vendredi 25 mars 2022

Pionnières, artistes dans le Paris des années folles au musée du Luxembourg en mars 2022

Une exposition très militante et passionnante de cette institution dynamique gérée par Culture espace. En voici l'essentiel :


LES FEMMES SUR TOUS LES FRONTS

L'expérience de la Grande Guerre a accéléré la remise en cause du modèle patriarcal amorcée au Royaume-Uni à la fin du XIXº siècle par les suffragettes. C'est en France que l'entrée des femmes dans le monde du travail est la plus sensible. Engagées volontaires comme infirmières au front, elles deviennent aussi fermières-ouvrières, ou médecins. Les femmes remplacent les hommes, décimés par un conflit meurtrier, comme le montre l'œuvre de Marevna La Mort et la Femme, présentée dans cette salle. Certaines mettent leur inventivité au service de l'autre et créent des lieux ou des objets qui témoignent de leur philanthropie: la sculptrice Gertrude Vanderbilt Whitney met sa fortune au service de l'effort de guerre et crée en France l'Hôpital américain de Paris à Neuilly-sur-Seine. Elle fonde en 1931 le Whitney Museum of American Arts à New York.

Dans la France de l'après-guerre coexistent les libertés (de mouvement et d'expression) et les conservatismes : le suffrage féminin est refusé, la propagande anticonceptionnelle interdite et l'avortement sévèrement puni. La révolution russe d'octobre 1917 et le traité de Versailles de 1919 dessinent de nouvelles frontières provoquant des déplacements de populations, dont celui de nombreuses artistes femmes en quête d'indépendance. Aux États-Unis, la prohibition et le racisme poussent toute une génération vers les capitales européennes, dont Paris. Ces hommes et ces femmes sont à la recherche d'une liberté culturelle, artistique et sexuelle que leur refusent leurs pays d'origine.

La crise économique de 1929, la montée des totalitarismes, puis la Seconde Guerre mondiale vont à la fois restreindre la visibilité des femmes artistes, et faire oublier ce moment extraordinaire des années 1920 où elles avaient eu la parole.

Marie Vorobieff (1892-1984), dite
Marevna
LA MORT ET LA FEMME
1917
Huile sur bois Suisse, Genève, Association des Amis du Petit Palais

Gertrude Whitney
née Gertrude Vanderbilt (1875-1942)
ÉTUDE DE TÊTE POUR LE
WOMEN'S TITANIC MEMORIAL, WASHINGTON, CHANNEL PARK
1923
Marbre noir
France, Blérancourt, musée franco-américain du château de Blérancourt, dépôt du Centre Pompidou, musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle, Paris

Anna Prinner (1902-1983), dite
Anton Prinner
CONSTRUCTION EN CUIVRE
1935
Laiton et cuivre jaune France, Grenoble, musée de Grenoble

Né Anna Prinner à Budapest en 1902, Prinner prend un prénom ainsi qu'une identité masculine à 25 ans quand il arrive en France, pays où il réalisera sa carrière. Formé aux Beaux Arts de Budapest, il est peintre plutôt que sculpteur lorsqu'il entre, en 1932, dans l'Atelier 17 de Stanley William Hayter à Paris pour y apprendre la gravure. Là, il réalise des bas-reliels puis des hauts-reliets et apprend les techniques de la sculpture, pratique pour laquelle d deviendra connu Entre 1932 et 1937, il entame sa période constructiviste, parfaitement illustrée par Construction en cuivre, une sculpture enigmatique qui évoque à la fois un corps allongé et un pont suspendu.

COMMENT LES AVANT-GARDES SE CONJUGUENT AU FÉMININ
Paris -en particulier les quartiers latins, de Montparnasse et de Montmartre-est la ville des académies privées dans lesquelles les femmes sont les bienvenues. C'est aussi la ville des librairies d'avant-garde, des cafés où les artistes croisent les poètes et les romanciers et où le cinéma expérimental s'invente. Nombre de ces lieux sont tenus par des femmes: Adrienne Monnier et Sylvia Beach ouvrent respectivement, rue de l'Odéon, les librairies La Maison des Amis des livres et Shakespeare and Company, qui deviennent les lieux phares de la création littéraire de l'époque. Marie Vassilelf lande en 1910 l'Académie russe pour les jeunes artistes non francophones, puis l'Académie Vassilieff, en 1912; Marie Laurencin enseigne avec Fernand Léger, à partir de 1924, à l'Académie moderne. Dans cette école, l'abstraction se diffuse auprès d'élèves venus du monde entier dant plusieurs sont réunis dans cette salle. De nombreuses femmes artistes ont alors été attirées par l'abstraction qui leur permettait de s'affranchir des catégories de genre, contrairement à la figuration qui les impose.

L'abstraction est pratiquée dans tous les domaines artistiques, de la peinture au cinéma, comme l'illustre notamment l'extrait du film Thèmes et Variations de la cinéaste Germaine Dulac


Germaine Dulac (1882-1942)
THÈMES ET VARIATIONS
1928
28 mm, noir et blanc, silencieux,  Courtoisie Light Cone, Paris
Version restaurée par Eclair Classics en 2021 Restauration et numérisation avec le soutien du CNC, sous la direction de Light Cone
Pionnière du cinéma comme forme artistique, Germaine Dulac se consacre dès 1915 à la réalisation
en créant sa propre compagnie de production. Le projet expérimental Themes et Variations alterne les images d'une danseuse classique et les détails du fonctionnement d'une machine industrielle L'artiste le décrivait ainsi -Lignes, surfaces, volumes évoluant directement, sans artifices d'évocations, dans la logique de leurs formes, dépouillées de tout sens trop humain pour mieus s'elever vers l'abstraction, donner plus d'espace que de sensations.

Irina Codreanu (1896-1985), dite
Irène Codréano
PORTRAIT DE DARIA GAMSARAGAN
1926
Bronze avec patine verte, socle en bois France, Boulogne-Billancourt, Musées de Boulogne-Billancourt / musée des Années Trente

Irène Codréano, née Irina Codreanu à Bucarest, suit des études artistiques à l'Academia de Belle-Arte de Bucarest avant de se rendre à Paris en 1919. De 1919 à 1924, elle est l'élève d'Antoine Bourdelle à l'Académie de la Grande Chaumière et, vers 1921, elle rencontre Constantin Brancusi dont elle devient l'assistante. Les influences de Bourdelle et de Brancusi coexistent dans l'oeuvre de Codréano tout au long de sa carrière; ce buste de la sculptrice égyptienne Daria Gamsaragan elle-même élève de Bourdelle - se rapproche du style des têtes polies de Brancusi. Codréano tient sa première exposition personnelle à Paris en 1926 Par la suite, elle s'intéressera particulièrement au torse et au nu féminin

Marcelle Cahn (1895-1981)
COMPOSITION ABSTRAITE
1925
Huile sur toile France, Grenoble, musée de Grenoble
Née à Strasbourg, Marcelle Cahn s'installe avec sa famille à Berlin en 1915. A partir de 1920, elle fréquente à Paris l'Académie moderne où elle devient l'élève d'Amédée Ozenfant et de Fernand Léger. Ses compositions des années vingt, telles que Composition abstraite, révèlent ses influences puristes. Cette oeuvre mêlant la figuration et l'abstraction présente une salle de bain abstraite, composée d'une porte, d'une fenêtre et d'un lavabo. Malgré le manque de profondeur, tous les éléments sont identifiables m. Cahn utilise le blanc, le noir et le gris pour donner une impression de volume, une technique que l'on retrouve aussi dans l'oeuvre de Leger. Vers la fin des années vingt, Cahn realise des oeuvres de plus en plus abstraites et géométriques.

Franciska Clausen (1899-1986)
ÉLÉMENTS MÉCANIQUES
1926
Huile sur toile
Danemark, The Franciska Clausen Foundation
La peintre danoise Franciska Clausen suit des cours de peinture auprès de Hans Hoffmann à Munich et travaille dans les ateliers de László Moholy-Nagy et d'Alexander Archipenko à Berlin avant de s'inscrire à l'Academie moderne à Paris en 1924. Éléments mécaniques est une synthèse des influences du purisme et de l'esthétique de la machine de Fernand Léger. Au cours de cette période, les compositions de Clausen comprennent souvent un élément mécanique central comme dans cette oeuvre, ainsi qu'une organisation formelle des éléments présentés. Le noir, blanc et gris qui donnent l'illusion du volume sont aussi typiques des premières uvies de Clausen, qui se tourne,  à la fin des années vingt, vers un style puisant dans le surréalisme avant de revenir à l'abstraction rigoureuse dès 1930. 

Franciska Clausen (1899-1986)
LA VIS
1926-1928
Huile et gouache sur carton Danemark, Copenhague SMK, National Gallery of Danemark

Franciska Clausen (1899-1986)
COMPOSITION MÉCANIQUE
1929
Huile sur toile sur carton Danemark Aabenraa, The Art Museum Brundlund Slot, MSJ

Anna Beöthy-Steiner (1902-1985)
COMPOSITION ABSTRAITE
1927
Gouache sur papier
 Collection particulière

Anna Beöthy-Steiner (1902-1985)
COMPOSITION CONCENTRIQUE
s. d.
Gouache sur papier
 Collection particulière

Marjorie Jewell Moss (1889-1958), dite Marlow Moss
COMPOSITION EN BLANC, ROUGE ET GRIS
1935
Huile sur toile
Pays-Bas, Wildkust Collection

Née Marjorie Jewell Moss, la peintre britannique Marlow Moss se choisit un prénom androgyne lorsqu'elle rompt avec sa famille, se rase les cheveux et commence à porter des vêtements masculins. Scolarisée d'abord à Londres et en Cornouailles, en 1926, elle s'inscrit à l'Académie moderne de Fernand Léger à Paris, où elle découvre l'oeuvre de Piet Mondrian avec qui elle correspondra de 1929 a 1938 En 1930 elle invente la double ligne -qu'elle utilise ici-pour rendre ses compositions plus dynamiques, innovation reprise par Mondrian en 1932. Par la suite, elle ajoute parfois des ligne de fil peintes en blanc, puis des cordes pour obtenir des oeuvres en relief.
Juive, homosexuelle et britannique, Marlow Moss doit fuir Paris  pour rejoindre les Pays Bas en 1930 puis en Cornouailles en 1942.

Sophie Gisela Freund (1908-2000), dite Gisèle Freund
ADRIENNE MONNIER
1935
Épreuve gélatino-argentique France, Paris, Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle

Rita Kernn-Larsen (1904-1998)
NOSTALGIE
1929
Aquarelle sur crayon sur papier côtelé Danemark, Copenhague, SMK, National Gallery of Danemark

Rita Kernn-Larsen (1904-1998)
FLEUR DE ROSE
1929
Aquarelle sur crayon sur papier côtelé Danemark, Copenhague, SMK, National Gallery of Danemark

Rita Kernn-Larsen (1904-1998)
SANS TITRE
1929
Aquarelle sur crayon sur papier côtelé
Danemark, Copenhague, SMK, National Gallery of Danemark


VIVRE DE SON ART
Parce qu'elles sont moins visibles et reconnues que leurs homologues masculins, et pour gagner une indépendance nécessaire au développement de leur travail artistique, les artistes femmes sont plus que les hommes adeptes de la pluridisciplinarité. Mode, décoration intérieure et costumes de spectacles vivants, portraits mondains et objets, notamment des poupées, leur permettent d'atteindre l'autonomie financière. La poupée-portrait - est inventée par Marie Vassilieff et devient une production lucrative pour l'artiste qui fabrique aussi des marionnettes pour des compagnies de théâtre. C'est aussi le cas de Sophie Taeuber-Arp qui reçoit une commande en 1918 du Théâtre de marionnettes de Zurich pour le conte Le Roi Cerf, de Carlo Gozzi.

L'artiste polonaise Stefania Lazarska ouvre, en 1914, un atelier de confection de poupées revêtues de costumes historiques ou folkloriques vendues au profit de la communauté artistique polonaise à Paris : en 1915, elle employait 210 personnes. D'autres artistes montrent un véritable talent pour les affaires. - Sonia Delaunay ou Sarah Lipska ouvrent des boutiques où elles présentent vêtements, meubles et objets de leur création.

Marie Laurencin (1883-1956)
PORTRAIT DE MADEMOISELLE CHANEL
1923
Huile sur toile
France, Paris, musée de l'Orangerie, collection Walter-Guillaume

Marie Germaine de Roton (1889-1942), dite
Germaine de Roton
IDA RUBINSTEIN
1924
LA PAVLOVA
1924
Tissu, peau, soie
France, Lyon, musée des Beaux-Arts, dépôt du CNAP

Stéphanie Marie Sophie Łazarska (1887-1977), dite
Stefania Lazarska
POUPÉE VÊTUE D'UNE ROBE DE STYLE SECOND EMPIRE DE COULEUR CHOCOLAT, A GALON NOIR ET FLEURI, D'UN CHÂLE DIT DES INDES A MOTIFS CACHEMIRE, D'UN SPENCER ASSORTI, D'UN BONNET A POMPON ROUGE DIT A LA TURQUE », D'UN JUPON ET D'UN PANTALON BRODÉS
1931
Platre, tissu porcelaine
France, Paris, musée du quai Branly-Jacques Chirac

POUPÉE DECORATIVE,
DITE POUPÉE DE SALON-VÊTUE D'UNE ROBE MADRAS VERT, ORANGE ET BRUN, AGREMENTEE DE DENTELLE AUTOUR DU DECOLLETE
1931

L'atelier artistique polonais, fondé en 1915 par Stefania Lada, crée une source de revenus pour elle-même autant que pour ses collègues artistes grâce à la production de poupées en tissu qui s'inspirent de costumes folkloriques de son pays d'origine Ses poupées sont présentées à l'exposition  internationale de Paris en 1931.

Maria Ivanovna Vassilieva (1884-1957), dite
Marie Vassilieff
MARIONNETTE, POUR LA PIÈCE AVANT-PENDANT-APRES
1928

MARIONNETTES, POUR LA PIÈCE-LE CHÂTEAU DU ROI, THEATRE DU BOURDON
1928


Sarah Lipska (1882-1973)
ENSEMBLE DE VÊTEMENTS
XX siècle
France, Poitiers, musée Sainte-Croix

Scénographe et costumière pour les Ballets russes aux côtés de Léon Bakst, l'artiste polonaise Sarah Lipska est aussi sculptrice, peintre, décoratrice d'intérieur et designeuse. Elle collabore notamment avec le coiffeur et inventeur de la coupe à la garçonne Antoni Cierplikowski dit Monsieur Antoine, la femme d'affaires Helena Rubinstein, ses compatriotes, ou encore avec le couturier Paul Poiret. Les vêtements qu'elle crée et qu'elle vend dans ses propres boutiques, dont l'une se situe sur les Champs-Élysées, incorporent parfois des influences cubistes, et se singularisent par l'utilisation de tissus de qualité, notamment le satin ou encore la soie, ainsi que par l'abondance et l'éclat de ses broderies et applications Internationalement reconnue de son vivant, elle reçoit un grand nombre de médailles dont une lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs of industriels modernes de 1925

SUR LA PLAGE À TROUVILLE 1934

LA COURSE DE CHEVAUX vers 1930

COURSE DE CHEVAUX vers 1930

CONVERSATION avant 1930

Alicja Rosenblatt (1895-1975), dite Alice Halicka
Collage, tissus, papier sur carton Pologne, Varsovie, Marek Roefler Collection/Villa La Fleur

Née à Cracovie, Alice Halicka s'installe à Paris en 1912 afin de rejoindre l'Académie Ranson. Pendant la Première Guerre mondiale elle peint principalement des natures mortes cubistes. Les conditions matérielles d'après-guerre l'orientent vers des collages de techniques mixtes qui combinent des éléments de peinture et de couture, en utilisant entre autres des boutons, des papiers colles ou encore des plumes. Ces ceuvres, dites-Romances capitonnées, montrent des scènes figuratives qui, par leur materialité, prennent des allures de poupées en bas-relief. Elles sont largement exposées à Paris, mais aussi à New York dans les annes 1930, où l'artiste commence en parallèle son travail dans la scénographie et la production des costumes de théâtre. 

Sophie Taeuber-Arp
née Sophie Henriette Gertrude Taeuber (1889-1943)
7 MARIONNETTES POUR « LE ROI CERF»
1918
Répliques des oeuvres originales Peinture à l'huile, bois, métal, textile Suisse, Zurich, Museum für Gestaltung

LES GARÇONNES
Après les traumatismes de la Grande Guerre et de la grippe espagnole qui avaient entrainé une profonde récession mondiale, s'installe une croissance économique et technique jamais vue auparavant.
Les artistes se saisissent de nouveaux sujets tels que le travail et le loisir des femmes, transformant au féminin le modèle du sportif masculin, représentant le corps muscle à la fois compétitif, élégant et décontracté
Josephine Baker incarne cette nouvelle Eve - qui découvre le plaisir de se prélasser au soleil (c'est le début de l'héliothérapie), utilise son nom pour développer des produits dérivés, pratiquant aussi bien le music hall la nuit que le golf le jour Véritable entrepreneuse, Baker ouvre un cabaret-restaurant, fonde un magazine et devient une des artistes les mieux payées en Europe
Ces garçonnes» (mot popularisé par le roman de Victor Margueritte en 1922) sont les premières à gérer une galerie ou une maison d'édition, à diriger des ateliers dans des écoles d'art. Elles se démarquent en représentant des corps nus, tant masculins que leminins, en interrogeant les identités de genre. Ces femmes vivent leur sexualité, quelle qu'elle soit, s'habillent comme elles l'entendent, changent de prénom (Anton Prinner nait Anna Prinner, Marlow Moss naît Marjorie Moss) ou de nom (Claude Cahun est le pseudonyme de Lucy Schwob, Marcel Moore celui de Suzanne Malherbe, sa compagne de vie et de travail). Leur vie et leur corps, dont elles sont les premières à revendiquer l'entière propriété, sont les outils d'un art et d'un travail qu'elles réinventent complètement

Marie-Clémentine Valadon (1865-1938), dite Suzanne Valadon
LA CHAMBRE BLEUE
1923
Huile sur toile
France, Limoges, musée des Beaux-Arts, dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne/ Centre de création industrielle, Paris

Peintre autodidacte française, Suzanne Valadon est modèle avant de réaliser ses premières huiles vers 1890-1891 Dans cette oeuvre, elle transforme le thème iconographique de l'odalisque, si souvent abordé par ses confrères à la place d'une jeune femme nue au corps idéalisé, Valadon représente une femme mure allongée sur son lit, habillée d'un pyjama et d'une chemisette modernes, fumant une cigarette. Les deux livres visibles près des pieds du modèle évoquent l'intelligence et non pas l'érotisme habituellement associé avec la représentation des odalisques Cette toile incarne la femme emancipée de l'entre-deux guerres.

Marie-Clémentine Valadon (1865-1938), dite
Suzanne Valadon
FEMME AUX BAS BLANCS
1924
Huile sur toile
France, Nancy, musée des Beaux-Arts


Sara Illinichtna Stern (1885-1979), dite
Sonia Delaunay
VÊTEMENT DE BAIN
vers 1928
Haut en bayadère multicolore imprimée sur crêpe de Chine
Soie doublée d'un tissu uri blanc. Bas en jersey de laine uni rouge Don de l'artiste en 1974
France, Lyon, Musée des tissus et des Arts décoratifs

Marie-Joséphine Vallet (1866-1932), dite
Jacqueline Marval
LA BAIGNEUSE AU MAILLOT NOIR
1923
Huile sur toile
Paris, collection privée, Courtesy Comité Jacqueline Marval

Aleksandra Mitrofanovna Beļcova (1892-1981), dite
Aleksandra Beļcova
LA JOUEUSE DE TENNIS
1927
Huile sur toile
Lettonie, Riga, Latvian National Museum of Art

Maria Ivanovna Vassilieva (1884-1957), dite
Marie Vassilieff
POUPÉE JOSEPHINE BAKER
1927
Dédicacée par Josephine Baker, Folies Bergères
Textiles, paille, plume et carton France, Paris, collection Josephine Baker, Nathalie Elmaleh & Laurent Teboul

JOSEPHINE BAKER


CHEZ SOI, SANS FARD
Tandis que le corps des femmes s'expose librement sous le soleil, il se réinvente aussi chez soi, sans fard. Ces odalisques modernes se représentent dans leurs intérieurs, inventant une nouvelle forme de naturalisme. Plus besoin de paraître ni de faire semblant: la maternité peut être fatigante; les poses des nus excentriques; le déshabillé une échappatoire aux diktats des regards et des devoirs domestiques. Dans l'immédiate après-guerre, Mela Muter et Maria Blanchard, en tant qu'artistes étrangères installées à Paris, réagissent aux inégalités de classes de la société française face à une politique qui milite pour une croissance de la natalité. Leurs madones sont des ouvrières ou des domestiques, d'origine espagnole ou africaine, qui s'éloignent de l'image traditionnelle de la maternité heureuse.
Le discours est différent pour Chana Orloff et Tamara de Lempicka. Les sculptures de mères autonomes et indépendantes d'Orloff exaltent une vision puissante de la femme, capable d'assumer à la fois le rôle des deux parents et celui d'une artiste à succès vivant de son art. Loin de toute préoccupation sociale, Lempicka traduit en peinture le cadrage serré du cinéma hollywoodien en vogue à l'époque. Le traitement de ses figures met en lumière leur sensualité et leur glamour tout en les intégrant dans une vie mondaine semblable à la sienne.

Maria Mélania Mutermilch (1876-1967), dite
Mela Muter
FAMILLE GITANE
vers 1930
Huile sur toile
Pologne, Varsovie, collection Jankilevitsch

Chana Orloff (1888-1968)
MATERNITÉ COUCHÉE
1923
Bronze
France, Paris, Ateliers-musée Chana Orlolf

Chana Orloff (1888-1968)
MOI ET MON FILS
1927
Bronze
France, Paris, Ateliers-musée Chana Orloff

Maria Blanchard (1881-1932)
MATERNITÉ
1921
Huile sur toile
France, Roubaix, La Piscine, musée d'Art et d'Industrie André Diligent, dépôt du Centre Pompidou, musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle, Paris

Maria Blanchard (1881-1932)
MATERNITÉ
1922
Huile sur toile
Suisse, Genève, Association des Amis du Petit Palais

Maria Blanchard (1881-1932)
LA TOILETTE
1924
Huile sur toile
Suisse, Genève, Association des Amis du Petit Palais

Maria Górska (1898-1980), dite
Tamara de Lempicka
MÈRE ET SON ENFANT
1932
Huile sur contreplaqué France, Beauvais, MUDO - musée de l'Oise

Alice Bailly (1872-1938)
BAIGNEUSES AUX OISEAUX
1922
Tableau-laine sur carton
Suisse, Lausanne, musée cantonal des Beaux-Arts

Chana Orloff (1888-1968)
GRANDE BAIGNEUSE ACCROUPIE
1925
Bronze doré
France, Paris, Ateliers-musée Chana-Orloff

Maria Mélania Mutermilch (1876-1967), dite
Mela Muter
FEMME AVEC UN CHAT
vers 1918-1921
Huile sur toile
Pologne, Varsovie, Marek Roefler Collection/Villa La Fleur

Maria Mélania Mutermilch (1876-1967), dite
Mela Muter
NU ASSIS AVEC DES BAS
1922
Huile sur toile
Pologne, Varsovie, collection Jankilevitsch

Maria Mélania Mutermilch (1876-1967), dite
Mela Muter
NU CUBISTE
1919-1923
Huile sur toile Pologne, 
collection privée

Dès son arrivée à Paris depuis Varsovie en 1901, Mela Muter réussit à se forger une réputation de peintre de portraits, exposant dans de nombreux Salons. Sa personnalité conquiert le Paris de Montparnasse; elle entretient, entre autres, des contacts avec les écrivains Henri Barbusse et Romain Rolland et son atelier est báti par Auguste et Gustave Perret. Le début des années 1920 marque pour Muter une période d'expérimentation dans laquelle elle emprunte des éléments du cubisme, tels que dans Nu cubiste, où un assemblage géométrique dans une palette sobre forme le portrait d'une femme nue, jambes écartées. Le style pictural de l'artiste s'exprime ici pleinement, il est décrit à l'époque comme violent, impassible dans sa violence aigu, tendu jusqu'au cri.

Émilie Espérance Barret (1878-1974), dite
Émilie Charmy
JEUNE FEMME, TÊTE RENVERSÉE
1920
Huile sur carton toilé 
Collection particulière

Emilie Espérance Barret (1878-1974), dite Émilie Charmy
HANIA ROUTCHINE, NUE
1921
Huile sur toile Collection privée

«Il existe tout un harem dont les captives connaissent parfois, selon le caprice de Charmy, une heure de lumière - comme cette brune endormie, cette brune vivante et heureuse..., miroir du jour et de tous ses reflets, oeuvre si chaude et si librement éloignée de la peinture (Colette, 1921). Colette décrivait ainsi les nus voluptueux peints par Emily Charmy Ses mots résument la modernité de ce nouveau regard féminin posé sur la nudité, prenant pour sujet un moment de repos ou d'abandon, un repli sur une vie intérieure ainsi révélée.
Repérée par Berthe Weill au Salon d'automne de 1905, l'artiste beneficie de plusieurs expositions dans sa galerie. Forte d'un succès critique important durant l'entre deux guerres, elle est cependant oubliée après la Seconde Guerre mondiale. 

Maria Ivanovna Vassilieva (1884-1957), dite
Marie Vassilieff
NU AU DEUX MASQUES
1930
Huile sur toile marouflée Royaume-Uni, Londres, Aktis Gallery

Marie-Joséphine Vallet (1866-1932), dite Jacqueline Marval
L'ÉTRANGE FEMME
1920
Huile sur toile
Paris, collection privée, Courtesy Comite Jacqueline Marval

Dans les années 1920, Jacqueline Marval est une artiste française établie. Depuis 1903, ses toiles sont présentes au Salon d'Automne et exposées chez la galeriste Berthe Weill. Guillaume Apollinaire parle d'elle dans ses Chroniques d'art. L'Étrange Femme fut présentée lors de l'exposition - 30 ans d'Art Indépendant au Grand Palais en 1926. Ce tableau est typique du style de l'artiste dans les années 1920: on distingue la force de la femme allongée nue, défiant le spectateur du regard. Les aplats de couleurs chers à Marval confirment sa place parmi les fauves. Les motifs du tissu, les voilages, les fleurs et la nudité féminine sont d'autres éléments récurrents dans son oeuvre.

REPRÉSENTER SON CORPS AUTREMENT
Les artistes femmes sont déterminées à révéler le monde tel qu'elles le voient, à commencer par elles-mêmes ; elles sont désormais libres de se représenter d'une autre façon que les hommes. Leur regard se construit à côté du regard masculin et s'en différencie de manière à la fois tranchée et subtile. Le regard désirant de l'homme est remplacé par un regard complexe qui travaille pour la première fois la manière dont la sexualité de la femme, ses plaisirs, ses inquiétudes et ses contraintes en général, influent sur ces représentations. L'autoportrait devient le genre de prédilection car il reflète les multiples identités de ces autrices: artistes professionnelles, mères, filles, modèles, ou encore membre d'un couple d'artistes. Se représenter, et se représenter nues pour la première fois, leur permet de façonner leur propre identité. C'est là que leur regard s'affûte, se mesure au passé, rêve un autre futur.

Natalia Sergueïevna Gontcharova (1881-1962), dite
Natalia Gontcharova
NU
vers 1925
Huile sur toile
France, Paris, Paris Musées / Musée d'Art moderne

LES DEUX AMIES
L'expression « deux amies - décrit une amitié forte entre deux femmes sans la présence d'hommes, ou une histoire d'amour ou un mélange d'amitié et de désir permettant aux femmes d'assumer leur bisexualité. Tamara de Lempicka, à qui cette salle est dédiée, fait partie des artistes qui vivent ouvertement leurs multiples aventures amoureuses et qui en font un des sujets de prédilection de leur art. À ce regard féminin sur le corps en général s'ajoute, dans les œuvres de Lempicka, la construction d'un regard désirant d'une femme sur le corps d'une autre femme. La Belle Rafaela sublime le corps voluptueux de l'une de ses jeunes amantes, le tableau Les Deux Amies révèle un moment de forte intimité érotique. La chanteuse Suzy Solidor, icône lesbienne, célèbre pour ses interprétations de chansons saphiques, est aussi sujet, modèle et amante de la peintre polonaise.
La littérature se fait aussi l'écho de ce nouveau sujet comme en témoignent les ouvrages présentés dans cette salle.

Maria Górska (1898-1980), dite
Tamara de Lempicka
LA BELLE RAFAELA
1927
Huile sur toile 
Collection particulière

Maria Górska (1898-1980), dite
Tamara de Lempicka
SUZY SOLIDOR
1935
Huile sur bois France, Cagnes-sur-Mer, Château-musée Grimaldi
Maria Górska (1898-1980), dite Tamara de Lempicka
PERSPECTIVE OU LES DEUX AMIES
1923
Huile sur toile Suisse, Genève, Association des Amis du Petit Palais

LE TROISIÈME GENRE
«Masculin? Féminin? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours» (Claude Cahun, 1930).
Pendant ces Années folles se construit une réflexion complexe sur un «< troisième genre », sur une éventuelle » neutralité», ainsi que sur la possibilité d'une transition d'un genre à l'autre. Dans quelques capitales cosmopolites, le genre est un choix, il s'agit d'une notion fluide en pleine transformation. Les travestissements connotés d'ambivalence sexuelle de Claude Cahun et de sa compagne Marcel Moore ou l'aventure du couple Wegener et leur œuvre transgenre en témoignent. Pendant toute sa vie, Gerda Wegener a peint son mari, plus connu sous son identité trans de Lili Elbe, et en a fait une vraie bataille contre toutes formes de discrimination.
Romaine Brooks est un autre exemple de peintre résistant aux normes de genre : elle réinvente de manière rigoureuse le portrait féminin en l'éloignant des codes traditionnels et de l'image de la femme fatale. Elle utilise une palette sombre et des cadrages qui mettent en valeur la figure sans aucune concession au décor. Les personnages qu'elle peint font partie du cercle de Natalie Clifford Barney, riche Américaine installée dans la capitale française à la fin du 19ème siècle, dont le portrait en tant qu'«Amazone» est exposé ici.

Beatrice Romaine Goddard (1874-1970), dite Romaine Brooks
PORTRAIT DE NATALIE CLIFFORD BARNEY, FEMME DE LETTRES, DIT L'AMAZONE 
1920
Huile sur toile
France, Paris, Musée Carnavalet - Histoire de Paris
Romaine Brooks, artiste américaine expatriée, réinvente le portrait féminin à travers sa série de portraits de famille » dont l'un des premiers est celui de Natalie Clifford Barney, dite-l'Amazone », Femmes de lettres, riche Américaine, Barney rêve dans sa jeunesse de recréer une colonie saphique sur l'ile de Lesbos, mais se contente de reconstituer un cercle d'amies, artistes et pionnières-plusieurs elles mêmes sujets des portraits de Brooks- qu'elle reçoit chez elle, au 20 rue Jacob à Paris. Ce portrait présente Barney vêtue d'un manteau de fourrure, penchée sur une écritoire. Aucune décoration ne détourne l'attention de la figure principale sauf un cheval noir sur un manuscrit, qui souligne le titre - Amazone des lettres- attribué à Barney  Le fond du tableau représente peut-être la cour de la résidence de Barney, où elle organisait lectures, concerts et reconstitutions historiques.

Beatrice Romaine Goddard (1874-1970), dite
Romaine Brooks
AU BORD DE LA MER
1914
Huile sur toile
France, Blérancourt, musée franco-américain du château de Blérancourt, dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne / Centre de création industrielle, Paris

Gerda Wegener
née Gerda Marie Fredrikke Gottlieb (1886-1940)
DEUX COCOTTES AVEC DES CHAPEAUX
1920
Huile sur toile
Danemark, Hellerup, collection particulière Anne Ammitzbøll

Marie Laurencin (1883-1956)
FEMMES A LA COLOMBE, MARIE LAURENCIN ET NICOLE GROULT
1919
Paris, musee des Arts décoratifs, dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne / Centre de creation industrielle, Paris

Peintre française, Marie Laurencin commence sa formation en 1902 à la Manufacture de Sèvres, où elle apprend la peinture sur porcelaine. En 1904, elle se forme à la peinture sur toile en suivant les cours privés de l'Académie Humbert à Paris. Femmes à la colombe est un autoportrait de l'artiste avec Nicole Groult, son amie et son amante. Laurencin joue avec les codes de genre et les stéréotypes de la sexualité: les teintes pastels ainsi que la féminite marquée de la robe de garçonne et la coiffe de Groult contrastent avec le costume masculin aux couleurs sombres de Laurencin, qui se présente néanmoins avec un noeud rose, détail qui souligne que ce sont deux femmes représentées dans un moment d'intimité La colombe, liée à Groult par sa coille de plumes blanches, évoque la paix, ainsi que le triomphe de la ferminité.

Gerda Wegener
née Gerda Marie Fredrikke Gottlieb (1886-1940)
LILI DÉGUISÉE EN CHEVALIER À LA ROSE 
1921
Huile sur toile
Danemark, Hellerup, collection particulière Anne Ammitzbell

Gerda Wegener
née Gerda Marie Fredrikke Gottlieb (1886-1940)
LILI AVEC UN ÉVENTAIL À PLUMES
1920
Huile sur toile
 Collection privée

Gerda Wegener
née Gerda Marie Fredrikke Gottlieb (1886-1940)
LILY
1922
Huile sur toile
France, Paris, Centre Pompidou, musée national d'Art moderne
/Centre de création industrielle

Gerda Wegener
née Gerda Marie Fredrikke Gottlieb (1886-1940)
LA SIESTE
1922
Mine graphite et aquarelle sur papier France, Paris, Centre Pompidou musée national d'Art moderne/ Centre de création industrielle

Lucy Schwob (1894-1954), dite
Claude Cahun
ENSEMBLE D'AUTOPORTRAITS RÉALISÉS ENTRE 1927 ET 1929
Tirage sur papier au gélatino bromure d'argent brillant France, Nantes, musée d'Arts de Nantes
et
Impressions pigmentaires modernes - Agence Photographique RMN-GP France, Nantes, musée d'Arts de Nantes

Emmanuel Radnitsky (1890-1976), dit
Man Ray
RROSE SÉLAVY
1921
Epreuve gélatino-argentique Paris, Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne /
Centre de création industrielle

Man Ray, né Emmanuel Radnitsky, et Marcel Duchamp se rencontrent à New York à la galerie 291 du photographe Alfred Stieglitz; ils resteront complices toute leur vie. Cette photographie prise en 1921- l'année où Man Ray arrive à Paris et est accueilli par le groupe Dada - présente Duchamp en Rrose Sélavy, son alter ego féminin. Il s'agit d'une femme créée par deux hommes, qui incarne la féminité construite pour et par le regard masculin; même son pseudonyme renvoie à la représentation de la femme comme objet du désir, évoquant - Eros, c'est la vie Cependant, cette photographie représente le travestissement de Duchamp en Rose Sélavy. V'est Duchamp qui devient ici l'objet du désir

René Lalique (René Jules Lalique, dit) (1860-1945)
BIJOUX
France, Paris, Musée des Arts décoratifs

Ces bijoux de René Lalique ont été offerts à Natalie Clifford-Barney par son amante Liane de Pougy. Ornés d'une chauve-souris, animal symbole de l'homosexualité, ces objets développent le thème de la faune, cher à l'Art nouveau, et dévoilent les secrets cachés de la mode « garçonne ». Plus tard, la poétesse Renée Vivien couvrira << l'Amazone >> de fleurs et « d'ornements de Lalique composés moins de pierres précieuses que de montures précieuses, où le cristal, l'ivoire et les émaux dominent.

Chana Orloff (1888-1968)
ROMAINE BROOKS
France, Boulogne-Billancourt, musées de boulogne-Billancourt / musée des Années Trente, Dépôt du Petit Palais, Paris
Bronze

Chana Orloff (1888-1968)
AMAZONE
1915
Bronze
France, Paris, Ateliers-musée Chana-Orloff

PIONNIERES DE LA DIVERSITÉ
Sans doute parce qu'elles étaient déjà à la périphérie d'un monde dont elles auraient voulu être au centre, les artistes femmes ont été aventurières, mobiles, curieuses et ouvertes à d'autres cultures. Elles ont pour certaines exporté la modernité sur d'autres continents, comme la Brésilienne Tarsila Do Amaral et l'Indienne Amrita Sher-Gil; elles se sont également intéressées à la représentation de la diversité. Le manque de reconnaissance dans leur pays a rendu ces pionnières particulièrement sensibles à d'autres cultures que les leurs.
Dans ce contexte créatif, Juliette Roche conçoit un déjeuner sur l'herbe moderne et multiethnique, une relecture de La Danse de Matisse, dans lequel les personnages assis au centre du tableau représenteraient le dialogue entre couleurs de peau, et où les danseurs androgynes annihileraient toute différence entre les sexes, évoquant l'espoir de vivre ensemble et en paix. Lucie Cousturier et Anna Quinquaud voyagent en Afrique et offrent une représentation non stéréotypée du peuple africain à travers leurs œuvres et écrits.

Marie Juliette Lucy Roche (1884-1980), dite Juliette Roche
SANS TITRE, DIT AMERICAN PICNIC
v. 1918
Huile sur toile
France, Paris, Fondation Albert Gleizes

Marie-Clémentine Valadon (1865-1938), dite
Suzanne Valadon
VÉNUS NOIRE
1919
Huile sur toile
France, Menton, musée des Beaux-Arts, dépôt du Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne/ Centre de création industrielle, Paris

Maria Mélania Mutermilch (1876-1967), dite
Mela Muter
FEMME NOIRE AVEC FLEURS JAUNES
s. d. Huile sur toile Pologne, Varsovie, collection Jankilevitsch

Anna Quinquaud (1890-1984)
AN FLOKA
1933
Fusain, crayon sur papier France, Paris, collection Florence et Daniel Guerlain
Formée à la sculpture aux Beaux Arts de Paris,
Anna Quinquaud obtient en 1924 le Prix de l'Afrique Occidentale française- elle est la première femme sculpteur à le remporter - et a l'occasion d'effectuer un voyage en Afrique. C'est à la suite de son deuxième voyage en Guinée qu'elle rencontre les peuples foulah, coniaugui et bassari qui lui inspirent ses oeuvres les plus réussies. Son admiration pour leurs profils élégants, leurs silhouettes longilignes et leur allure altibère s'accompagne du désir de se débarrasser de tout détail superflu ou pittoresque: Quinquaud veut représenter l'essentiel d'un regard ou d'une attitude.

Nina Hamnett (1890-1956)
HOMME COUCHÉ
vers 1918
Huile sur toile,
Royaume-Uni, Devon, 
collection particulière

Tarsila Do Amaral (1886-1973)
LA FAMILLE
1925
Huile sur toile
Espagne, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia

Tarsila Do Amaral (1886-1973)
CARTE POSTALE
1929
Huile sur toile Brésil,Rio de Janeiro, collection privée

Tarsila Do Amaral (1886-1973)
LAGOA SANTA
1925
Huile sur toile
Brésil, Rio de Janeiro, collection privée

Tarsila Do Amaral (1886-1973)
ABAPORU VI
1928
Encre et graphite sur papier
Espagne, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Solia

Tarsila Do Amaral naît dans une riche famille brésilienne de producteurs de café. Elle arrive à Paris en 1920 où elle fréquente l'Académie Julian : si ses premières ceuvres sont influencées par la tradition figurative française, sa palette très colorée est une réminiscence des sculptures polychromes baroques des villes coloniales brésiliennes. Le voyage qu'elle fait à travers le Brésil en 1924 est un moment fondamental pour l'évolution de sa peinture vers la phase dite - Pau-Brasil-. Il s'agit d'une allusion à la première période coloniale du Brésil, considérée comme primitive Entre 1924 et 1928, elle développe la partie la plus connue de sa production et réalise la célèbre peinture Abaporu (1928), dont nous exposons ici un des dessins préparatoires Le titre dans la langue tupi-guaraní signifie le cannibale désignant celui qui crée quelque chose de nouveau après qu'il s'est nourri de diverses expériences. Il s'agit de la métaphore de l'artiste qui est parvenue à trouver son langage pictural, après avoir absorbé plusieurs influences artistiques

Amrita Sher-Gil (1913-1941)

AUTOPORTRAIT EN TAHITIENNE
1934
Huile sur toile
Inde, New Delhi, collection Kiran Nadar Museum of Art
Amrita Sher-Gil est née à Budapest d'une mère hongroise et d'un père indien. La famille déménage en 1921 en Inde; à l'âge de seize ans Amrita arrive à Paris et étudie à l'Académie de la Grande Chaumière puis à l'École des Beaux Arts. Pendant son séjour à Paris elle prend conscience du caractère hybride de son identité, partagée entre deux cultures: sa façon de représenter le corps non occidental est tout à fait moderne, sa manière de s'habiller oscille entre deux traditions. Elle connaît les corps idéalisés des femmes tahitiennes peintes par Paul Gauguin, et c'est en réaction qu'elle peint son Autoportrait en Tahitienne qui renverse nombre des clichés de son époque: en prenant son corps nu comme sujet elle se représente dans le rôle de l'Autre colonisé.

Lucie Cousturier née Jeanne Lucie Brû (1876-1925)
HOMME NOIR ÉCRIVANT
s.d.
Aquarelle sur papier
France, Saint-Tropez, musée de l'Annonciade

Lucie Cousturier est peintre, écrivaine et critique d'art lorsqu'elle rencontre, à Fréjus en 1916, des tirailleurs sénégalais à qui elle apprend à lire et à écrire le français. En 1921, elle voyage en Afrique de l'Ouest, chargée par le gouvernement français d'étudier le milieu indigène familial et spécialement le rôle de la femme Ses portraits à l'aquarelle témoignent de la volonté de l'artiste de peindre des individus, à contre-courant de la vogue des représentations exotiques et stéréotypées des peuples africains nus ou dans des costumes authentiques.

Lucie Cousturier née Jeanne Lucie Brû (1876-1925)
FEMME KISSIENNE (GUINÉE)
avant 1925
Aquarelle sur papier
France, Paris, musée du quai Branly-Jacques Chirac


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Normandism de David Hockney au musée de Rouen en juillet 2024

LE MIROIR MAGIQUE David Hockney (1937, Bradford) partage sa vie entre Londres, Los Angeles qu'il a découvert en 1964, et la France où il...