dimanche 22 juin 2025

Grandeur nature au château de Fontainebleau en juin 2025


L'esprit de la forêt, balade dans le beau parc du château :

Biennale d'art contemporain
Grandeur Nature II. L'esprit de la forêt
Du 25 mai au 21 septembre 2025, l'Établissement public du château de Fontainebleau présentera la deuxième édition du parcours d'art contemporain Grandeur nature II. L'esprit de la forêt, dans ses jardins et son parc historiques classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.
41 œuvres de 26 artistes internationaux seront ainsi à découvrir lors de promenades dans le Domaine national du château de Fontainebleau.

L'Oiseau Phénix
CAREL VISSER
(Pays-Bas et France, 1928-2015)
1989 Métal peint
Collection du Centre national des arts plastiques, FNAC 89758

Créée en 1986 à l'initiative du ministère de la Culture, inspirée par le cadre rural, L'Oiseau Phénix est une installation, mi-animale, mi-moissonneuse- batteuse. La référence au monde rural et au règne animal, constitue un leitmotiv dans la carrière de Visser. Ici il rapproche les systèmes agricoles néerlandais et breton, marqués tous deux par l'industrialisation. Nommant sa sculpture d'après un animal mythologique qui ne cesse de renaître de ses cendres, il interroge l'avenir de l'agriculture. Tel un vestige d'un monde dépassé, l'œuvre joue de l'anachronisme entre l'univers industriel contemporain et le château de chasse du XVI et du XVIIe siècle.

S'il n'existait pas
Frénésie des Géants
WANG KEPING
(Chine et France, né en 1949)
2023 Frêne
Prêt de l'artiste
Représenté par la galerie Nathalie Obadia

Né près de Pékin en 1949, Wang Keping a été l'un des membres les plus éminents du groupe chinois Xing Xing (Les Étoiles). Quittant son pays pour s'installer en France au début des années 1980, il a développé depuis plus de quarante ans une œuvre singulière, s'attachant à sculpter la matière bois dans un esprit animiste, cultivant une expression formelle au plus proche du vivant. Invité à l'honneur cette année, il a souhaité installer une véritable assemblée humaine mettant en scène dix sculptures monumentales, taillées dans des grumes hors normes. De cette procession de géants, émane à Fontainebleau, comme un parfum de théâtre ou de cérémonie, un hymne à la vie et à notre humanité.
La Femme avec une ombre
Frénésie des Géants
WANG KEPING
(Chine et France, né en 1949)
2023 Frêne
Prêt de l'artiste. Représenté par la galerie Nathalie Obadia

Croisés
Frénésie des Géants
WANG KEPING
(Chine et France, né en 1949)
2023 Frêne
Prêt de l'artiste. Représenté par la galerie Nathalie Obadia

La Femme avec une ombre
Frénésie des Géants
WANG KEPING
(Chine et France, né en 1949)
2023 Frêne
Prêt de l'artiste. Représenté par la galerie Nathalie Obadia

Autant en emporte le vent
Frénésie des Géants
WANG KEPING
(Chine et France, né en 1949)
2023 Frêne
Prêt de l'artiste. Représenté par la galerie Nathalie Obadia

Coronae Digitalis
(série des Fractal Flowers)
MIGUEL CHEVALIER (France, né en 1959)
2009
Inox laqué
Prêt de l'artiste

Pionnier de l'art virtuel et du numérique, Miguel Chevalier utilise depuis les années 1980 l'informatique comme moyen d'expression. Véritable jardinier de l'imaginaire, il invente ses Fractals Flowers d'abord projetées de façon immersive puis matérialisées par imprimantes 3D. La Coronae digitalis rouge est une ode à la science des botanistes qui sélectionnent et hybrident le vivant. Cette fleur imaginaire et cultivée de manière virtuelle par algorithmes interroge sur le rôle de l'homme toujours tenté d'exploiter la nature au grand risque de la transformer irrémédiablement.

Canon à parole 
PHILIPPE RAMETTE (France, né en 1961)
2001
Inox et bois
Représenté par la galerie Xippas, PRA01 35.2
L'œuvre de Ramette repose sur une ambivalence intrigante, celle d'objets qui semblent à la fois soutenir l'individu et l'enfermer dans des rôles imposés. Dans le cadre de l'exposition Grandeur nature II, Philippe Ramette poursuit son exploration de la distorsion de la réalité. Avec Canon à parole, l'artiste semble capturer les résonnances de la forêt environnante ou l'écho d'un cri suspendu comme une vibration intangible qui trouble l'équilibre de la perception. Le visiteur peut clamer ses sentiments dans ce canon!

Wang Keping (né en 1949)
Performance
Dans le cadre de l'exposition Grandeur Nature II, au cours du mois de juin, l'artiste réalisera quatre sculptures, au niveau du boulingrin, situé à l'ouest du grand parterre, en utilisant un hêtre déraciné lors des intempéries dans le parc du château de Fontainebleau.
« À l'automne 2024, alors que nous commencions tout juste à préparer l'exposition Grandeur Nature II, L'Esprit de la forêt, un grand hêtre situé le long du grand canal dans le parc du château de Fontainebleau, a été déraciné lors d'une violente tem- pête.
Mme Labourdette, la présidente du château m'a alors proposé de le sculpter. J'ai divisé le tronc en quatre sections et je les ai installées dans le parc. Je réalise ces quatre sculptures sur place, comme dans un atelier à ciel ouvert.
Cette fois, les visiteurs peuvent observer le processus créatif d'un sculpteur.
L'art est beau, mais la création des artistes est souvent un travail long et difficile.
Ce que je fais ici n'est qu'un début audacieux, comme l'ébauche d'une peinture à
l'huile.
Une fois l'exposition terminée, ces quatre morceaux de bois seront transportés à mon atelier. Enfin, le bois sec et craquelé, je poursuivrai mon travail.
Mes quatre œuvres représentent deux Vénus et deux Couples."
Wang Keping, juin 2025

Révolution végétale
(d'après Léonard)
PABLO REINOSO (Argentine et France, né en 1955)
2022
Acier peint, pierre calcaire
Prêt de l'artiste

Révolution végétale a été créée en 2022 pour une exposition personnelle de Pablo Reinoso au château de Chambord. Cette sculpture monumentale de sept mètres de haut rend hommage au génie de Léonard de Vinci à qui on attribue parfois le dessin de l'escalier à double révolution du château de Chambord. À Fontainebleau, cette œuvre procède du même appel vers la forêt. Adoptant une forme architecturale et végétale tout en prenant l'aspect d'une section d'ADN, montre que tout le vivant est indéfectiblement lié et que l'esprit de la forêt souffle dans nos veines, dans nos édifices, et anime notre sensibilité.

L'étang aux carpes 

Le Sentier
(Ouvert)
STÉPHANE THIDET (France, né en 1974, Paris)
2021
Chêne tourné
et contreplaqué bakélisé
Collection du Centre national des arts plastiques, 
Le Sentier de Stéphane Thidet repose sur le phénomène naturel selon lequel lorsqu'un objet reste longtemps posé sur une pelouse, il s'interpose entre le soleil et les herbes, et empêche sa croissance. Le Sentier est fait de grands tampons à manches de bois, souvenir des outils qui étaient autrefois les sceaux de l'administration disparus sous la pression du numérique. Cette œuvre fonctionne en deux temps : on voit d'abord une ligne de tampons géants, posés bout à bout sur l'herbe comme des dominos curvilignes. Quelques semaines plus tard, ces grands outils sont renversés et le << sentier » apparaît dessiné dans le sol privé de lumière

Arbrabra
ANNE CLAVERIE (France, née en 1974)
2013
Pneu, support métallique
Fondation Villa Datris, inv. 98

Dans Arbrabra, le latex devient une métaphore de la sève végétale. Les branches faites de l'alliance du pneu et du métal révèlent une forme mutante symbolisant l'évolution constante de la matière et de la vie. À travers cette œuvre, l'artiste met en exergue l'unicité de cet «< arbre à bras >>, car, si marchant dans la forêt, on rencontre deux fois le même arbre, n'est-ce pas que nous sommes perdus ? Anne Claverie invite à une réflexion profonde sur l'analogie entre les arbres et les hommes, où chaque racine et chaque branche témoignent d'un parcours unique et irréversible.

I like America, tribute to Jacques Derrida
MOUNIR FATMI
(France et Maroc, né en 1970)
2007-2010
Bois peint et acier galvanisé
Collection du Centre national des arts plastiques, inv. FNAC

Cet enchevêtrement de barres d'obstacles hippiques aux couleurs du drapeau américain, évoque les rapports complexes entretenus avec les États-Unis. Avoir accès à la première puissance économique mondiale semble relever de l'exploit. Le titre de l'œuvre, renvoie à celui de I like America
(J'aime l'Amérique, Hommage à Jacques Derrida) and America likes me, performance de Joseph Beuys, enfermé pendant plusieurs jours dans une galerie en présence d'un coyote. Ce jeu entre attraction et répulsion fait aussi référence aux notions de déconstruction du philosophe français Jacques Derrida. Présentée près du manège de Sénarmont, cette œuvre politique revêt une autre dimension dans le contexte actuel des relations transatlantiques.

Fantaisie héroïque
MAX COULON (France, né en 1994)
2025
Béton, pigments
Prêt de l'artiste.
Max Coulon développe une œuvre singulière faite de sculptures architectures hybridées qu'il réalise à l'aide de matériaux d'allure basique, - tels que le béton et le bois laissé brut.
Guerrier, chasseur ou chassé, ce drôle de personnage nommé Fantaisie héroïque, est le premier d'une série de sculptures auxquelles il a décidé d'attribuer des rôles à jouer. Au cœur du jardin Anglais, perché sur son socle, il semble vouloir contrôler la situation de la vaste prairie tout en s'exposant malgré lui à la vue et au danger.


Rhinocéros
CLAUDE LALANNE (France, 1925-2019) FRANÇOIS-XAVIER LALANNE (France, 1927-2008)
1981 Acier
Dépôt de la Ville de Paris (Conservation des Œuvres d'Art Religieuses et Civiles), 2023

En 1981, au cœur des Halles à Paris, le couple de designers imagine une enclave réservée aux enfants. Pour former les topiaires deux rhinocéros et deux éléphants sont créés. Le jardin est inauguré en 1986 et détruit en 2011 lors de la rénovation des Halles.
Présents dans le jardin Anglais depuis 2023, les rhinocéros tiennent une place particulière, visibles de l'extérieur à travers l'une des grilles du parc, tels des animaux en cage, et de l'autre côté, libres dans une des prairies, se jouant pour l'occasion d'une mise en végétal singulière réalisée par les jardiniers du Domaine.

Rest in rose
FLORIAN MERMIN (France, né en 1991)
2024
Céramique émaillée
Prêt de l'artiste

Associées à des plantes naturelles ou factices, des fleurs fraîches ou séchées, les sculptures et céramiques de Florian Mermin empruntent à l'esthétique de l'hybride mêlant univers fantastiques et inquiétante étrangeté. Conçue pour la cour du musée des Beaux-Arts de Lyon à l'occasion de la Biennale 2024, Rest in Rose, flacon de parfum surdimensionné en céramique, se pare de motifs floraux en référence aux natures mortes d'Henri Fantin-Latour. Posée sur l'un des socles orphelins du jardin, elle représente pour lui une vanité, évoquant au cœur de ce cadre romantique le caractère fugace et éphémère de l'existence.

Le Grand Cerf. 
LAURENT LE DEUNFF (France, né en 1977)
2023
Ciment type rocaille
Établissement public du château de Fontainebleau 
Représenté par la galerie Sémiose
Laurent le Deunff a l'art de tromper l'oeil par l'écart entre les matériaux et l'objet représenté et les artifices de décor. Au marbre ou à la classique pierre, il préfère ici le béton moulé travaillé selon la méthode du rusticage en vogue durant la seconde moitié du XXe siècle. Jouant de l'iconographie historique, le cerf symbolisant dès le règne de François Ier, les chasses royales, est installé sur un socle dominant la pièce d'eau du jardin Anglais. Cette fière sculpture rappelle le mythe d'Actéon, petit- fils d'Apollon et chasseur orgueilleux transformé en cerf par Artémis qu'il avait surprise nue prenant son bain.

La Redite
SARA FAVRIAU (France, née en 1983)
2016-2025 Bois, ficus
Prêt de l'artiste
Représentée par la galerie Maubert
Sara Favriau porte une attention particulière aux enjeux environnementaux et sociétaux en convoquant des formes, des symboles et des procédés populaires pour les transposer. Cette œuvre déposée sur la pièce d'eau du jardin Anglais est issue d'une installation collaborative composée de cinq sculptures-cabanes présentées en 2016 au Palais de Tokyo, et dans lesquelles des artistes étaient invités à déposer leurs œuvres. Réalisée juste en dessous de l'échelle humaine, cette «ile-cabane »>, ou «cabane-nid », exposée au vent et à la pluie, retrouve une fonction protectrice en abritant un ficus, œuvre du vivant à célébrer et à préserver.

Sojourner
KIM DACRES
(États-Unis d'Amériques, née en 1986)
2022
Pneus recyclés, bois, chambres, pièces de bicyclette, émail
Prêt de la galerie Zidoun-Bossuyt

Kim Dacres répère des matériaux négligés et inhabituels qu'elle transforme pour leur donner une dimension universelle. Entre ses mains, le caoutchouc devient muscle, os, peau, cheveux et semble reprendre vie. Ses créations incarnent l'énergie et la présence affirmées d'individus, en particulier les afro-américains, les femmes et les queers qui constituent les communautés de Harlem et du Bronx. Elles évoquent aussi des
à air tressées, attaches de glissière, personnages fictifs, artistes, athlètes ou musiciens inspirants

Atlas
JEAN-MARIE APPRIOU (France, né en 1986)
2021
Bronze patiné et verre Collection du Centre national des arts plastiques, FNAC 2022-0098

Exposé pour la première fois, Atlas nous plonge dans l'univers fantastique du sculpteur Appriou. Il puise ici dans le mythe grec de la Guerre des Titans, conté par Hésiode et Homère. À la suite de sa défaite contre les dieux de l'Olympe, le titan Atlas est condamné par Zeus à soutenir la voûte céleste pour maintenir l'écart entre le ciel et la terre éternellement. Atlas apparaît aussi dans le mythe de Persée qui l'aurait pétrifié sur place en lui présentant la tête de Méduse, qu'il venait de tuer. Haut d'à peine un mètre et dépourvu de socle, cet Atlas plus proche de la terre que du ciel, s'éloigne du mythe grec et entretient un lien direct avec le visiteur

Atlas, vue rapprochée 

Panneau Panache
PINAFFO & PLUVINAGE (France, nés en 1987 et 1986)
2025
Bois, métal, cordelettes
Prêt des artistes
Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage créent ensemble depuis 2015 des œuvres à mi-chemin entre le design et l'art visuel à travers une approche mêlant installations interactives, objets ludiques et scénographies. Dans le jardin Anglais, ils ont choisi de nous faire revivre à leur manière les feux d'artifice donnés en 1606, à l'occasion du baptême de Louis XIII, à travers cette installation inscrite dans le paysage. Les formes en bois colorées, semblant sortir de la végétation, peuvent être animées par les visiteurs pour créer de multiples saynètes. Panneau Panache, s'inspire joliment des folies ou fabriques en vogue au XIXe siècle et prend vie selon le désir et l'humeur du promeneur devenu acteur d'une comédie de nature et de jardin.

Samare
GUILLAUME CASTEL (France, né en 1980)
2023
Acier Corten et inox Prêt de la galerie Ariane
Séduit par l'idée de hasard, Guillaume Castel glane ses formes dans la nature. Intéressé par les formes végétales, il observe et étudie les plantes, leur structure et leurs motifs. En 2017, la ville de Morlaix lu commande Samare, œuvre monumentale et première d'une série majeure dans l'œuvre de l'artiste. Samare - du latin samara << graine d'orme » - designe le fruit sec prolongé d'une aile favorisant la dissémination de certais arbres (frêne ou orme). La forme de l'œuvre suggère le mouvement ce la graine dans sa chute. La combinaison de l'acier Corten (éxtérieur) de l'inox (intérieur) est une véritable prouesse technique et joue avec la lumière.

Les songes de la forêt
DUY ANH NHAN DỤC (France et Vietnam, né en 1983)
2025
Bois (sapins Nordmann)
Prêt de l'artiste

Dans son projet Les Songes de la forêt, conçu spécialement pour l'exposition, l'artiste convoque la force de régénération infinie de la nature et la sublime en utilisant des sapins Nordmann collectés après les fêtes de fin d'année. L'installation se compose de deux œuvres qui dialoguent d'une extrémité à l'autre de l'Allée de Maintenon. Depuis cet emplacement, entre deux nébuleuses fixées à la grille, se détache au loin une troisième nébuleuse esquissant un trait d'union entre le patrimoine culturel du château et la richesse paysagère qui l'entoure.

Marina Le Gall (née en 1986)
Des girafes à Fontainebleau
Devant le quartier des Héronnières, création in situ de plusieurs girafes et d'un girafon.
L'artiste réalise cette œuvre avec des branchages et des morceaux de bois récoltés dans le parc du château, sur lesquels elle installe des éléments en grès et en faïence conçus en atelier.

samedi 21 juin 2025

Gabriele Münter au musée d'art moderne en juin 2025

Une belle rétrospective !

Vassily Kandinsky (1866-1944)
Gabriele Münter
1905
Huile sur toile
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957

Gabriele Münter
Peindre sans détours

« Ce qui est expressif dans la réalité, je l'extrais, je le représente, simplement, sans détours, sans fioritures. Ainsi, [...] les formes se rassemblent en contours, les couleurs en surfaces, il en résulte des esquisses du monde, des images.▸ GABRIELE MONTER

Gabriele Münter (1877-1962) compte parmi les femmes artistes les plus éminentes de l'expressionnisme allemand.
Artiste voyageuse, indépendante, habitée par la passion de la création, elle a suivi une vocation nourrie par la pratique du dessin dès son plus jeune âge. Afin de se libérer des contraintes des académies d'art traditionnelles, elle s'inscrivit en 1902 à l'école de la Phalanx à Munich. Elle y rencontra Vassily Kandinsky (1866-1944), dont elle fut la compagne jusqu'en 1916, participant à la fondation des cercles munichois d'avant-garde: la Nouvelle Association des artistes de Munich, en 1909 puis Le Cavalier bleu en 1911.
Le parcours chronologique commence par les photographies, prémices de sa carrière artistique. Témoignant de ses premiers voyages, aux États-Unis (1898-1900) et en Tunisie (1905), celles-ci sont d'une surprenante qualité visuelle et novatrice Puis on découvre ses gravures, lors de son premier séjour parisien (1906-1907), marqué par la rencontre des avant-gardes, en particulier du fauvisme. Suivent les chefs d'oeuvres de sa période expressionniste (1908-1914), correspondant à son activité au sein des avant-gardes munichoises. La section suivante évoque les intérêts de Münter pour les expressions vernaculaires et l'art des enfants. Un ensemble inédit de ses dessins ouvre sur son second séjour parisien (1929-1930), qui révèle son évolution stylistique, en lien avec les nouvelles tendances de la figuration. Le parcours se clôt avec quelques ceuvres phares du milieu des années 1930 à la fin des années 1950, qui donnent un aperçu de la permanence et de l'intensité de l'engagement artistique de Gabriele Münter, le projet d'une vie, elle qui déclarait vouloir simplement peindre sans détours


Emmy Münter avec des hommes de la famille devant la maison de Plainview, Texas
1899-1900
Tirage d'exposition
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Tunisie
Au cours d'un voyage en Tunisie (fin 1904-1905), Münter et Kandinksy parcourent des lieux éloignés des circuits touristiques de l'époque. Ils travaillent beaucoup, côte à côte, sur le motif. Si Münter se plaît à broder des textiles d'après des esquisses de Kandinsky, elle réalise surtout près de 150 peintures et dessins, et prend environ 180 photographies. Il s'agit moins d'une expérience artistique que d'une confrontation à une culture autre dont elle fixe le quotidien, les gens dans la rue, des éléments d'architecture et de calligraphie. Ses peintures et photographies témoignent d'une vision originale qui échappe aux poncifs orientalistes.

Rue de la Verdure
à Bab el-Khadra, Tunis
1905
Tempera et crayon sur papier gris
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957
Münter a exécuté cette tempera (technique de peinture à base d'eau) d'après une esquisse dessinée sur le motif, sans doute après son retour en Allemagne. Cette pièce fait partie des tout premiers dessins qu'elle réalise lors de son séjour de trois mois en Tunisie. Depuis l'Hôtel Saint-Georges, où elle loge avec Kandinsky, Bab el-Khadra est la porte la plus proche pour se rendre dans la médina (vieille ville). Münter photographia également cette porte dont le nom, Bab el-Khadra, qui signifie «porte verte», désigne aussi tout le quartier, ainsi qu'une rue menant à la médina

Aloès
1905
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Ruelle à Tunis
1905
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung


Premiers pas sur la scène parisienne
Au début du XXe siècle, Paris est l'épicentre de l'art moderne européen, où les artistes du monde entier se pressent. Münter y séjourne près d'une année, occasion pour elle de poursuivre sa formation et d'exposer pour la première fois de sa carrière. Elle dessine et peint d'après modèle vivant à l'Académie de la Grande-Chaumière,
à Montparnasse. Elle approfondit sa pratique de la gravure, réalisant de nombreuses estampes inspirées par son environnement quotidien. Elle visite les galeries d'art et des collections privées, en particulier celle de la famille Stein, des collectionneurs américains chez qui elle peut voir des œuvres de Gauguin, Bonnard, Cézanne, Picasso et surtout Matisse. Ce séjour parisien aura une influence décisive sur sa manière de peindre, libérant sa touche et son usage de la couleur.


Kandinsky à l'harmonium
1907
Linogravure couleur sur papier japonais
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957

Parc de Saint-Cloud
1907
Probablement linogravure couleur
sur papier japonais
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957

Parc en automne
1906
Carton entoilé
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Vue par la fenêtre à Sèvres
1906 Toile
Munich, Lenbachhaus
Dans cette peinture, l'une des plus importantes réalisées lors de son séjour parisien, Münter donne au spectateur la sensation d'embrasser le paysage urbain qui remonte jusqu'à la colline de Saint-Cloud, à peine contrariée par la silhouette d'un arbre que l'hiver a dépouillé de son feuillage et qui se détache au premier plan. Cet élément, qui agit comme un léger obstacle à la vision tout en faisant office de point de repère, revient régulièrement dans ses compositions, en particulier dans ses photographies. Cette œuvre figure au Salon des indépendants de 1907, où Münter expose sous son nom pour la première fois de sa carrière

Tête d'homme, Paris
1906
Huile sur toile contrecollée sur carton
Kunstsammlungen Chemnitz -
Museum Gunzenhauser;
propriété de la Fondation Gunzenhauser

Mme Vernot avec Aurélie
1906
Linogravure couleur sur papier japonais
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957
Pendant l'année qu'elle passa à Paris en 1906-1907, Münter réalisa de nombreuses gravures. Elle portraiture ici la logeuse de la chambre qu'elle loua quelques mois au 58, rue Madame, dans le quartier de Montparnasse. Sarah et Michael Stein - le frère cadet de la poétesse Gertrude Stein -, également collectionneurs, vivaient dans le même immeuble. Le goût de l'expérimentation de l'artiste se révèle notamment dans les arrière-plans des portraits, traités à chaque fois différemment. Dans cette gravure, on aperçoit Aurélie, la domestique de Mme Vernot, affairée dans la cuisine

M. Vernot
1906
Linogravure couleur sur papier japonais
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957

Kandinsky
1906
Linogravure couleur sur papier japonais
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957

Vase rouge
1909
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Tête de femme, Munich
1908
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Portrait de garçonnet [Willi Blab]
vers 1908-1909
Carton
Munich, Gabriele Münter und Johannes Eichner Stiftung

La Petite Dietrich
1908
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Mlle Mathilde*
vers 1908-1909
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Mlle Mathilde au châle bleu
vers 1908-1909
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Munich, Murnau et le Blaue Reiter
En 1909, Münter acquiert une maison à Murnau, village situé à une heure de train de Munich, au pied des Préalpes bavaroises et au bord du lac Staffel. Ce site l'enthousiasme, par sa diversité de motifs - les maisons aux façades colorées, le lac, les marais, les montagnes - qui l'inspirent continuellement. Au même moment, elle participe activement au renouveau de l'art
à Munich: elle est membre fondatrice de la Nouvelle Association des artistes de Munich et, en 1911, du Cavalier bleu, aux côtés de Kandinsky, Franz Marc, August Macke et Paul Klee, entre autres. Cette période est marquée par le travail collaboratif au sein de ce cercle d'artistes que réunit une même fascination spirituelle pour le paysage et la nature. Münter participe aux expositions du groupe et à l'édition du célèbre Almanach, ouvrage théorique et programmatique qui pose les bases d'une nouvelle avant-garde internationale et pluridisciplinaire.

Mme Olga von Hartmann*
vers 1910 Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Le couple russe Olga et Thomas von Hartmann vécut à Munich de 1908 à 1912. Le musicien Thomas von Hartmann était un ami proche de Kandinsky. Il écrivit la musique pour la composition scénique de ce dernier, intitulée La Sonorité jaune et parue dans l'Almanach du Cavalier bleu. Chanteuse d'opéra de formation, Olga von Hartmann semble s'être vouée à la carrière de son mari plus qu'à la sienne. Elle fut un modèle privilégié pour Münter, qui la peignit et la photographia à plusieurs reprises. Ce portrait sans fioritures présente une grande simplicité de formes

Habitante de Murnau [Rosalie Leiss]
1909
Huile sur carton
Murnau, Schlossmuseum;
propriété partielle de la Ernst von Siemens Kunststiftung (Murnau) et de la Fondation privée du Schlossmuseum (Murnau)

Nature morte au fauteuil*
1909
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Portrait de Marianne von Werefkin*
1909
Carton
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957
Münter fait poser l'artiste Marianne ven Werefkin devant le soubassement jaune de la maison qu'elle vient alors d'acquérir, en août 1909, à Murnau. Elle la représente coiffée d'un grand chapeau à fleurs lui projetant des ombres colorées sur le visage, le buste réduit à un imposant triangle blanc cerné d'une écharpe rose. Les couleurs audacieuses de ce portrait rappellent les portraits peints par Matisse à la même époque, notamment Femme au chapeau (1905), que Münter a pu voir chez Gertrude Stein. Son langage pictural est cependant plus radical, par l'emploi d'une stylisation des formes plus accentuée

À l'écoute
[portrait de Jawlensky]
1909
Carton
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957

Rue de village bleue
1911
Huile sur carton
Collection privée

Paysage avec cabane au couchant
1908
Huile sur papier contrecollée sur carton
Kunstsammlungen Chemnitz - Museum Gunzenhauser; propriété de la Fondation Gunzenhauser
Ce paysage est caractéristique du langage pictural que Münter met au point durant son premier séjour à Murnau, à l'été 1908: l'utilisation de couleurs s'éloignant de la réalité, et une grande simplification des formes. Les collines bleues se détachent devant un ciel rose de crépuscule, les derniers rayons du soleil font rougeoyer les petites meules de foin qui parsèment les champs. Par ces moyens stylistiques, l'artiste cherche à augmenter la force d'expression d'une scène et à rendre ce qu'elle en appelle "l'essence".

Au salon
1911
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Deux femmes discutent devant un papier peint ou une tapisserie, dont les couleurs et les motifs chatoyants viennent animer le fond de la scène d'ondulations obliques. Une petite fille coiffée d'un noeud rouge est représentée de dos. Le spectateur ne voit que l'arrière de sa tête, comme s'il était derrière elle. Cette perspective donne l'étonnante sensation d'assister à la conversation. La fusion de la scène et du décor rappelle les peintures intimistes de Bonnard ou Vuillard, mais aussi les intérieurs et ateliers de Matisse peints la même année.

Combat du dragon
1913
Huile sur toile
Paris, Centre Pompidou, Musée national d'art moderne/Centre de création industrielle; don de la Société Kandinsky, 2015
Cette peinture s'inspire d'une sculpture populaire russe, dont la reproduction figurait dans l'Almanach du Cavalier bleu, et représentant le combat de saint Georges à cheval contre dragon, sous la forme d'une hydre (monstre à plusieurs têtes). Münter transpose cette lutte légendaire du Bien contre le Mal en la vision d'une scène sanglante, ancrée dans un arrière-plan paysager. Elle l'anime au moyen d'une touche mouvementée, très expressive, et de coloris contrastés. Peut-être illustre-t-elle ainsi symboliquement la lutte des artistes du Cavalier bleu pour la défense de leur art novateur dans l'environnement hostile et incompréhensif de l'époque, ou bien la philosophie qui les anime dans la défense du spirituel contre le matériel.

Nature morte aux oeufs de Pâques*
1914
Carton
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957
Dans cette composition, Münter fait un usage étonnant de la vue en plongée (un emprunt au cadrage photographique d'une très grande óriginalité pour l'époque), en représentant une nature morte vue du dessus. Les objets sont disposés sur une nappe ou un plateau de couleur blanche qui se détache sur un fond sombre (le sol ou bien une table de bois). Ils semblent ainsi dans une position instable. Münter exposa fréquemment cette nature morte, notamment à la Biennale de Venise de 1950, où elle présenta également un paysage et une scène d'intérieur avec Paul Klee.

Nuages du soir
vers 1909-1910
Huile sur carton
Collection privée

Intérieur à Murnau
vers 1910
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
La vie privée de Münter est le sujet de cette peinture qui n'est pas sans rappeler la célèbre chambre de Van Gogh. Comme si elle prenait une photographie, l'artiste montre une pièce décorée de meubles peints par elle et Kandinsky. Parmi les nombreux objets que l'on peut distinguer, on remarque particulièrement des sandales et des chaussures à talon posées sur le sol. Le tapis au centre de la composition guide le regard du spectateur vers une autre pièce située à gauche, où l'on peut voir Kandinsky en train de lire, allongé sur un lit.

Nature morte aux vases, bouteilles et branches de sorbier
vers 1908-1909
Huile sur carton
Kunstsammlungen Chemnitz - Museum Gunzenhauser; propriété de la Fondation Gunzenhauser

Portrait d'enfant [lwan]
1916 Toile
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957
Iwan était le fils du couple d'artistes suédois Sigrid Hjertén et Isaac Grünewald, dont Münter avait fait la connaissance à Stockholm en 1915, sans doute par l'intermédiaire du galeriste berlinois Herwarth Walden. Grâce à eux, elle intégra rapidement la scène artistique de l'avant-garde suédoise. Tous deux avaient été élèves de l'académie fondée par Matisse à Paris. Pendant ses années scandinaves, l'intérêt de Münter se porte davantage sur la figure humaine, qu'elle représente sous forme de portraits ou dans des scènes d'intérieur.

Enfant endormi (vert sur noir)
1934
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Fillette endormie (marron, bleu)
1934
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Ces œuvres illustrent la constance du travail en série dans la production de Münter. Le sujet est inspiré par l'observation d'une fillette endormie sur la banquette d'un compartiment de train, dont le motif apparaît dans plusieurs pages d'un carnet, en 1930. Il resurgit dans ces deux peintures quelques années plus tard, et fait écho à d'autres œuvres représentant des enfants endormis dans les bras de leur mère. L'épais cerne noir séparant des plages de couleur aux tonalités douces caractérise de nombreuses oeuvres réalisées par l'artiste à partir de cette époque.

Au salon
1913
Toile
Munich, Lenbachhaus; acquisition grâce
au soutien de la Ernst von Siemens Kunststiftung

Non identifié 

Villa les Fleurettes* (Paris)
vers 1929-1930
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Échafaudage
1930
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Autoportrait
vers 1921
Toile montée sur un autre support textile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Nature morte aux couverts rouges
1930
Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Münter peint cette nature morte lors de son second séjour à Paris. Elle en explique la genèse dans une lettre adressée à son conjoint Johannes Eichner: «Hier soir, je voulais écrire des cartes et des lettres, comme j'avais prévu de le faire depuis longtemps - me mettre à la couture aurait été tout aussi bien - mais j'ai peint à la place une nature morte que j'ai vue en débarrassant la table. Des couverts à salade rouge dans le bol blanc (et un citron) avec des ombres portées. » La vue rapprochée sur ce coin de table, avec le saladier et le fragment d'un dossier de chaise à l'arrière-plan, rappelle un zoom photographique.

Sténographie. Suissesse en pyjama
1929 Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Comme l'indique le titre qu'elle a donné a cette œuvre phare de son second séjour parisien, Münter figure une sténographe, vêtue de pantalons légers à la mode, en train de travailler à la prise de notes. La composition évacue tout élément de contextualisation, sans aucun effet de perspective, le point focal du tableau étant situé sur le geste d'écriture. L'accent mis sur la profession et l'activité du modèle, et la grande frontalité de cette œuvre, en font davantage un emblème qu'un portrait. Münter témoigne, à sa manière, des mutations culturelles de l'époque reflétant l'émancipation des femmes par le travail, autour de la construction de l'archétype de la «femme nouvelle »> (Neue Frau), en Allemagne, ou de la garçonne, en France

La Lettre
1930
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Loulou Albert
1929
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Lou Albert-Lasard (1885-1969) est une peintre franco-allemande formée à Munich au début du XXe siècle et proche des milieux artistiques et littéraires, en particulier du poète Rainer Maria Rilke. Münter l'a sans doute fréquentée successivement à Munich, entre 1904 et 1910, et à Berlin, au milieu des années 1920, avant l'installation d'Albert-Lasard à Paris, en 1928. L'artiste l'a peinte à plusieurs reprises lors de son séjour parisien, puisque c'est également Lou Albert-Lasard qui apparaît alitée dans La Lettre, accroché à côté de ce portrait

Auditrices
vers 1925-1930
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

Penseuse
1917
Toile
Munich, Lenbachhaus;
donation Gabriele Münter, 1957
Münter a réalisé plusieurs portraits de cette femme, nommée Gertrud Holz, à Stockholm. Son style
a évolué, il est plus graphique, avec des couleurs adoucies. Les objets (fleurs dont on ne voit pas le vase, assiette de fruits, lampe) disposés sur la table à l'arrière-plan semblent se mouvoir en écho à la divagation des pensées du modèle. Certaines zones encore traitées de manière indéfinie et les tons sourds baignent la peinture dans une atmosphère empreinte de nostalgie. Chef-d'œuvre de la période scandinave de Münter, cette œuvre sera exposée en 1918 à Copenhague, lors de la plus grande exposition personnelle organisée de son vivant.

Une nouvelle vie à Murnau
En 1931, Münter s'installe définitivement à Murnau. C'est le début d'une période d'intense création. Les rues de ce village pittoresque et les paysages alentour constituent les motifs principaux d'oeuvres dans lesquelles elle renoue avec sa propre tradition expressionniste. Sous le III Reich, elle réduit ses apparitions publiques sans pour autant cesser de travailler, meme si son compagnon, l'historien de l'art Johannes Eichner, lui enjoint d'assagir sa touche et de veiller au choix de ses sujets. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'art de Münter est progressivement redécouvert et son importance, réaffirmée. Un épais cerne noir séparant des aplats de couleur aux tonalités douces caractérise nombre de ses peintures à partir du milieu des annees 1930. On y distingue moins les traces de pinceau, et le principe de la reprise en série évacue le contexte du sujet représenté. La radicalité formelle de ces images autonomes, très synthétiques, met à distance les catégories traditionnelles du portrait, du paysage et de la nature morte.


Autoportrait
1935 Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung

La Maison de Münter à Murnau
1931 Toile
Munich, Lenbachhaus ;
donation Gabriele Münter, 1957

Nature morte devant
«La maison jaune >>
1953
Toile
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Münter superpose ici différentes réalités et temporalités. Au premier plan, elle a peint une nature morte (fleurs et fruits sur une table ronde) dans le style récurrent de ses peintures depuis les années 1930: une très grande simplification des formes, un cerne noir délimitant des zones de couleurs primaires avec peu de touches de pinceau apparentes. L'arrière-plan reproduit l'une de ses peintures de 1911,
La Maison jaune, accrochée dans la section dédiée au Blaue Reiter. Le cadrage rapproché donne l'étrange sensation que cette peinture devient un vrai paysage hivernal, fusionné en une nature morte printanière

Le Lac bleu
1954
Huile sur toile
Linz, Lentos Kunstmuseum

La Route menant aux montagnes
1936
Huile sur toile
Murnau, Schlossmuseum; prêt permanent de la Sparkasse Oberland

Vue sur les montagne
1934
Toile
Munich, Lenbachhaus


L'Excavatrice bleue (étude)
1935 Carton
Munich, Gabriele Münter
und Johannes Eichner Stiftung
Münter a toujours représenté le monde du travail, depuis ses photographies américaines. De 1935 à 1937, elle peint, dessine et photographie à de nombreuses reprises les travaux de construction de la route et de la ligne de chemin de fer mis en œuvre pour les Jeux olympiques de 1936 à Garmisch-Partenkirchen. À la demande d'une marchande d'art, elle enverra les deux études ci-contre à une exposition intitulée «Les routes d'Adolf Hitler dans l'art », sujet hautement compatible avec la propagande officielle. Cependant, les petits personnages de La Pelle mécanique sont loin de la représentation «surhumaine » des travailleurs allemands prônée par les nazis. Münter associe d'ailleurs symboliquement le motif de l'excavatrice, autour duquel elle articule une série de douze peintures, à un «monstre qui dévore et abandonne >>.

Dr. Hanna Stirnemann
1934
Carton
Munich, Gabriele Münter und Johannes Eichner Stiftung; prêt permanent
au Landesmuseum Kunst & Kultur, Oldenburg
Münter réalisa ce portrait de Hanna Stirnemann lors d'une visite de celle-ci à Murnau, ou peu après. Les montagnes bleues en arrière-plan sont une évocation du paysage typique des environs de ce village du sud de la Bavière. Hanna Stirnemann était devenue la première femme directrice de musée en Allemagne, après avoir pris la direction du musée municipal de léna, en 1930. Celui-ci fut l'une des sept étapes de l'exposition itinérante «Gabriele Münter. 50 peintures des 25 dernières années (1908-1933)»>, en 1934.

Petit-déjeuner des oiseaux
10 mars 1934;
retouches minimes en janvier 1938
Huile sur carton
Washington, D.C., National Museum
of Women in the Arts; don de Wallace et Wilhelmina Holladay
Cette œuvre nous fait pénétrer dans l'intériorité de l'artiste, dont elle constitue une sorte d'autoportrait symbolique à l'aube de la soixantaine. Le spectateur peut en effet s'identifier à la figure de dos qui occupe le premier plan de la composition, comme s l était lui-même assis à la table de Münter et observait, avec elle, les oiseaux dans les arbres du jardin à travers la fenêtre de sa maison, à Murnau. Les deux rideaux rouges semblent encadrer la peinture plus que la fenêtre, ce qui donne un aspect solennel à ce souvenir d'un jour d'hiver




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