vendredi 5 novembre 2021

Amer, une exposition sur les berges de la Seine en novembre 2011

Aussi dramatique que l'accaparement des terres, l'accaparement des mers reste invisible. Il détruit pourtant nos océans et prive des peuples entiers de ressources. Pendant quatre ans le Collectif Argos a enquêté sur ce phenomène, rapportant des histoires de lutte mais aussi d'espoir.

Des ONG pour pallier la défaillance des Etats
" Donner des millions de dollars ou d'euros pour créer des réserves marines et les faire surveiller par des systèmes satellites, c'est bien. Mais ça ne sert absolument à rien sans les bateaux qui contrôlent. Il faut revenir à la base, au terrain. "

"Quand tu arrives, ils prennent ton passeport, ta carte de séjour et ils les mettent directement dans un tiroir. Tu est coincé, tu ne peux plus partir. J'aimerai repartir, voir ma famille, mais ils ne veulent pas. C'est dur. Parfois, j'ai mal au ventre,
mais c'est comme ça."

La pêche illégale, non déclarée et non réglementée, est le plus grand danger qui plane sur nos océans, affirme la FAO, l'organisation des Nations Unies pour l'agriculture et l'alimentation. Elle menace la biodiversité et les humains. Mais entre la haute mer et les Etats défaillants, les moyens de contrôle restent trop restreints.

On ne peut pas continuer à dire que le dauphin est une espèce protégée si on continue comme ça. Il faudrait pêcher beaucoup moins et manger beaucoup moins de poissons. Chacun a sa part de responsabilité : les pêcheurs, le gouvernement et les consommateurs.

L'odyssée des pêcheurs sénégalais
Confrontés à l'épuisement des stocks de poissons, de plus en plus de pêcheurs sénégalais migrent vers l'Europe à la recherche de meilleures. conditions de vie.
Située sur un emplacement stratégique de la petite côte, à mi-chemin entre le marché de Dakar et les eaux poissonneuses de la Casamance ou de la Guinée, Joal-Fadiouth doit sa prospérité à son port.
Sérères, wolofs ou peuls, 50 000 habitants y vivent et y travaillent aprement. Il y a quelques années, il était impensable qu'un pêcheur puisse revenir les mains vides. L'upwelling, la remontée de minéraux des grands fonds marins, garantissait au Sénégal un trésor halieutique la sardinelle, appelée aussi yaboye en Wolof. Mais depuis 2006, la surexploitation guette à cause de la multiplication des pirogues et de la pêche industrielle.
"Toutes les conversations tournent autour du matériel de plus en plus cher et du poisson qui diminue. Beaucoup aimeraient émigrer, ils voient un avenir incertain dans ce métier", déplore Omar, un pêcheur qui travaille aujourd'hui à Lorient.

Sur la sardinelle, on dit qu'on ne doit pas dépasser 250 000 tonnes par an. Si on les dépasse, on est en train de pêcher le stock.
Rien qu'à Joal, à temps plein, on en pêche plus de 150 000.

Des pêcheurs à la recherche d'une résilience : Les jeunes vont partir, on va tous partir parce qu'on ne trouve plus de poisson. C'est pour cela que les jeunes sont obligés d'émigrer clandestinement.

"Si rien ne change, d'ici à 2050, les océans devraient contenir en poids plus de plastique que de poissons."
Fondation Ellen Mac Arthur
"Enfant, je me baignais dans le fleuve Citarum. Nous pêchions dans ses eaux limpides. Depuis les années 1990, la pollution l'a transformé en une poubelle aquatique géante.
Le principal problème vient de l'absence d'un système de traitement des ordures digne de ce nom. En cause également, l'habitude ancrée chez les Indonésiens de jeter les emballages autour d'eux, comme à l'époque où les aliments étaient empaquetés dans des feuilles de bananiers. Sauf que le plastique, devenu omniprésent, n'est pas biodégradable et ne se dissout pas."
"C'est la moindre des choses que de faire ce nettoyage de plage en comparaison avec tout ce que la Terre Mère nous offre : notre nourriture, notre eau, notre oxygène. Noublions pas que nous faisons partie de quelque chose de plus vaste que nous."
"Depuis 1967, l'usine de Gardanne aurait déversé plus de 100 000 millions de tonnes de boues rouges dans la mer sur 2 400 km², soit dix fois la superficie de Marseille. " Gérard Carrodano, vice-président du comité régional des pêcheurs, à La Ciotat
Les mines sont en train de dévorer Bangka. En mer, la situation écologique est grave. Nous sommes engagés dans une vraie opération de sauvetage. Le gouvernement doit créer de l'emploi sur l'île, en plus de l'industrie minière. Nous n'avons pas hérité de cette île, nous l'empruntons et nous devrons la transmettre à la prochaine génération.
La sédimentation a un vrai impact sur l'écosystème de Bangka. Le sable recouvre tout, dont les récifs de corail qui finissent par mourir. Conséquences: les poissons sont obligés de changer d'habitat et de se déplacer plus loin au large.
À bord d'une usine-flottante en pleine mer de Java
Pour extraire l'étain, nous utilisons une tête foreuse. placée au bout d'une tige, qui broie le sous-sol marin. Une fois que les matériaux ont été concassés, une pompe aspire la matière faite de sable, d'eau et de roches et l'amène sur le pont.
LA GRANDE BLEUE CONCENTRE UN QUART DU TRANSPORT MARITIME MONDIAL (MARCHANDISES ET PASSAGERS)
Chaque été, l'opération
"Bouclier Arctique" mobilise les garde-côtes américains aux avant-postes du dérèglement climatique et de la conquête du grand Nord.
Nous avons désormais de la morue, du colin qui dévorent tout. au point qu'il n'y plus assez de nourriture pour les phoques et les oiseaux. Pour les peuples autochtones, c'est très dur. Ils sont là depuis 10 000 ans, ils ont appris à s'adapter à tout, à chasser, à pêcher. Et tout ce savoir traditionnel ne leur est plus d'aucune utilité, parce que le rythme de la nature a changé et qu'il est désormais imprévisible.
Diana Hacker, journaliste au Nome Nugget
Ce n'est pas un accaparement des terres, c'est un accaparement des mers. Il y a des pays dans le monde qui essaient de mettre une option sur les ressources marines, qu'il s'agisse de poisson, de pétrole ou de quoi que ce soit d'autre. Et nous devons désormais avoir des infrastructures pour protéger ces ressources.
Le corail construit un squelette calcaire. C'est le récif corallien. Ce magnifique habitat est tellement yaste qu'il est visible depuis l'espace. Grâce à ce petit animal de I à 2 millimètres, des milliers d'autres organismes, comme des poissons, des mollusques et des crustacés, vont venir vivre en interaction, au sein de cet écosystème particulièrement riche en biodiversité.

Le corail, c'est la sentinelle des océans. L'icône de l'état du vivant sur Terre. C'est la première fois qu'une espèce en l'occurrence" l'homme sage" est à l'origine d'une extinction de masse. Un million d'espèces (sur les neuf millions estimées) pourraient disparaître. Nous sommes la force destructrice. Or, nous ne pourrons pas vivre sans le vivant.
La posidonie est l'ingénieur de l'écosystème. Si l'espèce se casse la figure, tout le reste s'écroule. Elle joue un rôle essentiel pour l'écologie méditerranéenne.
Le littoral, c'est un bien public, c'est à nous. Pour faire quoi ? Un garage pour des bateaux qui sortent une fois par an en juillet août?
La mer est considérée comme un lieu de liberté, où l'on pourrait tout faire, tout rejeter et ça se renouvellerait... C'est le littoral, où il y a le plus de lumière et donc le plus de vie, qui subit le plus de pressions. Le repiquage ne pourra jamais combler ce qu'arrachent les yachts, mais je suis content de voir que des juvéniles reviennent dans la zone. Dès qu'on écarte les feuilles, ça grouille de vie.
Les plaisanciers ont l'impression qu'on touche à leur liberté. Mais jeter son ancre dans les posidonies, c'est comme couper quatre arbres dans une forêt primaire pour garer sa voiture. Dans huit cas sur dix, on peut mouiller à côté, sur du sable.
L'océan, c'est le premier temple polynésien. C'est le domaine des profondeurs où sont les anciens. C'est là aussi d'où vient la nourriture. Il ne nous appartient pas.


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