2013
Huile sur toile 
 Collection particulière

L'apprenti-alchimiste Wagner montre avec fierté sa créature, l'Homunculus, à Méphistophélès qui, sous couvert de flatteries, en réalité se moque de lui. La quête de la connaissance, toujours inassouvie, n'est-elle pas immanquablement vouée à l'échec? Telle est la tourmente qui ravage Faust.

Marguerite-Elizabeth, 
2009
Gouache sur papier
Collection particulière, Paris

Le Pacte, 
2011
Huile sur toile 
Collection particuliere

Le « pacte » est celui conclu entre Faust, incarné par Garouste, et Méphistophélès, sous les traits de son ami l'homme de théâtre Jean-Michel Ribes, tous deux s'opposant souvent dans la vie sur des questions métaphysiques. Cette contradiction mise en scène dans le cadre du Faust de Goethe s'inscrit dans la continuité des figures du Classique et de l'Indien. La goutte de sang censée sceller le pacte entre les deux protagonistes perle d'un doigt qui prolonge un bras surgi de la bouche de Garouste - une bouche qui parle, qui jure, qui vomit.

Le Pont de Varsovie et les Ânesses,
2017 
Huile sur toile
Collection Daniel Templon

Garouste intitule Zeugma une nouvelle série, terme signifiant en grec «le lien», «

Le Centaure et le Nid d'oiseaux, 
2013 
Huile sur toile
Collection particulière

Dans la continuité des interrogations sur la place du nid d'oiseau dans l'exégèse talmudique, Garouste l'a représenté sur la tête d'un chien, en lequel on reconnaît immédiatement Milou, le fidèle compagnon de Tintin dans la fameuse bande dessinée. Cette association rappelle à quel point l'artiste s'accorde une totale liberté dans la mise en relation de registres apparemment très éloignés, telle la mythologie avec le personnage du centaure et la littérature populaire, avec la référence à cet épisode de Tintin issu du Lotus bleu.

Les Trois Maîtres et les Oies grasses,
2017
Huile sur toile 
Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Ce tableau s'inspire d'un récit talmudique selon lequel des oies, si grasses qu'elles en perdent leurs plumes en plein désert, se plaignent à trois maîtres du Talmud. Garouste leur a donné les traits de Borges, Chouchani et Kafka. Chouchani, penseur majeur de la vie intellectuelle juive, à la biographie mystérieuse, né à la fin du 19e siècle, est une figure de référence pour Garouste. Il aurait imprégné de son enseignement de nombreux philosophes, dont Emmanuel Levinas.

Le Rabbin et le Nid d'oiseaux,
 2013 
Huile sur toile
Collection particulière

Le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin, grand commentateur de l'œuvre de Garouste, incarne ici le thème du nid d'oiseau, présent dans la littérature talmudique. On le trouve ainsi formulé dans le Deuteronome : « Si par hasard en chemin tu rencontres un nid d'oiseau (...), chasse la mère, prends les enfants, la vie sera meilleure pour toi et tes jours seront prolongés ». Invitation à ne pas se soumettre à la fatalité d'une cause responsable de toute chose, ce verset donna lieu, au-delà du principe de causalité, à d'innombrables commentaires, en particulier sur la question de la place du nid et ses conséquences sur l'interprétation du verset.

Pêche nocturne, 
2017 
Huile sur toile 
Collection particulière, Paris

Le thème du pêcheur, abordé dès les années 1980 par Garouste, est moins un rappel de la pêche miraculeuse biblique qu'une réflexion sur le mot << sagesse », qui peut signifier «> en hébreu, permettant de rapprocher la pêche d'une quête de la sagesse. L'attente du pêcheur à la ligne, de surcroît ici dans la nuit, est également, dans la philosophie extrême-orientale, une attitude mystique de disponibilité, d'éveil.

Midrash, 
2016
Huile sur toile 
Collection Olivier et Patricia Fragnière

Dans le judaïsme, le Midrash est une méthode d'exégèse biblique utilisant l'allégorie, la parabole, la métaphore, les jeux de mots et les glissements de sens, permettant l'occurrence de nouveaux récits. Le tableau semble renvoyer directement aux séances d'étude de l'hébreu suivies par Garouste avec le professeur Yakov à partir du milieu des années 1990, en compagnie de son ami François Rachline. La contorsion des deux élèves est à l'image de la complexité du sens des textes.

Balaam et le sous-main, 
2017
Huile sur toile

Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Actéon et le Repentir, 
2017
Huile sur toile
Collection Mme Diane Binder

En 2018, dans le cadre d'une triple exposition à Paris sur le thème de «, Garouste présente des œuvres sur le mythe de Diane et Actéon, qu'il a exploré pour le Musée de la chasse et de la nature. Dans cette approche audacieuse, où Garouste incarne Actéon, l'anamorphose de la tête de Diane sous les traits d'Elizabeth, l'épouse de l'artiste, cache l'érection du chasseur frustré, dont l'artiste a imaginé qu'il avait assouvi son désir avec ses chiens. Diane représente le repentir en peinture, que Garouste associe à une connotation morale, de censure.

La Marionnette à la robe rouge, 2015 
Huile sur toile
Collection particulière


Pinocchio et la partie de dés, 
2017 
Huile sur toile
 Collection particulière

Pinocchio est un personnage récurrent chez Garouste. Symbole de la remise en question de la vérité, il est incarné ici par l'artiste qui nous prend à partie d'un regard facétieux. Ses attributs renvoient au jeu, avec le lancer de dés, mais aussi, par la présence de la vague, du bateau et de la rame, à l'épisode biblique fondateur de l'arche de Noé. Garouste prend plaisir à entremêler les récits, pour une appréhension du monde jamais univoque : la quête de la vérité est vaine, et la peinture est mensonge.

Le Banquet,
 2021 
Triptyque (de g. à dr.: 1er panneau : Pourim; 2° panneau : Festin d'Esther; 38 panneau: Le Don de la manne) Huile sur toile
 Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, 

Le triptyque Le Banquet, œuvre majeure de cette série consacrée à Franz Kafka, renvoie à de multiples clés de lecture: la fête de Pourim, avec ses confettis, qui célèbre le festin d'Esther; le glissement de sens du mot confetti, soit « coriandolo >> en italien, qu'on peut rapprocher des grains de coriandre de la manne céleste; le tableau La Récolte de la manne (1577) du Tintoret qu'inspire le panneau de droite... Kafka, dans le panneau central, est entouré, en plus des personnages du livre d'Esther, de la psychanalyste Eliane Amado Levy-Valensi, de l'historien de la Kabbale Gershom Scholem, du philosophe Martin Buber, de deux de ses fiancées, Dora Diamant et Milena, de ses trois sœurs, du philosophe Walter Benjamin, de l'acteur yiddish Itshaq Löwy et de la figure du théâtre yiddish La Shulamith.

L'Autre et le Toréador,
 2019 
Huile sur toile
 Collection particulière, Paris

Inscrit dans les jeux d'esprit du «zeugma» comme dans la richesse des Correspondances, titre donné à la nouvelle série de Garouste, ce tableau met plutôt en court-circuit deux histoires très éloignées, que la mort relie. On y reconnaît le toréador peint par Manet, tandis que s'agite à l'arrière-plan un personnage qui prend acte d'une chute fatale, comme en témoignent les branches brisées. Le nid d'oiseau au sol rappelle le récit déjà évoqué de la littérature talmudique, où l'on trouve aussi le commentaire suivant : qu'en est-il si l'on monte chercher les petits dans le nid en chassant la mère comme il est préconisé afin d'avoir des jours plus heureux et que l'on tombe de l'arbre?

La Branche brisée et les Deux Pies, 
2019
Huile sur toile
Collection particulière

La Martre sur la corniche,
 2020 
Huile sur toile 
 Collection particulière

Le personnage de Kafka et le dialogue avec le commentateur éclairé de ce dernier, Marc-Alain Ouaknin, ont donné lieu pour Garouste à de nombreux tableaux qui renvoient à des passages du corpus de l'écrivain et aux interprétations qu'ils ont pu susciter. La martre apparaît dans une courte nouvelle : dans une synagogue, l'animal court sur la corniche. Si l'on songe à l'emplacement autrefois codifié des fidèles, les hommes en bas, dans la partie principale, et les femmes en retrait, au premier étage, l'élément architectural vers lequel nous attire martre prend soudain une profonde signification.

Alt-Neu Shul sur le Pont-Neuf,
 2020
Huile sur toile
 Collection Daniel Templon

La série Correspondances autour de Kafka a été conçue en étroite complicité avec le philosophe et rabbin Marc-Alain Ouaknin, qui se consacre depuis des années à l'interprétation des écrits de l'homme de lettres tchèque à l'aune de la tradition exégétique juive. Il a inventé une formulation «Alt-Neu Kunst» (art ancien-nouveau) pour caractériser à la fois l'œuvre de Kafka et celle de Garouste, toutes deux mues par << une dialectique de l'ancien et du nouveau ». L'idée de «Alt-Neu», empruntée au nom de la synagogue de Prague, vagabonde ici sur le Pont-Neuf, qui bruisse du souvenir de la Samaritaine doublement millénaire.

La Martre et l'Écureuil (Portrait de Kafka et Chouchani), 2019
Huile sur toile 
 Collection particulière

Kafka et l'exégète kabbaliste à la biographie mystérieuse Chouchani sont ici associés à une martre et à un écureuil. Les bestiaires tiennent une place particulière chez Garouste, puisque les animaux sont sous-jacents aux fables, aux mythes, aux récits bibliques. Dans l'esprit des études talmudiques, ils se prêtent aux combinatoires interprétatives, tel l'écureuil, dont le mot en hébreu est dérivé du mot «< buisson ». Il pourrait ainsi renvoyer au buisson ardent de Moïse et à cette rencontre avec Dieu qu'incarnerait dès lors chaque apparition du rongeur à la queue flamboyante.

La Martre et la Toupie, 
2020
Huile sur toile
Collection particulière

Milena et Kafka, 
2021
Gouache sur papier
Collection particulière

Les Trois Maisons,
 2021 
Pastel et mine de plomb sur papier  Collection particulière

H'avrouta (la Martre et Pinocchio), 2019
Huile sur toile
Collection particulière

Deux compères, qui ne sont autres que Gérard Garouste et Marc-Alain Ouaknin, semblent partager un moment d'exception dans un échange joyeux. Le titre fait allusion à la H'avrouta que les deux amis ont engagée depuis plusieurs années. Il s'agit de séances régulières autour de l'étude de la Bible, au cours desquelles maître et élève se nourrissent des réflexions de l'un et de l'autre, sans méthode et sans hiérarchie. La scène dit combien cas exercices intellectuels, même complexes, procurent un vrai plaisir tant pour le philosophe que pour l'artiste, qui y puise nombre de sujets pour ses œuvres.

La Branche brisée et les Deux Pies, 2019
Huile sur toile
Collection particulière

La Martre sur la corniche,
2020
Huile sur toile
Collection particulière

Le personnage de Kafka et le dialogue avec le commentateur éclairé de ce dernier, Marc-Alain Ouaknin, ont donné lieu pour Garouste à de nombreux tableaux qui renvoient à des passages du corpus de l'écrivain et aux interprétations qu'ils ont pu susciter. La martre apparaît dans une courte nouvelle : dans une synagogue, l'animal court sur la corniche. Si l'on songe à l'emplacement autrefois codifié des fidèles, les hommes en bas, dans la partie principale, et les femmes en retrait, au premier étage, l'élément architectural vers lequel nous attire la martre prend soudain une profonde signification.

Le Talmudiste et l'Oie grasse, 2020 
Huile sur toile
Collection D & JL Garnier

Le Puits, la Belette et le Shulamit, 2021 
Huile sur toile
 Collection particulière

Le conte auquel ce tableau se réfère est tiré du Talmud, et Kafka l'avait évoqué dans un texte en son temps. Deux enfants font mine de s'épouser et prennent comme témoins un puits et une belette, qui se trouvaient là. Plus tard, le jeune homme se marie à une autre femme, dont il a deux enfants. À cause de la présumée «< infidélité >> de leur père, ils périront, l'un noyé dans un puits, l'autre mordu à mort par une belette.

Méphisto Quichotte ou Le Pied-Bot, 2011
Bronze. Edition of 4 + 2 EA
Collection Stéphane Magnan

Médisance 

Bronze. Édition 1/4 + 2 EA 
Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Aboulafia
2021
Technique mixte sur papier Collection particulière

Garouste rend hommage à Abraham Aboulafia, exégète talmudiste du 13e siècle. Considéré comme grand tenant du kabbalisme extatique et prophétique médiéval, Aboulafia est notamment l'auteur du Sefer ha Oth - Le livre du Signe -, un ouvrage essentiel donnant des clefs de lecture des textes

Portrait de Gérard Garouste dans son atelier de Marcilly-sur-Eure en février 2022
Photo Centre Pompidou, MNAM-CCI/Hélène Maury
L'Indien et le Nid d'oiseaux, 2015
Bronze. Édition 3/4 + 2 Collection de l'artiste. Courtesy Galerie Templon, Paris - Brussels - New York

Le Clown blanc et l'Auguste, 2019 
Diptyque
Huile sur toile 
 Collection particulière

Deux personnages très identifiables, le Clown blanc et l'Auguste, à la fois opposés et compleméntaires comme le sont le Classique et l'Indien, arborent chacun un système de signes. Le Clown blanc montre les équations de Maxwell, grâce auxquelles on peut expliquer scientifiquement le phénomène de la lumière; sur le rebord du chapeau de l'Auguste, on peut lire la fameuse phrase de la Genèse, en hébreu, à traduire plutôt par << Lumière !» que par la formule : « Que la lumière soit. Et la lumière fut». Ce sont ainsi deux langages, deux codes, l'un issu du grec, l'autre de l'hébreu, que ces figures de clown incarnent pour exprimer la lumière, offrant ainsi quatre niveaux de lecture, selon que l'on comprenne les deux langues, l'une d'entre elles, ou aucune. Reste alors la peinture, dans toute sa matérialité et son mystère.


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