samedi 2 octobre 2021

La peinture métaphysique de Giorgo de Chirico au musée de l'Orangerie en octobre 2020

Un peu ésotérique...

Giorgio de Chirico (1888-1978), artiste né en Grèce, issu d'une famille ottoman cosmopolite de nationalité italienne, conçoit une oeuvre unique, étrange. Sa peinture singulière, qualifiée par le poète Guillaume Apollinaire de métaphysique, a fortement marqué l'art moderne, de Picasso au surréalisme.
Chirico pose au travers de ses tableaux la question du visible. L'esprit et le mystère du monde que les peuples antiques exprimaient par les mythes, ne résident pas, selon lui, dans un au-delà invisible, mais bien dans le monde tangible et matériel dont il s'attache à mettre en évidence les signes. Profondément influencé par la pensée de Nietzsche dont il lit les écrits avec passion dès 1908, Ecce Homo, Ainsi parlait Zarathoustra, il développe à partir de la notion d'éternel présent - instant immobile à jamais suspendu entre les deux éternités du passé et du futur- 
une approche particulière de sa propre évolution, en marge des avant-gardes. Formé à Munich, nourri de ses voyages et séjours à Florence, Turin et Milan, il séjourne à Paris, entre 1911 et 1915, et adopte alors de nombreux procédés formels  de la scène artistique parisienne - Cézanne, Matisse, Picasso-.
Chirico crée alors un art profondément nouveau, fondé non pas sur l'apparence des objets, mais sur les significations potentielles et les associations d'idées que ces objets peuvent susciter. Il tend ainsi à introduire en peinture la radicalité poétique de Rimbaud, la révolution spéculative de Nietzsche.

Prométhée 1908

Centaure mourant 
Giorgio de Chirico développe dans cette composition le thème mythologique du centaure avec une facture singulière. Dans ses mémoires, l'architecte grec Dimitrios Pikionis (1887-1968) témoigne des longues heures passées avec Chirico à étudier les gravures du cabinet des estampes de la Pinacothèque de Munich. Ici, le grattage avec le dos du pinceau de certaines zones de la toile imite justement la technique de l'eau forte.

 Sérénade
Huile sur toile
Berlin Staatliche Museen, Nationalgalerie
Au cours des premiers mois de 1909, Giorgio de Chirico se concentre sur les récits et figures mythologiques de son enfance en Thessalie,  Grèce. Ici, le paysage semble evoquer la région grecque de l'Arcadie, par ses vignes. cypres et colonnes antiquisantes. La fontaine ornée d'un bas-relief qui pourrait représenter le double visage de la divinité romaine Janus, dont l'un regarde vers le passé et l'autre vers l'avenir. Surtout, la scène semble se dérouler dans un entre-deux temporel, qui ne correspond ni vraiment à la nuit - avec la lueur crépusculaire du ciel, ni au jour - par la présence de fenêtres éclairées. Cette question du passage du jour et l'ambiguité qu'elle crée, influencera le peintre surréaliste Rene Magritte qui développera ce thème dans ses compositions

Le départ des amis

La nostalgie de l'infini
Automne hiver 1911

La récompense du devin

L'incertitude du poète 
Novembre décembre 1913

La Tour rouge, dite aussi La Tour rose
Première moitié de 1913
Huile sur toile
La Tour rouge est emblématique des recherches picturales de Giorgio de Chirico à cette période. L'élongation démesurée des ombres et la perspective, irréelle, renforcent d'abord le sentiment d'étrangeté que l'on peut éprouver face à cette œuvre. La statue équestre fait référence à l'architecture italienne et turinoise, chère au peintre. Le motif - récurrent - de la tour renvoie quant à lui aux réflexions de Nietzsche sur la complémentarité du masculin et du féminin, Elle fait pendant aux figures d'Ariane ou aux arcades que l'on trouve dans d'autres de ses compositions à cette période qui explorent le même thème.

La conquête du philosophe 
Janvier 1914

La sérénité du savant 
Avril 1914

Le retour du poète 
Avril 1914

Le Revenant (Le Cerveau de l'enfant)
1914
Huile sur toile
La figure centrale aux yeux clos, tenant un livre fermé, illustre ici le thème de l'artiste voyant, frappé par la révélation. Un an après sa création, elle inspire à Picasso son tableau hommage à Chirico, L'Homme ou chapeau melon assis dans un fauteuil. On retrouve la même figure moustachue dans la Pieta ou La Révolution la nuit de Max Ernst en 1923. André Breton, fondateur du surréalisme, raconte être descendu d'un autobus pour admirer cette œuvre dans la vitrine de la galerie Paul Guillaume. Saisi, il l'acquiert et la conserve jusqu'à sa mort. Oeuvre clef du peintre, elle est par la suite rebaptisée par le poète Louis Aragon, Le Cerveau de l'enfant.

Portrait de 
Guillaume Apollinaire
1914
Huile et fusain sur toile
Guillaume Apollinaire saisit d'emblée la singularité de l'euvre de Giorgio de Chirico, dont il est le premier à qualifier les paysages de « métaphysiques ». L'artiste lui offre ce
portrait, à l'iconographie complexe. Il sera dit prémonitoire », suite à la blessure d'Apollinaire à la tempe durant la Grande Guerre. Sur le front, il souligne son attachement à cette toile dans ses courriers à Paul
Guillaume. Le poète souhaite la reprendre en frontispice de son premier recueil de calligrammes.

Composition métaphysique 
avec jouets, juillet août 1914

Composition métaphysique 
Juillet août 2014

Le voyage sans fin
Juillet 2014

Le Vaticinateur
Hiver 1914-1915
Huile sur toile
Chef-d'oeuvre de la période, Le Vaticinateur - ou voyant - est cette figure, assise sur un billot de bois dont la forme cubique symbolise le monde matériel. Il porte sur le front un bandeau étoilé, qui évoque celui des prêtres d'anciens cultes initiatiques. Son identité pourrait être l'artiste lui-même, ou l'un de ses doubles qui apparaît dans le tableau: le mannequin, l'ombre ou la silhouette du tableau noir
A droite, l'ombre portée au sol semble être celle d'une statue hors-champ, simitaire á la silhouette dessinée sur le tableau noir Ce dernier ent rempli d'un dessin à la craie qui reprend ces éléments en un croquis mis en perspective

Les deux sœurs 
Janvier-avril 2015

FERRARE LA GRANDE FOLIE DU MONDE

À Ferrare, en pleine guerre, la peinture métaphysique change du tout au tout, tant pour des raisons pratiques qu'à cause de nouvelles sources d'inspirations. Privé d'atelier, contraint de peindre chez lui souvent de nuit, pendant les rares heures où il est libéré de ses fonctions militaires, Giorgio de Chirico peint de petites toiles et concentre son regard sur le microcosme du quotidien et l'analyse de la folie qui s'est emparée du monde. La représentation d'intérieurs clos et protecteurs dénote chez lui un besoin d'espace de réflexion et de sécurité dans lequel il orchestre des dialogues muets et absurdes entre objets décrits avec la plus grande exactitude réaliste : cartes géographiques, équerres et instruments, biscuits et gâteaux typiques de Ferrare, décorations militaires, pieds de table, fragments de mannequins...

Au printemps 1917. réfugié avec Carrà à l'hopital militaire, Villa del Seminario, il dépeint dans ses tableaux et dessins le mobilier et les instruments des salles de soin - prothèses, chaises pour électro chocs, rééducation scolaire et technique... - dans des mises en scènes glaçantes de mannequins - allusions à peine voilées aux mutilés de guerre. L'absurde tragédie de la guerre est exposée sur décor de salons ferrarais feutrés et désuets.
Nature morte 
Giorgio Morandi (1890-1964)
1918
Huile sur toile
Le peintre Giorgio Morandi commence à expérimenter le langage métaphysique dans la seconde moitié de l'année 1918, en étudiant des reproductions d'euvres de Carrà et de Giorgio de Chirico, avant même de faire sa connaissance. Des têtes de mannequins, des objets en bois tourné, des gabarits de menui serie et des linteaux métalliques apparaissent dans ses compositions à la facture alors très lisse. Dans cette Nature morte de 1918, on retrouve la figure du mannequin associée à une bouteille et à des volumes géométriques, un cylindre et un parallelepipede. posés sur un même plan.

Nature morte (métaphysique) 
Giorgio Morandi (1890-1964)
1918
Huile sur toile

Nature morte avec ballon 
Giorgio Morandi (1890-1964)
1918
Huile sur toile


Nature morte 
Giorgio Morandi (1890-1964)
1920
Huile sur toile


Mon fils
Carlo Carrà (1881-1966)
1916-1917

Le fils du constructeur 
Carlo Carrà (1881-1966)
1917-1921

Intérieur métaphysiques 
avec arbres et cascades 
Avril 2018

Le troubadour 1917

Intérieur métaphysique
avec phare 1918

Le Revenant 1917-1918 

Les Poissons sacrés
Décembre 1918 - janvier 1919
Huile sur toile 
C'est à l'issue de la Grande Guerre que Giorgio de Chirico peint cette composition hautement symbolique. On y retrouve le vocabulaire formel précédemment développé à Ferrare : insertion des motifs dans les cadres, volumes géométriques colorés. Ici, le surgissement des deux poissons au centre de la composition est frappant. Symbole de la résurrection chez les premiers chrétiens, ils soulignent le regain d'espoir de l'artiste après le chaos engendré par le premier conflit mondial.

Mère et fils 
Carlo Carrà (1881-1966)
1917
Huile sur toile 
Carlo Carrà intègre à cette époque de nombreux éléments du vocabulaire de la peinture métaphysique, tout en développant un style propre. Les mannequins et la bobine électrique que l'on aperçoit dans cette composition renvoient au matériel de rééducation qu'il pouvait observer à la villa Seminario à
Ferrare où il séjourne Il utilise le motif du mannequin pour sa simple qualité plastique, qui crée une ambiguité de perception entre êtres animés et objets inanimés.

La chambre enchantée 
Carlo Carrà 1917

Homme au chapeau
Alberto Magnelli
1914 Huile sur toile 
Artiste italien appartenant à la même génération que Giorgio de Chirico, Alberto Magnelli séjourne à Paris en 1914 et ramène de ce voyage des œuvres de Picasso, Archipenko et Juan Gris en Italie. Très marqué par sa découverte de l'avant-garde parisienne, il infléchit sa manière picturale en assimilant les leçons du cubisme. L'artiste prend pour inspiration la version originale de la tête d'Archipenko Kopf constituée de pans en bois et en verre datée de 1913 pour composer l'Homme au chapeau, qu'il traite cependant avec une gamme colorée très vive.


Le rêve de Tobie
Avril août 2017

Composition métaphysique 1917

La Révélation du solitaire
1916 Huile sur toile
Appartenant à une nouvelle série de tableaux peinte par Giorgio de Chirico au moment de sa première période ferraraise, La Révélation du solitaire est emblématique du tournant dans la manière de peindre de l'artiste. Volumes tronqués, multiplication des plans et des cadres, apparition d'objets incongrus tels les biscuits terrarais, traduisent la poursuite et l'approfondissement des lecons parisiennes Chirico y a recu l'influence déterminante des constructions et assemblages en carton de Picasso Dans le même temps, espace saturé et peuplé d'objets animés renvoient à l'angoisse de la guerre

Mélancolie du départ 1916

Le langage de l'enfant 1916

La nostalgie de l'ingénieur 1916

André Breton devant «L'Énigme d'une après-midi" de Giorgio de Chirico
Man Ray (1890-1976)
Vers 1925
Tirage argentique
Vers 1925, Man Ray fait poser André Breton devant la toile l'Enigme d'une joie de Giorgio de Chirico. Cela traduit la fascination qu'exercent ses oeuvres métaphysiques sur les surréalistes. André Breton salue en effet en Chirico le précurseur d'une mythologie moderne encore en formation, Si Breton et ses disciples rejettent violemment les oeuvres postérieures à sa période métaphysique, l'art de Giorgio de Chirico marque profondément
et durablement les vocations d'Yves Tanguy et de René Magritte.

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