samedi 18 juin 2022

La statuaire du Petit-Palais en juin 2022

En accompagnant une amie à la redécouverte de la spectaculaire exposition sur Boldini, j'en profite pour faire ce petit reportage sur cette présentation des collections permanentes de sculptures :

LA GALERIE DES SCULPTURES
À la fin du 19ème siècle, la sculpture est partout à Paris: dans les musées, mais aussi dans les rues, sur les façades, sur les places et dans les jardins. La statuomanie triomphe. La Ville de Paris, par ses commandes, a largement contribué à faire de la capitale un vaste musée de sculptures à ciel ouvert. Fait exceptionnel, la plupart des modèles en plâtre etape intermédiaire essentielle au XIX siècle dans le long processus de création d'un bronze ou d'un marbre - ont été conservés par le service en charge des ceuvres d'arts religieuses et civiles de la Ville de Paris (COARC).

La Ville a ainsi constitué, à partir de 1870, une magnifique collection qui témoigne de l'inventivité des sculpteurs de la période. (Euvres de travail à l'origine, les grands plâtres sont considérés aujourd'hui comme de véritables auvres d'art. Outrea leur valeur esthétique, ils permettent également de garder le témoignage des nombreuses statues fondues pendant la Seconde Guerre Mondiale. Ces sculptures reprennent tout leur lustre dans la galerie d'apparat du Petit Palais. Le somptueux espace conçu par l'architecte Charles Girault retrouve ainsi sa fonction initiale de galerie des sculptures comme en 1900.

Pierre Jean David, dit David d'Angers (Angers, 1788-Paris, 1856)
Ambroise Paré
Plâtre, seconde épreuve d'après le modèle à grandeur pour le bronze érigé à Laval en 1839
David d'Angers, tout au long de sa carrière, multiplie les monuments en hommage aux «grands hommes >> de l'Histoire de France. Il représente ici Ambroise Paré (vers 1510-1590), le grand chirurgien de la Renaissance. Pensif, le père de la chirurgie moderne semble méditer devant l'impressionnante pile de ses œuvres complètes, tandis que l'arquebuse à ses côtés rappelle ses efforts pour soigner les blessures de guerre.

Adrien Gaudez
(Lyon, 1845-Neuilly-sur-Seine, 1902)
Lully enfant
Modèle en plâtre
1885
Le sculpteur représente ici Jean-Baptiste Lully (1632-1687), musicien favori du roi Louis XIV, à l'aube de sa gloire. Fils d'un meunier de Florence, le jeune Lully est engagé comme garçon de cuisine à la cour de France. Coiffé d'une toque et vêtu d'un tablier, le pied posé sur une casserole, l'enfant prodige s'apprête à jouer du violon et à révéler ses dons exceptionnels.


Georges Bareau (Paimboeuf, 1866-Nantes, 1931)
Diane chasseresse
Modèle en plâtre pour le marbre actuellement en dépôt à la mairie de Bonneuil sur Marne
1898
Diane, la déesse de la chasse, chevauche gracieusement un aigle, telle Hébé, une divinité qui incarne la jeunesse. Vers 1900, les sujets mythologiques perdurent, mais ils sont largement réinterprétés à la mode du temps. Cette Diane n'a ainsi plus rien de la majesté antique : elle présente la coiffure et la silhouette gracile des élégantes fin-de-siècle.

Berthe Girardet
(Marseille, 1861-Neuilly-sur-Seine, 1948)
La Maternelle
Modèle en plâtre
1908
Rare sculptrice à recevoir des commandes de la Ville de Paris, Berthe Girardet s'est spécialisée dans les scènes de genre intimistes, adaptées au format monumental. Ici, une femme accompagne ses trois enfants qu'elle protège de son ample manteau- une probable réminiscence des Vierges de miséricorde de la fin du Moyen Âge.

Jules Desbois (Parçay-les-Pins, 1851 Paris, 1935)
La Femme à l'arc
1905
Jules Desbois se forme comme praticien dans l'atelier d'Auguste Rodin avant de mener une carrière indépendante. Le sculpteur présente La Femme à l'arc en 1905 au Salon de la Société nationale des Beaux-Arts. Très remarquée pour la pureté de ses lignes, la sculpture y est immédiatement acquise pour le musée du Petit Palais. La jeune femme tenait à l'origine un arc qui a aujourd'hui disparu.

Serge Yourievitch
La danseuse Sacha Lyo
Platre

Ernest Barrias (Paris, 1841-1905)
Bernard Palissy
Modèle en plâtre pour un monument en bronze érigé à Boulogne-Billancourt; une seconde version commandée en 1882, toujours en place, square Saint-Germain
1877
Vêtu d'un pourpoint Renaissance et d'un tablier d'artisan, prêt à brûler ses meubles pour alimenter son four, le céramiste Bernard Palissy (vers 1510-1590) tient sous le bras l'un des plats à « rustiques figulines » qui lui apportèrent la gloire. La sculpture de Barrias, grand succès de Salon et d'édition, donne corps au mythe, édifié sous la III République, d'un Palissy génial et tourmenté, entièrement dévoué à son art.

François Etcheto (Madrid, 1853- Paris, 1889)
François Villon
Modèle en plâtre pour un monument en bronze érigé en 1883 au square Monge (actuel square Paul Langevin, Paris, 5 arrondissement), détruit vers 1942
Au Salon de 1881, François Etcheto obtient une gloire éphémère en présentant l'effigie du poète médiéval François Villon (1431 après 1463). Le caractère frondeur de la sculpture séduit. Le Villon d'Etcheto offre l'image d'un artiste bohème avant l'heure, tout autant capable de composer une chanson que de dégainer son poignard.

Paul Roussel (Paris, 1867-1928)
La Danse de Bébé
Aussi charmante qu'inattendue, la Danse de Bébé, restitue parfaitement la joie de vivre des années 1900. Une jeune élégante tient dans ses bras son bébé et lui murmure une histoire. Paul Roussel, ancien élève de Barrias et Prix de Rome en 1895, démontre ici que la scène de genre est digne du format monumental, longtemps réservé aux grands hommes.

Charles-Théodore Perron (Paris, 1862-Bourg-la-Reine, 1934)
Egregius Faber (L'Excellent Ouvrier)
En ce début du xx siècle, le sculpteur choisit la figure du puddleur pour incarner le travail manuel. Ouvrier employé dans l'industrie métallurgique, le puddleur était chargé de brasser la fonte en fusion. Il se reconnaît ici à son ample tablier et à son ringard», un long crochet utilisé pour brasser la fonte. Perron s'inscrit ici dans la lignée des sculpteurs Jules Dalou et Constantin Meunier qui ont également exalté la figure du travailleur.

Charles Jacquot (Bains, 1865-1930)
Ad patriam (Vers la patrie)
Une jeune Alsacienne, reconnaissable à sa coiffe au large noeud, porte difficilement dans ses bras son frère endormi. Elle vient de passer la frontière qui sépare l'Alsace de la France, à l'issue de la guerre de 1870. La fillette incarne de façon émouvante le destin difficile des Alsaciens qui refusèrent par patriotisme de prendre la nationalité allemande.

Jules Coutan (Paris, 1848-1939)
Sergent d'armes du XIV siècle
Cette statue s'intègre dans un ensemble d'hommes d'armes du Moyen Age qui, dans la cour de l'Hôtel de Ville, rappellent que la capitale a su, à travers les âges, préserver son indépendance. Le soin mis par le sculpteur à restituer les détails du costume témoigne de la vogue au xix siècle d'un « réalisme historique » hérité de Viollet-le-Duc ou de Fremiet.
Modele en plâtre à grandeur pour le bronze érigé sur le guichet nord de l'hôtel de Ville de Paris

Ernest Barrias (Paris, 1841-1905)
Maria Deraismes
Maria Deraismes (1828-1894), femme de lettre et journaliste, est une pionnière du féminisme en France. Elle fonde et préside la Société pour l'amélioration du sort de la femme, qui, à sa mort, fait ériger un monument en son honneur. Ernest Barrias obtient la commande et imagine une imposante effigie, plus grande que nature, au réalisme spectaculaire.

François-Laurent Rolard
Monnaie de singe 1882
Modèle en plâtre pour un bronze érigé au square Montholon (Paris, arrondissement), détruit vers 1942
Le sculpteur s'inspire ici de l'expression héritée du Moyen Age payer en monnaie de singe. Cette expression fait référence à une taxe dont devaient autrefois s'acquitter les Parisiens pour emprunter le Petit Pont près de Notre-Dame. Certains
en étaient toutefois dispensés, notamment les bateleurs qui
pouvaient, en guise de paiement, faire danser un singe.

Charles Valton
(Pau, 1851-Chinon, 1918)
La première proie: panthère apportant un chevreau à ses petits
Modèle en plâtre
Cette sculpture représente une panthère apportant un chevreau à ses petits, encore incapables de chasser par eux-mêmes. Le réalisme des mouvements et des anatomies trahit une patiente observation des fauves au Jardin des Plantes, où le sculpteur Charles Valton a longuement étudié, suivant ainsi l'exemple de Barye et Fremiet, les deux maîtres du genre animalier au XIXe siècle.

Emile Derré (Paris, 1867- Nice, 1938)
Petite fontaine des Innocents
Émile Derré adopte ici le credo de l'Art nouveau : réunir le beau et l'utile. Cet imposant relief sert de décor à une fontaine publique destinée à étancher la soif des passants. Placée sous les auspices de Rabelais, dont la célèbre citation de la préface de Gargantua orne la partie supérieure (« Mieux est de ris que de larmes escrire »), la sculpture respire la joie de vivre des années 1900.

Denis Puech
(Bozouls, 1854-Rodez, 1942)
La Pensée
La Pensée prend les traits d'une élégante jeune femme à la coiffure 1900. La polychromie accentue le réalisme de cette étrange allégorie: les drapés sont en marbre rouge, la chevelure est peinte. Initialement destinée à la cour de la Sorbonne, cette sculpture jugée trop moderne n'y fut jamais installée.

Jean-Antoine Idrac
(Toulouse, 1849 - Paris, 1884)
puis Jules Coutan
(Paris, 1848 - Paris, 1939)
Le Toast
1883-1888
Modèle à grandeur pour la statue en marbre de la salle à manger de l'Hôtel de Ville Plâtre patiné
La reconstruction de l'Hôtel de Ville de Paris, incendié en 1871, permet à plus de 230 sculpteurs de recevoir des com mandes. Le Toast est l'une des six allégo ries destinées à orner les niches de la salle à manger, comme La Pêche de Falguière et La Moisson de Chapu, également présentées dans cette galerie. L'œuvre est achevée par Coutan après la mort d'Idrac en 1884. Les deux artistes renouvellent un vocabulaire classique - une femme habil lée à l'antique, couronnée de laurier - par un geste fougueux et moderne : le personnage lève sa coupe à la nouvelle ére républicaine.

Mathurin Pêche
(Paris, 1872-Colombes, 1957)
Phèdre
Modèle en plâtre et bois
1903
En 1903, le sculpteur Mathurin Pêche expose au Salon une Phèdre grandeur nature: son modèle n'est autre que la célèbre actrice Sarah Bernhardt, représentée dans l'un de ses rôles emblématiques. Jamais traduite en marbre, refusée par la Comédie-Française, la sculpture est finalement recueillie par l'actrice qui la place dans la loge du théâtre qu'elle dirige alors, l'actuel théâtre de la ville, place du Châtelet

Émile Chatrousse
(Paris, 1829- Paris, 1896)
Une Parisienne
1876
Plâtre patiné
Chatrousse expose cette Parisienne au Salon de 1876. C'est l'une des premières représentations sculptées à grande échelle d'une contemporaine inconnue. Plus qu'un portrait, l'artiste a créé un type, à la façon de l'illustrateur Gavarni : une jeune femme vêtue à la dernière mode, tenant un bouquet de lilas à la main. Avec vingt ans de décalage, ce réalisme mesuré fait écho aux audaces des Demoiselles des bords de la Seine de Courbet, présentées dans la même galerie.

Jules Dalou
(Paris, 1838- Paris, 1902)
Grand Paysan
Vers 1899-1900 Plâtre patiné
Le Grand Paysan dérive des études faites par Dalou durant les dix dernières années de sa vie pour un Monument aux ouvriers qui n'a jamais été réalisé. À partir d'une série de croquis pris sur le vif, d'esquisses modelées et de séances de pose d'un modèle dans son atelier, Dalou crée une image emblématique du paysan et, au delà, du travail manuel : le visage buriné, les mains usées, mais le corps droit et fier.

Jules Dalou
(Paris, 1838 - Paris, 1902)
Ève
1866 Marbre
Ève est une œuvre de jeunesse du sculpteur Dalou, connu surtout pour ses monu ments publics (voir la rotonde Dalou au rez-de-chaussée du musée). L'influence du sculpteur Carpeaux est ici manifeste : Eve est représentée en adolescente gra cile, agenouillée dans une pose proche du Pêcheur à la coquille exposé dans la rotonde Carpeaux.

Auguste Clésinger
(Besançon, 1814 - Paris, 1883)
Bacchante 1848 Marbre
La Bacchante est une variante de la Femme piquée par un serpent (musée d'Orsay), grand succès de scandale du Salon de 1847. La jeune femme qui pose est Apollonie Sabatier, dont la beauté et l'esprit séduisirent artistes et poètes tels Théophile Gautier ou Charles Baudelaire. Clésinger, un temps son amant, s'est inspiré d'un moulage sur nature pour réaliser ce voluptueux morceau de sculpture qui annonce par son audace les nus féminins de Rodin.

Henri Chapu
(Le Mée, 1833 - Paris, 1891)
La Moisson
1883
Modèle à grandeur pour la statue en marbre, de la salle à manger de l'Hôtel de Ville Plâtre
Incendié sous la Commune, l'Hôtel de Ville de Paris est reconstruit et inauguré en 1882. La salle à manger est consacrée à la terre nourricière et aux plaisirs de la table: en sculpture, La Moisson prend place à côté de La Vendange, La Pêche, La Chasse, Le Toast et La Chanson. Pour ce pro gramme allégorique, Chapu crée l'image idyllique d'une jeune paysanne qui ne craint ni la chaleur du soleil, ni le chaume sous ses pieds nus.

Alexandre Falguière
(Toulouse, 1831 - Paris, 1900)
La Pêche
1880
Modèle à grandeur pour la statue en marbre de la salle à manger de l'Hôtel de Ville Plâtre
Comme La Moisson et Le Toast, égale ment exposés dans cette galerie, La Pêche a été commandée à Falguière pour le décor de la salle à manger de l'Hôtel de Ville, célébrant les aliments et les joies du repas. Falguière imagine une allégorie très réaliste et représente une robuste jeune paysanne, tenant à la main son filet et le poisson qu'elle vient de pêcher.

Jules Coutan
(Paris, 1848 - Paris, 1939)
La Porteuse de pain
1882
Modèle à grandeur pour la statue en bronze autrefois square Saint-Jacques Plâtre patiné
Les porteuses de pain - métier essentiellement féminin à la fin du XIXe siècle - le livraient à domicile, parfois plusieurs fois par jour. Elles transportaient les pains dans une charrette à bras ou dans un grand tablier bleu qu'elles relevaient. En s'attachant à représenter fidèlement ce personnage familier des rues de Paris, Coutan fait entrer le monde du travail au Salon. La version en bronze du square Saint-Jacques à Paris a été détruite en 1942.

Ernest Barrias
(Paris, 1841- Paris, 1905)
Les Premières Funérailles
1883 Marbre
Ce groupe d'inspiration biblique met en scène Adam et Ève portant le corps de leur fils Abel, victime de la jalousie de son frère Caïn. Médaille d'honneur au Sa lon de 1878, le modèle en plâtre est alors considéré comme « la manifestation la plus haute des sentiments que peut expri mer la sculpture ». Nourri de références formelles à Michel-Ange ou au Bernin, Barrias situe néanmoins la scène de deuil dans une préhistoire de fantaisie évoquée par un silex taillé. Adam est doté d'un visage farouche aux traits gaulois, autre allusion aux premiers temps de l'huma nité. Par contraste, les corps d'Eve et d'Abel se réclament de modèles antiques revus par la Renaissance

Et pour se faire plaisir, quelques détails et tableaux de l'exposition sur Boldini et cet album de Sem particulièrement reussi:

Autoportrait de l'artiste observant un tableau
Vers 1865 Huile sur toile
Florence, Gallerie degli Uffizi-Galleria d'arte moderna di Palazzo Pitti

Cet autoportrait de Boldini en train d'observer une de ses propres toiles fut montré lors de l'exposition de la Società Promotrice delle Belle Arti à Florence en 1866, avec deux autres portraits. Ils sont remarqués par le critique Telemaco Signorini, qui admire notamment sa manière novatrice de traiter les fonds. Alors qu'il était d'usage, dans le genre du portrait, de faire ressortir le modèle sur un fond uni et neutre, Boldini peint l'environnement tel qu'il est.

Détail du Printemps
Ou Paysans et Chiens
1872
Huile sur bois

Detail de Deux Chevaux blancs
Vers 1881-1886
Huile sur toile Ferrare, Museo Giovanni Boldini


Sem (1863-1934)
Album Tangoville-sur-mer 1913


Marine à Venise
Vers 1909
Huile sur bois


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Normandism de David Hockney au musée de Rouen en juillet 2024

LE MIROIR MAGIQUE David Hockney (1937, Bradford) partage sa vie entre Londres, Los Angeles qu'il a découvert en 1964, et la France où il...