mercredi 25 mai 2022

Les collections du musée de Cluny en mai 2022



Visite entre midi et deux des collections de cette magnifique institution récemment rénovée et dont voici le reportage :



Le Musée national du Moyen Âge
Créé en 1843 et riche d'environ 24 000 œuvres, le musée de Cluny tire son origine de la collection qu'Alexandre Du Sommerard (1779-1842) installa dès 1833 dans l'hôtel parisien des abbés de Cluny et de la cession, par la Ville de Paris à l'État, des thermes antiques et du dépôt de sculptures qu'ils abritaient.
Pensé tout d'abord comme un musée des "antiquités nationales" en raison de ses collections couvrant une période bien plus large qu'aujourd'hui (de la Protohistoire au XIXe siècle), le musée de Cluny s'est progressivement spécialisé dans le Moyen Âge : 5 000 œuvres du
XVIe siècle furent ainsi prélevées de son fonds pour créer en 1977 le musée national de la Renaissance à Écouen. En 1992, le musée de Cluny a reçu le nom officiel de musée national du Moyen Âge.
La rénovation du musée, achevée en 2022, offre l'occasion de redécouvrir ses collections selon un parcours chronologique et thématique
permettant d'évoquer des ensembles jusqu'à présent dispersés.
Sculptures, objets d'orfèvrerie, vitraux, peintures, enluminures,
tapisseries (dont la célèbre Dame à la licorne), et objets de la vie quotidienne donnent à voir toute la richesse et la complexité du monde
médiéval, principalement européen, avec, pour points forts, l'art français
et la fin du Moyen Âge.

L'Annonciation
Normandie,
fin du xve siècle Pierre de Vernon, vestiges de polychromie
Provenance : connue au château du Bois-Héroult à Écaquelon (Eure) depuis 1928

L'art au début du Moyen Âge en Occident et en Orient

Dans la seconde moitié du premier millénaire, les artistes accueillent l'héritage antique tout en ouvrant de nouveaux chemins. Leur élan créateur s'incarne particulièrement au travers des arts somptuaires que sont l'orfèvrerie, la soierie et la sculpture de l'ivoire. Un dialogue entre les pièces venues d'Orient et celles créées en Occident rappelle l'ancienneté et le caractère fécond du voyage des œuvres et des artistes. Parures de tombes, pièces de trésors d'églises ou commandes royales, ces œeuvres à la force inaltérée placent la genèse de l'art médiéval sous le signe des matières merveilleuses.

Rome et les "barbares"
Au ve siècle, l'Empire romain subit l'incursion de peuples poussés par les Huns. Les Goths entrent dans Rome, les Saxons gagnent l'Angleterre, les Wisigoths la péninsule ibérique, les Alamans, Burgondes et Lombards l'arc alpin. En Gaule, les Francs revendiquent l'ascendance de Mérovée, ce qui leur vaut d'être nommés Mérovingiens par les historiens. Des orfèvres virtuoses irriguent l'Occident de formes nouvelles. L'art romain exerce sur eux, en retour, une influence considérable.

Châsse, royaume Lombard
Début 8ème siècle argent

Saint Paul et 
Guérison de l'aveugle-né

Royaume franc, fin du vi"-VII° siècle Bas-reliefs sur ivoire d'éléphant Provenances: amphithéâtre (église Saint-Pierre-aux-Arènes) de Metz (Moselle) et église Saint-Maclou de Bar-sur-Aube (Aube)

Sur la plaque, Paul tenant le Livre est figuré sous une arcature selon la représentation conventionnelle d'un apôtre. Sur la pyxide (boîte), le Christ appose son index sur les yeux d'un homme qui l'implore. Cinq disciples assistent au miracle. Ces œuvres témoignent de l'influence byzantine sur la sculpture en Gaule mérovingienne.

Plaques de reliure
Crucifixion, Saintes Femmes au tombeau, Ascension et Christ bénissant
Cologne (Allemagne actuelle). vers 1000
Saint Paul
Echternach (Luxembourg),
vers 1030

L'art du tissu autour de la Méditerranée
Aisées à transporter, les soieries byzantines et islamiques fascinent l'Occident dès le début du Moyen Âge. En Égypte, la civilisation chrétienne, dite copte, excelle dans la production textile, notamment de tapisseries. La découverte de cet art copte intervient par la fouille de tombes à partir du xixe siècle. Dans les ateliers d'Orient, répertoire antique et bestiaires orientaux côtoient l'iconographie chrétienne.

Le Quadrige
Constantinople, viIIe siècle
Samit, soie
Provenance chapitre de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle (Allemagne)
Ce samit façonné (tissu dont le motif apparaît par l'alternance des trames) reprend une iconographie antique. Dans un médaillon entouré d'animaux affrontés, un aurige menant son char attelé de quatre chevaux sur la piste d'un cirque, reçoit la couronne de la victoire. La légende le disant «

Plaques de reliure
Vénétie ou Ravenne, fin du 11ème siècle Bas-reliefs en ivoire d'éléphant encore partiellement peints

La Crucifixion, sous laquelle sont saint Vital et sainte Valérie de Césarée dans des arcatures, ainsi que les bustes de saints dans des médaillons qui l'entourent, est d'inspiration byzantine. Cette reliure appartient sans doute au contexte du début de l'art roman du nord de la côte adriatique italienne, région en contact politique et artistique avec Constantinople depuis le ve siècle.

Vierge à l'Enfant en majesté
Auvergne, fin du XIIe siècle Bois polychromé Provenance : trouvée à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)
Au XIIe siècle, le thème de la Vierge à l'Enfant en majesté connaît un succès considérable, en même temps que se développe le culte de la Vierge Marie. Assise sur un trône et servant elle-même de trône à l'Enfant Jésus, la Sedes Sapientiae (trône de la Sagesse) est particulièrement diffusée en Auvergne, sous la forme de sculptures en bois polychromé transportées en procession.

Deux olifants
Fragmentaire avec une frise animale; orné d'une frise animale, de l'Ascension et de Saints
Italie du Sud, 11ème siècle 
Ivoire d'éléphant
Provenances: abbayes Saint-Pierre-Saint-Paul de Bèze (Côte d'Or) et Saint-Arnoul de Metz (Moselle)
À la forme de son matériau, une défense d'éléphant, l'olifant est en premier lieu un cor. Au Moyen Age, les olifants sont souvent associés à des faits légendaires, comme la mort du héros dans la Chanson de Roland. Leur préciosité leur vaut d'avoir rang de reliques dans les trésors d'églises, comme celui de Metz (ayant fait partie de la collection de Frédéric Spitzer)  dit cor de Charlemagne.

Entre art roman et premier art gothique
Après l'époque carolingienne, dès la fin du xe siècle, se développent à travers l'Occident chrétien des langages artistiques divers mais suffisamment cohérents pour qu'on les désigne depuis le début du XIXe siècle sous le nom d'«art roman». Stimulé par l'essor économique et la multiplication des foyers de création, cet art concerne tous les domaines techniques. L'Antiquité romaine demeure une référence essentielle, mais la figuration humaine adopte souvent des formes stylisées. Dans les années 1130, le premier art gothique apparaît en Île-de-France et se diffuse aux régions voisines, tandis que l'art roman reste vivace tout au long du XIIe siècle.

L'église abbatiale de Saint-Germain-des-Prés, Paris
Fondation royale et nécropole mérovingienne, la basilique du vie siècle est reconstruite dans le premier tiers du XI siècle. L'abbatiale romane est l'une des constructions les plus ambitieuses du temps, sous le patronage du roi capétien Robert II le Pieux. Le clocher-porche est élevé par l'abbé Morard (990-1014), la nef dans les années 1020-1030 sous l'impulsion de son successeur Ingon, cousin du roi. Les douze chapiteaux présentés ici en proviennent.
Douze chapiteaux adossés

Rangée avant : Entrelacs: Personnages; Scène eucharistique : Le Christ en majesté tenant :

l'orbe terrestre (ou l'hostie ?): Scène eucharistique ? Personnages Rangée arrière: Cannelures et palmettes Palmettes: Samson et le lion: Daniel dans la fosse aux lions : Palmettes et animaux: Palmettes
Île-de-France, vers 1020-1030
Calcaire
Provenance: nef de l'église abbatiale Saint-Germain des Prés, Paris

Ces douze chapiteaux appartiennent à l'un des plus importants ensembles sculptés du début de l'époque romane encore conservés. Remplacés sur le site lors de travaux de restauration dans les années 1820, ils sont attribuables à trois sculpteurs. Le premier est spécialisé dans le décor végétal, les deux autres se sont partagé les chapiteaux historiés L'un d'eux a réalisé un cycle consacré au thème de l'eucharistie, probablement pour défendre ce sacrentent contesté en 1022 par des théologiens à Orléans.

Quatre éléments de décor mural
La Vierge, deux Apôtres et Offrande d'une église à un saint
Bourgogne, fin du XII" siecle
Provenance refectoire de l'abbaye de Charlieu (Saône-et-Loire)
Peints à fresque, la Vierge et les apôtres, accompagnés de prophètes et de saints, entouraient à l'origine un monumental Christ en majesté. Parmi eux, se trouve le roi Boson (surmonté par les lettres « BOS») qui offre à saint Étienne ou à saint Fortunat la protection de l'établissement dont il est le fondateur (879). La frise incomplète provient du réfectoire de l'abbaye Saint-Fortunat de Charlieu détruite en 1844. L'association de l'or (auréole de la Vierge) et du bleu de lapis-lazuli, la beauté et la sérénité des visages permettent d'apprécier le haut niveau de la commande.

Sainte Femme
Figure d'une Mise au tombeau Nord de la Catalogne, vers 1120-1140 Bois (poirier), traces de polychromie Provenance : vallée de Boí, Taull? (Catalogne)
Bien que privée de sa polychromie, mutilée et séparée de l'ensemble auquel elle appartenait, cette Sainte Femme conserve sa force hiératique. Les deux mains levées en signe de prière, elle était sans doute penchée au-dessus du tombeau du Christ, à côté d'une figure semblable conservée aux Harvard Art Museums de Cambridge (États-Unis).

Le prophète Isaïe
Statue-colonne
Paris, vers 1150-1160 Calcaire lutétien (liais). vestiges de polychromie
Provenance : portail de l'église Saint-Jacques-de-la-Boucherie de Paris (?)

Sculptures de Notre-Dame de Paris
Du milieu du XII° siècle jusqu'au milieu du siècle suivant, les six portails de la cathédrale parisienne sont dotés d'un riche décor qui illustre différentes phases du développement de la sculpture gothique. Dès leur création, les portails de la façade occidentale, la galerie des rois qui les surplombe et les portails du transept sont considérés comme des références partout en Europe. Le musée de Cluny rassemble la plupart des éléments détachés qui subsistent de ce décor: aux sculptures remplacées lors des restaurations de l'architecte Viollet-le-Duc au XIXe siècle s'ajoutent les nombreux fragments arrachés sous la Révolution et redécouverts en 1977.

Adam
Île-de-France, vers 1260
Calcaire lutétien, vestiges de polychromie Provenance : Notre-Dame de Paris, revers de la façade sud du transept
Au-dessus de la porte menant au palais de l'évêque, la figure d'Adam était placée dans une niche, en regard de celle d'Ève (disparue) et au pied d'un Christ juge entouré d'anges. Ce nu monumental, manifeste de beauté idéale, emprunte son hanchement et la conception de son anatomie à des modèles antiques.

Notre-Dame de Paris. La galerie des rois
Les portails de la façade occidentale sont surmontés de manière innovante par une galerie de 28 niches abritant des figures de rois. Sans doute faut-il y voir les rois de Juda, considérés comme les ancêtres de la Vierge, en cohérence avec l'iconographie mariale de la façade. Il est possible d'y voir aussi la généalogie des rois de France, ce qui a valu à ces statues d'être supprimées en 1793, pendant la Révolution française. Il en subsiste 21 têtes présentées dans cette salle.

Cinq têtes de rois de Juda
dont le Roi David
(rangée avant gauche) Île-de-France, vers 1220 Calcaire lutétien, traces de polychromie Provenance : façade occidentale de Notre-Dame de Paris, galerie des rois
Neuf têtes de rois de Juda
Île-de-France, vers 1220 Calcaire lutétien, traces de polychromie Provenance façade occidentale de Notre-Dame de Paris, galerie des rois


La Sainte-Chapelle de Paris
En 1239 et 1241, Louis IX acquiert un ensemble de reliques de la Passion du Christ comprenant la Couronne d'épines et un morceau de la Vraie Croix. Pour les abriter dans un écrin digne d'elles, il fait édifier au cœur de son palais de l'île de la Cité, à Paris, une chapelle à deux niveaux conçue comme un reliquaire géant. Ce chef-d'œuvre de l'art gothique rayonnant, image de la Jérusalem céleste, est consacré en 1248, juste avant le départ du roi pour la croisade. Les éléments de décor qui n'ont pas été conservés sur le site lors de sa restauration au XIXe siècle, vitraux et statues d'apôtres en particulier, sont réunis dans cette salle.

Samson, héros de la baie des Juges
Sacrifice des parents de Samson Samson et le lion
Les Philistins défaits par Samson Paris, vers 1243-1248
Verres colorés, grisaille, plomb
Provenance : chapelle haute de la Sainte-Chapelle de Paris, baie des Juges
Les parents de Samson offrent un sacrifice après que l'Ange de Dieu leur a annoncé la naissance prochaine de leur fils. L'enfant grandit sans avoir conscience de sa force herculéenne. Un jour qu'il croise un jeune lion, il lui déchire la gueule, car Dieu est avec lui. Il combat les Philistins qui ont envahi son pays (panneau suivant), équipé d'une mâchoire d'âne (partie manquante). Il en tue mille et devient juge en Israël pour trente ans. La baie de Samson a été peinte avec fougue, d'un trait épais et efficace.

L'art en France du Nord au xiIIe siècle
Au cours du XIIIe siècle, les édifices gothiques de Paris, d'Île-de-France et de l'ensemble du domaine royal bénéficient de programmes décoratifs très développés, en particulier dans le domaine de la sculpture. Les artistes portent un nouveau regard sur le décor et taillent dans les chapiteaux une nature végétale finement observée, pouvant devenir tour à tour visage humain ou créature animale. Aux verrières fortement colorées de bleu et de rouge, il est peu à peu préféré des compositions dites "en litre" où les panneaux figuratifs sont posés en bandes étroites sur un fond de vitrerie blanche ornementale.

Apôtre « à tête de philosophe >>
Île-de-France, 1243-1248 Calcaire lutétien, traces de polychromie Provenance : chapelle haute de la Sainte-Chapelle de Paris
Plusieurs sculpteurs ont collaboré à la réalisation des apôtres, ce qui explique leur diversité stylistique. Cet apôtre, comme l'acéphale exposé en face, présente un drapé «classique» inspiré de l'Antiquité, avec un pan de manteau ramené en plis serrés à la taille; les autres laissent mieux percevoir les formes du corps et le mouvement.

Samson, un héros vaincu
Aveuglement de Samson par les Philistins Samson condamné à actionner le moulin des Philistins
Verres colorés, grisaille, plomb Provenance : chapelle haute de la Sainte-Chapelle de Paris, baie des Juges
Trahi, Samson est capturé et aveuglé par les Philistins puis condamné à tourner la roue du moulin. La belle Dalila à qui il a révélé le secret de sa force, c'est-à-dire sa chevelure, l'a endormi, lui a coupé les cheveux puis l'a livré à ses ennemis (panneau resté en place). La baie des Juges a subi beaucoup d'aléas, au point qu'il est difficile de percevoir de nos jours la forme trilobée de ses panneaux originels, le motif tréflé de ses mosaïques de fond ou les fleurons superposés de ses bordures.

La Sainte-Chapelle : un ensemble de vitraux unique
Porteuses de récits inspirés de la Bible, les quinze verrières de la chapelle haute dressent une vaste histoire du temps, qui va de la Création à saint Louis, et s'achève avec l'Apocalypse (grande rose du pignon). Chaque baie affiche une composition particulière de panneaux géométriques, de fonds de mosaïque (à petits motifs répétitifs) et de bordures. Cette variété ornementale, associée à des couleurs intenses, concourt à la richesse de l'ensemble.

Saint Jean l'Évangéliste
Île-de-France, 1243-1248 Calcaire lutétien, traces de polychromie Provenance : chapelle haute de la Sainte-Chapelle de Paris
Si tous les apôtres ont perdu leur attribut, ce qui empêche de les identifier, l'apparence juvénile de ce personnage imberbe permet de reconnaître saint Jean. Il porte à la taille la cordelière, élément caractéristique de l'habit franciscain, qui manifeste sans doute la dévotion du roi Louis IX envers saint François d'Assise.

Retable de saint Romain de Blaye
Le Baptême du Christ (au centre); saint Martin, assis sur un âne, vient en aide à saint Romain dans sa prédication contre les idoles (à gauche); saint Martin apparaît devant le lit de mort de saint Romain (à droite)
Île-de-France, milieu du XIIIe siècle Calcaire lutétien, traces de polychromie
Provenance : chevet de l'église abbatiale de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), première chapelle rayonnante au sud

Au milieu du XIIIe siècle, les chapelles rayonnantes du chevet de Saint Denis construit par l'abbé Suger un siècle plus tôt sont réaménagées. Chacune devient l'écrin des reliques d'un saint, présentées au-dessus de l'autel. Juste en dessous du reliquaire, dans la plupart des cas, un retable figure des scènes de la vie de ce saint. Ainsi, celui-ci montre deux épisodes de la vie de saint Romain de Blaye, compagnon de saint Martin.

La Crucifixion
Paris, vers 1275
Verres colorés, grisaille, plomb Provenance Sainte-Chapelle de Paris (réemploi)

Le Baptême du Christ
Paris, fin du x
12eme siècle
Verres colorés, plomb, grisaille Provenance Sainte-Chapelle de Paris (réemploi)

Plongé dans les eaux du Jourdain, le Christ est baptisé Submerg par Jean Baptiste, reconnaissable à sa peau de chameau Le panneau retiré de la première baie de la nef de la Sainte-Chapelle affiche un style plus tardif et empreintde souplesse. Sa proximité avec d'autres vitraux, comme ceux de la rose sud de la cathédrale Notre Dame de Paris, confirme son origine parisienne.

Scènes de la Vie de saint Jean Baptiste
Danse de Salomé; Salomé devant Hérodiade
Paris, vers 1260
Verres colorés, grisaille, plomb Provenance: Sainte-Chapelle de Paris (réemploi)
Réunis autour d'une table de banquet, Hérode et sa femme Hérodiade assistent au spectacle de danse de Salomé, fille d'Hérodiade. Hérode, charmé, décide d'accéder à tout désir de sa belle-fille. À la demande de sa mère, celle-ci réclame la tête de Jean le Baptiste, emprisonné depuis les remontrances qu'il a formulées sur le mariage scandaleux d'Hérode avec la femme de son frère. Salomé obtient la tête du saint et l'apporte sur un plateau à sa mère. Datables des années 1260, les deux panneaux, trouvés dans une des baies de la Sainte-Chapelle, n'en faisaient pas partie à l'origine, mais y ont été insérés plus tard. D'un style proche de la rose sud de Notre-Dame de Paris, ils proviennent sans doute d'un atelier parisien.

Vitraux du Xive siècle : le choix de la clarté
Vers 1300, les peintres-verriers bénéficient d'un verre plus fin, plus "blanc", qu'ils découpent en losange ou en d'autres formes aisées à assembler. Du réseau de plombs, ils font naître de grandes compositions géométriques ou végétales, à peine relevées de couleurs. La découverte du jaune d'argent (un peu de poudre d'argent posée sur le verre et portée au four) leur permet de teinter leur verre en doré sans le recours d'un plomb supplémentaire, ce qui constitue un réel atout.

Grisaille bordée de lys et de castilles
Normandie, 3° quart du XiIi² siècle Verres colorés, verre blanc, grisaille, plomb Provenance : cathédrale Notre-Dame d'Evreux (Eure)?
Grisaille composite à décor végétal, d'oiseaux, de visages et de grotesques Verre blanc, verre bleu, grisaille. jaune d'argent, plomb
Grisaille bordée des armes d'Évreux
Normandie, vers 1300-1310 Verres colorés, verre blanc, grisaille, plomb Provenance : cathédrale Notre-Dame d'Évreux (Eure)

Guillaume de Nourriche (mentionné de 1297 à 1330)
Apôtre
Île-de-France, 1319-1324 Calcaire lutétien, traces de polychromie Provenance : église Saint-Jacques-de-l'Hôpital, Paris
Le déhanchement plus marqué, l'agencement du drapé aux plis incisifs qui épouse les formes du corps, le travail précieux de la chevelure et de la barbe bouclées : tout distingue cet apôtre non identifié des œuvres attribuées à Robert de Lannoy, aux formes plus souples et amples ; ce qui incite à l'attribuer à Guillaume de Nourriche.

Deux paires de chiens adossés assis sur le bas d'une robe de gisant


Cour de l'hôtel particulier qui abrite le musée et dans laquelle il est agréable de prendre une collation

Entourage de Nino Pisano (mentionné de 1349 à 1368)
Ange de l'Annonciation
Pise, vers 1360-1380
Bois (noyer) polychromé partiellement décapé
La Vierge qui faisait pendant à cet ange est perdue. Ils formaient l'une des transcriptions dans le bois de l'Annonciation de marbre créée par Nino Pisano dans les années 1360 pour l'église Santa Caterina de Pise. La monumentalité comme la polychromie aux dominantes blanc et or de l'ange lui permettent de rivaliser avec le matériau de son modèle. La douceur des formes, les lignes sinueuses du drapé ou l'élégant mouvement de torsion du buste évoquent la sculpture française du temps.

Docteur enseignant
Relief d'applique de monument funéraire Bologne (?), vers 1340 Marbre, incrustations de plomb
 À partir du milieu du XIVe siècle, les tombeaux de docteurs de l'université de Bologne sont souvent pourvus d'une effigie frontale de professeur en chaire, encadrée par deux groupes d'élèves assis. Ce relief leur est comparable, même s'il s'en distingue par l'usage du marbre, qui contrastait probablement avec un fond sombre. La représentation solennelle du défunt dans l'exercice de son activité avant sa mort affirme son appartenance à une élite sociale nouvelle.

L'art italien des 13ème et14ème siècles
L'Italie du Duecento et du Trecento (XIIIe et XIVe siècles), constituée de nombreuses cités indépendantes, à côté du royaume de Naples et des États pontificaux, foisonne de centres artistiques dont Venise, Florence, Sienne, Rome et Naples. Dès le xiIIe siècle, la Toscane est le lieu d'une mutation esthétique inspirée de l'Antiquité et du gothique français, avec des artistes comme Giotto, Duccio, Nicola et Giovanni Pisano. Région féconde, elle est connue pour ses ensembles sculptés et une orfèvrerie inventive. L'art italien se diffuse dans les régions méditerranéennes, en Avignon, la cité des papes, ou à Barcelone, grand port et riche cité marchande.

Lucantonio di Giovanni Barberetti (mentionné
à Camerino et à Visso, Marches, de 1485 à sa mort en 1527-1528) ?
Saint Jean Baptiste préchant
Marches (Italie), fin du xv-début du xvi" siècle Bois polychromé

Minucchio Jacobi da Siena (mentionné en Avignon de 1327 à 1347)
Rose d'or
Avignon, 1330 (nœud : XIIIe siècle)
Or, verre coloré
Provenance : trésor de la cathédrale de Bâle (Suisse)

Cette rose délicate est découpée dans de minces feuilles d'or qui forment tiges, pétales et feuillage. Rose sans épine, elle évoque le Paradis. Elle fut créée en 1330, à la demande du pape Jean XXII, par l'orfèvre siennois Minucchio, venu travailler comme beaucoup d'artistes à la cour des papes d'Avignon. Chaque année, lors du quatrième dimanche de Carême, le pape offrait une rose d'or à un personnage en récompense de sa piété et de ses services. Cet exemplaire fut donné au comte de Neuchâtel, qui y fit ajouter un nœud filigrané du XIIe siècle et ses armoiries. C'est la plus ancienne rose d'or conservée et connue.


L'art en Europe du Nord au xive siècle
Le Xive siècle est éprouvé par le conflit franco-anglais, dit guerre de Cent Ans, et le déferlement d'une importante vague d'épidémies. Aux grands chantiers de construction succèdent des réalisations de moindre envergure (chapelles, décors d'autel...). Très actifs à Paris, les orfèvres composent de luxueux tableaux émaillés. Les ateliers de sculpture taillent, dans la pierre et le bois, des retables, des statues de la Vierge ou des saints et, dans l'ivoire, des tablettes ou des boîtes à miroir. Le style parisien, élégant et raffiné, se diffuse dans et hors du royaume de France, comme l'atteste dans cette salle la peinture sur chevalet, un art alors en plein développement.

Saint Jean l'Évangéliste
Île-de-France, vers 1370-1380 Marbre (terrasse moderne), rehauts de dorure modernes Provenance : couvent de Longchamp (Paris)?
Cette statue un peu plus tardive que ses voisines s'en distingue également par son style. À l'élégance suave du milieu du xive siècle, elle oppose une recherche nouvelle d'expressivité. Le drapé demeure souple, mais sa retombée forme des lignes puissantes et tendues. Quant au visage du saint, il n'est plus impassible et éthéré, mais marqué par une expression soucieuse.

Vierge à l'Enfant
Île-de-France, milieu du xive siècle Marbre, rehauts de dorure modernes Provenance : couvent de Longchamp (Paris)?
Cette œuvre est réputée provenir du couvent fondé par Isabelle de France, sœur de saint Louis, à la lisière du futur bois de Boulogne. Confié à l'ordre franciscain des clarisses, il était consacré à l'humilité de la Vierge, et inspirait une dévotion particulière aux derniers Capétiens. Ainsi, Blanche de France (†1358), filie du roi Philippe V le Long et religieuse, y a été enterrée.

Vierge de pitié
Angleterre (Nottingham ?), vers 1400 Albâtre gypseux, traces de polychromie
Ce relief d'applique est sculpté dans un bloc d'albâtre aux dimensions exceptionnelles, mais dont le veinage très marqué a sans doute justifié que l'ensemble de la surface soit recouvert de polychromie (aujourd'hui décapée). L'albâtre était plus communément laissé en réserve (à nu) dans certaines zones afin de mettre en valeur la couleur ivoire du matériau, comme dans le retable voisin.

Crucifixion
France, 1315-1325
Peinture sur bois (sapin)
Provenance : église de Sauvagnat-Sainte-Marthe (Puy-de-Dôme)
Monumentale et relevée de feuilles d'or et d'argent, la Crucifixion se détache sur un fond bleu azurite (de nos jours assombri). L'œuvre revient à un artiste formé à l'art de maître Honoré, grand enlumineur parisien. Lors de la restauration, la bordure inférieure a révélé des petites castilles dorées (châteaux) qui sont les armes de France et un écu fragmentaire orné d'une mitre qui pourrait être celle de l'abbé d'Issoire, alors patron de l'église de Sauvagnat.

L'art français du début du xve siècle : un art "international"
Les temps sont sombres. Les Français sont défaits à Azincourt et le traité de Troyes prévoit d'octroyer la couronne de France au roi anglais. Affectées, les populations s'en remettent aux saints et aux reliques et se confrontent à l'image de la souffrance et de la mort. Comme par réaction, les princes du sang, membres de la famille royale, se laissent séduire par des œuvres délicates, qui mêlent l'élégance gothique française au goût du détail flamand et à une conscience nouvelle de l'espace, empruntée à l'Italie. Ainsi se propage un art de cour, d'inspiration religieuse ou profane, de "style international".

Vierge de pitié
Salzbourg (Autriche) (?), vers 1390-1395 Calcaire polychromé
Cette Vierge, par la douceur raffinée de son expression juvénile et par l'aspect lourd et moelleux du drapé, est apparentée aux « Belles Madones » en vogue en Bohême autour de 1400, et plus spécifiquement à leur variante salzbourgeoise. Elle contraste avec la raideur du corps du Christ, qui témoigne d'une recherche d'intensité émotionnelle.

Atelier des Embriachi
Panneau de retable dit "oratoire
des duchesses de Bourgogne"
Florence ou Venise, fin du XIVe ou début du xve siècle Os, bois, corne Provenance : église de la chartreuse de Champmol, Dijon (Côte-d'Or)

Atelier des Embriachi
Coffret de mariage
L'histoire de Jason
Florence ou Venise, fin du xiv² ou début du XV° siècle Os, bois, corne
Ce coffret octogonal associe deux cycles de plaquettes sculptées : sur le couvercle sont représentées les allégories des sept Vertus (les trois Vertus théologales : la Foi, L'Espérance et la Charité, et les quatre Vertus cardinales : la Prudence, la Force, la Justice et la Tempérance), ainsi que deux porteurs d'armoiries; sur les côtés se déroule l'histoire de Jason et de la Toison d'or.

Atelier des Embriachi
Scènes de la Vie du Christ
fin du 14ème ou début du 15ème siècle Florence ou Venise
Os, bois, corne

Saint Christophe
France, vers 1430 Verres colorés, verre blanc, grisaille, plomb
Figure de ressuscitée
Rouen,
3e quart du xve siècle Verre blanc, jaune d'argent, grisaille
Provenance : église Saint-Vivien, Rouen (Seine-Maritime)

L'art en France au xve siècle
Encouragé par Jeanne d'Arc, Charles VII parvient à se faire couronner à Reims et à reconquérir son royaume. La paix favorise l'activité artistique. De forme narrative, les tentures de choeur, les verrières, les retables et les enluminures expriment le souci du salut. Les œuvres invitent le fidèle à une dévotion plus intime, centrée sur les douleurs et les joies du Christ et des saints. Nombre d'artistes, inspirés par l'art des Pays-Bas, optent pour une restitution méticuleuse du monde visible (vues urbaines ou d'intérieur). Quelques rares noms sortent de l'anonymat, tels Jean Fouquet, Antoine de Lonhy ou Jean Hey.

Saint Pierre délivré de la prison d'Hérode par un ange
Pièce d'une tenture de chœur
Pays-Bas méridoniaux (?), vers 1460
Laine et soie Provenance : cathédrale Saint-Pierre de Beauvais (Oise)
Saint Pierre, emprisonné pour avoir prêché le christianisme, est miraculeusement délivré de prison par un ange. L'apôtre est vêtu de rouge, couleur de son futur martyre. Les gardiens dorment en armes. La tapisserie porte les armes de Guillaume de Hellande, évêque de Beauvais de 1444 à 1462, et celles du chapitre (l'ensemble des chanoines) de la cathédrale Saint-Pierre de Beauvais.

Tobie et Sara dans le lit nuptial

Paris, xve siècle Verres colorés, verre blanc, grisaille, jaune d'argent Provenance : chapelle haute de la Sainte-Chapelle de Paris, baie de Jérémie et Tobie
Joseph vendu par ses frères
Paris, XVe siècle
Verres colorés, grisaille, jaune d'argent Provenance : chapelle haute de la Sainte-Chapelle de Paris, baie de la Genèse
Le jeune Joseph, dernier né de la famille, est sorti du puits et marchandé par ses frères. Au moment de la restauration de la vitrerie de la Sainte-Chapelle (XIXe siècle), tous les vitraux qui n'étaient pas du 11e siècle (époque de la construction) ont été déposés et refaits. Les panneaux datés du 15eme siècle attestent du soin porté à la préservation des fenêtres au cours du temps.

Le Couronnement de la vierge
Lorraine, vers 1500
Calcaire, traces de polychromie
Provenance : presbytère de Combles-en-Barrois (Meuse)
Comme la Vierge à l'Enfant voisine, ce relief a été attribué à l'atelier de Jean Crocq. Ce sculpteur originaire des Pays-Bas a travaillé au service du duc de Lorraine à Bar-le-Duc et à Nancy entre 1486 et 1507; cependant, aucune de ses réalisations documentées n'est conservée, ce qui rend toute attribution hasardeuse. En tout cas, le style de cette œuvre est caractéristique de la sculpture lorraine autour de 1500.

Antoine de Lonhy
Saint Vincent Ferrier
Piémont, vers 1470-1480 Panneau peint sur bois (noyer)
Du haut de sa chaire, le dominicain Vincent Ferrier instruit son auditoire des menaces du Jugement dernier. Le panneau provient d'un polyptyque consacré au dernier jugement, de nos jours, dispersé entre Paris, Turin et Anvers. Son auteur, Antoine de Lonhy, a commencé en Bourgogne, puis travaillé à Toulouse et Barcelone avant de s'établir dans le Piémont. Il adopte un fond en relief selon les usages hispaniques, mais reste un artiste de tradition septentrionale.

Deux volets de la Vie de la Vierge
Le Miracle du bâton fleuri La Présentation au Temple Arma Christi ou instruments de la Passion (revers)
Peinture sur bois (chêne) France du Nord (?), vers 1450-1475
Deux volets. Sur l'un, le grand prêtre, dans le saint des saints d'une rotonde byzantine, prie tandis que les hommes non mariés de la maison de David apportent un bâton à l'autel. Comme celui de Joseph fleurit, il épousera la jeune Marie. 

Sur l'autre, la Vierge présente son Fils aux portes to we d'une église gothique. Siméon purifie l'accouchée et reconnaît l'Enfant comme le Sauveur. La scène centrale, sans doute empruntée à l'Enfance du Christ (une Nativité ?), manque. La composition devant un édicule ouvert, le vocabulaire architectural, les figures reflètent l'influence des grands primitifs flamands tels que Robert Campin ou Rogier Van der Weyden.

Maître de la Vue de Sainte-Gudule
Visiter les prisonniers
Bruxelles, vers 1470
Panneau peint sur bois (chêne)
La visite (ou libération) des prisonniers s'effectue en présence du Christ, nimbé et doté d'une colombe. Avec le panneau de Madrid (Vêtir les nus), cette scène fait partie d'un polyptyque sur les Sept œuvres de charité. Le thème, tiré de l'Évangile de Matthieu, a connu, aux 15e -16e siècles, une grande faveur aux Pays-Bas. L'arrière-plan urbain, les faciès proches de la caricature permettent une attribution au Maître bruxellois de la Vue de Sainte-Gudule.

Tapisserie
Scènes de la Vie de la Vierge:
Annonciation, Visitation, Marie et Joseph Paris, peu avant 1500 (dessin); Paris ou Pays-Bas méridionaux (tissage) Laine et soie
Provenance : cathédrale Notre-Dame de Bayeux (Calvados)
La tapisserie illustre des scènes de la vie de la Vierge Marie, avant la naissance de son fils Jésus. Elle provient d'une tenture de chœur ornant le chœeur de la cathédrale de Bayeux lors de cérémonies réunissant l'évêque et le chapitre (l'ensemble des chanoines). Léon Conseil est le donateur de ce décor coûteux. très apprécié à la fin du Moyen Âge.


L'art vers 1500 : entre Moyen Âge et Renaissance
Les années 1500 sont une période transitoire entre Moyen Âge et Renaissance où coexistent des œuvres du gothique flamboyant et d'autres inspirées de l'Antiquité romaine. Les artistes, polyvalents, renouvellent leurs sources et produisent des dessins et des modèles gravés pour la tapisserie ou le vitrail. Ainsi, l'invention de l'estampe et de l'imprimerie au siècle précédent a favorisé la multiplication et la circulation d'images et de livres d'heures imprimés, sans toutefois supplanter le livre manuscrit enluminé. Une autre grande nouveauté est l'apparition de l'émail peint, une invention des ateliers de Limoges.

Retable (?)
remployé en devant d'autel
Un saint évêque, un diacre martyr, saint Pierre et saint Jérôme
Île-de-France, fin du xve siècle Calcaire lutétien
Provenance : trouvé à Paris lors du percement de la rue des Écoles en 1867


Économie et production artistique à la fin du Moyen Âge
Les progrès agricoles (céréales, vigne) ont assuré la richesse de l'Europe. Les productions artisanales et artistiques ont accompagné cet essor, surtout dans les villes. Les plus importantes accueillent des foires, véritables plaques tournantes où s'échangent les marchandises. De luxueux textiles y affluent de toute l'Europe et notamment des pays méditerranéens. Les étoffes occidentales et orientales ainsi que les pièces d'orfèvrerie (comme les productions italiennes de cette salle) y sont commercialisées en tant que pièces d'apparat et moyen d'accumuler des richesses.

Les Vendanges
Tapisserie
France (?), début du 16ème siècle
Laine et soie
France (?), 
Cette grande tapisserie comporte deux parties, l'une à fond de millefleurs, l'autre centrée sur des rangs a millefleur back de vigne. Une série de personnages, vignerons ou seigneurs s'activent pendant les vendanges : sitôt  cueillies, les grappes sont apportées au pressoir et le jus est mis en tonneau ou goûté. La pièce témoigne de sources d'inspiration disparates, costumes et coiffures tantôt du milieu du xve siècle tantôt du début du XVIe siècle.


Arts du combat Céramiques hispano-mauresques Vitraux rhénans
Cette salle présente trois ensembles distincts. La partie centrale de la salle est dévolue à la guerre et à ses substituts (chasse, joute et tournoi), articulée autour de la figure du chevalier. Des armes offensives et défensives sont associées à des œuvres et objets représentatifs de cette culture chevaleresque qui loue la violence et l'exprime sous des formes très diverses.
En périphérie, rehaussée par la lumière naturelle, une des plus belles collections de céramiques hispano-mauresques de la fin du Moyen Âge brille de ses reflets métalliques irisés et se place comme un contrepoint à l'orfèvrerie d'apparat. Des vitraux rhénans de la même période complètent la circulation.

Jacques de Fleckenstein en donateur
Alsace, entre 1496 et 1514
Verre blanc, verres colorés, grisaille, jaune d'argent, plomb Provenance : Haguenau (Bas-Rhin), église Saint-Georges, chapelle Saint-Jacques
Agenouillé, le chevalier prie Aaron, un ancêtre biblique de la Vierge. Devant lui, son écu, son casque et son cimier (ornement du casque) à buste féminin aux cheveux épars, inspiré d'une gravure de Martin Schongauer. L'homme est Jacques de Fleckenstein, notable d'Haguenau, qui fait élever une chapelle dans l'église Saint-Georges d'Haguenau (1496) et s'y fait enterrer (1514).

Armes de la famille de Mullenheim; donateur en prière
Rhin supérieur, début du xvie siècle Verre blanc, verres colorés, grisaille, jaune d'argent, plomb
Le panneau présente un large écu (timbré d'une rose) et un impressionnant cimier (ornement de casque) en forme d'homme sauvage a rose anc sans bras. Ce sont les armes de la famille de Mullenheim qui se détachent sur un luxueux brocart (ou damas en relief). L'ensemble, haut en couleur est typique des verrières germaniques
de la fin du Moyen Âge. 

 À ces armoiries est associé un panneau de donateur en prière :
« 0 Marie, tabernacle de Dieu, aide-moi par ta grâce. » Tout de noir vêtu. is accompanie le personnage est habillé en notable. Il a été très largement repris au XIXe

Reliquaire architecturé
Espagne, fin du xve-début du xvie siècle et xixe siècle Argent fondu, ajouré, gravé et doré ;

Cinq revers de plats
Manisès (Valence, Espagne), 2º moitié du xve siècle Céramique à reflets métalliques
Les artistes des ateliers valenciens ont prêté une attention particulière aux revers de leurs œuvres qui sont lustrés sur fond écru. On retrouve leurs motifs favoris, comme la bryone ou l'aigle héraldique. Il peut arriver qu'un revers soit plus original que l'avers. C'est le cas pour le mulot sur un tapis de réglisse qui est beaucoup plus narratif que son avers à motif héraldique. Le revers présentant un lion dans un motif de réglisse est celui d'un plat aux armes des Médicis dont on connaît un autre exemplaire au British Museum de Londres. Ces rinceaux de réglisses des bois forment parfois des tapis végétaux pour ces revers prestigieux.

Saint Pierre
Rhin supérieur, vers 1470 et vers 1490 Verre blanc, verres colorés, grisaille, jaune d'argent, plomb

Le succès de la céramique lustrée hispano-mauresque
Au xve siècle, al-Ándalus (territoire hispanique sous domination musulmane) est réduit au royaume de Grenade mais l'influence islamique pénètre l'art de la faïence dans la région de Valence et rayonne vers une clientèle en dehors de l'Espagne, notamment en Toscane. La collection du musée de Cluny, constituée grâce aux acquisitions d'Edmond Du Sommerard, son premier conservateur, est représentative de la variété de cette production.

Vase à décor héraldique
Manises (Valence. Espagne), vers 1465 Céramique à reflets métalliques
Ce vase aux larges anses, dites « en ailes », est une des œuvres les plus spectaculaires de la faïence lustrée hispanique. Ses armes correspondent probablement à celles des Salvi de Sienne mais deux autres identifications florentines ont été proposées (celles des Nori et des Gentili). Autour de l'écu, les pampres (branches de vigne) alternant les couleurs bleues et dorées sont caractéristiques de la production de Valence. Un autre vase similaire, mais aux armes des Médicis, est conservé au British Museum de Londres.


Plat aux armes des Ricci
Manisès (Valence, Espagne), 3e quart du xve siècle Céramique à reflets métalliques
La clientèle italienne des ateliers hispaniques de céramique semble avoir prisé les décors héraldiques. Ce plat à décor de pampres (branches de vigne) présente en son centre un médaillon héraldique avec trois hérissons et six étoiles. Selon certains spécialistes, il a été commandé par la famille Ricci de Florence, actrice par son mécénat des avancées artistiques dans la première moitié du Quattrocento (xve siècle). Il est une des plus belles œuvres de céramique lustrée hispanique parvenues jusqu'à nous.

Le Départ pour la chasse
Tapisserie
Paris (?), début du xvie siècle Laine et soie
Dans un paysage vallonné, un groupe de jeunes cavaliers s'élance pour une partie de chasse au vol. L'élevage des rapaces, faucons ou autours, dont cinq sont représentés, était un long et coûteux processus, codifié par des ouvrages, comme celui de l'empereur Frédéric II, L'Art de chasser avec les oiseaux. Les tapisseries sur ce thème faisaient écho au goût pour la chasse au vol.

Le Retour de la chasse
Tapisserie
Pays-Bas méridionaux, 1er quart du xvie siècle Laine et soie

Cette tapisserie fragmentaire montre un cavalier de retour de la chasse ; il a déjà remis à la jeune femme venue à sa rencontre l'épieu avec lequel il a tué un lièvre. À l'arrière-plan est figuré un paysan muni d'un bâton. Plus loin, on voit des bâtiments ecclésiastiques et un moulin à eau, ainsi qu'une petite silhouette chargée d'un sac, sur une passerelle. L'œuvre présente un abrégé de la vie rurale et des ressources qu'elle procure.

L'Arithmétique
Tapisserie
Paris (?), début du xvi* siècle
Laine et soie
Pièce d'une tenture sur les arts libéraux (disciplines du savoir au Moyen Âge)
Une jeune femme personnifie l'arithmétique. Huit personnages s'instruisent auprès d'elle. L'inscription latine au bas de la tapisserie souligne aussi l'utilité de cette discipline mathématique dans les calculs de proportion.

La vie quotidienne : habitat et mobilier
Au Moyen Âge comme de nos jours, l'aménagement de l'habitat constitue un marqueur social fort. Le mobilier est en grande partie transportable, polyvalent et modulable pour s'adapter aux usages multiples de la vie rurale et à la vie itinérante de la noblesse. Le coffre est le meuble indispensable de la demeure médiévale. Il peut aussi bien conserver du grain que des vêtements ou des objets précieux. Les tapisseries, les vitraux civils ainsi que les carreaux de pavement de terre cuite, décorés de motifs souvent issus du bestiaire, sont autant d'éléments qui permettent d'améliorer le cadre de vie des nobles et des bourgeois.

Tapisserie de la tenture Le Triomphe et la Mort de l'Honneur
Les Parques
Pays-Bas méridionaux, 1er tiers du xvie siècle Laine et soie
Cette tapisserie allégorique fait partie d'un ensemble associant des personnifications de vertus, de passions ou de vices, d'inspiration chrétienne et médiévale, à des personnages issus de la mythologie antique. Les Parques sont trois fileuses qui déroulent, puis coupent le fil de la vie humaine. Ces thèmes moraux étaient déclinés dans de multiples textes et œuvres d'art à la fin du Moyen Âge.

Quatre tapisseries
Tenture de la vie seigneuriale Paris (?), début du 16e siècle Laine et soie
Cet ensemble de millefleurs (tapisseries à fond semé de plantes fleuries) évoque les activités des élites de la fin du Moyen Âge : promenade, bain en musique, broderie, lecture et filage. Sans marque d'appartenance, mettant en scène des figures plusieurs fois réemployées, cette tenture a sans doute été tissée d'avance, pour être présentée à des acheteurs potentiels, séduits par ces décors évoquant la nature.



La musique et les sons au Moyen Âge
Si les objets de musée sont silencieux, ils n'en témoignent pas moins d'une société emplie de sons et de musique. Dans la sphère privée, des musiciens professionnels agrémentaient les moments de divertissement – banquets, noces, tournois, jeux, baignades. À partir de la fin du XIIIe siècle, en milieu urbain et dans les foyers aisés, la sonnerie des horloges mécaniques s'ajouta à cet univers

La Dame à la licorne
En vogue depuis le xive siècle et durant toute la période moderne, la tapisserie est un décor très apprécié dans les églises, les châteaux et les demeures des élites. La Dame à la licorne, tenture de six pièces aux armes de la famille Le Viste, est un magnifique exemple de millefleurs, tapisseries à fond semé de plantes fleuries. L'iconographie, longtemps mystérieuse, est aujourd'hui en partie précisée, avec cinq pièces représentant les cinq sens. La sixième tapisserie, Mon seul désir, reste énigmatique. La tenture célèbre une famille, mais aussi une forme d'harmonie et de beauté.

Adrien Isenbrant (et Gérard David)
Assomption de la Vierge
Bruges, vers 1520 Peinture sur bois (chêne)
Provenance : chapelle de Grancey (Côte-d'Or)

Fermé, le triptyque montre les figures des saints André et Catherine. Ouvert, il déploie une Assomption de la Vierge avec les apôtres autour du tombeau vide, Marie enlevée par les anges et couronnée par le Père et le Fils. Le modelé subtil, les visages réalistes. le vaste paysage bleuté permettent une attribution à Adrien Isenbrant et Gérard David, deux artistes qui introduisent la Renaissance à Bruges.

Le Concert céleste
Paris (?), 1510-1515 Peinture sur bois
Autour de la Vierge et de l'Enfant sont rassemblés saint Jean Baptiste (avec l'agneau), saint Antoine, l'ermite, tenant une hostie (rappel d'un the des miracles d'Antoine de Padoue), et Job, considéré comme le patron des musiciens. À droite, le roi David et deux anges jouent de la harpe, du luth et de la chalemie (ancêtre du hautbois). Sur la gauche, le parlementaire vêtu de la pourpre parisienne et le musicien muni d'une partition chantent, en l'honneur de la Vierge. Le premier pourrait être Jean Bohier, à la fois chantre et président des Enquêtes (mort en 1512), et le second Jean B le compositeur Antoine Brumel (mort en 1512 ou 1513), que la musique a réunis à la cathédrale Notre-Dame de Paris. L'artiste est autant influencé par l'Italie de la Renaissance que par Albrecht Dürer.

Henrik Douverman (vers 1480-1543)
Vierge à l'Enfant assise
Kalkar? (Rhin inférieur, Allemagne actuelle), vers 1540
Bois (chêne), traces de polychromie

Portrait d'une donataire 

Jan de Molder (ou de Moeleneere, mentionné à Anvers de 1494 à 11536)
Retable du Saint-Sacrement
La Messe de saint Grégoire (au centre, en haut); L'Adoration de l'hostie (au centre, en bas): The Mass La Rencontre d'Abraham et de Melchisédech (à gauche): La Cène (à droite)
Anvers, 1513-1514
Bois (chêne) polychromé Marques anversoises de garantie de la polychromie et de l'achèvement du retable (les deux mains, montant droit de la caisse) Provenance: abbaye des Prémontrés d'Averbode (Belgique)

Le contexte de création de ce retable est connu grâce au contrat passé entre l'abbaye d'Averbode, dans le duché de Brabant, et le sculpteur et peintre anversois Jan de Molder. La commande est honorée à Pâques 1514, lorsque le retable est installé dans l'église abbatiale, sur l'autel du Saint-Sacrement. Cette destination explique l'iconographie particulière du retable, consacré au sacrement de l'eucharistie.

Détail du retable 

Vierge et Saint Jean d'un calvaire
Figures du couronnement d'un retable
Haute-Souabe? (Allemagne actuelle), vers 1520 Bois (tilleul) polychromé

Attribué à Lux Maurus (mentionné à Kempten de 1515 à 1527)
La Sainte Famille
Kempten (Souabe, Allemagne actuelle), vers 1510-1520 Bois (tilleul) polychromé
Ce relief était probablement appliqué contre la face interne du volet droit d'un petit retable, mais il peut s'agir aussi d'une œuvre de dévotion autonome. L'Enfant Jésus s'élance du giron de Marie pour aller tirer la barbe de Joseph assoupi: attitudes et détails concrets donnent un caractère intime à la scène et une dimension humaine aux personnages, auxquels le dévot peut s'identifier.


Puy d'Amiens de 1502
Sacre de David, Sacre de Louis XII et Pietà
Amiens, 1502
Peinture sur bois
Provenance cathédrale Notre-Dame d'Amiens (Somme)
Sur l'un des volets, David reçoit l'onction royale des mains du prophète Samuel. Sur le second, Louis XII est sacré roi de France à Reims (1498). II est entouré des douze pairs, les principaux seigneurs du royaume, qui lui remettent les insignes royaux (ou regalia): la croix, l'ampoule sacrée, le sceptre, l'épée, les éperons... Sur le revers se trouve une Pietà, inspirée de l'art de Rogier Van der Weyden. Le panneau central (perdu) montrait La Vierge désignant l'ampoule, car le triptyque célébrait la Vierge. Il a été offert à la cathédrale d'Amiens par le bourgeois Jean Le Caron qui, lauréat du concours de poésie de la confrérie du Puy d'Amiens en 1502, a été chargé de faire peindre le refrain de sa composition: Sacrée Ampoule à l'unction royalle.

Puys d'Abbeville
La Vierge devant un portique La Vierge au froment
Abbeville, vers 1490, vers 1515
Peinture sur bois
Provenance église collégiale Saint-Wulfran d'Abbeville (Somme)

Retable de la Passion et de l'Enfance du Christ
Caisse (partie centrale)
Le Portement de croix ; la Crucifixion ; la Déposition de croix (partie supérieure de la caisse); La Nativité; l'Adoration des Mages; de part et d'autre: anges présentant les instruments de la Passion (partie inférieure de la caisse) Bois (chêne) polychromé
Volets
Les douze apôtres en pied; en-dessous: douze prophètes en buste (face interne); L'Annonciation; de part et d'autre: saint présentant un donateur; saint évêque; en-dessous : les quatre évangélistes
(face externe) Huile sur bois (chêne)
Nord de l'île-de-France (Beauvais ?), vers 1520-1530 Provenance : église Saint-Martial de Champdeuil (Seine-et-Marne)


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