samedi 2 octobre 2021

Un prince idéal au musée Ingres Bourdelle en août 2021

Découverte de cette belle institution de Montauban en chemin vers l'Ariège. Deux posts pour rendre compte de cette visite à commencer par cette exposition temporaire sur le prince Ferdinand Philippe d'Orléans qui met en valeur le célèbre portrait d'Ingres


Jean-Auguste-Dominique INGRES (1780-1867)
Portrait de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans et prince royal, en costume de lieutenant général. 1842
Huile sur toile

UN PRINCE ET SON PEINTRE

Lorsqu'il y a peu de mois quelques personnes étaient admises à visiter le portrait du duc d'Orléans dans l'atelier de M. Ingres, on était loin de s'attendre qu'un douloureux intérêt tragique s'attacherait bientôt à cette peinture. Aujourd'hui ce portrait est tombé dans le domaine de l'Histoire ; il est tout ce que nous sommes appelés à connaître désormais de cette noble tête brisée sur le pavé d'un chemin. (Eugène Pelletan, La Presse, 3 septembre 1842)

Le 13 juillet 1842, trois mois après que son portrait a été achevé par Ingres, Ferdinand-Philippe d'Orléans meurt d'un accident de voiture à cheval, à l'entrée de Neuilly-sur-Seine, non loin de la porte Maillot. Il était le fils aîné de Louis-Philippe ler, roi des Français ; il n'avait pas encore 32 ans et laissait une jeune veuve avec deux petits garçons. Ingres est bouleversé: « Moi, qui avais éprouvé mieux que tout autre peut-être tout ce que valait ce cœur bon, tendre et généreux, je suis anéanti et presque découragé: je ne fais que le pleurer et le pleurerai longtemps ! Une seule chose me console, c'est d'avoir été assez heureux pour en avoir tracé les traits, mais combien j'aurais voulu faire mieux encore », écrit-il à un ami. Le peintre montalbanais, qui disait détester peindre des portraits, avait fait une exception pour le duc d'Orléans. Aucun autre homme n'eut ce privilège par la suite.

Qui était ce prince qui ne régna jamais sur la France, vite oublié dans les soubresauts de l'Histoire ? Comment était-il parvenu à séduire l'un des peintres les plus exigeants de son temps ? Écartons un instant le voile funèbre qui couvre son portrait. En ce beau matin de printemps 1842, tout est encore possible: un jeune homme à l'avenir royal nous donne audience chez lui et nous couve de son regard bleu. Faisons sa connaissance et parcourons son destin.
François GÉRARD (1770-1837)
Portrait en pied d'Eugénie Adélaïde Louise d'Orléans, tante de Ferdinand-Philippe. Réplique en réduction d'après le portrait exposé au Salon de 1822
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,

François GÉRARD (1770-1837)
Portrait en pied de Louis-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans, en tenue de colonel général des hussards. Réplique en réduction d'après le portrait exposé au Salon de 1817
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,
François GÉRARD (1770-1837)
Portrait en pied de Marie-Amélie de Bourbon Siciles, duchesse d'Orléans, avec son fils aîné Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc de Chartres, en tenue de hussard. Réplique en réduction d'après le portrait exposé au Salon de 1819
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,
Horace VERNET (1789-1863)
Portrait de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc de Chartres, élève au collège royal Henri IV. 1821
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,
Horace VERNET (1789-1863)
Portrait de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc de Chartres, élève au collège royal Henri IV. 1821
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Adolphe ROEHN (1799-1864)
Le Duc Louis-Philippe d'Orléans et sa famille en barque à Neuilly. 1821-1822 Esquisse pour le tableau exposé au Salon de 1822
Huile sur toile
Sceaux, musée du Domaine départemental de Sceaux

Anonyme italien
Portrait de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc de Chartres, âgé de huit jours. 1810
Gouache sur ivoire Eu, musée Louis-Philippe

DE L'EXIL JUSQU'AUX MARCHES DU TRÔNE

1810: Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc de Chartres, naît à Palerme, en Sicile. Non seulement rien ne le destine à régner un jour sur la France, mais il n'a même pas le droit d'y résider: son père Louis Philippe d'Orléans, chef de la branche cadette de la dynastie des Bourbons, vit en exil, chassé par la Révolution française puis par Napoléon Bonaparte. Pourtant, en quinze années l'échiquier politique connaît un complet renversement qui transforme son destin.

1815: l'Empire napoléonien s'effondre pour de bon. Les Bourbons retrouvent le trône de France. Leur cousin Louis-Philippe d'Orléans peut rentrer à Paris mais, en raison d'un lourd passé, il est tenu à distance des affaires de l'État : son père avait trahi Louis XVI et voté sa mort en 1793. Bien qu'officiellement pardonnés, les Orléans vivent à l'écart du pouvoir qui est au palais des Tuileries : ils passent les semaines et les hivers au Palais-Royal à Paris, les jours fériés au château de Neuilly, les vacances d'été à Eu, sur la côte normande. Conscient des archaïsmes de la Cour, Louis-Philippe veut élever ses fils au contact de la société moderne avant de les engager dans la traditionnelle carrière militaire. Contre l'avis du roi, le jeune Ferdinand-Philippe est donc inscrit de 9 à 16 ans au collège Henri IV: c'est la première fois qu'un prince de son rang est scolarisé. Il développe aussi un réel talent de dessinateur et de graveur, sous l'oeil attentif de son professeur particulier, le peintre Ary Scheffer.

1830 : les trois journées révolutionnaires de juillet renversent Charles X et portent Louis-Philippe d'Orléans au pouvoir comme roi des Français : son fils aîné Ferdinand-Philippe devient duc d'Orléans et prince royal en qualité d'héritier du trône. Encore inconnu du public la veille, il est désormais l'un des premiers personnages de l'État et il incarne l'avenir de la nouvelle "monarchie de Juillet". L'opinion est curieuse de connaître ce jeune prince de vingt ans, de deviner ses qualités comme ses faiblesses. Ancêtres des paparazzi, les portraitistes en tout genre se bousculent pour vendre son image, tandis que les plus grands caricaturistes - Daumier et Grandville - le brocardent en «grand Poulot».

Ferdinand-Philippe d'ORLÉANS, duc de Chartres (1810-1842)
La Course de l'épagneul. Le Saut du cerf. Vers 1828-1830

Le dessin est une discipline enseignée à tous les enfants de la noblesse depuis le XVIIe siècle ; chez les Orléans, cette tradition est très cultivée. Sur les conseils du peintre Gérard, Louis-Philippe nomme en 1822 Ary Scheffer comme professeur de dessin de ses enfants, épaulé par le bri tannique Thales Fielding en 1828. Ferdinand-Philippe aime dessiner des paysages et des animaux sauvages, reflet de sa passion pour l'équitation et la chasse. Au début de l'année 1830, une sélection de ses meilleurs dessins est transposée en lithographies imprimées en peu plaires et offertes à un petit cercle d'intimes.


Ferdinand-Philippe d'ORLÉANS, Charles MOTTE (1785-1836), imprimeur lithographe
duc de Chartres
(1810-1842), dessinateur
Croquis lithographiques 1830

Henri GRÉVEDON (1776-1860), dessinateur Charles MOTTE (1785-1836), imprimeur lithographe
Portrait de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc de Chartres. 1826
Henri DECAISNE
(1799-1852)
Portrait de Ferdinand-Philippe
d'Orléans, duc d'Orléans et prince royal, en colonel des hussards. Réplique en réduction d'après le tableau exposé au Salon de 1833
Huile sur toile
Paris, collection Benoît Sourdin

Honoré DAUMIER
(1808-1879), dessinateur lithographe Pierre-Prudence BECQUET (1796-1845), imprimeur Gabriel AUBERT (1784-1847), éditeur
Primo saignare, deinde purgare, postea clysterium donare. 1833 Extrait de La Caricature politique, morale,
littéraire et scénique (5 décembre 1833) Lithographie sur papier coloriée à l'aquarelle
Paris, maison de Balzac

Ary SCHEFFER
(1795-1858)
Le Roi Louis-Philippe prête serment en présence des Chambres de maintenir la Charte, le 9 août 1830. Esquisse pour le concours du décor de la Chambre des députés. 1830
Huile sur toile
Paris, musée Carnavalet

Les trois journées révolutionnaires de juillet 1830 à Paris chassent Charles X. Les parle mentaires libéraux, alliés aux grands patrons de presse et aux banquiers, appellent le duc d'Orléans sur le trône. Devant les députés et les pairs réunis, Louis-Philippe accepte la cou ronne et jure de défendre la nouvelle Charte (constitution) qui accorde plus largement le droit de vote par rapport à celle de 1814. Ferdinand-Philippe se tient ici juste derrière son père, en uniforme bleu et blanc de hus sard. À partir de ce jour, il est le <
"prince royal" et hérite de son père le titre de duc d'Orléans.
François-Marius GRANET
(1775-1849)
Le Baptême de Robert d'Orléans, duc de Chartres, dans la chapelle du palais des Tuileries, le 14 novembre 1840 à 7 heures du soir. 1841
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,

COMMENT ÊTRE PRINCE ROYAL EN 1830?

En un temps où la monarchie n'est plus sacrée, où la souveraineté est partagée entre le roi et la nation, où les puissants du jour sont scrutés par l'opinion publique et raillés par la presse, le prince royal doit être exemplaire. Ses paroles, ses actes et ses images doivent correspondre aux vertus viriles que la société attend de son futur roi : brave et réfléchi dans les affaires militaires, clément et généreux dans les affaires sociales, élégant et bienveillant dans la vie mondaine, fidèle et fécond dans la vie conjugale. De l'avis de tous, Ferdinand-Philippe d'Orléans se prête admirablement au jeu.

Patriote attaché au redressement militaire de la France, il s'illustre au siège d'Anvers (1832) pour aider la Belgique à gagner son indépendance, et s'intéresse au renforcement des défenses de la France. Conquérant, il participe à trois campagnes de la colonisation militaire de l'Algérie (1835, 1839 et 1840). Responsable de la perpétuation de la dynastie, il renonce à ses relations amoureuses et cherche une alliance illustre avec une princesse étrangère. La tâche est ardue car la plupart des cours catholiques d'Europe restent fidèles à la branche aînée des Bourbons partie en exil depuis 1830: à leurs yeux les Orléans sont illégitimes sur le trône français. Ferdinand-Philippe parvient finalement à épouser Hélène de Mecklembourg-Schwerin, une nièce du roi de Prusse, qui lui donne bientôt deux fils. L'aîné, Philippe, est titré comte de Paris et baptisé le 2 mai 1841 dans la cathédrale Notre-Dame : cette cérémonie, la plus grandiose organisée par la monarchie de Juillet, se veut l'équivalent du sacre des rois du passé.

Les affaires internationales ne détournent pas le prince royal des affaires civiles de son futur royaume: avant d'embarquer pour l'Algérie en 1839, il parcourt le Sud-Ouest de la France, de Bayonne à Port-Vendres, en passant par Agen et Toulouse. Modeste et attentif, le prince royal recueille facilement l'adhésion des Français : chacun projette en lui ses vœux pour l'avenir.

Joseph-Désiré COURT (1797-1865)
Le Duc d'Orléans posant la première pierre du pont-canal d'Agen le 25 août 1839. 1844
Huile sur toile
Agen, musée des beaux-arts

Commandé par le ministère de l'Intérieur, ce tableau immortalise un temps fort de la tournée du duc d'Orléans dans le Sud-Ouest de la France. En tant que représentant du nouveau régime né de la révolution de 1830, il est venu rassurer et séduire les notables locaux qui étaient majoritairement restés fidèles à la branche aînée des Bourbons. Député de Haute-Garonne, Charles de Rémusat est témoin de l'habileté politique de Ferdinand-Philippe: « Son succès personnel est immense. Je ne sais comment il fait pour être à la fois familier et imposant ».

Ce tableau spectaculaire mais très endommagé jusque-là, a été restauré spécialement pour l'exposition en 2020-2021 par le musée des beaux arts d'Agen avec le concours exceptionnel de la ville de Montauban.

Franz Xaver WINTERHALTER (1805-1873)
Portrait en pied d'Hélène de Mecklembourg Schwerin, duchesse d'Orléans et princesse royale, tenant son fils Philippe d'Orléans, comte de Paris. 1839
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Henri Félix PHILIPPOTEAUX
(1815-1884)
Le Duc d'Orléans accorde la liberté à deux prisonniers arabes, le 21 avril 1840. 1846
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Jean-Léonard LUGARDON d'après Adolphe ROGER (1800-1880)
(1801-1884)
Le Duc d'Orléans dans la tranchée au siège de la citadelle d'Anvers. 29-30 novembre 1832. Réplique du tableau d'Adolphe Roger exposé au Salon de 1834. 1836.
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

COLLECTIONNEUR ET MÉCÈNE

Collectionner les oeuvres d'art est la marque des grands princes depuis la Renaissance. Pour Ferdinand-Philippe, c'est une passion sincère qui se traduit par des choix très arrêtés dès l'âge de 21 ans: il n'achète que des oeuvres d'artistes vivants, sans distinction de style. Il ne manque jamais le Salon, la principale exposition d'art qui se tient chaque année au Louvre. Conseillé par son mentor Ary Scheffer, il y achète les oeuvres les plus audacieuses du moment: des épisodes sanglants tirés de la littérature romantique et illustrés par Eugène Delacroix, des paysages de la France rurale peints par Théodore Rousseau et Paul Huet, enfin des paysages méridionaux imaginés par Camille Corot et Alexandre Decamps. Aux célébrités qui boudent le Salon (Ingres, Delaroche) le prince commande les yeux fermés, sans imposer de sujets. En dix années, les murs de son appartement au palais des Tuileries se couvrent de peintures où ne manque pas un seul des grands noms que la postérité retiendra.

Mais c'est aux jeunes sculpteurs que Ferdinand-Philippe passe ses commandes les plus fastueuses et originales, car il aime l'expressivité romantique de la petite statuaire en bronze. Un grand vase sculpté. consacré aux poètes Dante et Pétrarque est demandé à Henry de Triqueti, tandis qu'Antoine-Louis Barye se voit confier un gigantesque décor de table sur le thème de la chasse d'animaux sauvages, où la beauté se mêle à la cruauté: ce surtout fait l'admiration de tous lors des soirées offertes par les Orléans. Au même moment, la modernité de Barye est détestée par l'Académie des beaux-arts qui lui refuse régulièrement le droit d'exposer au Salon: en le soutenant, le prince royal affirme l'indépendance et le discernement de ses goûts artistiques.

En quelques années, Ferdinand-Philippe s'attache l'affection unanime des artistes : non seulement il leur fait confiance et ne discute par leurs prix, mais il recherche leur compagnie, leur rend visite et les invite chez lui, quelles que soient leurs opinions politiques. Certains, comme les peintres Scheffer et Decamps sont même considérés comme ses amis. On comprend mieux la tendresse d'Ingres envers un «si aimable mécène, auquel je ne pourrai jamais rien refuser ».

Antoine-Louis BARYE (1795-1875)
Serpent étouffant une antilope. Vers 1839. Acheté par le duc d'Orléans à l'artiste
Aquarelle et gouache sur papier Collection particulière

Eugène DELACROIX (1798-1863)
Guillaume de La Marck, dit le Sanglier des Ardennes, dit aussi L'Assassinat de l'évêque de Liège, d'après le roman -Quentin Durward de Sir Walter Scott. 1829
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures

Ce tableau acheté au Salon de 1831 est la première pièce majeure de la collection de Ferdinand-Philippe. Il annonce l'audace de ses goûts, au grand dam des académiciens. Par son sujet et par son style, ce tableau est si violent que Delacroix a échoué pendant deux ans à le vendre, malgré plusieurs expositions à Paris et à Londres. Il représente l'une des scènes les plus provocantes nées de l'imagination de Walter Scott: au XV siècle, l'évêque de Liège est égorgé par une horde d'insurgés et de brigands, dans la grande salle de son palais livré au pillage et à l'orgie.

Ary SCHEFFER
(1795-1858)
Le Giaour, d'après le poème «Le Giaour» de lord Byron. 1832
Commandé par le duc d'Orléans en 1831
Huile sur toile
Luxembourg, villa Vauban-musée d'art de la ville de Luxembourg

Ary SCHEFFER (1795-1858)
Le Christ consolateur
Réplique en réduction du tableau acquis par le duc d'Orléans au Salon de 1837
Huile sur toile
Dordrecht, Dordrechts Museum

Théodore Caruelle d'ALIGNY, (1803-1860)
Entretien de Jésus avec la Samaritaine. 1837 Acheté par le duc d'Orléans au Salon de 1837
Huile sur toile Paris, collection Antoine Béal
Louis-Godefroy JADIN (1805-1882)
L'Hallali sur pied. 1840-1841
Huile sur toile, cadre moderne reconstitué en 2005 d'après les modèles originaux en bois doré commandés en 1841 par le Duc d'Orléans aux menuisiers Jean et Berneuil, au sculpteur Champion, au doreur Fontaine et au menuisier Cartaux
Chambord, domaine national du château de Chambord, dépôt du domaine de Chaalis, Institut de France.

Eugène DELACROIX
(1798-1863)
Hamlet et Horatio au cimetière. 1839 Acheté par le duc d'Orléans au Salon de 1839
Huile sur toile
Paris, musée du Louvre, département des Peintures, R.F. 1942

Antoine-Louis BARYE (1795-1875), sculpteur Honoré GONON (1780-1850), fondeur
Lion qui vient de s'élancer sur un sanglier. 1834-1839 . Élément du surtout de table du duc d'Orléans

Sculpteur favori de Ferdinand-Philippe, Barye consacre quatre ans à la conception du surtout de table destiné au décor de la salle à manger du prince. Il exécute cinq chasses en bronze, aujourd'hui conservées aux Etats-Unis, qui mettent en scène dans des corps-à-corps féroces des cavaliers et leurs proies. Ces groupes étaient placés sur des socles très riches, en bronze doré orné de pierres semi-précieuses; le socle central prenait la forme d'un arc de triomphe. Les modèles en plâtre ici présentés révèlent l'incomparable talent de modeleur de Barye qui parvient à saisir la sauvagerie des combats.
Antoine-Louis BARYE (1795-1875)
Un Lion et une lionne qui disputent un buffle blessé à des cavaliers bédouins. 1834-1839
Modèle pour un groupe du surtout de table dit La Chasse au lion
Plâtre, cire, métal (armes)
Paris, musée du Louvre
Ce tableau fut commandé par Ferdinand Philippe d'Orléans pour décorer l'une de ses tables d'apparat dans sa salle à manger. Le sujet de cette œuvre est une chasse, occupation qu'affectionnait le prince comme toute la noblesse en général. C'est l'occasion pour l'artiste de représenter la beauté du monde animal, plein de mouvement et d'énergie. Cette sculpture faisait partie d'un ensemble imposant et spectaculaire commandé par Ferdinand Philippe d'Orléans pour décorer l'une de ses tables d'apparat dans sa salle à manger.
Antoine-Louis BARYE (1795-1875)
Indien monté sur un éléphant. 1834-1839
Modèle pour une partie du groupe central du surtout de table dit La Chasse au tigre
Antoine-Louis BARYE (1795-1875)
Cavaliers espagnols du 15e siècle, qui, à l'aide de dogues de grande race, donnent la chasse à un taureau sauvage. 1834-1839
Modèle pour un groupe du surtout de table dit La Chasse au taureau sauvage
Jacques-Augustin FAUGINET
(1809-1847), sculpteur Louis RICHARD (1791-1879) Jean-Georges ECK (1795-1863) et Pierre DURAND (1794-1889), fondeurs
Portrait de Beggarman, pur-sang des écuries du duc d'Orléans. 1841 Commandé par le duc d'Orléans

Ary SCHEFFER
(1795-1858)
Mignon exprimant le regret de sa patrie D'après le roman «Les Années d'apprentis sage de Wilhelm Meister» de Johann Wolf gang von Goethe. 1836
Acheté par le duc d'Orléans au Salon de 1839
Huile sur toile
Collection des ducs de Noailles

Le duc d'Orléans a acquis ce tableau avec son pendant "Mignon aspirant au ciel", à la fois en hommage au peintre Scheffer, son mentor artistique, et aussi en accord avec son goût personnel pour la littérature allemande, et qu'il partage avec son épouse Hélène. Ces peintures sont les seules qu'il cite dans son testament en 1840 : « Comme c'est le comte Molé qui "m'a marié [...], je veux lui léguer un témoignage spécial de mes sentiments et je le prie d'accepter les deux tableaux de « Mignon » de mon ami Scheffer, qui sont parmi ceux de ma galerie que j'aime le mieux ".

LE TRAGIQUE ÉTÉ 1842

Le 13 juillet 1842, Ferdinand-Philippe d'Orléans quitte le palais des Tuileries pour rendre visite au roi et à la reine, ses parents, au château de Neuilly; il conduit seul un léger attelage. A l'entrée de Neuilly, ses chevaux s'emballent, le prince royal est projeté hors de la voiture, il se brise le crâne sur les pavés de la route; il meurt quelques heures plus tard dans la modeste épicerie voisine où il a été transporté en hâte, entouré de ses parents accourus. Son corps sera placé aux côtés de ses ancêtres, dans la chapelle royale de Dreux, nécropole de la famille d'Orléans.

Cette mort accidentelle, ni héroïque ni prévisible, provoque la stupeur et la consternation générale. Après l'émotion vient le besoin de comprendre, qui se convertit en besoin de témoignages : une multitude de gravures et de brochures apparaissent, qui reconstituent heure par heure les séquences de la tragédie. Les dessinateurs se mettent au travail, faisant autant appel à leur observation qu'à leur imagination.

En 1996 réapparaît un document d'une exceptionnelle modernité : une photographie de Notre-Dame, prise le jour des funérailles du prince royal. Un an après le joyeux baptême du comte de Paris, la cathédrale est drapée de noir pour l'hommage funèbre rendu à son jeune père. Le photographe Gaudin a figé cet instant grâce au procédé technique inventé par Daguerre trois ans plus tôt. Il s'agit du plus ancien cliché où l'on voit une foule assemblée pour un événement national. La mort du duc d'Orléans coïncide avec la naissance de la photographie de reportage.

Nicolas-Eustache MAURIN
(1799-1850) dessinateur et lithographe
La Famille royale en deuil. 1842
Lithographie sur papier
Amboise, château royal, Fondation Saint-Louis,
François-Joseph DUPRESSOIR
(1800-1859), dessinateur Nicolas-Eustache MAURIN
(1799-1850), lithographe
GUILLEMIN éditeur
Arrivée du convoi funèbre du duc d'Orléans sur le parvis de Notre-Dame de Paris, 30 juillet 1842. 1842

Karl Rudolph Heinrich, dit Henri, LEHMANN (1814-1882)
La Fille de Jephté. 1835
Acheté par le duc d'Orléans au Salon de 1836
Huile sur toile
Bourron-Marlotte (Seine-et-Marne),
mairie-musée. Classé Monument historique au titre d'objet, le 21 février 2006
François GÉRARD (1770-1837)
Quatre Victoires déroulant une tapisserie qui représente le tombeau de Napoléon Ier à Sainte-Hélène. 1826
Acheté par le duc d'Orléans en 1834
Huile sur toile
Rueil-Malmaison, musée national des Châteaux de Malmaison et Bois-Préau,
Francesco ANTOMMARCHI
(1780-1838), mouleur
Louis RICHARD (1791-1879) et Eugène QUESNEL (v. 1792-avant 1858), fondeurs, entreprise active entre 1821 et 1834
Masque mortuaire de Napoléon ler. 1834
Bronze
Paris, musée du Louvre,
département des Sculptures, LP 235

Jean-Auguste-Dominique INGRES (1780-1867)
Edipe explique l'énigme du sphinx 1808 modifié en 1827 Acheté par le duc d'Orléans en 1839
Huile sur toile Paris, musée du Louvre, département des Peintures

Dès que ses moyens financiers y ont suffi, Ferdinand-Philippe a souhaité posséder un tableau d'Ingres. Il lui passe commande en 1833 d'un tableau à sujet libre. Ingres choisit << Stratonice » mais met sept années à remplir sa promesse. Pour patienter, le prince saisit en 1839 l'occasion d'acheter cet Edipe qui se trouve à vendre. Ingres est vivement touché par ce geste et s'empresse d'autant plus à satisfaire « ce si aimable mécène auquel je ne pourrai jamais rien refuser »: en 1840 Stratonice est achevée, suivie deux ans plus tard du portrait du prince.

FERDINAND FOREVER

La mort de Ferdinand-Philippe rend son image plus désirable que jamais. Peintres, graveurs et sculpteurs rivalisent de talent pour restituer avec le plus de grâce un visage qui n'a jamais été photographié. Ingres est au-dessus de la mêlée : le maître montalbanais est non seulement réputé dans toute l'Europe comme un portraitiste de génie, mais le hasard lui a donné le privilège d'être le dernier à avoir peint Ferdinand-Philippe vivant.

C'est donc à Ingres que s'adressent le roi et la duchesse d'Orléans pour commander des répliques peintes de ce portrait, tantôt dans un format plus grand (en pied), tantôt plus réduit (en buste) que l'original : le peintre en confie l'exécution à ses meilleurs élèves. Il faut ensuite répondre au désir des députés, des préfets et des maires qui veulent pour leurs territoires un portrait du prince regretté. Pour répondre à leur demande, le ministère de l'Intérieur fait adapter le modèle ingresque sur un fond de jardin : des dizaines de copistes sont mobilisés, leurs ouvrages expédiés dans tout le royaume. Quant au grand public, il doit se contenter d'estampes: Ingres confie personnellement à Luigi Calamatta le droit exclusif de transcrire son tableau en gravure.

Mais des artistes concurrents apparaissent, qui ne veulent pas abandonner le monopole à Ingres: en tête, le peintre Winterhalter et le sculpteur Pradier, bien qu'ils n'aient jamais été admis à portraiturer le duc d'Orléans vivant, imaginent des effigies posthumes, depuis le monumental portrait en pied jusqu'à la petite statuette, destinés aussi bien au décor de l'espace public qu'à l'intimité d'un salon.

Quelles que soient les variantes, les imitations et les contrefaçons, c'est toujours dans la silhouette affutée d'un fringant officier que Ferdinand Philippe s'est figé pour l'éternité.
Jean-Auguste-Dominique INGRES (1780-1867) et atelier
Portrait posthume en pied de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans et prince royal. 1844
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon,

Jean-Auguste-Dominique INGRES (1780-1867) et atelier
Portrait posthume de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans et prince royal. 1842-1843
Huile sur toile
Versailles, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Atelier de Franz Xaver WINTERHALTER (1805-1873)
Portrait posthume en pied de Ferdinand Philippe d'Orléans, duc d'Orléans et prince royal. 1846
Huile sur toile Amboise, château royal, Fondation Saint-Louis
Jean-Jacques dit James PRADIER (1790-1852)
Esquisse du Monument à Ferdinand Philippe d'Orléans, commandé pour les galeries historiques de Versailles. 1842
Plâtre plein patiné Valenciennes, musée des beaux-arts,
Henry SCHEFFER (1798-1862)
Portrait posthume de Ferdinand-Philippe d'Orléans, duc d'Orléans et prince royal. 1842
Huile sur toile
Sceaux, musée départemental du domaine de Sceaux,

Frère d'Ary Scheffer, Henry propose au Salon de 1843 ce portrait du prince défunt, "fait de souvenir".
À la différence des portraits d'Ingres ou de Winterhalter qui privilégient la prestance militaire, il crée une image plus intime et mys térieuse de Ferdinand-Philippe. Sa silhouette émane doucement des ténèbres, comme une apparition fantomatique. La reine Marie-Amélie, qui déclarait ne pas aimer le portrait qu'Ingres avait fait de son fils, achète celui-ci à Scheffer. Après la révolution de 1848, elle l'emporte dans son exil anglais et le fait installer sur la cheminée de la chambre où elle s'éteint, en 1866.

Jean-Louis-Nicolas JALEY (1802-1866)
Le Duc d'Orléans, (commandé pour la Chambre des pairs, palais du Luxembourg, Paris). 1844
Marbre
Paris, musée du Louvre, département des Sculptures.

LA CHAPELLE DU SOUVENIR

Le corps de Ferdinand-Philippe d'Orléans repose avec ses aïeux et ses descendants à Dreux; pourtant son souvenir vit ailleurs, dans une chapelle perdue aujourd'hui au bord du boulevard périphérique parisien, porte des Ternes. Placé sous le vocable de Notre-Dame-de la-Compassion, l'édifice a été bâti en 1843 par l'architecte Fontaine par la volonté du couple royal à l'endroit même où leur fils a rendu son dernier soupir. La chapelle est conçue comme un lieu réservé au deuil de la famille, tout particulièrement des femmes - la reine et la duchesse d'Orléans - qui viennent régulièrement s'y recueillir et assister aux messes célébrées en l'honneur de leur cher défunt.

Le couple royal veille personnellement à chaque étape du chantier et s'adresse aux artistes en qui il a une entière confiance. Ingres, peintre favori du défunt duc d'Orléans, donne le modèle des vitraux exécutés par la manufacture de Sèvres ; Ary Scheffer, ancien professeur de dessin du prince, dessine le cénotaphe dont l'exécution est confiée au sculpteur Henry de Triqueti. Le monument est inauguré un an exactement après le drame. 130 ans plus tard, la chapelle est déplacée d'une centaine de mètres en raison du percement du boulevard périphérique au début des années 1970. Îlot néogothique au cœur d'un quartier d'affaires moderne, la chapelle est un bijou d'architecture qui mérite une visite : elle matérialise le sentiment tout romantique de tendresse et de piété d'une famille royale endeuillée.

Un siècle plus tard, intrigué par le charme désuet de cette chapelle, Raymond Queneau lui donne un avatar littéraire dans son roman Pierrot mon ami (1942): il l'imagine en tombeau de « Luigi, prince des Poldèves »...
Henry de TRIQUETI (1803-1874)
Portrait funéraire de Ferdinand-Philippe, duc d'Orléans. 1850
Marbre
Randan, domaine royal, DR 1999-606

Le gisant de Ferdinand-Philippe fut très admiré par la famille royale. Il suscita d'émouvantes scènes de chagrin tant son réalisme exacerbait le souvenir du disparu. Triqueti aurait alors créé trois bustes en marbre dérivés de ce gisant. Celui-ci fut commandé en 1849 au sculpteur par la duchesse d'Orléans qui désirait garder le souvenir des traits de son époux. La reine Marie-Amélie s'opposa personnellement à une diffusion du portrait funéraire de son fils auprès du public souhaitant le garder dans le domaine privé de la famille, refusant qu'il connaisse la même popularité que le masque mortuaire de Napoléon ler.
Ary SCHEFFER (1795-1858)
Esquisse du gisant de Ferdinand-Philippe d'Orléans pour la chapelle Notre-Dame de la Compassion. 1842

Henry de TRIQUETI (1803-1874)
Maquette du gisant de Ferdinand-Philippe d'Orléans pour la chapelle Notre-Dame-de la-Compassion. 1842
Ary SCHEFFER (1795-1858)
Ferdinand-Philippe d'Orléans mourant dans les bras d'un ange. 1842 Huile sur toile
Dordrecht, Dordrechts Museum

Pradier et Scheffer furent les seuls artistes admis à approcher la dépouille du prince pour dessiner son visage inanimé. Ary Scheffer a utilisé ses études pour concevoir le présent tableau, peut-être destiné à la chapelle. L'artiste met en valeur le visage apaisé de Ferdinand-Philippe, soutenu par un ange qui semble avoir les traits de Marie d'Orléans, sœur cadette du prince morte trois ans plus tôt. Autre élève de Scheffer, cette princesse-artiste, auteur de plusieurs sculptures, était très proche de son frère, grand mécène des arts.

Ary SCHEFFER (1795-1858)
Les Saintes Femmes revenant du tombeau, dit aussi Les Trois Marie. 1847 Huile sur toile

Henry de TRIQUETI (1803-1874)
Gisant de Ferdinand-Philippe duc d'Orléans, modèle à grandeur d'exécution. 1842
Plâtre Montargis, musée Girodet

Henry de TRIQUETI (1803-1874)
Esquisse de la Pietà pour la chapelle Notre Dame-de-la-Compassion. 1844
Plâtre
Orléans, musée des Beaux-Arts,

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Normandism de David Hockney au musée de Rouen en juillet 2024

LE MIROIR MAGIQUE David Hockney (1937, Bradford) partage sa vie entre Londres, Los Angeles qu'il a découvert en 1964, et la France où il...