jeudi 22 septembre 2022

Edvard Munch, un poème de vie, d'amour et de mort au Musée d'Orsay en septembre 2022


Superbe rétrospective dont voici la présentation et la plupart des œuvres présentées  :

Cette exposition a pour ambition de montrer l'ampleur de la production artistique d'Edvard Munch (1863-1944), en explorant son itinéraire - soixante ans de création - dans toute sa durée et sa complexité. La peinture de Munch occupe une place singulière dans la modernité artistique, plongeant ses racines dans le XIXe siècle pour s'inscrire pleinement dans le suivant. Sa production tout entière, des années 1880 à sa mort, reflète une vision du monde marquée par une puissante dimension symbolique.

Le parcours proposé ne suit pas un fil chronologique mais propose une lecture globale de son œuvre mettant en avant sa grande unité. La notion de cycle est en cela essentielle pour la compréhension de sa peinture. Munch exprime en effet fréquemment l'idée que l'humanité et la nature sont unies dans le cycle de la vie, de la mort et de la renaissance. Cette vision intervient dans la construction même de son œuvre où certains motifs reviennent de façon régulière. L'univers de cet artiste est ainsi pleinement cohérent, voire obsessionnel, et en même temps toujours renouvelé.

De l'intime au symbole

"Nous voulons autre chose que la simple photographie de la nature. Nous ne voulons pas non plus peindre de jolis tableaux à accrocher aux murs du salon. Nous voudrions un art qui nous prend et nous émeut, un art qui naîtrait du Cœur." -Journal, 1889

Le jeune Edvard Munch (1863-1944) n'a pas suivi de formation artistique académique. Il pratique dès l'enfance le dessin et la peinture avec sa tante, Karen Bjølstad, qui l'élève depuis le décès prématuré de sa mère. A l'âge de dix-sept ans, il suit pendant quelques mois les cours du Collège royal de dessin à Oslo, alors appelé Kristiania, et expose pour la première fois deux ans plus tard.

En 1885, une bourse d'études lui permet de séjourner une première fois à Paris. Il s'y confronte aux œuvres des naturalistes, appréciés par les peintres norvégiens. Il s'intéresse aussi aux impressionnistes qui faisaient alors scandale en France. Il leur emprunte leur facture rapide et leur traitement libre des couleurs. Munch se détourne très rapidement de la peinture de paysage pour peindre des portraits sensibles de ses proches, principalement ses sœurs Inger et Laura, ou ses amis de la bohème de Kristiania regroupés autour de l'écrivain Hans Jæger. La dimension symbolique de ces scènes intimes devient déterminante au tournant des années 1890, apportant à son œuvre toute sa singularité.

Hans Jæger
1889
Huile sur toile
Oslo, Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design

Inger en noir et violet
1892
Huile sur toile
Oslo, Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design

Nuit d'été. Inger sur la plage
1889
Huile sur toile
Bergen, KODE Art Museum (collection Rasmus Meyer)
Inger était la plus jeune sœur de Munch. Le peintre la représente ici sur la plage d'Åsgårdstrand, un petit village de pêcheurs au sud du fjord d'Oslo où la famille séjourne régulièrement. Le paysage aux rochers arrondis permet d'identifier ce lieu, même si Munch s'éloigne d'une représentation naturaliste en simplifiant les contours. La silhouette blanche d'Inger se détache sur un arrière-plan plus sombre, projection de ses pensées mélancoliques.

Autoportrait à la cigarette
1895
Huile sur toile
Oslo, Nasjonalmuseet for kunst, arkitektur og design

À Berlin, où il séjourne régulièrement depuis 1893, Munch fréquente les cercles de l'avant-garde littéraire. Il en adopte les codes vestimentaires dans cet autoportrait en dandy, costume sombre et cigarette à la main.
Il abandonne ici tout arrière-plan figuratif pour insister sur la dimension symbolique de cet autoportrait. La figure du peintre, au regard halluciné, se détache d'un fond sombre rapidement brossé qui renforce l'impression d'instabilité psychologique et d'inquiétude générale.

Heure du soir
1888
Huile sur toile
Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemisza

Explorer l'âme humaine

"On ne doit plus peindre d'intérieurs, de gens qui lisent et de femmes qui tricotent. Ce doit être des personnes vivantes qui respirent et s'émeuvent, souffrent et aiment. Je vais peindre une série de tableaux de ce genre - Les gens en comprendront la dimension sacrée et ils enlèveront leur chapeau comme à l'église"

-Carnet de notes 1889-1890

Les trois œuvres présentées dans cette salle annoncent ce qui sera au cœur de la création de Munch durant plusieurs décennies: l'exploration et l'expression des grands mouvements de l'âme - l'amour, l'angoisse, le doute existentiel. Il revient ainsi sa vie durant, de façon quasi obsessionnelle, sur un nombre resserré de thèmes dont il remanie sans cesse le sens, marquant l'évolution de sa peinture vers le symbolisme au tournant des années 1890. Puberté occupe une place à part dans la peinture de Munch Elle initie un questionnement majeur dans son œuvre sur le passage entre deux âges, sur cet état d'instabilité caractéristique des moments déterminants de la vie. Dans Désespoir, le peintre livre avec une intensité rare l'une des clés de compréhension de son œuvre : la projection du sentiment humain sur la nature environnante. Enfin, dans L'Enfant malade, réminiscence de la mort précoce de sa sœur aînée, il affirme la vocation universelle de ses œuvres, dépassant par leur force l'évocation d'un événement personnel.

Le Baiser
1897
Huile et détrempe sur toile
Oslo, Munchmuseet

Puberté
Ce tableau suscitant un certain sentiment de malaise laisse place au doute sur son interprétation. Munch semble y suggérer toute la complexité émotionnelle du passage de l'adolescence à l'âge adulte. L'ombre de la jeune fille projetée sur le mur, agrandie par l'éclairage latéral, forme un motif étrange qui constitue presque un deuxième personnage dans le tableau. Cette présence menaçante peut être lue comme une projection des angoisses de la jeune fille.

Désespoir. Humeur malade au coucher de soleil
1892
Huile sur toile
Stockholm, Thielska Galleriet

Il s'agit de la première peinture aboutie d'une série consacrée à un motif devenu iconique, celui du Cri. Il qualifia lui-même ce tableau de « premier Cri». On en retrouve en effet tous les éléments constitutifs: le ciel rougeoyant, aux lignes sinueuses, la forte diagonale de la balustrade, le personnage au premier plan. Ce tableau trouve son origine dans un événement biographique. Munch dit en effet dans un poème l'angoisse qui l'a saisi alors que, malade et fatigué, il observait un coucher de soleil et que le ciel devint rouge sang.

L'Enfant malade
1896
Huile sur toile
Göteborg, Göteborgs Konstmuseum Prêt exceptionnel
Munch, qui accompagne régulièrement son père médecin dans ses visites, rencontre une jeune malade dont les souffrances lui font revivre le décès de sa propre sœur Sophie, morte quand il n'avait que treize ans. Pour tenter de conjurer ce moment, il reprend le motif toile après toile, rendant la violence de la scène dans sa manière même de peindre.
La première version de ce tableau déclenche un scandale lors de sa présentation publique en 1886.



La Frise de la vie
"La frise de la vie a été pensée comme une série cohérente de tableaux, qui doivent donner un aperçu de la vie. J'ai ressenti cette fresque comme un poème de vie, d'amour, de mort... " -La Frise de la vie 1919

Les premières présentations publiques des œuvres de Munch suscitent critique ou étonnement. Le peintre, soucieux de se faire comprendre, invente une nouvelle manière de présenter son art afin d'en souligner la grande cohérence. Il regroupe ainsi ses principaux motifs dans un vaste projet qu'il finit par intituler La Frise de la vie. Initiée au cours des années 1890, cette série de tableaux fait l'objet de plusieurs grandes expositions. Celle de la Sécession de Berlin en 1902 en constitue un jalon important: pour la première fois, Munch pense l'accrochage de ses œuvres sous la forme d'un véritable discours, insistant sur le cycle perpétuel de la vie et de la mort.

Ce projet occupe à ses yeux une place résolument centrale au point qu'il pourrait résumer l'essentiel de sa carrière. Il travaille tout au long de sa vie sur les toiles qui le composent et en explore les possibilités. Dans les années 1900 et 1910, il se tourne par ailleurs vers des projets liés au théâtre ou au décor architectural dans lesquels il en intègre certains thèmes.

Vampire
1895
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Vampire

Ce tableau s'intitulait initialement Amour et douleur. Un ami de Munch, l'écrivain polonais Stanisław Przybyszewski, y voit l'image de la femme-vampire qui aspire la force vitale de l'homme.
Munch reprend à son compte cette interprétation et en modifie le titre. L'ombre projetée à l'arrière plan dessine une forme menaçante qui se retrouve dans les multiples variations gravées de l'œuvre.

Danse sur la plage
1899-1900
Huile sur toile
Prague, Národní Galerie

Rouge et blanc
1899-1900
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Mélancolie
1894-1896
Huile sur toile
Bergen, KODE Art Museum (collection Rasmus Meyer)
Munch puise certains des sujets abordés dans La Frise de la vie dans sa propre expérience et celle de ses amis de bohème. Mélancolie décrit ainsi les sentiments aigus de jalousie et d'amertume qu'éprouve l'écrivain Jappe Nilssen lorsque son amante Oda le quitte pour rejoindre son mari, le peintre Christian Krohg. Le couple est d'ailleurs visible à l'arrière-plan du tableau, s'apprêtant à embarquer au bout de la jetée.

Soirée sur l'avenue Karl Johan
1892
Huile sur toile
Bergen, KODE Art Museum (collection Rasmus Meyer)
Munch évoque ici l'habitude prise par la bourgeoisie de la ville de Kristiania de se promener chaque après-midi sur l'artère principale de la ville, l'avenue Karl Johan. Il confère à cette scène pourtant banale une dimension angoissante: les passants deviennent de simples silhouettes aux yeux fixes et exorbités, masse anonyme convergeant vers le spectateur. Un seul homme marche à rebours au centre de l'avenue, probable représentation du peintre lui-même.

Le Cri
1895
Lithographie, rehauts aquarelle
Oslo, Collection Gundersen

Munch a décliné à de multiples reprises le motif du Cri. Il s'agit ici de la première version imprimée de l'œuvre, dont chaque exemplaire était rehaussé à la main. L'inscription reprend quelques mots du texte qu'il a composé autour de ce thème: << j'ai ressenti comme un grand cri infini à travers la nature ». Le Cri reprend le motif de Désespoir, mais transforme le personnage au premier-plan en une silhouette hurlante indéfinie. L'œuvre n'est plus alors la représentation d'une expérience personnelle mais une allégorie universelle des sentiments de peur et d'angoisse.

Près du lit de mort
1895
Huile et détrempe sur toile
Bergen, KODE Art Museum (collection Rasmus Meyer)
Munch évoque dans plusieurs de ses œuvres le décès de sa sœur aînée Sophie, ici allongée sur le lit blanc. Il rassemble autour d'elle tous les membres de sa famille. Au premier plan, il convoque le souvenir de leur mère, pourtant décédée depuis près de dix ans. Son teint verdâtre et ses yeux enfoncés donnent à son visage un aspect cadavérique. À ses côtés, le père de Munch, en prière, les mains jointes, son jeune frère Andreas, ses sœurs Laura puis Inger.

Métabolisme. La vie et la mort
1898-1899
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Ce tableau est intégré pour la première fois à

La Frise de la vie lors de l'exposition de la Sécession à Berlin en 1902. Munch le place symboliquement à l'articulation entre le début et la fin de sa frise. L'homme et la femme, Adam et Ève, sont séparés par un arbre qui se prolonge dans le cadre sculpté par l'artiste. Les branches semblent soutenir une ville, et les racines puisent leur sève dans la terre rendue fertile par la mort que symbolisent deux crânes, l'un humain, l'autre animal.

Munch a remanié cette toile en 1918: le couple était initialement séparé par un buisson, sur lequel reposait un nouveau-né, illustration plus littérale du cycle de la vie.

Tête de Cri et mains levées
vers 1898
Crayon et pinceau sur papier vélin
Bergen, KODE Art Museum (collection Rasmus Meyer)

Croquis de la Frise de la vie
1917-1924
Aquarelle et crayon sur papier vélin
Oslo, Munchmuseet

La Lutte contre la mort
1915
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Cette version monumentale, d'un expressionnisme intense, reprend vingt ans plus tard l'exacte composition du tableau Près du lit de mort, présenté non loin. L'effet dramatique est ici accentué par les couleurs violentes et l'extrême stylisation des personnages aux visages désincarnés. Les grandes taches de couleur à l'arrière-plan saturent l'espace de la chambre.

Les vagues de l'amour

« J'ai symbolisé la communication entre les êtres séparés à l'aide de longs cheveux ondoyants. La longue chevelure est une sorte de fil téléphonique.» - Projet de lettre à Jens Thiis, 1933-1940

Parallèlement à ses peintures, Munch décline les motifs de La Frise de la vie dans de nombreux dessins et gravures. Il commence à les exposer au même titre que ses toiles, les intégrant pleinement à son discours, dès 1897 à Kristiania ou en 1902 lors de la Sécession de Berlin. Cette salle est organisée autour du lien, sentimental ou spirituel, qui unit les êtres humains entre eux; Munch le symbolise par la chevelure de la femme, qui relie, attache ou sépare. Ce motif devient un élément presque incarné, qui matérialise les relations entre les personnages et rend visibles leurs émotions.

Dans ses évocations du sentiment amoureux, l'artiste projette une vision complexe et toujours ambivalente de la femme. Les figures empreintes de sensualité sont toujours chez Munch une source de danger ou de souffrance potentielle. Alors qu'il fait de sa Madone une icône, un sujet de dévotion, il l'associe pourtant souvent au macabre.

Angoisse
1896
Gavure sur bois, rehauts d'aquarelle Oslo, Collection Gundersen

Jalousie II
1896
Lithographie (crayon et grattoir), rehauts de gouache et d'aquarelle
Oslo, Munchmuseet

L'Allée
1895
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Les Mains
1895
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

La Broche. Eva Mudocci
1903
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Madone
1894
Pointe sèche et brunissoir
Oslo, Munchmuseet

Madone
1895-1896
Lithographie, rehauts de gouache et d'aquarelle
Oslo, Collection Gundersen

Salomé
1903
Lithographie (crayon et grattoir)
Oslo, Munchmuseet

Femme rousse
aux yeux verts. Le Péché
1902
Lithographie (crayon et grattoir)
Oslo, Collection Gundersen

Tête d'homme dans les cheveux d'une femme
1896
Gravure sur bois à la gouge, au burin et à la scie
Oslo, Collection Gundersen

Sur les vagues de l'amour
1896
Lithographie, rehauts d'aquarelle et de pastel
Oslo, Collection Gundersen

Séparation II
1896
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Séparation I
1896
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Vampire II
1895-1902
Lithographie et gravure sur bois
Oslo, Collection Gundersen

L'Enfant malade I
1896
Lithographie (crayon et grattoir), rehauts de gouache
Oslo, Munchmuseet

Près du lit de mort
1896
Lithographie (crayon et grattoir), rehauts d'aquarelle
Oslo, Munchmuseet

Métabolisme. Vie et Mort
1898-1904
Crayon et aquarelle sur papier vélin
Oslo, Munchmuseet

Danse sur la plage
Frise Linde
1904
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Cette variation imposante du thème de la Danse de la vie est destinée à décorer la chambre des enfants d'un mécène du peintre, le docteur Max Linde. Munch ne s'étant pas conformé aux attendus de la commande, la toile lui est rendue. Inappropriée pour une chambre d'enfants, l'œuvre fournira cependant à l'artiste un important support de réflexion. Il ajoutera plus tard un morceau de toile en bas du tableau pour préparer une autre composition, où les personnages sont représentés en pied.

Reprise et mutation du motif

"Il y a toujours une évolution et jamais la même - je construis un tableau à partir d'un autre. " Projet de lettre à Axel Romdahl, 1933

Munch, comme beaucoup d'artistes de son temps, pratique l'art de la reprise. Il décline aussi bien les motifs que la composition générale de ses œuvres, au point que l'on peut considérer de nombreuses toiles ou gravures comme des variations de productions antérieures.

Loin de se limiter à une simple question formelle, cette pratique est pour lui pleinement intégrée à la nature cyclique de son œuvre. Les éléments communs d'une composition à une autre sont un véritable vecteur de continuité entre ses œuvres, quelle que soit leur date de création ou la technique utilisée. Par ailleurs, cet art de la variation lui permet d'approcher à chaque fois un peu plus l'émotion qu'il cherche à provoquer. Grâce aux multiples versions de ses œuvres, il peut en outre garder près de lui un souvenir de sa production, creuset de réalisations futures. Afin de diffuser toujours plus largement son art, Munch s'initie à la gravure au milieu des années 1890. Il trouve dans ce médium un vaste terrain d'exploration dont il s'approprie rapidement les techniques traditionnelles pour produire des œuvres à l'expressivité toujours plus poussée.

Neige fraîche sur l'avenue
1906 Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Enfants jouant dans une rue d'Åsgårdstrand
1901-1903
Huile sur toile
Bergen, KODE Art Museum (collection Rasmus Meyer)

Les Jeunes Filles sur le pont
1927
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Ce motif est à l'origine de très nombreuses œuvres peintes et gravées entre la fin des années 1890 et le milieu des années 1930. Il illustre les différents aspects du travail de reprise de Munch. Le groupe de jeunes filles se déplace au fil des versions et évolue en âge. Il s'oppose parfois à un groupe de figures masculines, dont les habits noirs contrastent avec les robes colorées. La dimension symbolique des couleurs fait de ces toiles autant d'allégories du passage de la puberté à l'âge adulte.

Nuit d'été à Åsgårdstrand
1904
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay
Munch isole ici l'un des éléments de composition des toiles des Jeunes Filles sur le pont pour en faire le sujet principal de son tableau. Il s'intéresse à l'un des plus beaux bâtiments du port d'Åsgårdstrand: la villa Kiøsterud, que l'on devine à peine tant le large tilleul occupe l'espace de la toile et domine le mur qui en clôture le jardin.

Les Dames sur le pont
1934-1940
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Le Baiser
1894-1895
Pinceau et crayon sur papier vélin
Oslo, Munchmuseet

Le Baiser
1895
Pointe sèche et brunissoir
Oslo, Munchmuseet

Le Baiser I
1897
Gravure sur bois à la gouge et à la scie
Oslo, Munchmuseet

Le Baiser II
1897
Gravure sur bois à la gouge
Oslo, Munchmuseet

Le Baiser III
1898
Gravure sur bois à la gouge et à la scie
Oslo, Munchmuseet

Le Baiser IV
1902
Gravure sur bois à la gouge et à la scie
Oslo, Munchmuseet

Baiser dans les champs
1943
Gravure sur bois
Oslo, Munchmuseet

Jeunes Femmes sur la plage Il
1907
Pointe sèche
Oslo, Munchmuseet

Sur le pont
1912-1913
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Jeunes Filles sur le pont
1918
Zincographie
Oslo, Munchmuseet

Jeunes Filles sur le pont
1918
Gravure sur bois et zincographie
Oslo, Munchmuseet

Jeunes Filles sur le pont
1918
Gravure sur bois à la gouge, rehauts d'aquarelle
Oslo, Munchmuseet

Jeunes Filles sur le pont
1905
Gravure sur bois à la gouge et au burin
Oslo, Munchmuseet

Le drame du huis clos

"Pas un de ces tableaux ne m'a laissé une impression comparable à certaines pages d un drame d'Ibsen." -Lettre à Olav Paulsen 14 décembre 1884

Munch se confronte régulièrement au théâtre de ses contemporains, qu'il l'envisage comme source d'inspiration littéraire ou qu'il s'intéresse à la mise en scène moderne et son nouveau rapport à l'espace dramaturgique. Ses premières expériences avec le monde du théâtre datent de sa rencontre en 1894 avec Aurélien Lugné-Poe, directeur du nouveau Théâtre de l'Œuvre. À l'occasion d'un séjour en France, il réalise en 1896 puis en 1897 les programmes illustrés de deux pièces du dramaturge norvégien Henrik Ibsen, Peer Gynt et John Gabriel Borkman. Dix ans plus tard, Munch s'investit dans la production d'une pièce, entamant ainsi sa première véritable collaboration avec un metteur en scène. L'Allemand Max Reinhardt, fondateur des Kammerspiele, une salle de théâtre berlinoise qui renouvelle le rapport entre la scène et le public, fait appel à lui pour réaliser les éléments de décor d'une autre pièce d'Ibsen, Les Revenants. Cette collaboration se poursuivra pour le drame Hedda Gabler. Ces expériences ont une incidence immédiate dans l'œuvre de Munch; son approche de la construction de l'espace s'en trouve indéniablement transformée, notamment dans la série resserrée de toiles de 1907, "La Chambre verte".

Femme en pleurs
1907-1909
Huile et crayon sur toile
Oslo, Munchmuseet

La Mort de Marat
1907
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Le choix de ce sujet est étonnant dans l'œuvre de Munch, où les références historiques sont quasiment absentes. Il transpose dans son univers intime l'épisode de l'assassinat du révolutionnaire Marat par Charlotte Corday en 1793. Il donne à la jeune femme les traits de Tulla Larsen, son ancienne compagne avec qui les relations étaient très conflictuelles. Le peintre fait ici allusion à leur dernière dispute, particulièrement violente, au cours de laquelle il a été blessé à la main gauche par un tir de revolver.

DJalousie
1907
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

La Meurtrière
1907
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Cette œuvre fait partie d'une série homogène de six tableaux intitulée « La Chambre verte». Elle a pour cadre une pièce exiguë dont les motifs du papier peint viennent saturer l'espace, accentuant le sentiment de claustrophobie qui s'en dégage. Le pan de table au premier plan semble se prolonger à l'extérieur du tableau, impliquant le spectateur dans la scène. Munch reprend ici les partis pris scénographiques de Reinhardt et de son théâtre intimiste.

Hedda Gabler
1906-1907
Aquarelle et crayon sur papier vélin
Oslo, Munchmuseet

"Les Revenants" d'Ibsen
Esquisse pour un décor
1906
Détrempe sur toile
Oslo, Munchmuseet

Peer Gynt
Programme de théâtre
1896
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

John Gabriel Borkman
Programme de théâtre
1897
Lithographie
Oslo, Munchmuseet


Mise en scène et introspection

"La maladie, la folie et la mort étaient les anges noirs qui se sont penchés sur mon berceau" - Carnet de notes, non daté

Certains thèmes du théâtre d'Henrik Ibsen mais aussi du dramaturge suédois August Strindberg, comme la solitude ou l'impossibilité du couple, font directement écho à l'univers pictural de Munch. Celui-ci va jusqu'à emprunter des scènes précises de leurs pièces dans la mise en scène de certains autoportraits.

Il se représente ainsi à plusieurs reprises dans l'attitude de John Gabriel Borkman, un personnage issu du répertoire d'Ibsen cloîtré dans sa chambre pendant de longues années et prisonnier de ses pensées obsédantes. Cette identification trouve d'autant plus de sens que l'artiste vit dans un certain isolement à partir de 1916, date de son installation à Ekely, au sud d'Oslo. La pratique de l'autoportrait chez Munch ne se limite pas à son dialogue avec le genre dramatique. Au-delà de l'exercice proprement introspectif, s'y exprime un certain rapport de l'artiste aux autres et au monde, oscillant entre implication dans le monde extérieur et retrait intérieur. Souvent augmentés d'une dimension allégorique, les portraits de Munch expriment également une conscience aiguë de la souffrance de la vie, de la difficulté à créer et du caractère inéluctable de la mort.

Autoportrait. Le Promeneur nocturne
1923-1924
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Autoportrait après la grippe espagnole
1919
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Henrik Ibsen au Grand Café
1902
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Nuit blanche. Autoportrait au tourment intérieur
1920
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Munch réalise de nombreuses œuvres qui mettent en scène les personnages des pièces d'Ibsen.

Il s'agit de productions libres où le peintre livre ses impressions de lecteur. Dans cet autoportrait, comme dans L'Artiste et son modèle présenté dans cette salle, il adopte pour lui-même les traits qu'il prête à John Gabriel Borkman, un personnage en proie au tourment auquel il s'identifie particulièrement.

L'Artiste et son modèle
1919-1921
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Autoportrait à la lyre
1897
Gouache et crayon sur papier vélin
Oslo, Munchmuseet

Harpie
1899
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

La Fleur de douleur
1898
Gravure sur bois
Oslo, Munchmuseet

Autoportrait au bras de squelette
1895
Lithographie
Oslo, Collection Gundersen
Munch donne à cet autoportrait graphique la signification d'un memento mori: « souviens-toi que tu vas mourir », nous rappelle-t-il. Le crâne souvent utilisé dans cette iconographie traditionnelle est ici remplacé par le bras de squelette fermant la composition. En inscrivant en miroir deux lettres de son nom, dans le bandeau supérieur, Munch insiste sur la dimension réflexive de cette œuvre et matérialise ses interrogations sur son identité.

August Strindberg
1896
Lithographie
Oslo, Munchmuseet
Strindberg et Munch sont amis depuis le début des années 1890. Ils fréquentaient le café Zum Schwarzen Ferkel, où se retrouvaient artistes et intellectuels berlinois. Ce portrait est toutefois probablement à double sens : la faute d'orthographe (Stinberg au lieu de Strindberg) pouvant se traduire par << imbu de lui-même >>. Ce jeu de mots serait une réaction au texte assez critique publié par Strindberg dans La Revue Blanche à propos de l'une des expositions de Munch.

Henrik Ibsen au Grand Café
1902
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Le grand décor

« C'est moi, avec la frise Reinhardt il y a trente ans, et l'aula et la frise Freia, qui ai initié l'art décoratif moderne. >> - Lettre de Munch à la communauté des travailleurs d'Oslo, 6 septembre 1938

Dans les premières années du XXe siècle, Munch participe à plusieurs grands projets décoratifs et se confronte à la question de la peinture monumentale. Les programmes iconographiques qu'il élabore s'intègrent pleinement à ses réflexions en reprenant des thèmes et des motifs déjà présents dans ses œuvres.

En 1904, pour répondre à une commande de son mécène Max Linde, il réalise une série de peintures pour décorer la chambre de ses enfants. Il y reprend certains sujets constitutifs de La Frise de la vie et ajoute des évocations plus directes de la nature. Les œuvres lui sont finalement restituées par le commanditaire qui les juge, à regret, inappropriées.

Entre 1909 et 1916, Munch répond à un concours national organisé à l'occasion du centenaire de l'indépendance de la Norvège, et réalise son grand œuvre en matière de décoration architecturale: un décor pour la salle d'honneur de l'université de Kristiania. Munch joue dans ce projet à dimension politique une grande part de sa renommée internationale. Il lui faudra de nombreuses années pour convaincre le jury et réaliser plusieurs essais avant d'arriver au résultat final, toujours en place de nos jours.

Deux êtres humains. Les Solitaires
1906-1907
Tempera sur toile
Essen, Museum Folkwang
Munch réalise une première version de ce motif en 1892, mais le tableau sera détruit en 1901. Il en reprend la composition dans de nombreuses variations graphiques ainsi que dans cette peinture à la détrempe, conçue comme élément de décor pour le foyer du théâtre de Max Reinhardt à Berlin. Le peintre y simplifie à l'extrême le paysage, soulignant le vide qui sépare les deux êtres.

Jeunes filles arrosant Frise Linde
des fleurs
1904
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Jeunes Gens au bord de la plage
Frise Linde
1904
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Couples s'embrassant dans le parc
Frise Linde
1904
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Arbres au bord de la plage Frise Linde
1904
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

L'Été au parc Frise Linde
1904
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

La Montagne humaine
1909-1910
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
La Montagne humaine fait partie du projet de décor initial pour l'université de Kristiania, finalement rejeté par le jury. Munch choisit cette iconographie, un enchevêtrement de corps s'élevant vers le ciel, pour symboliser l'élévation progressive de l'espèce humaine vers le savoir. Elle prend tout son sens quand elle est mise en regard de Vers la lumière, une figure face au soleil levant: l'Homme nouveau au sommet de la montagne, éclairé par la connaissance.

Vers la lumière
1914
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Histoire
1914
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet (collection Stenersenmuseet)

Le Soleil
1912
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Munch articule son cycle de peintures pour la salle de réception de l'université de Kristiania autour de trois motifs majeurs, Alma Mater, Histoire et Le Soleil. Ce dernier occupe la place centrale de son programme décoratif, et s'en détache par sa puissance symboliste et quasiment non figurative. Munch veut y représenter la puissance régénératrice de la lumière, l'espoir qui naît avec le jour nouveau, et l'éblouissement de l'éveil au savoir.

Alma Mater
1929
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet

Hommes se baignant
1907-1908
Huile sur toile
Finnish National Gallery, Ateneum Art Museum, collection Antell
En parallèle de son travail sur ses grands programmes décoratifs, Munch réalise plusieurs toiles de baigneurs peintes en plein air sur la plage de Warnemünde, station balnéaire au bord de la mer Baltique. En exaltant la puissance créatrice du corps, Munch témoigne de son intérêt pour la philosophie vitaliste de Friedrich Nietzsche telle qu'elle était comprise à cette époque.

Autoportrait
1940-1943
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Au soir de sa vie, Munch n'a plus besoin du recours à l'allégorie, et fait face sans détour au grand âge et à la mort. Plus de Danse macabre, mais un autoportrait sans concession où il se représente en vieillard, dont les habits deviennent le squelette. On distingue à l'arrière-plan son ombre projetée, présente dans d'autres autoportraits. Souvenir de son allure passée, elle rappelle la permanence de son être.

Le Mort joyeux
Illustration pour Les Fleurs du Mal
1896
Encre indienne sur papier vélin
Oslo, Munchmuseet

Danse macabre
1915
Lithographie
Oslo, Munchmuseet

Nuit étoilée
1922-1924
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet
Munch réalise entre 1890 et 1930 plusieurs tableaux portant ce titre, probable écho à La Nuit étoilée (1888) de Van Gogh découverte lors d'un séjour à Paris. Munch exprime ici avec force un thème central de son œuvre, l'inscription de l'homme dans la nature. Il projette son ombre dans le tableau non pas une, mais trois fois : deux silhouettes et le profil de son visage se découpent sur la neige déposée au pas de sa porte. Par ce procédé, le peintre fusionne ainsi littéralement avec la nature.

Autoportrait en enfer
1903
Huile sur toile
Oslo, Munchmuseet


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