jeudi 14 avril 2022

Héroïnes romantiques au musée de la vie romantique en avril 2022

Thème bien connu de ce sympathique musée ! Voici l'essentiel de cette exposition bien documentée comme à  l'habitude :


Qui sont les héroïnes du romantisme et comment sont-elles représentées dans les arts de la première moitié du XIX siècle? Sapho, Héloïse, Jeanne d'Arc, Marie Stuart, Ophélie ou Atala... le musée de la Vie romantique vous invite à la découverte de ces femmes, réelles ou imaginées, dont les histoires dramatiques sont à l'époque connues du plus grand nombre.

Cette exposition présente d'abord les héroïnes du passé, mythologique et historique, avant d'aborder celles qui ont marqué le théâtre et la littérature. Les textes de William Shakespeare, François-René de Chateaubriand, Victor Hugo, George Sand ou Sophie Cottin inspirent les peintres et sculpteurs romantiques. Le parcours se termine par l'évocation des héroïnes interprétées par de célèbres comédiennes, chanteuses et danseuses sur les scènes du théâtre, de l'opéra et du ballet.

Si cet héroïsme féminin s'illustre principalement dans la passion amoureuse, il s'achève fatalement par un exil douloureux, un retrait du monde, voire une mort dramatique et précoce. Les peintres Eugène Delacroix, Anne-Louis Girodet, Théodore Chassériau, Antoine-Jean Gros, Léon Cogniet et Léopold Burthe représentent ces femmes le teint diaphane, vêtues de drapés vaporeux, vacillant ou gisant sur le sol, comme résignées face à un destin inéluctable. Puisqu'elles sont l'objet d'un regard masculin, elles sont souvent érotisées ou figurées pour leurs qualités supposées féminines telles que la grâce, la fragilité, la sensibilité ou le dévouement. En écho à la condition féminine du premier XIX siècle, fortement défavorisée par le code civil napoléonien de 1804, les héroïnes romantiques incarnent un modèle féminin sacrifiée

ANTOINE-JEAN GROS (1771-1835)
Sapho à Leucate, 1801
Huile sur toile Bayeux, collection MAHB musée d'Art et d'Histoire Baron-Gérard

Dès sa présentation au Salon de 1801, cette peinture est considérée comme romantique par son atmosphère nocturne, son vaste panorama de nature et la figure élégiaque de Sapho. L'héroïne est représentée sur le rocher de Leucate au moment où elle va se précipiter dans la mer par amour pour Phaon, un batelier de Mytilène, tandis qu'à l'arrière-plan on distingue les vestiges du sacrifice avec l'autel encore embrasé et le vase renversé de l'ultime libation. Serrant contre elle la lyre des poètes, le pied au bord du précipice, elle semble cependant s'élever vers la lune plus que chuter vers les flots.

HÉROÏNES DU PASSÉ: MYTHES ET HISTOIRE
Conjuguant leur intérêt pour le passé et leur goût du drame, les artistes romantiques vont chercher dans la mythologie et l'histoire de célèbres figures féminines aux destins tragiques qu'ils érigent en héroïnes.

La mort de Sapho inspire de nombreux peintres et sculpteurs, à l'instar d'Antoine-Jean Gros qui peint la poétesse de Lesbos, sa lyre dans les bras, sur le point de se jeter dans le vide par désespoir amoureux. La courageuse Antigone du mythe grec est représentée lors de sa fin tragique par Victorine Genève Rumilly, tandis que Jean Gigoux érotise la puissante reine de l'Égypte antique Cléopâtre en la figurant entièrement nue en train de mettre fin à ses jours.

Le regain d'intérêt pour la religion au début du XIXe siècle transforme certaines héroïnes en saintes ou en martyres. La piété de Jeanne d'Arc est ainsi mise en avant dans les œuvres sculptées de Marie d'Orléans. Le goût des artistes romantiques pour le Moyen Âge et la Renaissance fait émerger d'autres figures féminines, notamment dans les tableaux qualifiés d'historicistes ou de style troubadour. L'histoire d'amour interdite entre la jeune Héloïse et son professeur Abélard, rendue célèbre au XIX siècle, se diffuse jusque dans l'imagerie populaire. Enfin, la destinée exceptionnelle de la reine d'Écosse Marie Stuart fascine elle aussi les artistes, qui la représentent condamnée ou en exil.

MARIE D'ORLÉANS (1813-1839)
La Rencontre d'Ahasvérus et Rachel, d'après le récit de Quinet, 1834
Relief en plâtre
Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou

La jeune sculptrice s'inspire pour ce relief d'un poème en prose intitulé Ahasvérus et publié en 1833 par l'historien Edgar Quinet. Celui-ci raconte l'histoire d'un poète qui cherche la femme qu'il a aimée et voit passer autour de lui toutes les femmes célèbres. Marie d'Orléans représente le poète sortant de son tombeau et rencontrant Rachel, un ange qui prend l'apparence d'une femme aux longs cheveux défaits. L'artiste convoque au premier plan un cortège d'héroïnes historiques telles que Sapho et Héloïse, tandis qu'apparaissent dans les nuées les héroïnes célèbres de la littérature, parmi lesquelles Desdémone, Juliette, Virginie ou Atala.

CLAUDIUS JACQUAND (1803-1878)
Jeanne d'Arc conduite en prison à Rouen, sous la garde du comte de Ligny du Luxembourg, 1827
Huile sur toile
Rouen, musée des Beaux-Arts

L'histoire de Jeanne d'Arc offre aux artistes de nombreux sujets frappants. À partir de la Restauration, les peintres s'intéressent au versant fatal de sa destinée d'héroïne. À la suite de Pierre Henri Révoil en 1819 puis de Paul Delaroche en 1824, le Lyonnais Claudius Jacquand choisit de représenter au Salon de 1827 le moment de l'incarcération de la jeune femme. Dans un décor de crypte obscure aux arcades ogivales, l'innocente Jeanne d'Arc semble regarder pour la dernière fois le jour qui vient du haut de l'escalier, tandis que les gardes la conduisent dans la nuit d'un caveau.

EMMANUEL PHÉLIPPES-BEAULIEUX (1829-1874)
Jeanne d'Arc en prison, 1858
Eau-forte sur papier Nantes, musée d'arts de Nantes

ALEXANDRE-ÉVARISTE FRAGONARD (1780-1850)
Jeanne d'Arc sur le bûcher, 1822
Huile sur toile Rouen, musée des Beaux-Arts, don de Serge Lemoine en 2015

Parmi la soixantaine de tableaux consacrés à Jeanne d'Arc durant une large première moitié du XIXe siècle, ce petit format, dont la composition est diffusée par l'estampe, délivre une image pathétique et vulnérable de l'héroïne. Jeanne est figurée debout sur le bûcher en longue robe blanche liée à un poteau par les poignets, les cheveux défaits et le regard levé vers le ciel dont le bleu pur éclate derrière les nuages obscurs. Le caractère dramatique de la fumée noire et du rougeoiement de l'air apporte un accent romantique à cette héroïne suspendue entre ciel et terre, telle une sainte martyre.

JEAN-ANTOINE LAURENT 
(1763-1832)
Héloïse embrassant la vie monastique, 1812
Huile sur toile
Rueil-Malmaison, musée national des châteaux de Malmaison et de Bois-Préau

Dans un intérieur d'abbaye gothique, Héloïse est représentée à genoux en train de prier, une bible ouverte devant elle. La jeune femme, prête à prendre le voile, contemple une dernière fois le portrait de son mari Pierre Abélard qu'une religieuse cherche à éloigner d'elle. Autour d'Héloïse sont encore réunis des objets de sa vie publique: son manteau, une écharpe en fine mousseline, un livre relié en cuir, une boîte à bijoux. Le peintre et miniaturiste français dramatise la scène en soulignant le renoncement teinté de mélancolie qu'éprouve son héroïne sacrifiée.

THEODORE CHASSÉRIAU (1819-1856)
Marie Stuart protégeant Riccio contre les assassins (esquisse), vers 1849 Huile sur toile
La Rochelle, musées d'Art et d'Histoire,
dépôt du musée du Louvre

Peintre emblématique du second romantisme, Chassériau choisit un épisode dramatique de la vie de Marie Stuart, propre à frapper les esprits. Il représente, sous les yeux de la reine alors enceinte, l'assassinat sauvage de David Riccio, son secrétaire particulier. Au moyen d'une touche large et élégante, le peintre esquisse rapidement la reine d'Écosse, toute blanche au centre, et suggère la force de sa personnalité droite et courageuse, s'interposant entre les lames et Riccio qui l'implore.

ÉDOUARD HAMMAN (1819-1888)
Marie Stuart quittant la France, 1863
Huile sur bois
La Rochelle, musées d'Art et d'Histoire

Marie Stuart, reine d'Écosse à l'âge de six jours et pour vingt-cinq ans, épouse du roi de France François II et donc reine de ce pays pendant deux ans, connaît une vie d'aventures qui inspire les écrivains, musiciens et artistes en quête de sujets historiques, anecdotiques et sentimentaux. Le peintre d'histoire belge représente la reine en deuil de son époux français jetant un dernier regard vers la France, dans la posture dramatique immortalisée par les vers du chansonnier Pierre-Jean de Béranger: " Adieu, charmant pays de France, /Que je dois tant chérir! /Berceau de mon heureuse enfance, /Adieu! te quitter, c'est mourir."

EUGÈNE DEVÉRIA (1805-1865)
La Lecture de la sentence de Marie Stuart, 1826
Huile sur toile Angers, musées d'Angers

Cette œuvre présentée en 1826 à l'Exposition de tableaux au profit des Grecs puis au Salon de 1827 par le jeune peintre romantique de vingt et un ans constitue le manifeste d'une nouvelle peinture d'histoire, dramatique et pittoresque. Devéria donne la sensation au spectateur d'être un témoin privilégié de l'instant où la vie d'une reine bascule. Dès 1826, Victor Hugo encense les qualités historiques et esthétiques de cette toile: «Cet échafaud, cette royale victime, ce cercle de personnages historiques, et jusqu'aux vitraux, ces ogives, ces murs armoriés, tout émeut, tout intéresse. »

VICTORINE GENÈVE-RUMILLY 
(1789-1849)
La Mort d'Antigone, 2 quart du XIXe siècle Huile sur toile, musée de Grenoble

Élève du peintre néoclassique Jean-Baptiste Regnault, l'artiste est une habituée du Salon où elle présente, de 1812 à 1839, des portraits, des scènes de genre et des tableaux d'histoire. Hormis ces éléments, nous ne savons pas grand chose de sa carrière. Elle figure ici Antigone, l'héroïne de la tragédie grecque de Sophocle, étendue sur le sol, la poitrine découverte, venant de se donner la mort. À ses côtés, son fiancé Hémon est sur le point de s'ouvrir le ventre avec un poignard, sous le regard de son père Créon qui tente de s'interposer. Le mythe d'Antigone trouve un écho dans le goût romantique pour le drame et les héroïnes sacrifiées.

IMPRIMERIE PELLERIN
Histoire d'Héloïse et d'Abeilard, s.d. [années 1830]
Gravure sur bois coloriée Marseille, musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée

Diffusée par le livre, la gravure, la peinture et l'image, l'histoire d'Héloïse et Abélard, réunis dans la mort après avoir été unis par le mariage puis séparés par le cloitre, devient rapidement légendaire. L'imagerie populaire d'Épinal introduit les deux amants dans le répertoire de ces histoires en vignettes annonciatrices de la bande dessinée. Les quatre compartiments formés d'une image et de sa légende se lisent de gauche à droite et de haut en bas, tandis que le texte sur les côtés rappelle le triste dénouement de leur histoire.

JAMES PRADIER (1790-1852)
Sappho, avant 1852
Bronze, socle en marbre vert
Paris, association des amis du sculpteur James Pradier

Considéré comme le meilleur sculpteur de son époque, Pradier se spécialise dans la petite sculpture d'édition qui s'impose dans les années 1830. Cette statuette de Sappho, éditée par la maison Susse, a précédé la grande Sappho assise qui est exposée au Salon de 1852. La noblesse de la pose ainsi que l'expression d'intense méditation donnent à cette figure une présence puissante. En s'intéressant à la poétesse et courtisane antique, désespérée et qui songe au suicide, le sculpteur participe à la construction du mythe romantique de l'héroïne.

ALPHONSE DE LAMARTINE 
(1790-1869)
Nouvelles Méditations poétiques, 1823 Livre imprimé
Paris, musée de la Vie romantique

«L'aurore se levait, la mer battait la plage; / Ainsi parla Sapho debout sur le rivage, / Et près d'elle, à genoux, les filles de Lesbos / Se penchaient sur l'abîme et contemplaient les flots:/Fatal rocher, profond abime! / Je vous aborde sans effroi!/Vous allez à Vénus dérober sa victime: /J'ai méconnu l'amour, l'amour punit mon crime. » Ces vers extraits du poème Sapho. Élégie antique, écrit en 1815 et s'inspirant du suicide inventé de Sapho, illustrent les thématiques de la nature, de la mort et de l'amour, si chères à Lamartine, ainsi que son lyrisme romantique.

JAMES PRADIER (1790-1852)
Sappho sur la pendule ou Garniture de cheminée avec Sappho, 1848
Bronze doré et argenté, socle en marbre noir Paris, musée de la Vie romantique

Inspirée de la célèbre Sappho debout de l'artiste exposée au Salon de 1848, cette statuette monté sur une pendule et constituant l'élément central d'une garniture de cheminée présente Sappho s'appuyant d'une main sur un autel orné en forme de colonne ionique et tenant de l'autre une lyre. Parée de colliers et de bracelets, elle est drapée dans une tunique étroite aux plis mouillés qui révèlent le détail anatomique avec précision. La tête inclinée, pensive et douloureuse, traduit le caractère théâtral choisi par Pradier pour montrer son héroïne, aimante et souffrante.

WALTER SCOTT (1771-1832)
L'Abbé (Le Page de Marie Stuart), 1857
Livre imprimé
Paris, collection particulière

Avec la romance et le théâtre, le genre du roman historique contribue à construire et à diffuser le mythe de Marie Stuart. L'auteur écossais Walter Scott lui donne un nouvel éclat dans la France de la Restauration en racontant, dans ce roman publié en français en 1820, la captivité de la reine d'Écosse au château de Lochleven en 1567 et 1568. En apparaissant en victime de la fatalité, Marie Stuart devient une héroïne romantique.

JULIA MARGARET CAMERON
(1815-1879)
Mary, Queen of Scots, 1870
Photographie, tirage sur papier albuminé Paris, maisons de Victor Hugo Paris/Guernesey

Considérée comme l'une des portraitistes les plus importantes du XIXe siècle, la photographe britannique s'inspire souvent d'épisodes historiques ou de scènes mythologiques pour ses compositions. Son modèle, tenant un chapelet et évoquant ainsi le catholicisme de la reine d'Écosse, illustre la postérité du personnage devenu une véritable légende à l'époque romantique, symbole des passions les plus dramatiques.

ALFRED JOHANNOT (1800-1837)
Marie Stuart bénissant Roland Groeme et Catherine Seyton, 1830
Aquarelle sur papier Paris, musée de la Vie romantique

La publication en 1820 du roman historique L'Abbé par Walter Scott a un impact immédiat sur les artistes français qui fournissent de très nombreuses illustrations, préparées par des dessins, des lavis ou de petites huiles. Cette aquarelle, illustrant le chapitre XXXI de L'Abbé, prépare la gravure pour l'édition du roman par Furne. On y voit la reine entourée de son page, Roland Groeme, et de ses suivantes, Catherine Seyton et Mary Fleming. Marie Stuart, enfermée au château de Lochleven, est frappée d'un accès de folie causé par la douleur de la captivité.

MARIE D'ORLÉANS (1813-1839)
Jeanne d'Arc en prière, 1837
Bronze
Paris, musée de la Vie romantique

Cette statuette est une réduction d'une statue monumentale en marbre destinée à Versailles et réalisée par l'artiste en 1835. Marie d'Orléans, fille du roi Louis-Philippe, choisit de restituer la foi qui animait Jeanne d'Arc plutôt que ses faits d'armes sur le champ de bataille. Le visage de la jeune femme est absorbé dans la prière, son épée posée sur sa poitrine tenant lieu de crucifix. Cette guerrière pensive illustre à la fois le goût de l'époque et l'humeur parfois mélancolique de son auteur. La princesse Marie d'Orléans, disparue à l'âge de vingt-six ans en 1839, est restée très étroitement associée au souvenir de jeanne d'Arc.


D'AUTRES MODÈLES? LA QUESTION DE LA VIOLENCE FÉMININE
D'autres figures célebres, incarnant la folie et la violence, impressionnent les artistes et suscitent l'effroi, à une époque où la violence est considérée comme inconciliable avec la nature-féminine. Eugène Delacroix s'intéresse très tôt à Médée, personnage mythologique qui, répudié par son époux Jason, tue leurs deux enfants par vengeance. En 1808, dans sa pièce Faust, le poète allemand Johann Wolfgang von Goethe met lui aussi en scène une femme accusée d'infanticide, Marguerite. Les représentations de la jeune héroïne sont nombreuses dans la production picturale romantique, en particulier chez Ary Scheffer, l'artiste qui vécut dans cette maison.

Cette période hantée par l'héritage révolutionnaire et marquée par l'effacement des femmes de l'espace public ne connait pas de processus d'héroisation de figures féminines politiques: ainsi, les pionnières du féminisme que sont Olympe de Gouges et Théroigne de Méricourt ne sont pas représentées en peinture. L'assassinat de Marat par Charlotte Corday en 1793 divise et fait l'objet de plusieurs tableaux, même si les contemporains s'accordent à dire que la jeune femme est, par ce crime, sortie de son sexe».

La sculptrice royaliste Félicie de Fauveau s'intéresse aux femmes de pouvoir du passé: dans un bas-relief, elle montre Christine de Suède au moment où celle-ci refuse de gracier un de ses écuyers. De nombreux commentaires historiques soulignaient les signes de virilité du caractère de l'impitoyable reine du XVIIe siècle.

LUIGI CALAMATTA (1801-1869)
La Cenci, XIXe siècle
Aquatinte et burin sur papier Paris, musée de la Vie romantique

Beatrice Cenci est une aristocrate romaine du XVIe siècle qui tua son père abusif. Surnommée la "Belle Parricide", elle fut décapitée à l'âge de vingt-deux ans malgré les protestations du peuple et devint un symbole de résistance. Cette histoire tragique inspira des œuvres picturales, littéraires, musicales et dramaturgiques. Le peintre et graveur italien Calamatta propose ici une gravure d'après une huile sur toile attribuée au peintre italien du XVII siècle Guido Reni, qui représente la Cenci avec un visage doux aux traits presque enfantins.

JULIA MARGARET CAMERON (1815-1879)
"Beatrice Cenci"- May Prinsep, 1866

Photographie, tirage sur papier albuminé Paris, maisons de Victor Hugo Paris/Guernesey

ADOLPHE MOUILLERON (1820-1881)
La Liberté, 1830
Lithographie sur papier Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

Cette estampe reprend la célèbre Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix. La scène évoque la révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830 qui vise à faire abdiquer le roi Charles X. La Liberté est personnifiée sous les traits d'une femme du peuple, debout et triomphante sur les barricades. Son bonnet phrygien et le drapeau tricolore qui s'érige dans le ciel sont des symboles de la République. Le drapé "à la grecque" des vêtements, la présentation du profil droit et la posture du personnage central sont inspirés du répertoire antique et de la figure de la Victoire ailée.

JULES MICHELET (1798-187
Les Femmes de la Révolution, 1855
Livre imprimé
Paris, bibliothèque historique de la Ville de Paris

Dans cet ouvrage, l'historien romantique présente les rôles tenus par les femmes au cours de la Révolution de 1789, ainsi que les grandes figures féminines que sont Madame de Staël, Madame Roland, Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt et Charlotte Corday. Son propos n'est pas tant de vanter l'action de ces femmes que d'engager ses contemporaines à soutenir l'entrée de la France dans la guerre de Crimée en acceptant de sacrifier époux et enfants. Michelet écrit d'ailleurs dans sa conclusion: "L'homme donne sa vie et sa sueur. Vous donnez vos enfants"

ARY SCHEFFER (1795-1858), HENRY SCHEFFER (1798-1862)
Mort de Madame Roland, dans Histoire de la Révolution de Thiers (recueil de gravures), XIXe siècle
Eau-forte sur papier Paris, musée de la Vie romantique

ARY SCHEFFER (1795-1858)
Marguerite tenant son enfant mort, vers 1846
Huile sur toile Paris, musée de la Vie romantique

Le drame en vers de l'écrivain allemand Johann Wolfgang von Goethe donne au mythe de Faust un écho considérable en Europe au début du XIXe siècle. Ary Scheffer, le peintre qui vécut dans cette maison, a représenté de nombreuses scènes de la pièce. Dans cette composition de petit format, il dépeint le moment où Faust, entraîné par Méphisto à un sabbat de sorcières, aperçoit le fantôme de sa bien-aimée Marguerite. La jeune femme tient son enfant mort dans les bras. Son regard figé et sa pâleur dans la nuit restituent tout le désespoir de la scène.

HENRY SCHEFFER (1798-1862)
Arrestation de Charlotte Corday, 1830
Huile sur toile
Paris, musée de la Vie romantique

Scheffer représente ici l'arrestation de Charlotte Corday en 1793, après son assassinat du député jacobin Jean-Paul Marat. Vêtue d'une robe claire et d'un bonnet blanc, cette héroïne ambiguë, surnommée l'«ange de l'assassinat » par Alphonse de Lamartine, est figurée impassible au milieu d'une foule belliqueuse de sans-culottes. Probablement inspirée d'une pièce de théâtre de Ducange et Bourgeois jouée à Paris en 1829, cette peinture est l'esquisse préparatoire d'un tableau présenté au Salon de 1831 et actuellement conservé au musée de Grenoble.

EUGÈNE DELACROIX (1798-1863)
Esquisse pour Médée furieuse ou Médée furieuse, avant 1838
Huile sur toile Lille, palais des Beaux-Arts

Cette esquisse peinte du tableau également conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille représente Médée, dont le mythe raconte qu'elle tua ses deux enfants pour se venger de son époux Jason. Delacroix s'intéresse très tôt à ce récit en exploitant ses ressorts dramatiques. Il montre ici l'instant qui précède l'infanticide, Médée tenant un poignard dans sa main et s'apprêtant à commettre son crime. Sa composition pyramidale à la facture libre et vigoureuse confère à cette toile un fort dynamisme, renforcé par des coloris vifs et par les mouvements des vêtements de cette femme « furieuse ».

FÉLICIE DE FAUVEAU (1801-1886)
Christine de Suède refusant la grâce à son écuyer Monaldeschi, 1827
Plâtre teinté
Louviers, musée de Louviers

Ce haut-relief est la première œuvre que la sculptrice présente au Salon en 1827, où elle reçoit un accueil critique très favorable. Alexandre Dumas s'en inspira d'ailleurs pour écrire sa pièce Christine. La scène représente avec de nombreux détails l'implacable reine de Suède refusant la grâce de son plus fidèle écuyer, soupçonné de trahison. L'œuvre de Félicie de Fauveau compte de nombreuses reines, saintes ou héroïnes qui sont montrées fortes et agissantes. Il illustre aussi le goût de l'artiste contre-révolutionnaire pour une culture chevaleresque et un ordre monarchique disparus et regrettés.


HÉROÏNES DE FICTION
Le genre du roman, en plein essor au XIX siècle, contribue à la diffusion de l'héroïne de fiction, ce personnage principal du récit auquel on s'identifie. Francois-René de Chateaubriand, Victor Hugo, Germaine de Staël, Sophie Cottin ou George Sand inventent des figures féminines de premier plan dans leurs écrits, parmi lesquelles Atala, Esmeralda, Corinne, Mathilde ou encore Lélia. Certaines d'entre elles, comme Atala ou Velléda, acquièrent une telle célébrité qu'elles sont ensuite représentées en peinture, notamment par Anne-Louis Girodet et Léon Cogniet, ou en sculpture par Hippolyte Maindron.

Dans les années 1820, le théâtre de William Shakespeare connaît en France une renommée tardive mais retentissante. Les héroïnes du dramaturge anglais deviennent des figures majeures du romantisme, représentées dans les œuvres aux moments les plus tragiques des pièces: la mort d'Ophélie, la folie de Lady Macbeth, Desdémone étouffée par son amant, Juliette semblant morte dans les bras de Roméo.

Ces héroïnes de fiction expriment l'impossible conciliation entre un ordre social établi et la liberté de vivre leurs passions. En 1857, Gustave Flaubert fait d'Emma Bovary une femme imprégnée de ces lectures romantiques, qui se rêve elle aussi en héroïne amoureuse, jusqu'à en mourir.

JULES ROBERT AUGUSTE (1789-1850)
Othello et Desdémone, 1re moitié du XIXe siècle
Huile sur papier collé sur carton Paris, musée du Louvre

Grand voyageur, Auguste compte parmi les premiers peintres orientalistes. Cette œuvre inspirée de la pièce Othello de William Shakespeare porte la marque picturale de cet orientalisme, illustrée par le turban et les draperies des personnages, mais aussi par les dominantes vertes, rouges et orangées. Si la composition figure l'amour qui unit les deux amants, la violence est déjà sous-jacente. L'imposante carrure d'Othello occupe une grande partie de l'œuvre et domine la frêle Desdémone, tenue fermement par son amant.

EUGÈNE DELACROIX (1798-1863)
Desdémone maudite par son père, 1852 (?)
Huile sur toile Reims, musée des Beaux-Arts

Dans le drame shakespearien Othello, Desdémone s'oppose à son père par amour pour Othello. Delacroix, considéré dans la presse de l'époque comme « le fils le plus légitime de Shakespeare », illustre cette scène de sa touche vibrante. L'œuvre est recentrée sur les personnages et traversée de deux lignes contraires formant un triangle qui rend la composition dynamique. Le père, debout et tout puissant dans son vêtement rouge, repousse sa fille. Desdémone, à genoux devant lui, porte une robe sombre qui laisse présager son destin funeste.

THÉODORE CHASSÉRIAU (1819-1856)
O!0!0! pour Othello, planche 1,
Eau-forte sur papier Paris, musée national Eugène-Delacroix

Dans cette estampe appartenant à la série d'eaux fortes consacrées à la pièce Othello de William Shakespeare, Chassériau représente la scène qui suit la mort de Desdémone, étouffée par son amant. Pétri de remords, Othello est agenouillé au sol et pleure la femme qu'il vient d'assassiner, représentée le corps abandonné sur le lit, dans une robe blanche évoquant la pureté. À l'arrière plan, Emilia, la servante de Desdémone, annonce au meurtrier qu'il vient de « tuer la plus adorable innocente qui ait jamais levé les yeux au ciel ». Cette série répond à la suite lithographique que Delacroix consacre à Hamlet entre 1834 et 1843.

CHARLES-LOUIS MÜLLER
 (1815-1892)
 Lady Macbeth, début du XIXe siècle
Huile sur toile Ajaccio, Palais Fesch - musée des Beaux-Arts

Le peintre français Charles Müller, connu pour son attention portée aux expressions des personnages, trouve en Lady Macbeth un sujet de choix. Il représente l'héroïne sous les traits de la comédienne Rachel, les cheveux défaits et en mouvement, toute de blanc vêtue. Son tourment est restitué avec brio, notamment dans le traitement de ses mains crispées. Elle « s'est détruite de ses propres mains » : c'est en ces termes que William Shakespeare évoque dans sa pièce Macbeth l'épisode dans lequel l'héroïne sombre dans la folie, rongée par les remords d'un assassinat dont elle est l'instigatrice.

EUGÈNE DELACROIX (1798-1863)
Roméo et Juliette au tombeau des Capulet, vers 1850
Huile sur papier marouflé sur toile Paris, musée national Eugène-Delacroix

Dans cette œuvre de petit format, Delacroix représente le moment où Roméo tient dans ses bras le corps inanimé de Juliette qu'il croit morte, juste avant qu'il ne se tue de désespoir et que la jeune femme ne se réveille et se suicide à son tour. Dans la pénombre, Juliette apparaît, recouverte d'un voile d'une blancheur spectrale pareil à un linceul et qui semble échapper des mains de Roméo. Le peintre parvient à restituer toute l'intensité dramatique de cette scène 3 du cinquième acte de la pièce Roméo et Juliette de William Shakespeare.

LÉOPOLD BURTHE (1823-1860)
Ophélia, 1852
Huile sur toile Poitiers, musées de Poitiers

Burthe montre ici la mort d'Ophélie, inspirée de la pièce Hamlet de William Shakespeare. Délaissée par son amant, Ophélie sombre dans la folie et meurt près d'un ruisseau dans la scène 7 de l'acte IV. L'héroïne est figurée entourée d'une nature en fleurs, se retenant à la branche d'un saule dans une dernière hésitation avant la mort. Alors qu'une partie de sa robe est déjà immergée, son visage est serein. En représentant la beauté d'Ophélie dans la mort, le peintre franco américain illustre le motif de la « belle défunte»>. Le poète Edgar Allan Poe écrivait en 1856 que

EDME ALEXIS ALFRED DEHODENCO (1822-1882)
Virginie trouvée morte sur la plage, vers 1849
Pierre noire, craie blanche et pastel sur papier Beauvais, musée départemental de l'Oise

Le roman d'amour Paul et Virginie écrit en 1788 par Jacques-Henri Bernardin de Saint-Pierre connaît dès sa publication un écho retentissant. La fin tragique de l'héroïne, morte dans un naufrage, inspire une iconographie abondante au XIX siècle. Dehodenco crée une composition resserrée sur la découverte du cadavre de Virginie. L'arrière-plan très sombre de l'œuvre contraste avec la lumière concentrée sur le corps diaphane de l'héroïne et le drapé de sa robe. L'auteur du roman écrivait: "[...] la sérénité était encore sur son front: seulement les påles violettes de la mort se confondaient sur ses joues avec les roses de la pudeur."

CÉLESTIN NANTEUIL (1813-1873) d'après ANTOINE ÉTEX
La Gitana, vers 1851
Lithographie sur papier Paris, maisons de Victor Hugo Paris/Guernesey

Publiée dans la revue L'Artiste, cette estampe représente Esmeralda de Notre-Dame de Paris. La jeune bohémienne du roman de Victor Hugo est aisément identifiable, avec son tambourin à la main, sa robe relevée découvrant ses chevilles et sa chèvre Djali à ses côtés. Nanteuil restitue la beauté de l'héroïne décrite par Hugo dans son texte: « Elle n'était pas grande, mais elle le semblait, tant sa fine taille s'élançait hardiment. Elle était brune, mais on devinait que le jour sa peau devait avoir ce beau reflet doré des Andalouses et des Romaines. »

PIERRE-JÉRÔME LORDON (1780-1838) La Communion d'Atala, 1808
Huile sur toile
Paris, musée de la Vie romantique

Atala ou les Amours de deux sauvages dans le désert est un court roman de François-René de Chateaubriand publié en 1801, dans lequel une jeune Indienne convertie au christianisme préfère mettre fin à ses jours en s'empoisonnant plutôt que de succomber à sa passion amoureuse. Ce récit connaît un écho retentissant et de nombreux artistes romantiques s'emparent du sujet de la mort d'Atala. Lordon représente ici l'instant où la jeune femme, quelques minutes avant de s'éteindre, reçoit la communion de l'ermite Aubry, pendant que Chactas, l'homme qu'elle aime, est dévasté par la douleur. Le peintre retranscrit l'intense émotion dramatique du texte dans cette scène de crépuscule lunaire.

ANNE-LOUIS GIRODET-TRIOSON (1767-1824)
Atala, vers 1808
Huile sur toile
Département des Hauts-de-Seine/Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups - Maison de Chateaubriand

Cette peinture représentant la tête et le buste d'Atala soutenus par le père Aubry est un détail du célèbre tableau du même peintre Atala au tombeau, présenté au Salon de 1808 et désormais conservé au musée du Louvre. Le visage d'Atala est calme, apaisé et baigné d'une lumière presque surnaturelle. Son buste est couvert d'un drap blanc laissant deviner son corps, tandis qu'à l'arrière-plan la croix rappelle sa religion chrétienne. L'œuvre illustre le combat entre l'amour terrestre et l'amour divin qui sous-tend toute l'intrigue du roman de Chateaubriand et qui se termine par le suicide d'Atala.

HIPPOLYTE MAINDRON (1801-1884)
Velleda, vers 1838
Bronze
Département des Hauts-de-Seine / Domaine départemental de la Vallée-aux-Loups - Maison de Chateaubriand

Maindron expose au Salon de 1839 une Velléda en plâtre qui connaît un grand succès et dont ce petit bronze est une reproduction. Le sculpteur s'est inspiré du texte de Chateaubriand: «Sa taille était haute; une tunique noire, courte et sans manches, servait à peine de voile à sa nudité. Elle portait une faucille d'or suspendue à une ceinture d'airain, et elle était couronnée d'une branche de chêne. » Adossée à un tronc d'arbre avec sa lyre dans le dos, Velléda est représentée en guerrière, dans une attitude songeuse soulignée par la main posée sous son menton.

EUGÈNE DELACROIX (1798-1863)
Portrait de George Sand en costume d'homme, 1834
Huile sur toile Paris, musée national Eugène-Delacroix

En 1834, François Buloz, éditeur de la Revue des deux mondes, commande à Delacroix un portrait de George Sand pour illustrer l'un des articles de celle-ci dans la revue littéraire. La romancière se rend chez le peintre alors qu'elle est dévastée par le chagrin à la suite de sa rupture avec le poète Alfred de Musset. Delacroix la montre souffrante, les cheveux courts et les traits creusés, habillée comme à son habitude en costume d'homme. Cette séance de pose scelle une amitié durable entre les deux artistes, qui échangeront toute leur vie durant.

EUGÈNE DELACROIX (1798-1863)
La Dernière scène de Lélia de George Sand, XIXe siècle
Pastel sur papier Paris, musée de la Vie romantique

Delacroix offre ce pastel à George Sand en 1852. Son sujet est tiré de l'une des dernières scènes du roman Lélia de celle-ci, paru en 1833.
Il représente le moine Magnus découvrant Lélia devant le corps du jeune Sténio qui vient de se suicider, transi d'amour pour elle. Le peintre a fidèlement respecté le récit de l'écrivaine en donnant à la scène un effet dramatique. Le petit format du pastel, la grande taille des personnages par rapport au paysage et la composition en diagonale renforcent l'impression de désolation et de tristesse.

ROSALIE CARON (1791-1860)
Mathilde et Malek-Adhel au tombeau de Montmorency, 1814
Huile sur toile Bourg-en-Bresse, musée du monastère royal de Brou

Rosalie Caron est une des représentantes de la peinture de style troubadour, appellation qui rassemble de petites scènes de genre anecdotiques et sentimentales souvent inspirées de sujets médiévaux. L'artiste illustre ici le roman de l'écrivaine Sophie Cottin Mathilde, ou Mémoires tirés de l'histoire des Croisades, dont l'intrigue repose sur un amour impossible. L'œuvre figure la rencontre secrète et interdite de Mathilde et de son amant Malek dans un décor gothique. L'héroïne est vêtue de blanc, symbole de sa pureté, tandis que Malek porte un costume oriental.

MARIE-VICTOIRE JAQUOTOT
 (1772-1855)
Corinne au cap Misène (d'après François Gérard), 1825
Peinture sur porcelaine
Sèvres, manufacture et musées nationaux de Sèvres, dépôt du musée du Louvre

Nommée peintre sur porcelaine du roi en 1822, Marie-Victoire Jaquotot se spécialise en copie d'œuvres anciennes et modernes. Elle s'inspire ici du tableau de François Gérard intitulé Corinne au cap Misène, en recentrant la composition sur son héroïne. La peinture sur porcelaine nécessite une grande maîtrise des techniques de cuisson, qui changent la gamme chromatique de l'œuvre.

CHARLES DE STEUBEN (1788-1856)
La Liseuse, 1829
Huile sur toile Nantes, musée d'arts de Nantes

Connu pour ses peintures d'histoire, Steuben propose avec cette scène de genre le portrait intimiste d'une femme en train de lire. Vêtu d'une robe de style Empire aux manches volumineuses et coiffé selon les codes bourgeois de l'époque, la tête appuyée contre son bras, le modèle est plongé dans les rêveries que lui inspire l'ouvrage posé sur ses genoux. Le peintre fait référence ici à l'essor du roman au XIXe siècle et au développement de la pratique de la lecture qui permettent aux lectrices l'identification aux héroïnes de fiction.

LÉON COGNIET (1794-1880)
Velléda dans la tempête (esquisse), vers 1830-1835
Huile sur toile Orléans, musée des Beaux-Arts

Chateaubriand fait de la prêtresse germanique Velléda l'héroïne de son épopée en prose Les Martyrs publiée en 1809. Dans cette esquisse très aboutie, Cogniet illustre fidèlement le moment où l'héroïne apparaît à Eudore, l'homme qu'elle aime. La tête ceinte d'une couronne de verveine, Velléda se détache de la tempête par la «blancheur de ses bras et de son teint, ses yeux bleus, ses lèvres de rose, ses longs cheveux [...] avec sa démarche fière et sauvage ». Les éléments déchaînés à l'arrière-plan de la composition forment un environnement surnaturel propice à l'apparition de l'héroïne.

HÉROÏNES EN SCÈNE

À une époque où le théâtre, le ballet et l'opéra attirent un public nombreux, la scène devient un espace de diffusion des héroïnes romantiques. Celles-ci sont incarnées par des interprètes adulées comme Mademoiselle Mars, Mademoiselle Rachel, Giuditta Pasta, Maria Malibran ou encore Marie Taglioni. Devenant de véritables icônes, ces femmes sont représentées par les artistes dans leurs rôles les plus fameux.

Au théâtre, la comédienne irlandaise Harriet Smithson contribue à la renommée des héroïnes shakespeariennes, tandis que Mademoiselle Rachel, célèbre pour ses rôles de tragédienne, notamment celui de Phèdre, joue aussi dans des drames romantiques, telle la pièce Cléopâtre de Delphine de Girardin.

La figure de la sylphide, inspirée de légendes celtes et germaniques, apparait dans le monde de la danse. Élancée, jeune et d'une beauté gracieuse, elle symbolise sur scène l'idéal d'une femme immatérielle. Les danseuses Marie Taglioni, Fanny Elssler et Carlotta Grisi, vêtues de vaporeux tutus blancs et chaussées de pointes, diffusent une nouvelle manière de danser, caractéristique du ballet romantique.

Les opéras romantiques mettent en scène des héroïnes sacrifiées qui ne survivent presque jamais aux héros. C'est le cas de la célèbre Desdémone dans l'Otello de Gioachino Rossini, interprétée par les deux cantatrices Maria Malibran et Giuditta Pasta, et peinte par François Bouchot, Henri Decaisne et François Gérard. Véritable apothéose musicale et émotionnelle des opéras, la mort de l'héroïne témoigne de sentiments passionnés et désespérés propres au romantisme.

FRÉDÉRIQUE O'CONNELL 
(1823-1885) Rachel dans le rôle de Phèdre, vers 1850
Huile sur bois Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

Cette peintre prussienne a réalisé de nombreux portraits de la comédienne Rachel. L'actrice de la Comédie-Française est ici représentée dans son rôle le plus célèbre, celui de l'héroïne Phèdre dans la tragédie de Jean Racine. Vêtue d'un costume aux couleurs vives contrastant avec sa peau très pâle, une main repliée sur le cœur et le visage rongé par les tourments, Rachel incarne dans ce tableau une interprétation hors norme du personnage qui marque ses contemporains. Plus connue pour ses rôles de tragédienne, Rachel inspire pourtant fortement les romantiques, tels que Théophile Gautier ou Théodore Chassériau.

AUGUSTE CLÉSINGER (1814-1883)
Rachel dans le rôle de Phèdre, vers 1850 Marbre
Paris, collection Patrice Benadon

Rachel représente un modèle idéal pour évoquer la puissance de la passion à laquelle les romantiques donnent une place importante. Ses gestes, sa voix et sa transfiguration leur offrent une source fascinante d'inspiration. Phèdre qu'elle interprète pour la première fois en 1843 à l'âge de vingt deux ans devient l'une de ses incarnations les plus admirées. De Dantan à Gérôme, de Dubuffe à Clésinger, bustes, tableaux, lithographies et photographies multiplient son image comme symbole de la tragédie classique. Ce buste réalisé par Clésinger et présenté au Salon de 1850 montre la tragédienne le visage soucieux comme habité par le drame.

FRANCIS-ANTOINE CONSCIENCE, dit FRANCIS (1795-1840)
Kemble et Miss Smithson dans Roméo et Juliette, 1827
Lithographie sur papier Paris, bibliothèque nationale de France

Charles Kemble et Harriet Smithson éblouissent les spectateurs parisiens dans les représentations de Roméo et Juliette données en 1827 à Paris. Eugène Delacroix écrit à ce propos: «Les anglais ont ouvert leur théâtre. Ils font des prodiges puisqu'ils peuplent la salle de l'Odéon à en faire trembler tous les pavés du quartier sous les roues des équipages. » Dans cette lithographie, les deux acteurs sont représentés à l'instant le plus tragique de la pièce: Juliette, ne touchant plus le sol, a l'apparence d'une morte, tandis que Roméo, dont le visage est empli d'effroi, la tient dans ses bras.

MANUFACTURE DARTE
Vase au portrait d'Harriet Smithson, vers 1828
Porcelaine polychrome Paris, musée de la Vie romantique

L'actrice irlandaise Harriet Smithson connaît une renommée éclatante en France grâce à son interprétation des héroïnes shakespeariennes Juliette et Ophélie. Son jeu réaliste, qui en fait la muse tragique du théâtre de William Shakespeare, rencontre un écho immense auprès des artistes romantiques, des peintres aux musiciens. Elle inspire notamment au compositeur Hector Berlioz, qui deviendra son époux, sa Symphonie fantastique, ou encore la ballade La Mort d'Ophélie. Comptant parmi les plus talentueux porcelainiers parisiens sous la Restauration, la famille Darte contribue à la diffusion dans les arts décoratifs des portraits des icônes contemporaines.

ÉLÉONORE GODEFROID (1778-1849)
Mademoiselle Mars (1779-1847), 1830
Pierre noire et gouache sur papier Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

Mademoiselle Mars est une actrice de la Comédie-Française qui joue des pièces d'un nouveau genre, les drames romantiques. Elle interprète notamment le rôle de Desdémone au théâtre, dans la pièce Othello d'Alfred de Vigny d'après William Shakespeare. Ce dessin représente l'actrice en buste de trois-quarts droit, parée de bijoux et en costume moscovite. Il est très proche d'un tableau de François Gérard, dont la peintre portraitiste était la collaboratrice.

ALFRED EDWARD CHALON 
(1780-1860)
Marie Taglioni dans La Sylphide, planche 6 du recueil Souvenir d'adieu de Marie Taglioni, 1845
Lithographie sur papier
Paris, musée Carnavalet- Histoire de Paris

ALFRED EDWARD CHALON
 (1780-1860)
Marie Taglioni dans La Sylphide, planche 2 du recueil Souvenir d'adieu de Marie Taglioni, 1845
Lithographie sur papier Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

"Marie Taglioni était plus qu'une danseuse, la plus parfaite qui ait paru sur les planches de l'Opéra [...] elle était la danse elle-même." C'est ainsi qu'est définie celle qui reste à jamais identifiée comme la Sylphide. Le recueil de Chalon dont est extraite cette planche montre la danseuse dans ses poses les plus caractéristiques. Cette suite lithographique -l'une des plus célèbres de l'époque romantique a contribué à perpétuer le mythe de la ballerine.

ACHILLE DEVÉRIA (1800-1857)
Fanny Elssler dansant la cachucha dans Le Diable boiteux, 
entre 1831 et 1839
Lithographie coloriée sur papier Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

D'abord danseuse étoile à Vienne et à Londres, Fanny Elssler est engagée à l'Opéra de Paris en 1834. Son interprétation de la cachucha dans un nouveau ballet, Le Diable boiteux, en 1836, est une révélation. De même que Marie Taglioni incarne parfaitement la Sylphide, Fanny Elssler devient la cachucha personnifiée.

EUGÈNE LEJEUNE (1818-1894)
Les Trois Grâces. Marie Taglioni, Fanny Elssler et Carlotta Grisi, 1844
Lithographie coloriée sur papier Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

Cette célèbre planche montre les trois plus illustres ballerines de l'époque romantique réunies et portant les costumes de leurs rôles. Marie Taglioni est représentée en Sylphide, Fanny Elssler dans la cachucha et Carlotta Grisi dans la tenue de Diane chasseresse et non dans l'attendue Giselle.

RUPP (éditeur) Giselle, 1849
Lithographie sur papier Paris, bibliothèque nationale de France

La lithographie est un moyen de reproduction très apprécié au XIXe siècle, particulièrement utilisé pour diffuser les images du théâtre, de l'opéra et du ballet. Ici, Giselle danse pour Albrecht, tous deux étant encadrés par deux Willis, des fantômes dansants. Cette scène illustre sans doute la fin du récit, lorsque les Willis, désireuses de venger Giselle, font danser Albrecht jusqu'à l'aube. La tombe de Giselle est, en effet, visible au premier plan. Le décor champêtre évoque l'attachement des artistes romantiques à la nature, parfois vue comme un reflet de l'âme, de même que les Willis, figures centrales dans l'histoire de Giselle, sont à l'image de leur goût pour le monde surnaturel et les créatures légendaires.

CÉLESTIN NANTEUIL (1813-1873)
Giselle ou les Wilis.
Mélodie tirée du ballet de Giselle, 1841
Lithographie sur papier Paris, bibliothèque nationale de France

EUGENE LAMI (1800-1890) (dessinateur) MICHEL FRESNAY (1931-2016) (créateur)
Costume d'après les dessins d'Eugène Lami, porté par Ghislaine Thesmar dans le rôle-titre de La Sylphide, ballet en 2 actes d'après Filippo Taglioni, repris et chorégraphié par Pierre Lacotte. Musique de Jean Schneitzhoeffer, 1972
Tulle, soie, taffetas, plumes de paon Moulins, centre national du costume de scène, don de Pierre Lacotte et Ghislaine Thesmar

Ce costume est créé par Michel Fresnay d'après des dessins d'Eugène Lami pour Ghislaine Thesmar qui interprète le rôle-titre de La Sylphide en 1972. Pierre Lacotte mène de longues recherches pour réintégrer ce ballet au répertoire de l'Opéra de Paris. Il souhaite être fidèle à la mise en scène originelle de 1832, en reprenant les décors et le placement du corps de ballet. Le costume de la sylphide reprend également celui de 1832: le tutu romantique, garni de fleurs artificielles roses et de perles ivoire. Les ailes, élément caractéristique de la sylphide, sont en plumes de paon. Les matières et les couleurs employées permettent de retrouver l'essence du personnage: une figure éthérée, symbole de beauté et de légèreté.

GABRIEL LÉPAULLE (1804-1886)
Marie Taglioni et son frère Paul dans le ballet La Sylphide, 1834
Huile sur toile
Paris, musée des Arts décoratifs

Marie Taglioni est l'une des personnalités incontournables du ballet romantique. Arrivée à Paris en 1827, elle est promue première danseuse à l'Opéra en 1831. C'est dans le rôle-titre de La Sylphide qu'elle triomphe. Ce ballet est créé pour elle par son père, Filippo Taglioni, sur un livret d'Adolphe Nourrit et une musique de Jean Schneitzhoeffer. Paul, le frère cadet de Marie, lui aussi danseur et chorégraphe, demeure son partenaire de danse jusqu'en 1829. Dans ce tableau, Marie est identifiable aux ailes de la Sylphide, tandis que Paul est vêtu du traditionnel tartan écossais. Bien que cette œuvre le laisse penser, Paul n'interpréta jamais le rôle de James.

JEAN AUGUSTE BARRE (1811-1896)
La Bayadère Amany, 1838
Bronze
Paris, musée de la Vie romantique

JEAN AUGUSTE BARRE (1811-1896)
Marie Taglioni dans le ballet La Sylphide, 1837
Bronze patiné

et

Fanny Elssler dansant la cachucha dans Le Diable boiteux, 1837
Bronze
Paris, musée des Arts décoratifs

Dans l'immense production de statuettes en bronze ou en plåtre destinées à orner cheminées et guéridons qui se développe sous la monarchie de Juillet, les représentations d'artistes aimés du public dans leurs rôles favoris occupent une place de choix. Les plus célèbres et les plus prisées de ces statuettes sont celles de Barre. Le sculpteur immortalise les poses caractéristiques des danseuses et les rôles emblématiques de leur répertoire. Ainsi, Marie Taglioni, dans le rôle-titre de La Sylphide, perfectionne sa technique de pointe et développe un style aérien, typique du ballet romantique, tandis que dans Le Diable boiteux Fanny Elssler exécute, en s'accompagnant de castagnettes, la cachucha, une danse espagnole qui connait alors un grand succès public.

FRANÇOIS GÉRARD (1770-1837)
Giuditta Pasta (1797-1865), chanteuse, rôle de Desdémone dans Otello de Rossini, vers 1825
Huile sur toile
Paris, musée Carnavalet - Histoire de Paris

Après des débuts à Milan en 1815, la chanteuse Giuditta Pasta s'impose sur toutes les scènes italiennes avant de triompher à Paris ou à Londres. Elle se distingue d'abord dans les premiers rôles de la plus belle époque de Rossini en interprétant le rôle de Desdémone en 1821 au Théâtre-Italien. S'imposant rapidement par son jeu dramatique, elle est adulée par le public et par les mélomanes, et devient l'une des premières divas dont George Sand s'est inspirée pour son roman Consuelo (1854).

MANUFACTURE DARTE
Vase au portrait d'Henriette Sontag, vers 1828
Porcelaine polychrome Paris, musée de la Vie romantique

Henriette Sontag (1806-1854) est une cantatrice franco-allemande dont la voix et la technique sont unanimement reconnues par les critiques de l'époque, qui se montrent moins élogieux pour son interprétation. Elle renonce à la scène à l'âge de vingt-cinq ans, avant d'y revenir en 1844 pour des tournées internationales. Son portrait est choisi pour orner un vase de la manufacture Darte aux côtés d'autres icônes féminines de l'époque, dont la comédienne Harriet Smithson ou la chanteuse Maria Malibran.

HENRI DECAISNE (1799-1852)
Maria Malibran dans le rôle de Desdémone, 1830
Huile sur toile
Paris, musée Carnavalet-Histoire de Paris

Sans doute la plus célèbre chanteuse de l'histoire de l'opéra, Maria Malibran, qui a appris le chant sous la conduite de son père, le célèbre ténor Manuel Garcia, débute à New York au cours d'une tournée organisée par ce dernier. Elle est remarquée pour son extraordinaire don dramatique ainsi que pour l'exceptionnelle amplitude de sa voix. Elle interprète souvent le rôle de Desdémone dans l'Otello de Rossini. Decaisne la représente ici au moment du coucher fatal de l'héroine dans l'acte II. Elle a l'air pensif, les yeux brillants de larmes, comme perdue, tandis que le ciel menaçant au fond du tableau semble annoncer le drame à venir.

FRANÇOIS BOUCHOT (1800-1842)
Portrait de la Malibran dans le rôle de Desdémone dans Otello de Rossini, 1831
Huile sur toile
Paris, musée de la Vie romantique, dépôt du musée du Louvre

Bouchot exécute ce portrait de la célèbre chanteuse lyrique Maria Malibran alors qu'elle n'a que vingt-trois ans. Elle est représentée dans un de ses plus grands rôles, celui de Desdémone dans l'opéra Otello de Gioachino Rossini, librement inspiré de la pièce du même nom de William Shakespeare. Le peintre la montre les cheveux défaits et la chemise à demi ouverte, saisissant l'instant d'avant le drame, son étranglement par son époux Othello.

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