jeudi 3 mars 2022

Le décor impressionniste au musée de l'Orangerie en mars 2022

Superbe exposition !
En voici la présentation et l'essentiel des tableaux :

Tout au long de leur carrière, les impressionnistes ont peint des décorations - œuvres de nature et de statut variés, visant à créer un effet harmonieux au sein d'un espace domestique. Commandes de clients ou expérimentations libres sur des formats et supports divers du décor mural à l'éventail ou - l'assiette -, ces œuvres démontrent l'intérêt soutenu des impressionnistes pour la décoration et leur inventivité dans ce domaine.

Explorant un pan méconnu de l'impressionnisme, cette exposition rassemble pour la première fois une sélection d'œuvres ornementales exécutées par ces artistes : de leurs travaux de jeunesse au plus ambitieux de tous les décors impressionnistes, les Nymphéas, «grande décoration » de Monet installée dans ce bâtiment depuis près d'un siècle, et qui clôt ce parcours.

Scènes de la vie moderne, paysages lumineux, jardins fleuris ou encore complexes réinterprétations de modèles anciens, ces peintures et objets décoratifs nous invitent à enrichir et renouveler notre regard sur l'impressionnisme.

PIERRE AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
Le Clown musical
Probable décoration pour le café du Cirque Napoléon (aujourd'hui Cirque d'Hiver) à Paris
1868
Huile sur toile

Dans les années 1860, le jeune Renoir aurait réalisé une vingtaine de décors pour des cafés parisiens. Il rêvait de « transformer des murs entiers en Olympe », dira son fils Jean. Ce portrait du clown James Bollinger Mazutreek aurait été commandé par le patron du café du Cirque d'Hiver, où se produit alors cet artiste célèbre. L'exécution large et simplifiée, les coloris vifs, en font une image forte, captant l'attention même vue de loin, à la manière d'une enseigne ou d'une affiche. Cette peinture décorative est un des premiers chefs-d'oeuvre de Renoir.
 

"PEINTURES IDIOTES"
Dès la fin des années 1850, Renoir, Monet ou encore Pissarro exécutent leurs premières œuvres décoratives. Ce sont des commandes souvent amicales ou familiales, des expédients alimentaires caractéristiques des années de formation des artistes à l'époque. Ces « peintures idiotes, [ces] dessus de portes, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires », chantés par Rimbaud, incorporent un nouveau langage pictural, plus réaliste et aux couleurs franches. Les futurs impressionnistes explorent la thématique florale, traditionnelle dans les décors des demeures privées. Avec le paysage, Pissarro et Monet introduisent dans la peinture décorative le plein air et les tons clairs. Ces panneaux se distinguent du reste de leur production par leurs formats, oblongs ou carrés. De son côté, le jeune Cézanne couvre les murs du salon de la maison familiale près d'Aix-en-Provence : l'ensemble, puissant et expressif, reste une expérience singulière.

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Fleurs de printemps
1864
Huile sur toile
Cleveland, The Cleveland Museum of Art, don du Hanna Fund en 1953

ÉDOUARD MANET
(1832-1883)
Vase de pivoines sur piédouche 1864
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, donation Étienne Moreau-Nélaton en 1906

PIERRE AUGUSTE RENOIR
(1841 - 1919)
Nature morte: Fleurs, dit aussi Fleurs dans la serre
1864
Huile sur toile
Hambourg, Hamburger Kunsthalle

PAUL CÉZANNE
(1839-1906)
Dahlias dans un grand vase de Delft
Vers 1873 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, legs Isaac de Comando en 1911
Avec ses couleurs éclatantes appliquées en touches larges et vigoureuses, ce bouquet est caractéristique du travail de Cézanne au début des années 1870. Ce sont peut-être les qualités intrinsèquement décoratives de ces dahlias qui valurent au tableau d'être sélectionné pour être tissé à la manufacture des Gobelins en 1923-1924. Ce choix est significatif: on considère alors que le renouveau de la tapisserie passe par une attention portée à la nature. Les oeuvres de Cézanne étaient en outre souvent rapprochées des tapis d'Orient ou des céramiques provençales pour leurs couleurs riches et chatoyantes.

CAMILLE PISSARRO (1830-1903)
Vaches s'abreuvant dans l'étang de Montfoucault, automne
Décoration pour la salle à manger de la maison d'Alfred Nunès, cousin de l'artiste, à Yport
1875
Huile sur toile

Alfred Nunès, cousin de Pissarro, fait appel au peintre pour qu'il décore la salle à manger de sa maison à Yport, en Normandie. Il lui demande de « sais[ir] deux effets différents de la nature - soit, par exemple, un printemps et un automne ». Ces pendants d'une taille imposante - et imposée - s'inspirent d'études qu'il peint quelques mois plus tôt à Montfoucault (Mayenne). « Je me lance timidement dans cette branche de l'art », écrit-il. Pourtant, avec leurs habiles effets de lumière scintillante, ces oeuvres témoignent déjà de son aisance à transformer ses motifs en compositions décoratives. Ces deux panneaux sont exposés ensemble en France pour la première fois depuis 1930.

CAMILLE PISSARRO (1830-1903)
L'Étang de Montfoucault en hiver, effet de neige
Décoration pour la salle à manger de la maison d'Alfred Nunès, cousin de l'artiste, à Yport
1875
Huile sur toile

CLAUDE MONET
(1840-1926)
L'Aiguille vue à travers la porte d'Amont
Décoration sur porte d'armoire pour la salle à manger de l'Hostellerie des Vieux-Plats (auberge Aubourg) à Gonneville-la-Mallet
1885-1886
Huile sur bois
Texas, collection particulière

ARMAND GUILLAUMIN
(1841-1927)
Pissarro peignant un store
Vers 1868
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, en dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges, acquis en 1950

CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)
Les Quatre Saisons Dessus-de-porte probablement pour la salle à manger
de la maison de Gustave Arosa, 14 rue du Calvaire à Saint-Cloud
Huiles sur toile
Le Printemps
L'Été 
L'Hiver à Louveciennes
L'Automne
 1872-1873
Ces quatre panneaux forment le premier ensemble décoratif réalisé par Pissarro, et certainement le plus ambitieux. Il répond vraisemblablement à la commande de Gustave Arosa (ou de son frère Achille, lui aussi homme d'affaires et grand amateur de peinture moderne), pour sa maison à Saint-Cloud. Avec ces vues saisissant des motifs varies à différents moments de l'année-les toits de Louveciennes, les champs de Pontoise Pissarro renouvelle, par un traitement deja impressionniste, le sujet traditionnel et eminemment décoratif du cycle des saisons Le format panoramique confère à ces paysages une impression d'ampleur renforcée por leur remarquable luminosité.

CLAUDE MONET
(1840-1926)
L'Aiguille vue à travers la porte d'Aval
Décoration sur porte d'armoire pour la salle à manger de l'Hostellerie des Vieux-Plats (auberge Aubourg) à Gonneville-la-Mallet
1885-1886
Huile sur bois

Lors d'un séjour dans cette auberge normande en décembre 1885, Monet exécute sur un support insolite - des portes d'armoire - deux vues des toutes proches falaises d'Étretat. Les trouées formées par la roche font écho aux courbes et ondulations du panneau lui-même. Ces marines rejoignent d'autres fragments de meubles ou panneaux peints à l'auberge par des artistes de passage. Tous contribuaient à son décor composite, au charme hétéroclite, élaboré au fil des années. La présentation de ces panneaux a été modifiée au xxeme siècle: l'un rendu rectangulaire et l'autre doté d'un cadre récent.

PAUL CÉZANNE
(1839-1906)
Le Christ aux Limbes, copie d'après Sebastiano del Piombo
Décoration pour le grand salon du Jas de Bouffan, propriété des parents de l'artiste à Aix
Vers 1869
Huile sur plâtre transposée sur toile

Sept ans environ après les Quatre Saisons, Cézanne poursuit la décoration des murs du Jas de Bouffan, usant d'un style bien différent, avec une touche grasse et une palette sombre. Images de pénitence et de rédemption, ces deux figures religieuses empruntent autant à l'imagerie populaire qu'à l'histoire de l'art (le Christ est inspiré d'une œuvre aujourd'hui attribuée au peintre italien Sebastiano del Piombo, 1485-1547). Malgré leur différence d'échelle, elles faisaient partie d'une seule composition plus vaste. Ces peintures resteront en place sur les murs du salon pendant près d'un demi-siècle.

PAUL CÉZANNE
(1839-1906)
La Madeleine, dit aussi La Douleur
Décoration pour le grand salon du Jas de Bouffan, propriété des parents de l'artiste à Aix
Vers 1869
Huile sur plâtre transposée sur toile
Paris, musée d'Orsay, acquis sur les fonds d'une donation anonyme canadienne en 1952

PAUL CÉZANNE
(1839-1906)
Les Quatre Saisons : Le Printemps; L'Été ; L'Hiver ; L'Automne
Décoration pour le grand salon du Jas de Bouffan, propriété des parents de l'artiste à Aix
Vers 1860-1861
Huile sur plâtre transposée sur toile

En 1860, le jeune Cézanne, encore étudiant en droit à Aix mais bien résolu à devenir artiste, se lance dans l'exécution de peintures décoratives pour les murs du salon de la maison familiale récemment acquise par son père. Dans cette vaste pièce désaffectée qui lui sert également d'atelier, il peint un cycle allégorique des saisons ornant une alcôve à fond plat. Signées « Ingres» en un hommage distancié au maître, ces quatre grandes figures oux proportions imparfaites témoignent de l'ambition de Cézanne qui se mesure ici, non sans ironie, au défi de la peinture décorative. Quelques années plus tard, le peintre exécutera dans cette alcôve un portrait de son père, peint dans une tout autre manière.

PAUL CÉZANNE
(1839-1906)
Portrait de Louis Auguste Cézanne, père de l'artiste
Décoration pour le grand salon du Jas de Bouffan, propriété des parents de l'artiste à Aix
Vers 1865
Huile sur plâtre transposée sur toile
Londres, The National Gallery

LE DÉCOR DE LA VIE MODERNE

Au cours des années 1870, au fil d'expositions indépendantes, les impressionnistes affichent leurs ambitions dans le domaine de la décoration. Ils y montrent des œuvres que leurs titres et dimensions désignent comme «décoratives ». Certains, comme Monet, reçoivent des commandes, mais le plus souvent ces panneaux ne semblent pas être conçus pour des lieux prédéterminés. Ces peintures ornementales visent sans doute à attirer l'attention d'acheteurs potentiels ; et peut-être aussi, dans ces années où le régime républicain s'affirme, celle des pouvoirs publics qui multiplient pour des mairies, gares ou écoles les commandes officielles de "grandes décorations".

Malgré leurs appuis, les impressionnistes ne participent pas à ces projets Leurs sujets, modernes et ordinaires, leur touche libre et esquissée, ainsi que leurs couleurs, claires et vibrantes, déconcertent le public. Leurs expérimentations décoratives se cantonnent donc à des cercles privés et restreints, à l'exception de l'artiste américaine Mary Cassatt qui exécute pour Chicago en 1893 une gigantesque peinture murale célébrant la "femme moderne".

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Les Dahlias, Montgeron, dit aussi Les Rosiers dans le jardin de Montgeron
Étude pour Coin de jardin à Montgeron, décoration pour le château de Rottembourg, propriété d'Ernest et Alice Hoschedé à Montgeron
1876, exposition impressionniste de 1877 Huile sur toile

En 1876, l'homme d'affaires et collectionneur Ernest Hoschedé commande à Monet quatre grands panneaux décoratifs pour le château de Montgeron, sa résidence secondaire située à une vingtaine de kilomètres de Paris. Monet travaille sur place à des compositions inspirées du parc et d'un bois voisin. Si tant est qu'il ait été installé un jour, ce décor a sans doute été peu vu, Hoschedé faisant faillite et ses biens étant dispersés deux ans plus tard. Pour ce projet sans précédent, qui annonce déjà ses Nymphéas, Monet immerge le spectateur dans des paysages vibrants, éclatants de couleur et de vie.
Potsdam, collection Hasso Plattner

CLAUDE MONET
(1840 - 1926)
La Mare à Montgeron, dit aussi Coin d'étang à Montgeron
Étude pour L'Étang à Montgeron, décoration pour le château de Rottembourg, propriété d'Ernest et Alice Hoschedé à Montgeron
1876, exposition impressionniste de 1877 Huile sur toile
Tel Aviv, collection Zohar Zisapel

MARY CASSATT
(1844-1926)
Jeunes femmes cueillant des fruits
1891-1892
Huile sur toile

Dans un verger verdoyant, deux jeunes femmes vêtues à la mode du jour cueillent des fruits, l'une transmettant à l'autre sa récolte - fruit réel ou allégorie de la connaissance. Installée près de Paris, Cassatt traite ce thème sur le panneau central d'une gigantesque peinture décorative (aujourd'hui disparue) sur laquelle elle est alors au travail. Pour l'exposition universelle de Chicago en 1893, l'artiste américaine reçoit en effet la commande d'une « grande décoration » devant rejoindre la cour d'honneur du Woman's Building, bâtiment entièrement dédié aux réalisations des femmes. Âgée de presque 50 ans, et sans expérience de la décoration murale, Cassatt achève cette œuvre colossale en six mois seulement. Moderne par son thème et son traitement, il s'agit du seul décor public exécuté par un(e) impressionniste.


CLAUDE MONET
(1840-1926)
Les Dindons. Décoration non terminée
Décoration pour le château de Rottembourg, propriété d'Ernest et Alice Hoschedé à Montgeron
1877, exposition impressionniste de 1877 Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, legs de la princesse Edmond de Polignac née Winnaretta Singer en 1944

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Panneau décoratif, dit aussi Le Déjeuner
Vers 1873, exposition impressionniste de 1876 Huile sur toile
Ce déjeuner qui s'achève se situe dans le jardin de Monet à Argenteuil, près de Paris. On distingue à gauche le fils du peintre; à l'arrière-plan, son épouse se promène en compagnie d'une autre femme. Cette lumineuse scène de la vie ordinaire est traitée sur une grande toile, format inhabituel pour l'artiste au tout début des années 1870, Monet l'intitule « panneau décoratif » à la deuxième exposition des impressionnistes en avril 1876. Le tableau y a peut-être attiré l'attention d'Ernest Hoschedé, pour lequel l'artiste entreprend, l'été de cette même année, quatre grands panneaux décoratifs.

GUSTAVE CAILLEBOTTE
(1848-1894)
Périssoires. Panneau décoratif, dit aussi Périssoires sur l'Yerres
1878, exposition impressionniste de 1879 Huile sur toile
Rennes, musée des Beaux-Arts, don Georges Wildenstein en 1951

GUSTAVE CAILLEBOTTE
(1848-1894)
Baigneurs. Panneau décoratif, dit aussi Baigneurs, bord de l'Yerres
1878, exposition impressionniste de 1879
Huile sur toile
Collection particulière

GUSTAVE CAILLEBOTTE (1848-1894)
Pêche à la ligne. Panneau décoratif
1878, exposition impressionniste de 1879
Huile sur toile

A l'exposition impressionniste de 1879, Caillebotte présente ces trois peintures qu'il décrit comme « panneaux décoratifs ». Leur thème est résolument contemporain, représentant la variété des sports et loisirs pratiqués en bordure de rivière - ici sans doute la Yerres, qui coule près de la demeure familiale. Ces panneaux étaient peut-être destinés à celle-ci, sans jamais y être installés. Frappant par la modernité du sujet, sa technique et sa composition en triptyque, inspirée de l'estampe japonaise, cet ensemble signale la radicalité des recherches formelles du peintre, et sa volonté de s'affirmer comme « décorateur ».

GUSTAVE CAILLEBOTTE
(1848-1894)
La Berge du Petit-Gennevilliers et la Seine
Décoration pour l'appartement de Martial Caillebotte, rue Scribe à Paris
1890
Huile sur toile
Collection particulière

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Essai de figure en plein air : femme à l'ombrelle tournée vers la droite
Essai de figure en plein air :
femme à l'ombrelle tournée vers la gauche
1886
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, don Michel Monet en 1927

ÉDOUARD MANET
(1832-1883)
L'Automne, dit aussi L'Automne (Méry Laurent)
1882
Huile sur toile
Nancy, musée des Beaux-Arts, legs Méry Laurent en 1905

ÉDOUARD MANET
(1832-1883)
Jeanne, dit aussi Le Printemps (Jeanne Demarsy) 1881
Huile sur toile

Les deux élégantes représentées ici sant Jeanne Demarsy, jeune actrice en vue, symbolisant le printemps; et Méry Laurent, amie du peintre, incarnant l'automne. Exécutées à la demande d'Antonin Proust, proche de Manet, ces oeuvres devaient former deux éléments d'un ensemble décoratif sur le thème traditionnel des saisons, représentées par des femmes vêtues à la dernière mode. En situant ses modèles devant un arrière-plan de verdure ou une étoffe richement ornée, Monet exploite brillamment les ressources décoratives de ces motifs, régénérant ainsi le genre convenu du cycle des saisons.

MARY CASSATT
(1844-1926)
Jeunes femmes cueillant des fruits
1891-1892
Huile sur toile

Dans un verger verdoyant, deux jeunes femmes vêtues à la mode du jour cueillent des fruits, l'une transmettant à l'autre sa récolte - fruit réel ou allégorie de la connaissance. Installée près de Paris, Cassatt traite ce thème sur le panneau central d'une gigantesque peinture décorative (aujourd'hui disparue) sur laquelle elle est alors au travail. Pour l'exposition universelle de Chicago en 1893, l'artiste américaine reçoit en effet la commande d'une « grande décoration » devant rejoindre la cour d'honneur du Woman's Building, bâtiment entièrement dédié aux réalisations des femmes. Agée de presque 50 ans, et sans expérience de la décoration murale, Cassatt achève cette oeuvre colossale en six mois seulement. Moderne par son thème et son traitement, il s'agit du seul décor public exécuté par un(e) impressionniste.

SENS ET FONCTION DE L'OBJET

Au cours de leur carrière, les impressionnistes conçoivent de menus objets de nature et de statuts divers. Leurs motivations sont multiples. Pissarro s'inquiète de l'e état mental de l'art industriel qui s'effondre de plus en plus », sur fond de mécanisation en plein essor; tandis que Renoir milite pour un retour aux ratiques de l'Ancien Régime, quand la création des objets résultait « d'un cerveau et d'une main ». Il se proclame << peintre ordinaire » de ses mécènes, les Charpentier, pour qui il exécute un cadre de miroir dans un matériau inhabituel : le « ciment marbre », qu'il fait le pari d'importer et de diffuser en France.

Tenté lui aussi par les expérimentations techniques, et par la perspective de revenus stables, Pissarro exécute des carreaux de céramique. Avec Degas, entre autres, il se tourne également vers la production d'éventails, objets décoratifs « portables » alors très en vogue. Une section à part de l'exposition impressionniste de 1879 devait leur être réservée. Leur format en demi-lune stimule la créativité de ces artistes, autorisant des jeux de composition décentrée et des perspectives hardies, proches de celles de leurs tableaux de chevalet, entre décoration et grand art.

MARIE BRACQUEMOND
(1840 - 1916)
Les Muses des arts
Dessin préparatoire pour une peinture sur faïence
1877-1878
Crayon noir sur papier
Collection particulière

FÉLIX BRACQUEMOND, 
auteur du décor
(1833-1914)
EUGÈNE ROUSSEAU, fabricant
(1827-1890)
Deux assiettes plates du Second Service Rousseau
1869-1870 Faïence fine
(1) La Pluie (2) Notre-Dame
Paris, musée des Arts décoratifs, don Eugène Rousseau en 1885

MARIE BRACQUEMOND, 
auteure du décor
(1840-1916)
HAVILAND & CIE, éditeur BARLUET ET CIE,
fabricant assiettes du Service à fleurs et rubans
1879
Faïence fine, décor imprimé à partir d'eaux-fortes et peint sous couverte
(3) La Lecture, (4) Marchande de fleurs, (5) Le Volant, (6) Exposition de fleurs
Collection particulière

En 1869, à la demande du marchand-éditeur Eugène Rousseau qui lui passe commande d'un service de table, Félix Bracquemond orne ses assiettes de phénomènes atmosphériques : ici, un poétique clair de lune ou une forte averse animant des paysages urbains. Dix ans plus tard, Félix sollicite son épouse Marie pour décorer une partie des assiettes d'un autre service, dit « à fleurs et à rubans », qu'il édite pour la manufacture Haviland dont il dirige l'atelier à Auteuil. Marie Bracquemond opte également pour des sujets tirés de la vie moderne, mettant en scène de manière stylisée des femmes bien de leur temps, observées dans leurs activités quotidiennes.

CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)
Vers 1880.
Peinture sur carreau de faïence
(1) Paysage
Pontoise, musée Camille-Pissarro, acquis par l'association Les Amis de Camille Pissarro pour le musée Camille-Pissarro en 1979

(2) L'Embarcadère
Paris, musée d'Orsay, acquis en 2019

CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)
La Cueillette des pommes
Élément provenant d'une jardinière rectangulaire exécutée par l'artiste, composée de quatre carreaux de céramique
Vers 1883-1884
Peinture sur carreau de faïence
Collection Carey Family

CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)
Gardeuse d'oies
Éventail
1890
Gouache sur soie
Collection particulière

CAMILLE PISSARRO
(1830-1903)
Coteaux de Chaponval
Éventail
Vers 1882
Gouache et pastel sur soie
Paris, musée d'Orsay, legs Antonin Personnaz en 1937

EDGAR DEGAS
(1834 - 1917)
Danseuses avec une contrebasse
Éventail
Vers 1879
Pastel, craie noire et lavis d'encre sur papier
Collection particulière, courtesy of Kristy Stubbs Gallery, Dallas

CAMILLE PISSARRO
(1830 - 1903)
Travailleurs dans les champs
Éventail
Vers 1883
Gouache sur soie
Collection particulière

EDGAR DEGAS
(1834 - 1917)
Deux Danseuses
Éventail
1878
Aquarelle et rehauts d'or et d'argent sur soie contrecollée sur carton
Collection particulière

EDGAR DEGAS
(1834-1917)
Portraits en frise pour décoration dans un appartement
1879, exposition impressionniste de 1881 Crayon noir et pastel sur papier
Collection particulière

«UN PEU DE GAIETÉ SUR UN MUR »

À partir des années 1880, les impressionnistes actualisent pour leur clientèle les sujets traditionnels décor intérieur. Se tournant vers le passé ils puisent à des sources diverses, du nu antique siècle français. Renoir s'intéresse de près à l'architecture et à ses ornements: il en observe les sculptures ou bas-reliefs, et admire la peinture murale de la Renaissance pour ses motifs comme pour ses techniques. Ses Baigneuses, œuvre décorative mûrement réfléchie, font la synthèse de ces principes et traditions. Dans cette scène allègre à la luminosité de porcelaine, des nus féminins aux contours linéaires et aux proportions sculpturales semblent se détacher de la surface de la toile, émergeant d'un paysage impressionniste où s'amusent ces jeunes filles à la baignade. Selon Renoir, la finalité de la peinture est bien de mettre un peu de gaieté sur un mur »>.

Dans son appartement parisien, Morisot fait cohabiter un décor qu'elle exécute d'après une toile de François Boucher (1703-1770) et un grand panneau décoratif peint pour elle par son ami Monet: une vue de villas récentes au milieu de foisonnants jardins méditerranéens. Elle mêle ainsi aux grâces délicates et fleuries du xvill siècle un paysage moderne et exotique, éclatant de lumière.

PAUL CÉZANNE (1839-1906)
Nymphes au bord de la mer,
dit aussi La Barque et les baigneurs Décoration pour l'hôtel particulier de Victor et Marie Chocquet, 7 rue Monsigny à Paris
Vers 1890
Huile sur toile

En 1890 Cézanne est chargé par Victor Chocquet - son ami et pendant longtemps son principal collectionneur de réaliser des peintures décoratives pour son hôtel particulier à Paris. Le peintre exécute deux dessus-de-porte qu'il orne de scènes idylliques: ici, des baigneurs nus encadrent un plan d'eau où vogue une barque. Décédé en 1891, Chocquet ne vit jamais les panneaux installés. Après 1945, ce tableau au format déroutant fut découpé et vendu en trois parties, puis reconstitué et exposé pour la première fois dans son aspect d'origine sur les murs du musée de l'Orangerie en 1974.

PIERRE AUGUSTE RENOIR
(1841-1919)
Tannhäuser (1 acte),
dit aussi Apparition de Vénus à Tannhäuser Tannhäuser (dernier acte), dit aussi Wolfram et Vénus (scène du 3 acte de Tannhäuser) Décoration pour l'atelier de Jacques-Émile Blanche au Bos-Fort-Blanc à Dieppe
1879
Huile sur toile

Le jeune peintre Jacques-Emile Blanche, fervent admirateur de Renoir, commande à ce dernier un décor pour l'atelier qu'il se fait construire sur la propriété de ses parents à Dieppe, ou Bas-Fort-Blanc. Ces dessus de-porte illustrent deux scènes de l'opéra Tannhouser de Richard Wagner, violemment critiqué lors de sa première à Paris presque vingt ans auparavant, Chosi par Blanche, le thème inspire Renoir, qui peint ici avec une touche souple et sensuelle les amours tourmentées du héros Tannhäuser. Les huit panneaux qui devaient compléter l'ensemble et décorer la tribune de l'hotelier n'ont jamais été exécutés

PIERRE AUGUSTE RENOIR (1841-1919)
Baigneuses. Essai de peinture décorative, dit aussi Les Grandes Baigneuses
1884-1887
Huile sur toile

Comme l'indiquent son échelle monumentale, sa technique voulant imiter la fresque, et son titre, ce tableau a pour Renoir valeur de manifeste décoratif. Il fait référence à la grande tradition décorative, de Raphaël (1483-1520) au sculpteur François Girardon (1628-1715): le peintre s'inspire du bas-relief d'un des bassins du château de Versailles, Le Bain des nymphes (1668-1670). Ces nus en plein air, au dessin précis, marquent une rupture et un jalon dans l'œuvre de Renoir. Le tableau fut mal compris par les critiques qui le voient exposé en 1887. Prêt exceptionnel du musée de Philadelphie, il ne l'avait pas quitté depuis plus de quatre-vingts ans, et n'avait pas été présenté en France depuis 1922.

PIERRE AUGUSTE RENOIR
(1841 - 1919)
Danseuse aux castagnettes et Danseuse au tambourin
Décoration pour la salle à manger de l'appartement de Maurice Gangnat, 24 avenue de Friedland à Paris
1909
Huile sur toile
Londres, The National Gallery, acquis en 1961

MARY CASSATT
(1844-1926) ANDRÉ METTHEY
(1871-1920)
La Ronde des enfants
Vase
Vers 1903
Faïence
Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, donation Henry-Thomas en 1986

PIERRE AUGUSTE RENOIR (1841 - 1919) ANDRÉ METTHEY
(1871 - 1920)
Femme assise
Vase
1900 ou 1906
Faïence
Paris, Petit Palais - musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, donation Henry-Thomas en 1986

Au tout début du xxeme siècle, à la demande du marchand Ambroise Vollard et de céramiste André Merthey, Renoir renoue avec sa pratique de peintre sur porcelaine, exercée dans ses années de jeunesse. Ils commandent à des peintres, principalement fauves, des vases façonnés par Metthey dans son atelier d'Asnières. Ils s'adressent aussi à deux impressionnistes: non seulement Renoir, mais aussi Cassatt-novice en la matière - qui imaginent des motifs de femmes ou d'enfants nus. Ce vase de Cassatt est le seul exemple connu à ce jour.

PIERRE AUGUSTE RENOIR
(1841 - 1919)
Nu d'homme dans un paysage, dit aussi Le Fleuve
1885
Huile sur toile
Collection particulière

BERTHE MORISOT
(1841-1895)
Vénus va demander ses armes à Vulcain,
dit aussi Vénus dans la forge de Vulcain, copie d'après François Boucher

Décoration pour le salon blanc de la maison de l'artiste 40 rue de Villejust (actuelle rue Paul Valéry) à Paris
1883-1884
Huile sur toile

En 1883 Morisot s'installe au rez-de-chaussée d'un immeuble qu'elle et son mari ont fait construire au 40 rue de Villejust à Paris. Dans le salon-atelier, aux murs tendus de rose, elle place deux décorations: une copie qu'elle exécute d'après un détail d'une peinture de Boucher; et Les Villas de Bordighera, commandée à Monet. Le peintre répète une composition peinte peu avant en Italie, tout en accentuant la vivacité de ses coloris. « Ce n'est pas un tableau mais une décoration très crue ou peut-être pas assez crue, écrit-il, il faut voir cela en place." L'oeuvre de Monet est installée en dessus de-porte et Morisot la garde toute sa vie.

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Les Villas à Bordighera
Décoration pour le salon blanc de l'appartement de Berthe Morisot, 40 rue de Villejust (actuelle rue Paul Valéry) à Paris
1884
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, avec le concours du Fonds du patrimoine et grâce à la participation de la Fondation Meyer et d'une donation anonyme canadienne en 2000

BERTHE MORISOT
(1841-1895)
Le Cerisier
1891
Huile sur toile

De l'été 1891 à l'hiver suivant, Morisot se consacre à cette composition dont elle réalise trois versions ; celle-ci, par son format vertical comme par sa taille, a tout d'un panneau décoratif. Morisot avait en tête de créer pour son appartement un cycle de quatre panneaux, projet finalement abandonné. Ici, sa fille Julie Manet pose avec sa cousine Jeannie Gobillard. Élevées dans une famille d'artistes et d'intellectuels parisiens, ces jeunes filles s'affairent à cueillir des fruits qui sont aussi, symboliquement, ceux de la connaissance, comme dans le décor monumental exécuté peu après par Mary Cassatt pour l'Exposition universelle de Chicago.

BERTHE MORISOT
(1841-1895)
Bergère couchée
1891
Huile sur toile
Paris, musée Marmottan-Monet, legs Annie Rouart en 1993

FLEURS ET JARDINS

Par leur infinie variété, les fleurs et les bouquets constituent le motif décoratif par excellence, largement répondu sur les pages des recueils d'ornement du xix siècle. Habiles à saisir sur la toile la beauté éphémère de la nature, les impressionnistes s'illustrent dans la peinture de fleurs. Leurs tableaux et panneaux décoratifs se couvrent de bouquets colorés, parfois à la demande de clients, comme les panneaux de porte exécutés par Monet pour son marchand, Durand-Ruel, au début des années 1880. Fleurs et plantes envahissent aussi les décors destinés à leurs propres intérieurs, comme ceux de Caillebotte pour sa maison du Petit-Gennevilliers.

Pour ces peintres férus d'horticulture, jardinage et décoration participent d'un même élan créatif. Avec un regard neuf, ils revitalisent la peinture décorative, réveillée par l'influence stimulante de l'art japonais. Celle-ci se retrouve dans les motifs floraux d'un service de table comme à la surface de leurs toiles: observés de près, jetés en semis, ou en tapis. Par ces audaces de cadrage, les fleurs deviennent ornements purs et évoluent vers un décor impressionniste, enveloppant et immersif.

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Massif de chrysanthèmes
1897
Huile sur toile

Avec ces toiles imposantes, Monet rend hommage à Caillebotte dont il avait reçu, peu après la mort de l'artiste, les Chrysanthèmes présentés dans cette salle. Ici, le regard se concentre sur des fleurs au milieu d'un parterre, vues en gros plan. Les chrysanthèmes semblent flotter à la surface de la toile, émergeant d'un dense fond de feuillage avec une grâce vaporeuse. Abolissant toute idée de limite et de perspective, voire de sujet, Monet traite l'espace en décorateur: avec ses arrangements chromatiques sophistiqués, il crée un motif purement ornemental et infiniment séduisant.

CLAUDE MONET
(1840 - 1926)
Chrysanthèmes
1897
Huile sur toile
Collection particulière

GUSTAVE CAILLEBOTTE
(1848-1894)
Chrysanthèmes blancs et jaunes. Jardin du Petit-Gennevilliers
1893
Huile sur toile

Cultivés au Japon depuis quinze siécles, les chrysanthèmes connaissent en Europe, à la fin du xix siècle, une vogue particulière, célébrés pour leur éclat et leur floraison tardive. Ceux représentés ici poussent dans des pots de terre, entraperçus en bas de la toile - et sans doute à l'air libre, devant un mur de pierre. Dans cet espace sans profondeur, les fleurs surgissent vers nous en un jaillissement désordonné de tiges, feuilles et pétales, ébouriffés par la pluie ou le vent. Le tableau, que Monet posséda pendant plus de trente ans, lui inspira ses propres compositions de chrysanthèmes.

GUSTAVE CAILLEBOTTE
(1848-1894)
Quatre panneaux de porte pour la maison de l'artiste au Petit-Gennevilliers : Orchidées; Orchidées; Fleurs blanches et roses (Anthuriums); Bégonias argentés et cypripédes
1893
Huile sur toile
Collection particulière

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Panneaux de portes de l'appartement de Paul Durand-Ruel, 35 rue de Rome à Paris Huile sur toile
Azalées rouges en pot
1883
Collection particuliere

Dahlias
1883
Collection particulière

Branche d'azalees blanches et roses
1885
Collection particulière

Chrysanthèmes
1883
Collection particulière

Pêches
1883
Collection particulière

Panier de pommes
1885
Tokys, Yushina Gypsum Co
Ltd and Yoshino Gypsum Art Foundation

En 1882, le marchand dart Paul Durand-Ruel commande à Monet des panneaux pour décorer les portes de la salle à manger de son appartement parisien rue de Rome.

FÉLIX BRACQUEMOND, auteur du décor
(1833-1914)
HAVILAND & CIE,
Six assiettes du Service parisien
1876
Porcelaine dure, or imprimé à parte d'eaux fortes et de chromolithographies, rehaussé et doré à la main
(1) Soleil levant, (2) Plein soleil, (3) Lo Pluie. (4) La Neige, (5) Soleil couchant, (6) La Nuit
Limoges musée national Adrien-Dubouche-Cité de la ceramique

FÉLIX BRACQUEMOND, dator
(1833 1914)
HAVILAND & CIE, éditeur BARLUET ET CIE, fabricant
Service à fleurs et rubans
1879
Faience, decor imprimé a partir d'eaux fortes
Onze assiettes plates (7 à 11)
(7) Pivoine, (8) Chèvrefeuille (9) Volubilis, (10) Tulipe, (11) Rose, (12) Oeillet, (13) Coquelicot, (14) Anemone, (15) Giroflée, (16) Reine-marguerite, (17) Hibiscus
Cinq assiettes à dessert (1822)
Paris, musée des Arts décoratifs 

GUSTAVE CAILLEBOTTE
(1848-1894)
Parterre de marguerites
Décoration pour la maison de l'artiste au Petit-Gennevilliers
Vers 1892-1893
Huile sur toile

Exécuté pour la maison de Caillebotte au Petit-Gennevilliers (Houts-de-Seine), ce morceau de décor, inachevé à la mort de l'artiste, soulève bien des questions: accompagnait-il les portes exposées ici ? Comment aurait-il été positionné au mur? Quelle surface totale l'artiste entendait-il couvrir ? Ce « parterre » vertical évoque le papier peint et rappelle certains paravents du Japon : l'artiste y répète son motif de marguerites en une série de vagues disposées avec régularité sur la toile. Ce grand fragment fut découpé en plusieurs « lés»; sa restauration: récente permet de saisir les intentions initiales de Caillebotte et l'originalité de ce projet sans doute jamais installé.

AQUARIUM FLEURI » ET « GRANDES DÉCORATIONS »
En 1893, dix ans après s'être installé à Giverny. Monet entreprend d'aménager chez lui, dehors, ce qu'il appelle un jardin d'eau », pour l'e agrément» mais aussi dans une but [d'avoir des] motifs à peindre ». Il fleurit le bassin et ses rives, couvre décorative en soi et source d'inspiration féconde pendant plus d'un quart de siècle. Dès la fin des années 1890, le thème des nymphéas prend dans sa peinture une dimension décorative : « transporté[s] le long des murs, enveloppant toutes les parois de son unité », il procure, selon Monet, « l'illusion d'un tout sans fin ». Il songe alors à décorer un salon ou une salle à manger qui «aurait offert l'asile d'une méditation paisible au centre d'un aquarium fleuri ». Le projet n'aboutit pas, mais les séries des « bassins aux nymphéas » et des « paysages d'eau » créent, lorsqu'elles sont exposées galerie Durand-Ruel à Paris, une impression d'enveloppement qui frappe les visiteurs. En 1914, Monet change d'échelle et entame ce qu'il nomme ses « grandes décorations». Elles aboutiront au cycle des Nymphéas du musée de l'Orangerie.

ÉMILE GALLÉ (1846-1904)
Eaux dormantes
(1) Pot couvert
1889-1890
Cristal soufflé à plusieurs couches, fond maté, couche superficielle partiellement martelée, cassons de verres gravés, inclusions de parcelles métalliques (argent et mica), application à chaud de cabochons gravés, décor gravé et taillé
Paris, musée d'Orsay, acquis par dation en paiement de droits
de mutation en 1995

L'Étang
(2) Vase diabolo à quatre pans
Entre 1898 et 1900
Verre multicolore marbre, à couches multiples, décor gravé à la roue et en camée à la roue à la base de l'œuvre

Paris, musée d'Orsay, en depôt ou musée de l'Ecole de Nancy, dation en paiement de droits de succession en 1984

La Mer
(3) Vase en forme d'oignon
1900
Verre coloré, inclusions de parcelles métalliques, marqueterie de verre. filets, applications, décor gravé à la roue
Paris, musée d'Orsay, acquis en 2009

(4) Vase cornet
1900
Cristol à deux couches, couche superficielle partiallement mortale, inclusions de parcelles métalliques for at platinel, marqueterie de verres graves, perles de verre collées Pons, musée d'Orsay Exposition universelle de 1900

MANUFACTURE DE LA SAVONNERIE
(Edmond Coupigny, licier)
d'après CLAUDE MONET
(1840-1926)
Nymphéas
1911-1913
Fleurs et herbes d'été et d'automne Paravent à deux volets

Époque d'Edo (1603-1868), milieu du XVIII° siècle Encre et lavis colorés sur fond de feuilles d'argent Signature: Chôyôdô Yukoku Sceau à l'encre rouge non identifié
Acquis pour les collections extrêmes orientales conservées au musée du Louvre jusqu'en 1945, ce paravent constitue un archétype des développements de l'école Rimpa au milieu de l'époque d'Edo. Sous couvert de description tant décorative que réaliste d'un jardin foisonnant sous des lueurs crépusculaires, il offre un éventail virtuose de techniques picturales caractéristiques du courant de Kyoto de cette école: oxydation de feuilles d'argent contrastant avec la douceur profonde de lavis colorés tarashikomi, pétales blanc gofun en légère surépaisseur, définissant la touffeur d'un espace clos. Monet intégrera certaines de ces caractéristiques décoratives dans ses Nymphéas.

Il est probable que le paravent est issu de la collection d'oeuvres japonaises du peintre Raphaël Collin (1850-1916), célébré au Japon avant de l'être en France, maître parisien des fondateurs du courant moderniste de la peinture officielle japonaise, tel Kuroda Seiki. Ces oeuvres réunies en son atelier, auprès de personnalités du japonisme parisien contemporain (Tadamasa Hayashi et ses élèves peintres), sont pour lui une source d'inspiration manifeste.


CLAUDE MONET
(1840-1926)
Nymphéas
1908 Huile sur toile

En 1909, Monet expose un ensemble toujours inspiré du bassin aux nymphéas de Giverny 

CLAUDE MONET
(1840 - 1926) Le Bassin aux nymphéas, harmonie verte
1899
Huile sur toile

En 1899, Monet réalise douze vues du motif du bassin aux nymphéas, suivies d'un ensemble de six autres en 1900. Cette même année, il en montre une dizaine à la galerie Durand-Ruel. Le bassin et sa végétation sont représentés comme un tout mêlé, presque indistinct. Eau, terre et ciel s'interpénètrent et se fondent en une profusion colorée qui sature la surface picturale en un effet de "all over". Les visiteurs de la galerie perçoivent et interprètent cette série comme un ensemble décoratif.

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Le Bassin aux nymphéas
1899
Huile sur toile
Londres, The National Gallery, acquis en 1927

CLAUDE MONET
(1840-1926)
Le Bassin aux nymphéas, harmonie rose
1900
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, legs Isaac de Camondo en 1911

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