dimanche 19 janvier 2025

Rétrospective de l'oeuvre de Suzanne Valadon au Centre Beaubourg en janvier 2025



Riche exposition, la dernière avant la fermeture du Centre et sa réouverture en 2030...dont voici la présentation et les principales œuvres. Sauf mention contraire,  toutes les œuvres sont de SuzanneValadon:

L'exposition initiée par le Centre Pompidou-Metz en 2023, « Suzanne Valadon. Un monde à soi », présentée la même année dans des versions adaptées au Musée d'arts de Nantes, puis au Museu Nacional d'Art de Catalunya en 2024, poursuit son voyage au Centre Pompidou sous le titre de «Suzanne Valadon».
Modèle sous le nom de Maria, peintre sous le nom de Suzanne Valadon, elle apprend à dessiner en observant à l'œuvre les artistes pour qui elle posait. Remarqués par Edgar Degas, ses premiers dessins à la ligne « dure et souple »puisent leurs sujets dans les scènes de la vie quotidienne, celles des femmes de son entourage et de son fils. Dans les autoportraits, qu'elle peint tout au long de sa vie, Valadon s'affiche avec une sévérité assumée « Il faut être dur avec soi, avoir une conscience, se regarder en face. » En 1892, elle se lance dans la peinture et réalise des portraits sans concession de sa famille, sa mère, son fils, son mari, sa sœur et sa nièce. Puis la notoriété venant dans les années 1920, elle peint sur commande des portraits de ses amis du monde de l'art.
Après avoir posé nue, c'est à son tour de peindre des nus masculins et feminins, thème longtemps réservé aux hommes, dans lesquels elle impose une vision en rupture avec les conventions de son époque. C'est probablement la première artiste femme à peindre un nu masculin de face, le sexe apparent.
Tout au long du parcours, des tableaux d'artistes qui lui sont contemporaines et parfois amies viennent dialoguer avec l'œuvre de Valadon. Cette dernière exposition  souligne l'étendue et la richesse du parcours de cette véritable « passeuse » d'un siècle à l'autre.

Autoportrait, 1883
Mine graphite, fusain et pastel sur papier Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Acquisition de l'État, 1936; attribution, 1936
AM 1300 D
Dès le début de sa carrière, l'autoportrait joue un rôle central dans l'œuvre de Valadon. Celui-ci, réalisé en 1883 à l'âge de 18 ans, est l'une des toutes premières œuvres qui nous soit parvenue. Ne cherchant pas à mettre sa féminité en avant, l'artiste se présente d'une façon très directe, énergique et fière, un peu sévère, sans aucune flatterie ni maniérisme. La palette est riche, d'une composition puissante et précise, et se caractérise par ce trait noir qui cerne les figures. Affirmant pleinement son statut d'artiste, c'est la première fois signe « Suzanne Valadon » à moins que la signature n'ait été qu 'elle apposée plus tard, en 1885 ou 1886, après que Maria soit devenue Suzanne.

Autoportrait, 1911
Huile sur toile
Courtesy Artcurial, collection particulière, France

La Chambre bleue, 1923
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Don de Lord Joseph Duveen, 1926
En dépôt au Musée des Beaux-Arts de Limoges
LUX.1506 P
Suzanne Valadon livre le portrait d'une femme ostensiblement moderne et libérée des conventions de son temps. L'œuvre rappelle les représentations classiques de la figure de l'odalisque. Valadon rompt avec la tradition orientaliste du nu alangui, lui préférant un corps au repos. Sa forte stature, son bas de pyjama rayé, son attitude nonchalante et blasée lui ôtent toute forme d'érotisme. Plongée dans ses pensées, elle fume une cigarette; deux livres sont posés sur le lit, un des nouveaux romans de poche français, et un livre relié d'histoire de l'art. Tout en s'inscrivant dans la tradition, ce tableau brise les représentations habituelles de la féminité pour inventer un nouveau modèle de femme émancipée qui n'offre pas son corps, ni au peintre ni au spectateur.

Juliette Roche
1894, Paris - 1980, Paris 
Autoportrait à Serrières, vers 1925
Huile sur carton
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Don de la Fondation Albert Gleizes, 2023
AM 2023-84
On ne sait pas si Suzanne Valadon a rencontré Juliette Roche. Cependant, toutes deux participent aux Salons des Indépendants au début des années 1920, toutes deux exposent à deux reprises, mais jamais ensemble, à la galerie Berthe Weill en 1920. Cette toile peut faire écho aux portraits sur commande que Suzanne Valadon réalise dans les années 1920, figurant des femmes habillées, loin des canons de représentation féminins habituels. Roche se représente ici en femme moderne au beau milieu de la campagne de son enfance, dos à la ville, sous les traits d'une garçonne. Adossée à la rambarde, elle adopte une posture lascive et décontractée, son regard fixant le spectateur.

Autoportrait, 1916
Huile sur carton fin 
contrecollé sur toile
Collection Douglas Green

Autoportrait, 1903
Sanguine sur papier
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris

Mon portrait, 1894
Encre de Chine sur papier
Musée de Montmartre, collection Le Vieux Montmartre, Paris

Autoportrait aux seins nus, 1931
Huile sur toile
Collection particulière, Suisse
Le recours à l'autoportrait a été un moyen détourné pour les femmes de s'adonner à la représentation du nu. Valadon prolonge cette pratique, mais rompt avec les codes traditionnels de la féminité en peinture. À l'âge de 66 ans, elle signe ici son dernier autoportrait. Délaissant les habituelles idéalisation et érotisation des corps féminins, elle se dépeint avec des traits de visage sévère, les lèvres crispées, et la poitrine légèrement tombante trahissant les premiers signes de vieillesse. Elle réalise ici le premier portrait d'une artiste âgée nue, renversant la vision esthétique privilégiée du corps féminin jeune.

APPRENDRE PAR L'OBSERVATION
Modèle dès l'âge de 14 ans pour subvenir à ses besoins, Valadon pose pour des peintres reconnus comme l'académique Gustave Wertheimer, les symbolistes Jean-Jacques Henner et Pierre Puvis de Chavannes, l'impressionniste Auguste Renoir, le sculpteur Paul-Albert Bartholomé mais aussi pour le jeune peintre Henri de Toulouse-Lautrec avec qui elle a une liaison enflammée. C'est ce dernier qui lui donne le prénom de Suzanne, en référence à la Suzanne biblique car elle pose nue pour des vieillards. Lors de ces séances de poses, Valadon observe, écoute et apprend les différentes techniques du dessin et de la peinture en regardant peindre les maîtres. À la demande de Bartholomé, elle montre ses dessins à Edgar Degas. Impressionné par son talent, il lui déclare « Vous êtes des nôtres ! » Valadon ne posera jamais pour Degas mais ce dernier lui ouvrira les portes de son atelier, lui apprendra la gravure en taille douce sur sa propre presse et lui achètera de nombreux dessins.

Paul Cézanne
1839, Aix-en-Provence (France) - 1906, Aix-en-Provence (France)
Cinq baigneuses, 1877-1878
Huile sur toile fine, avec une préparation blanche mixte en réserve Musée national Picasso-Paris, collection personnelle Pablo Picasso Donation Picasso, 1978
MP2017-10
À partir des années 1870 et jusqu'à la fin de sa vie, Paul Cézanne multiplie les compositions ayant pour sujet des baigneurs ou des baigneuses. Sa grande ambition est de parvenir à la pleine fusion de la figure humaine et du paysage. L'attention du peintre ne se porte pas sur la chair, comme chez Auguste Renoir, mais plutôt sur les corps qui structurent puissamment l'espace. Exposée lors de sa rétrospective au Salon d'Automne de 1907, l'une de ces baigneuses a pu inspirer Valadon dans la réalisation de son grand tableau Joie de vivre (1911). Elle a également probablement remarqué La Joie de vivre (1905-1906) de Henri Matisse, exposé au Salon des Indépendants de 1906. Ce tableau a appartenu à Pablo Picasso dont Valadon était proche.

Pierre Puvis de Chavannes
1824, Lyon (France) - 1898, Paris (France)
Jeunes filles au bord de la mer, vers 1879 (Version réduite du tableau présenté au Salon de 1879)
Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
Legs Isaac de Camondo, 1911
RF 2015
Précurseur du symbolisme, Puvis de Chavannes a eu une grande importance chez toute une génération d'artistes modernes. Valadon a entre 14 et 15 ans lorsqu'elle le rencontre, probablement au marché aux modèles sur la place Pigalle à Paris où l'artiste a un atelier. Durant près de dix ans, Valadon sert de modèle pour les personnages féminins, mais aussi masculins, des grandes compositions de Puvis. Bénéficiant d'une reconnaissance officielle et co-fondateur de la nouvelle Société Nationale des Beaux-Arts (SNBA), Puvis ne soutient pas Valadon lorsque celle-ci souhaite se lancer dans une carrière artistique et exposer ses dessins au Salon de la SNBA. "Tu es un modèle, pas une artiste ! " lui aurait-il rétorqué.

Edgar Degas
1834, Paris  -1917, Paris 
La Toilette après le bain, s. d.
Fusain
Musée d'Orsay, Paris

Henri de Toulouse-Lautrec
1864, Albi (France) - 1901, Saint-André-du-Bois (France)
Femme tirant son bas, vers 1894
Huile sur carton
Musée d'Orsay, Paris
Donation André Berthellemy, 1930
RF 1943 66

Jean-Jacques Henner
1829, Bernwiller (France) - 1905, Paris (France)
Dormeuse ou Étude. Variante dans un paysage,
après 1893
Huile sur toile
Musée national Jean-Jacques Henner, Paris
Donation de Mme Jules Henner, 1923
JJHP 258
Sans que l'on puisse l'affirmer de façon catégorique, il semblerait que Valadon ait travaillé aux côtés du peintre Jean-Jacques Henner pendant les années 1880 et 1890. Connu pour ses portraits, ses scènes religieuses, ses tableaux patriotiques et surtout pour ses très nombreuses représentations de nymphes rousses dans des paysages verdoyants, Henner rencontre Valadon vraisemblablement par l'intermédiaire de Puvis de Chavannes, son voisin d'atelier. Co-directeur de 1874 à 1889 d'une école de peinture ouverte aux femmes, Henner aurait, d'après un témoignage posthume, trouvé la peinture de Valadon « mauvaise » et se serait étonné que « c'est à [son] contact que l'idée lui sout venue de peindre ».

Pierre Auguste Renoir
1841, Limoges (France)-1919, Cagnes-sur-mer (France)
La Toilette: femme se peignant, 1907-1908
Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
Legs Isaac de Camondo,

Edgar Degas
1834, Paris (France) -1917, Paris (France)
Femme nue, assise par terre, se peignant, 1886-1890
Pastel et fusain sur papier vergé
Musée d'Orsay, Paris
Achat, 1967
RF 31840

Edgar Degas
1834, Paris (France) -1917, Paris (France)
La Toilette après le bain, s. d.
Fusain
Musée d'Orsay, Paris
Legs Marcel Bing, 1922
RF 5608 Recto

L'Acrobate ou La Roue, 1916
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection
Valadon représente souvent les corps dans des positions complexes et utilise fréquemment des cadrages qui permettent des raccourcis et des distorsions visuelles. L'Acrobate tranche cependant par son dynamisme et une grande liberté dans la touche. Avec une grande économie de moyens, le mouvement du personnage est réduit à une ligne brisée presque abstraite. Cette œuvre rappelle, tant par son contenu que par sa technique, certaines compositions d'Edgar Degas ou de Henri de Toulouse-Lautrec qui fréquentaient les cirques. Elle fait aussi écho à la biographie de Valadon, qui fut une éphémère artiste de cirque avant de devenir modèle puis peintre.

Henri de Toulouse-Lautrec
1864, Albi (France)-1901, Saint-André-du-Bois (France)
La Grosse Marie, 1884
Huile sur toile
Von der Heydt-Museum Wuppertal
N. G 1085
Installé en 1884 à Montmartre, Henri de Toulouse-Lautrec loue un atelier rue Tourlaque dans le même bâtiment que celui où habitent Valadon et sa mère. Connue jusqu'alors sous le pseudonyme de Maria, Valadon pose pour lui et ils entament une liaison aussi intense qu'orageuse. La légende raconte que c'est Lautrec qui lui aurait suggéré de changer de prénom: «< Toi qui poses nue pour les vieillards, tu devrais t'appeler Suzanne »>, en référence au personnage de la Bible. Il la soutient également lors de ses débuts en tant qu'artiste. Ici, une certaine ambiguïté entoure cette figure féminine affalée dans un fauteuil, entre fatigue et attitude de défi, le sourire en coin narquois mais le regard vide. Datée de 1884, cette toile est probablement plus tardive.

Théophile Alexandre Steinlen
1854, Lausanne (Suisse) - 1923, Paris (France)
Portrait de Suzanne Valadon, 1896
Crayon gras sur papier
Musée Blanche Hoschedé-Monet, Vernon
2013.210

Henri Matisse
1869, Le Cateau-Cambrésis (France) - 1954, Nice (France)
Nu drapé étendu, 1923-1924
Huile sur toile
Musée de l'Orangerie, collection Walter Guillaume, Paris Achat, 1963
RF 1963 65
Un dialogue étroit se noue entre Suzanne Valadon et Henri Matisse dans leurs correspondances stylistiques et leur intérêt partagé pour le nu. Entre 1921 et 1925, Matisse entreprend une série d'odalisques enchâssées dans des fonds décoratifs, dont cette toile se démarque par la grande simplification du décor. Au même moment, Valadon réalise plusieurs grands nus allongés dans des intérieurs, où se superposent de larges aplats de couleur contrastés et où la forte présence de tissus évoque le travail de Matisse. Cependant, si chez Valadon le sexe est parfois dissimulé par la position de l'entrejambe, il n'est jamais voilé d'un drapé.

Gilberte nue se coiffant, 1920
Huile sur toile
Collection particulière
Dans ses dessins comme dans ses peintures, le motif du nu féminin se coiffant est récurrent chez Valadon. Loin d'une vision éthérée des figures allégoriques sur ce thème, comme dans Les Jeunes filles au bord de la mer (1879) de son maître Pierre Puvis de Chavannes, Valadon campe ici un personnage au corps non idéalisé, enroulant une lourde mèche de cheveux. Gilberte, petite-nièce de Valadon et qui a servi de modèle à plusieurs reprises, se tient nue dans un intérieur où quelques détails évoquent l'atelier. La sellette à l'arrière, le fauteuil canné où se déploie un drap blanc, deux tapis disposés, l'un au sol, l'autre suspendu, et l'arête d'un mur enserrent fermement le corps juvénile qui semble ignorer le regard du peintre.

PORTRAITS DE FAMILLE
L'œuvre peint et dessiné de Suzanne Valadon est marqué dès ses débuts par l'exécution de portraits de ses proches. N'ayant pas les moyens d'avoir recours à des modèles tarifés, elle peint les membres de sa famille. En 1912, elle réalise le Portrait de famille, unique tableau où elle apparaît entourée de sa mère, de son amant André Utter et de son fils Maurice Utrillo. Elle trône au centre de la composition, le regard droit, s'affirmant comme la véritable cheffe de famille. Les portraits familiaux de Valadon n'ont rien de complaisants. Elle peint les personnes qu'elle côtoie tous les jours comme elle les perçoit. Pas une ride ne manque au visage de sa mère Madeleine. En 1909, son fils apparaît tourmenté, le visage émacié, l'air abattu et le regard vide. Lorsqu'elle peint la famille d'Utter, ses sœurs et sa mère semblent compassées et raides dans leurs fauteuils. Valadon s'exprime avec plus de fraicheur lorsqu'elle peint ses lieux de vie comme le Jardin de la rue Cortot, 1928 et le Château de Saint-Bernard, 1930, que la famille acquiert en 1923 près de Villefranche-sur-Saône.

La Mère de l'artiste, 1912
Recto, huile sur carton
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Don du Docteur Albert Charpentier, 1925

Portraits de famille, 1912
Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
Don M. Cahen-Salvador, 1976
En dépôt au Centre Pompidou, Musée national d'art moderne
RF 1976 22
Valadon met ici en scène la nouvelle cellule familiale après so divorce en 1909 d'avec son premier mari. Il s'agit d'ailleurs de l'unique représentation de l'artiste entourée de sa famille « au complet ». Représenté debout, le regard tourné vers la gauche, se tient André Utter, son futur époux, devenu le gestionnaire des affaires commerciales de Valadon et de son fils Utrillo. Ce dernier est représenté assis, le regard perdu, la main sous le menton, une pose qui reprend le schéma iconographique de la mélancolie. «< Maman Madeleine », l'air impassible et marquée par les ans, complète le tableau à droite. Au centre, Valadon, la seule à nous soutenir du regard, l'air déterminé et la main sur la poitrine dans un geste d'affirmation de soi, est la pierre angulaire de ce nouveau foyer. Le cadrage extrêmement resserré, le hiératisme des corps, les gestes codifiés des personnages s'inspirent des portraits allégoriques de la Renaissance

Grand'mère et petit-fils, 1910
Huile sur carton
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Achat de l'État, 1937
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges
AM 2331 P
Dans ce portrait au réalisme méticuleux et sans idéalisation, dans tradition des portraits flamands du 15° siècle, la figure de Maurice Utrillo contraste avec celle de Madeleine, la mère de Suzanne Valadon. Les moyens économes avec lesquels l'artiste représente Madeleine et le chien, comme le regard d'Utrillo, seul à être dirigé vers le spectateur, suggèrent l'effacement progressif de la grand-mère au profit d'une jeunesse triomphante. L'artiste renonce ici à toute vraisemblance spatiale. La juxtaposition des deux bustes, d'échelles distinctes, sur un fond saturé de motifs floraux et sans perspective, évoque par ailleurs la manière des primitifs flamands

Germaine Utter devant sa fenêtre, 1926
Huile sur toile
Collection particulière
En 1926, Valadon réalise plusieurs portraits à la fenêtre de Germaine Utter, une de ses belles-sœurs, lors d'un séjour au château de Saint-Bernard acquis trois ans plus tôt. Le jeu sur l'opacité et la transparence du rideau rappelle celui de la Jeune fille faisant du crochet (vers 1892). Cette toile s'inscrit dans un ensemble plus vaste consacré aux « femmes respectables »>, à partir des années 1920, qui rompent avec ses portraits de femmes du peuple et soulignent son ascension sociale.

La Famille Utter, 1921
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
AM 1974-124
Neuf ans après Portraits, Valadon renoue avec le portrait de groupe en figurant une partie de sa belle-famille dans l'étroite salle à manger de la rue Cortot. De gauche à droite, on reconnaît les deux sœurs d'Utter, Germaine et Gabrielle, ainsi que leur mère. Une certaine austérité classique se dégage de ce tableau. A gauche, seule Germaine, le corps penché, la tête posée sur sa main droite, les jambes croisées, et entourée de fleurs, tranche avec ses deux voisines, représentées raides dans leurs fauteuils. Le critique d'art Robert Rey les a comparées aux Trois Dames de Gand (vers 1800), un tableau attribué à Jacques-Louis David, conservé au musée du Louvre

Non identifié 
Utrillo devant son chevalet, 1919
Huile sur carton
Musée d'Art moderne, Paris
Legs du Docteur Maurice Girardin, 1953
AMVP 1711
«J'appartenais tout entière à mon fils Maurice Utrillo et à ma peinture, deux sacrées choses que j'adore, mais deux sacrés emmerdements aussi, vous pouvez me croire ! »> déclare Valadon. Afin de le détourner de l'alcool et de canaliser ses accès de violence et de démence, Valadon initie Utrillo à la peinture. Ce qui n'était qu'un divertissement devient alors une vocation. Dans ce portrait, Valadon opte pour un cadrage extrêmement resserré, presque étouffant, et se focalise sur le visage d'Utrillo. L'air abattu et le regard vide sur lequel passe une ombre, il se trouve dans une sorte d'impasse symbolique, coincé entre son chevalet et le cadre derrière lui. L'atmosphère lugubre est renforcée par une palette chromatique aux tonalités assourdies. En 1919, Utrillo a 36 ans et effectue un quatrième séjour prolongé dans une institution psychiatrique. Malgré une santé psychique précaire, cette période marque le début de son succès commercial, qui éclipse quelque peu celui de Valadon

Portrait de Maurice Utrillo, 1921
Huile sur papier marouflé sur toile
Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise
En dépôt au musée de Montmartre
MSVT 1995.1.31
L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot
(musée de Montmartre, 18

La Poupée délaissée, 1921
Huile sur toile
Washington DC, National Museum of Women in the Arts Don de Wallace et Wilhelmina Holladay
1986.336
On retrouve ici, huit ans plus tard, les mêmes personnages peints dans Marie Coca et sa fille Gilberte (1913). La mère sèche sa fille devenue adolescente tandis que celle-ci se tourne vers le miroir qu'elle tient à la main. La poupée, qui était fièrement installée sur les genoux de la petite fille dans le tableau précédent, est ici jetée sur le sol. Atteignant la puberté, la jeune fille se désintéresse de sa poupée préférant contempler son image. Bien que l'oeil soit attiré par les seins de la jeune fille, d'autres éléments, tels que le nœud de ses cheveux et celui des cheveux de la poupée, créent une atmosphere qui évoque davantage la perte de la jeunesse que la sexualisation du corps féminin

Marie Coca et sa fille Gilberte, 1913
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts, Lyon
1935-51
Assise sur un fauteuil, Marie Coca, la nièce de l'artiste, se tient aux côtés de sa fille Gilberte, installée à ses pieds sur un coussin, une poupée posée sur ses genoux. La fillette fixe le spectateur, tandis que sa mère détourne le regard au loin. La construction singulière du tableau en quinconce, où le sol bascule vers le regard du spectateur et où les personnages sont projetés vers l'avant, renforce la différence de taille entre les modèles et souligne le passage de l'enfance à l'âge adulte. Valadon recourt par ailleurs au traditionnel jeu du « tableau dans le tableau », citant une estampe d'Une Répétition d'un ballet à l'Opéra (1874) d'Edgar Degas, en haut à gauche de la composition.

Anonyme
Suzanne Valadon entourée de deux chiens [L'Arbi et La Misse ?], devant son tableau Marie Coca et sa fille Gilberte (1913), vers 1930
Épreuve argentique en noir et blanc
Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Robert Le Masle Droits réservés

André Utter et ses chiens, 1932
Huile sur toile
Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône Donation Muguette et Paul Dini, 1, 1999
199.1.395

Le Jardin de la rue Cortot, 1928
Huile sur toile
Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise
En dépôt au musée de Montmartre
MSVT 2006.2.1
L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, 18 arr.)
Valadon réalise plusieurs vues du jardin du 12, rue Cortot et des bâtiments qui l'entourent. Dans un cadrage resserré, à l'image de l'urbanisme hétéroclite de Montmartre, on reconnaît la Maison du Bel Air vue depuis l'atelier de Valadon. Réputée comme étant la plus vieille maison de la Butte, elle semble se faire progressivement envahir par la végétation. La touche maçonnée du bâtiment contraste avec celle, plus vibrante, employée pour figurer l'enchevêtrement des branches d'arbres. Lorsqu'elle réalise cette toile, Valadon et Utrillo habitent dans une villa au 11 avenue Junot achetée par la galerie Bernheim-Jeune en 1925, tandis qu'Utter préfère rester rue Cortot. À cette adresse, se situe aujourd'hui le musée de Montmartre dans lequel l'atelier de Valadon a été reconstitué.

Le Sacré-Cœur vu du jardin de la rue Cortot, 1916
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
AM 1974-123

Le Château de Saint-Bernard (Ain), 1931
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne Don du Dr John D. et Françoise Geiser, 2007

L'Église de Saint-Bernard, 1929
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État, 1938; attribution, 1938


<< JE PEINS LES GENS POUR APPRENDRE À LES CONNAITRE. >>
Forte d'une reconnaissance accrue des marchands et de la critique, Valadon entame dans les années 1920 une série de portraits bourgeois. Productions de commande, ce sont des portraits de femmes de la « haute société » Nora Kars, femme du peintre Georges Kars, avec qui elle noue une solide amitié jusqu'à la fin de sa vie ou Germaine Eisenmann, son élève qui la vénère. Ou encore, celui de Mme Lévy, femme d'affaires, qu'elle considère comme « le mieux peint de tous ses tableaux». Les portraits d'hommes, s'ils sont plus rares, ne sont pas totalement absents et représentent des personnages qui ont compté dans sa vie : le Dr Robert Le Masle qui sera auprès d'elle jusqu'a ses derniers jours, le collectionneur Charles Wakefield-Mori, Louis Moysès, fondateur du cabaret Le Bœuf sur le toit, ou encore son marchand et ami Paul Pétridès. Ces portraits où elle affirme sa place d'artiste, suggèrent avant tout la position sociale de leurs sujets.

La Couturière, 1914
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'Etat, 1838; attribution, 1838
En dépot au musée des Beaux Arts de Limoges

Jeune fille faisant du crochet,
vers 1892
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
AM 1974-120
Réalisé en 1892, Jeune fille faisant du crochet est le plus ancien tableau à l'huile de Valadon qui nous soit parvenu. Le thème de la couture lui est familier. Sa mère a exercé le métier de couturière en arrivant à Paris. Elle-même a appris très jeune le métier, sur les conseils de sa mère, et l'a pratiqué dans une maison de haute couture. En 1883, sur l'acte de naissance de son fils Maurice, elle déclare exercer les fonctions de couturière. La composition à contre-jour, les couleurs assourdies, les traits proches de la technique du pastel, sont caractéristiques de ses premiers tableaux. Valadon reprendra en 1914 ce thème dans un tableau plus abouti (La Couturière)

Portrait de la mère de Bernard Lemaire, 1894
Huile sur panneau
Collection de la Ville de Sannois, Val d'Oise Dépôt au musée de Montmartre
MSVT 2005.1.1
L'atelier-appartement où Suzanne Valadon vécut de 1911 à 1925 peut se visiter au 12, rue Cortot (musée de Montmartre, 18" arr.)
Ce portrait fait partie de la série des premiers portraits peints de Valadon des années 1890, qui se distinguent par une touche fluide et irisée et des tonalités vertes, comme dans Jeune fille faisant du crochet et le Portrait d'Erik Satie. Il représente le profil de la mère de l'artiste montmartrois Louis Bernard-Lemaire. Voisin et proche de Valadon, ce dernier expose quelques années plus tard avec Picasso à la galerie 
Berthe Weil.
Ce portrait fait partie d'une série de premiers portraits peints
by Valadon in the 1890s, characterised by fluid, iridescent brushwork and green tones, as in Jeune fille faisant du crochet 
(Fille crochetée) et Portrait d'Erik Satie (Portrait d'Erik Satie). 
Il représente la mère de l'artiste de Montmartre Louis Bernard-Lemaire,
de profil. Ce dernier était un ami proche de Valadon, et quelques-uns
des années plus tard, il a exposé avec Picasso à la galerie Berthe Weill.

Portrait de femme, 1893
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne
Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007

Portrait de petite fille, 1892
Hulle sur le Fondation
Lausanne

Bernard Lemaire, 1892 - 1893
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Legs Docteur Robert Le

Femme à la contrebasse, 1908
Huile sur toile
Association des Amis du Petit Palais, Genève

Anonyme
Portrait mis en scène de Mauricia Coquiot
et Suzanne Valadon, [1926]
Épreuve argentique en noir et blanc
Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Robert Le Masle Droits réservés

Portrait de Mauricia Coquiot,
1915
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Donation M. Charles Wakefield-Mori, 1939
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Menton, n° 1959 120 643
AM 3800 P
Surnommée la « femme bilboquet »>, Anaïs Marie Bétant dite Mauricia de Thiers est une ancienne vedette de cirque et de music-hall, connue notamment pour ses acrobaties spectaculaires en voiture ou à cheval. Grande personnalité mondaine, elle noue des liens d'amitié avec de nombreux artistes. En 1916, elle devient l'épouse et l'associée du collectionneur et critique d'art Gustave Coquiot. Valadon compte parmi les témoins du mariage. La personnalité fantasque du modèle transparaît dans ce portrait, où elle pose, légèrement de profil, avec un aplomb plein d'ironie, telle une diva s'apprêtant à entrer en scène. Le portrait est le prétexte à une véritable profusion décorative: les motifs de la robe sont mis sur le même plan que l'énorme gerbe de fleurs à gauche et le rideau coloré à droite.

La Dame au petit chien, 1917
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts de Limoges
Achat de la Ville de Limoges grâce au don de Benoît Bourdeix, 2022
19222022.6.1
Peinte en 1917, La Dame au petit chien, traduit le portrait d'une personne androgyne, seule et sensuelle, que la contre-plongée rend imposante, presque sculpturale. Sa nudité est à la fois cachée et suggérée par une grande étoffe richement colorée dont Suzanne Valadon affectionne particulièrement la présence dans ses compositions. Le modèle pourrait être son époux, André Utter. Ce tableau, rarement montré, révèle une certaine étrangeté dans sa facture et dans le choix du sujet.

Portrait de Madame Lévy, 1922
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
En dépôt au Musée de Cambrai
AM 1974-125
Cette œuvre, que Valadon considérait comme « le mieux peint de tous ses tableaux », s'inscrit dans la série des portraits des proches, mécènes et collectionneurs que l'artiste réalise dans les années 1920. Ces portraits de personnalités de la bonne société, réalisés dans le cadre de commandes, sont autant de prétextes à créer de multiples effets de contrastes de textures et de couleurs. La profusion de drapés peut évoquer le faste des intérieurs bourgeois. Madame Lévy, dont la robe noire tranche avec le tapis bigarré déployé est une femme d'affaires, proche du critique d'art et collectionneur Gustave Coquiet.

Portrait de Miss Lily Walton,
1922
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État, 1938; attribution, 1938
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges
AM 2204 P
Les années 1920 sont celles de la reconnaissance et des premiers vrais succès commerciaux pour Valadon. Cette relative aisance financière lui permet ainsi d'embaucher une gouvernante anglaise du nom de Lily Walton. Elle est assise dans un intérieur bourgeoisement décoré, dans le même fauteuil que celui des portraits de Nora Kars et Germaine Eisenmann. Bien que salariée par Valadon, Walton est représentée dans la même mise en scène et au même titre que les proches et mécènes de l'artiste. On note la présence de deux autres personnages: le chat Raminou, dont le pelage roux fait écho à la chevelure de Walton, mais aussi une poupée, comme dans Marie Coca et sa fille Gilberte (1913) ou encore La Poupée délaissée (1921

Portrait de Charles Wakefield-Mori, 1922
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Donation M. Charles Wakefield-Mori, 1939
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Menton, n° 1959 120 642
AM 3769 P
Charles Wakefield-Mori, marchand mais aussi collectionneur d'art ancien et d'art moderne, est représenté ici dans un riche intérieur bourgeois. Sa pose, ses vêtements, l'assurance de son regard témoignent de sa réussite. Sa collection personnelle comprend trois œuvres de Valadon, son portrait (1922), celui de Mauricia Coquiot (1915) et Vénus noire (1919). Conservateur du Palais princier de Monaco puis fondateur du Musée National des Beaux-Arts de Monaco en 1935, il lègue sa collection à l'État français en 1939.

Portrait de Madame Pétridès,
1937
Huile sur toile
Collection particulière


Portrait de Paul Pétridès, 1934
Huile sur toile
Collection Maryse et Max Marechal, Paris

Peintre et courtière en tableaux, Odette Bosc rencontre en 1925 le tailleur Paul Pétridès. Elle l'initie au monde de l'art avant de l'épouser en 1929. La même année, le couple Pétridès devient le principal soutien de Valadon, dont le contrat avec la galerie Bernheim-Jeune n'est pas renouvelé. En témoignage de sa reconnaissance, Valadon réalise ces deux portraits, où elle se concentre sur les visages, sans s'attarder sur l'environnement et le mobilier comme dans ses portraits précédents. La défense de l'œuvre de Valadon par le couple se poursuit bien au-delà de la mort de l'artiste. En 1971, Paul Pétridès publie L' Œuvre complète de Suzanne Valadon

Portrait de Madame Maurice Utrillo (Lucie Valore), 1937
Huile sur toile
Collection particulière
Lucie Valore, alors mariée à un riche banquier mécène et collectionneur, rencontre Suzanne Valadon et Maurice Utrillo au début des années 1920. Elle leur achète des œuvres et les reçoit dans son salon littéraire. À la mort de son mari, en 1933, elle se rapproche d'Utrillo qu'elle épouse en 1935. Le couple s'installe au Vésinet et Lucie Valore prend en main la gestion de l'œuvre d'Utrillo puis, à son décès, celle de Valadon. En 1963, elle fonde l'Association Maurice-Utrillo. Valadon, qui lui reproche son ingérence dans les affaires d'Utrillo, la dépeint ici les traits durs et la silhouette imposante, dans une expressivité proche du style de Toulouse-Lautrec et des caricaturistes de Montmartre.

Non identifié 

Portrait de Germaine Eisenmann,
1924
Huile sur toile
Collection particulière, Suisse
Élève de Suzanne Valadon et grande admiratrice de son œuvre, Germaine Eisenmann peint des paysages et des natures mortes dans un style proche de celui de sa « mère spirituelle ». En mai 1937, elle participe à l'exposition « Valadon et ses élèves », à la galerie Lucie Krogh aux côtés d'Odette Desmarais et de Pierre Noyelle. La composition, d'une sobriété exceptionnelle, souligne l'élégance du modèle. L'arabesque du fauteuil est en parfaite harmonie avec celle du bras et la grande plage unie de la robe.

Portrait de Richmond Chaudois, vers 1931
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne Don du Dr John D. et Françoise Geiser, 2007
0594
Élève de Henri de Poincaré et «véritable champion de physique quantique » (sic), le chimiste Richmond Chaudois est un voisin montmartrois de Valadon et grand ami d'Utrillo. Habitué du cabaret Le Lapin Agile où il joue parfois du piano, il revient de la Grande Guerre « défiguré par une blessure qui lui retroussait la lèvre d'un singulier sourire ». Avec le critique d'art et collectionneur Gustave Coquiot, il organise en 1924 un banquet pour fêter la signature du contrat de Valadon avec la galerie Bernheim-Jeune.

Les Dames Rivière, 1924
Huile sur toile
Collection particulière P&GS

Madame Robert Rey et sa fille Sylvie, vers 1920
Huile sur toile
Lucien Arkas Collection
841
Au début des années 1920, remarquée par l'historien et critique d'art Robert Rey, Valadon connait une certaine notoriété. Le critique rédige dès 1922 la première monographie sur Valadon. Devenue proche de la famille Rey, l'artiste peint, probablement sur commande, le portrait de sa femme et de sa fille Sylvie. Assises, engoncées dans un grand fauteuil rouge, la mère et la fille semblent figées dans leurs poses. Seule la petite fille, retenue par les bras de sa mère, regarde fixement le spectateur

Portrait de Geneviève Camax-Zoegger, 1936
Huile sur toile
Collection particulière, Bergame, Italie
La peintre Marie-Anne Camax-Zoegger contacte Suzanne Valadon en 1932 pour lui demander de participer au Salon des Femmes artistes modernes (F.A.M.) dont elle est la présidente. Valadon, réticente à être exposée uniquement avec des artistes femmes, finit par céder devant la personnalité et la renommée de sa consœur. Elle se lie d'amitié avec Camax-Zoegger et participera au Salon des F.A.M. chaque année jusqu'à son décès. Début 1936, elle demande à sa fille, Geneviève Camax-Zoegger, de poser pour elle. Elle la représente en buste, assise sur un fauteuil. Le décor dépouillé met en relief le visage de Geneviève inondé de lumière.

Portrait de Louis Moysès, fondateur du Bœuf sur le toit, vers 1924
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection
Bien que ses œuvres semblent imperméables aux différents mouvements modernistes du 20° siècle (fauvisme, cubisme, futurisme, surréalisme...), Valadon est bien intégrée aux différents réseaux et lieux de sociabilité fréquentés par l'avant-garde artistique, comme le montre ce portrait. Louis Moysès est le fondateur en 1922 du cabaret Le Bœuf sur le toit, situé dans le 8e arrondissement de Paris. Nommée d'après le ballet composé par Darius Milhaud et dont l'argument est écrit par Jean Cocteau, cette salle de spectacle compte parmi ses habitués Pablo Picasso, Francis Picabia, André Breton mais aussi Suzanne Valadon

Les Deux Sœurs, 1928
Huile sur toile
Collection particulière

Femme aux bas blancs, 1924
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts, Nancy
Legs Henri Galilée, 1965

Le Docteur Robert Le Masle, vers 1930
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
AM 1974-126
Proche des compositeurs comme Erik Satie et Maurice Ravel, des artistes comme Marie Laurencin ou André Dunoyer de Segonzac, Robert Le Masle (1901-1970) vouait une dévotion toute particulière à Valadon. Ils se rencontrent par l'intermédiaire de Pierre Noyelle, élève de Valadon. Naît alors une amitié fidèle avec la famille (Valadon, Utter et Utrillo), qui perdurera jusqu'au décès de l'artiste. Ce portrait représente le docteur posant dans un large fauteuil recouvert d'un tissu multicolore. Derrière lui, un nombre important de peintures, posées au sol contre le mur, témoigne de sa passion pour l'art et de son activité de collectionneur. À son décès, il lègue la majeure partie de sa collection à l'État français

Portrait de Nora Kars, 1922
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Mme G. Kars, 1966
AM 4354 P
Nora Kars est l'épouse du peintre tchèque Georges Kars dont Valadon est très proche. L'artiste peint ici avec affection le portrait peu flatteur d'une femme aux lèvres pincées et au menton disparaissant dans son cou. Mais c'est aussi l'image d'une femme simple, digne, solide, dévouée, qui fut à de nombreuses reprises d'un grand soutien dans les épreuves que l'artiste traverse avec son fils. Valadon, qui admire l'œuvre de Georges Kars, entretient des relations amicales avec le couple jusqu'à sa mort en 1938. Ce portrait, dédicacé «< Amicalement à Mme Kars », a toujours été conservé par Nora Kars avant d'être légué au Musée national d'art moderne en 1966.

Femme dans un fauteuil
(Portrait de Madame G.), 1919
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection

Marie Laurencin
1883, Paris (France) - 1956, Paris (France)
Portrait de la baronne Gourgaud à la mantille noire, 1923
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Don de la baronne Eva Gourgaud, 1946
AM 2658 P
Bien qu'une génération les sépare, Valadon et Marie Laurencin fréquentent les mêmes salons et sont toutes deux très proches du Docteur Le Masle. Laurencin réalise sur commande la même année, deux portraits d'une riche mécène américaine, épouse du baron Napoléon Gourgaud. En 1923, elle confie à son marchand René Gimpel : « J'ai presque terminé le portrait de la baronne G. Ce me fut difficile, ce n'est pas mon genre, c'est une Américaine, elle est tout en dents et son corps est sec. Mais quand on la connaît, on voit qu'elle est bonne ; elle est si robuste qu'elle a besoin de beaucoup de joies, beaucoup de monde autour d'elle et, c'est curieux, elle a une petite âme religieuse.»

Nu à la palette, 1927
Fusain sur papier
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1970

L'Aide amicale aux artistes, Bal au Moulin de la Galette, projet d'affiche, 1927
Crayon gras et gouache sur carton
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne
Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007
0598
En 1927, l'Aide Amicale Aux Artistes, une association philanthropique qui vient en aide aux artistes en difficulté fondée en 1921, fait appel à Valadon pour réaliser l'affiche pour un bal caritatif. Valadon mélange ici le langage allégorique avec des allusions autobiographiques. La femme nue à la palette, personnification de la peinture, est un autoportrait de dos de Valadon. Les fleurs qui jaillissent de son pinceau rappellent la sire de natures mortes aux vases qu'elle entreprend à la même époque tandis que la scène sur laquelle elle se tient semble la relier à son passé de modèle.

Émilie Charmy
1878, Saint-Étienne (France) - 1974, Crosne (France)
Autoportrait, vers 1923
Huile sur carton
Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône Donation Michel Descours, 2007
2007.3.1
Repérée par Berthe Weill (1865-1961) au Salon d'Automne de 1905, l'artiste bénéficie de plusieurs expositions dans sa galerie. C'est probablement là qu'elle rencontre Valadon avec qui elle expose chez la galeriste en 1921. Les deux artistes se lient d'amitié. En 1926, Valadon lui dédicace Bouquet de fleurs dans un verre, «A E. Charmy pour son beau talent »>. Toute deux participent aux Salons des Femmes Artistes Modernes dont Émilie Charmy est la secrétaire. L'autoportrait est le thème de prédilection de Charmy qui ne supportait pas la présence d'un modèle. Sa palette franche et sa liberté de composition est qualifiée par le critique André Warnod de "masculine, vigoureuse, brutale même parfois".


LA VRAIE THÉORIE, C'EST LA NATURE QUI L'IMPOSE.
«La nature a une emprise totale sur moi, les arbres, le ciel, l'eau et les êtres, me charment » écrit Valadon. Pourtant, elle ne peint des natures mortes et des paysages que tardivement dans son œuvre. Les premières peintures, marquées encore par Paul Cézanne, apparaissent pendant les années de la Grande Guerre. Par la suite, Valadon affirme un style coloré, construit et à la ligne nerveuse. Les couleurs sourdes et saturées des paysages, les lignes ondoyantes des arbres l'associent à l'esthétique de Paul Gauguin ou d'Émile Bernard, ancien locataire de son atelier rue Cortot. Peintes dans le décor de son atelier, les natures mortes laissent entrevoir son univers. Certains motifs sont récurrents comme ce tissu brodé appelé «Suzani » présent dans la Nature morte, 1920 et La Boîte à violon, 1923. Parfois, on aperçoit en arrière-plan un de ses tableaux entreposé dans l'atelier. Dans les années 1930, lors de séjours au château de Saint-Bernard, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans, canards, perdrix, rapportés de la chasse par André Utter. Les tableaux de fleurs deviennent à la fin de sa vie les cadeaux réguliers que Valadon offre à ses proches.

Chien endormi sur un coussin,
vers 1923
Huile sur carton marouflé sur panneau
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne
Don du Docteur John D. et de Françoise Geiser, 2007
0590
Valadon vivait entourée de chiens - l'Arbi et la Misse - qu'elle représente sur plusieurs tableaux. Dans cette composition, les rondeurs du petit chien couché sur une chaise et enroulé sur lui-même tranchent avec la verticalité des bandes blanches et vertes de la chaise. 

Mela Muter
1876, Varsovie (Pologne) - 1967, Paris (France)
Les Poissons, vers 1920
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Acquisition, 1929
LUX.1696 P
Les routes de Suzanne Valadon et de la peintre franco-polonaise Mela Muter, de onze ans sa cadette, se sont croisées à de nombreuses reprises. Avec Erik Satie, un temps amant de Valadon et ami de Muter; chez le marchand Ambroise Vollard qui publie des gravures de Valadon et expose Muter; aux Salons d'Automne et des Indépendants où toutes deux exposent aux mêmes moments; à la Société des Femmes Artistes Modernes où elles sont présentes depuis sa création en 1931 par Marie-Anne Camax-Zoegger et enfin chez le galeriste Bernheim-jeune où elles participent toutes deux à une exposition collective en 1935. D'abord influencée par le symbolisme, la peinture de Muter évolue rapidement vers une facture à la touche expressionniste et aux couleurs éclatantes.

Nature morte, 1920
Huile sur carton
Centre national des arts plastiques, Paris Achat à l'artiste, 1921
En dépôt au musée de Grenoble
FNAC 7284
Sur une table recouverte d'un grand tissu à motifs, un plat d'étain chargé de fruits, un bouquet dans un vase dont on n'aperçoit pas le sommet, un pot de fleurs et une cruche sont posés côte à côte, apparemment sans organisation. Le tissu drapé et la vue plongeante rendent volontairement instable la composition. Ce tissu brodé, appelé « suzani »>, a sûrement été rapporté d'Ouzbékistan par son premier mari Paul Mousis, négociant en étoffes. Suzanne Valadon le représente dans plusieurs de ses toiles (Femme nue à la draperie de 1919, Les Baigneuses, La Boîte à violon de 1923 et Les Dames Rivière de 1924).

Nature morte au poisson, 1926
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne Don du Dr. John D. et Françoise Geiser, 2007

La Cour du Château
de Saint-Bernard, 1930
Huile sur toile
Collection particulière
En 1923, Valadon et Utter font l'acquisition d'un château à moitié en ruine à Saint-Bernard, dans l'Ain. Le trio Valadon-Utter-Utrillo séjourne à plusieurs reprises dans leur « domaine féodal »>, parfois de façon éparpillée, au gré des disputes et des besoins d'isolement de chacun. Dans cette toile, Valadon ne présente pas de vue globale et frontale du château et opte pour un cadrage permettant davantage de jeux perspectifs où l'architecture fusionne avec la végétation, comme pour Le Jardin de la rue Cortot de 1928. La palette, la touche et la simplification des formes évoquent les paysages provençaux de Cézanne.

Le Canard, 1930
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Donation Adèle et George Besson, 1963
En dépôt au musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon

Nature morte au lièvre, faisan et pomme, 1930
Huile sur toile
Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône
Donation Muguette et Paul Dini, 1, 1999

Nature morte au lapin
et à la perdrix, 1930
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne Don du Dr John D. et de Françoise Geiser, 2007
0592
Dans les années 1930, Valadon réalise plusieurs natures mortes comportant lièvres, faisans canards, perdrix, lapins. Elles sont réalisées lors de séjours à Saint-Bernard avec le gibier qu'Utter rapportait de la chasse. Nature morte au lapin et à la perdrix est la moins sombre d'entre-elles. Ici, Valadon anime la composition
en représentant, aux côtés du lapin et de la perdrix posés sur la table, une coupe de raisins, une corbeille à fruits et un somptueue bouquet de fleurs

Vase de fleurs, 1934
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection

Fleurs, 1929
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Legs M. Georges Grammont, 1959
En dépôt au musée de l'Annonciade,
 Saint-Tropez


Bouquet de fleurs, 1930
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État 1931; attribution, 1932
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Limoges
Le motif du bouquet de fleurs, présent notamment dans plusieurs portraits, devient un sujet autonome et récurrent dans les dernières années de Valadon. Souvent offertes en guise de remerciements aux proches de l'artiste, ces toiles se caractérisent par un certain dépouillement que seuls quelques détails ornementaux, comme ici les motifs circulaires inclus sur la panse du vase ou encore le petit napperon, viennent contrecarrer.

L'Étable en Beaujolais, 1921
Huile sur toile
Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône Donation Muguette et Paul Dini,

Le Chemin dans la forêt, vers 1918
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne

Bouquet de roses, 1936
Huile sur contreplaqué
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Brest

Vase de fleurs sur un guéridon,
1936
Huile sur toile
Collection Paul Dini, Lyon


LE NU : UN REGARD FÉMININ
Valadon s'est très tôt aventurée sur le territoire masculin de la peinture de nus. En 1909, avec Adam et Eve, l'une des premières œuvres de l'histoire de l'art réalisée par une artiste représentant un nu masculin, elle détourne l'iconographie traditionnelle de la Genèse pour célébrer sa relation amou- reuse avec André Utter. La position frontale des nus offrant au regard les parties génitales de la femme et de l'homme est particulièrement audacieuse. L'audace est vite réprimée car Valadon doit recouvrir le sexe d'Utter d'une feuille de vigne, sans doute pour pouvoir présenter le tableau au Salon des Indépendants en 1920.
Valadon peint désormais des nus féminins en les inscrivant dans une rupture avec le regard masculin sur le corps des femmes. Ces dernières, loin d'être idéalisées, sont peintes pour elles-mêmes et non pour le desir d'un spectateur voyeur. Libérée des carcans sociaux et artistiques, Valadon investit le domaine de la sexualité en peinture, longtemps cantonné à l'antagonisme "artiste mâle / modèle femme nue"

Utter nu de profil, 1911
Fusain sur papier calque
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1974

La Joie de vivre, 1911
Huile sur toile
The Metropolitan Museum of Art, New York Legs Madame Adelaide Milton de Groot, 1967
67.187.113
Après Puvis de Chavanne, Degas, Renoir, Cézanne, Matisse (à qui elle emprunte le titre de son œuvre) et bien d'autres, Valadon exploite le thème des baigneuses dans un paysage champêtre. Elle donne ici une version inédite d'un regard féminin sur un thème jusque-là dominé par les hommes et destiné au regard voyeur masculin. En effet, en introduisant une figure masculine nue dans le tableau, son amant André Utter, Valadon provoque un jeu entre le regard masculin de l'extérieur du tableau (celui qui regarde habituellement les scènes de baigneuses) et celui de l'intérieur du tableau (Utter nu regardant les femmes nues) et interroge par là-même la position du voyeur. Il existe une seconde version de Joie de Vivre où Utter est accompagné d'un chien.

Nu assis sur un canapé, 1916
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection

Les Baigneuses, 1923
Huile sur toile
Musée d'arts de Nantes
Don de la Société des Amis du musée des Beaux-Arts de Nantes, 1957

La Petite Fille au miroir, 1909
Huile sur toile
Collection of Emilia Wilson, MA History of Art, Courtauld Institute of Art
Le miroir, élément indispensable pour la toilette, est de fait un motif récurrent dans les nombreuses représentations de baigneuses chez Valadon. Cependant, sa fonction pratique y est très souvent détournée, comme dans cette toile de 1909. Adossée à un fauteuil dans une position peu naturelle ni confortable, une petite fille tourne la tête vers le miroir ovale que lui tend une femme. L'absence de reflet accentue l'atmosphère d'étrangeté qui émane de ce tableau. Le corps juvénile et adolescent est un sujet central chez Valadon. Contemporaine du Nu au miroir, cette toile préfigure également La Poupée délaissée de 1921, où le miroir devient aussi le révélateur du passage de l'enfance à l'âge adulte.

Nu au miroir, 1909
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection
Présenté au Salon d'Automne de 1909, Nu au miroir est l'une des premières peintures à l'huile de Valadon représentant des jeunes filles à la puberté. Ici, une jeune fille est présentée de face, la plus grande partie de son corps étant exposée. Elle semble sortir de son bain car elle tient une couverture blanche dans sa main gauche et sa peau est teintée d'une nuance rougeâtre. Elle tient dans sa main droite un petit miroir à main qu'elle regarde. D'après sa pose et la position du miroir, la jeune fille contemple probablement son talon droit. Le reflet du miroir est délibérément dissimulé. Le miroir n'est donc pas destiné au plaisir voyeur du spectateur mais à la seule jouissance de la jeune fille.

Vénus noire, 1919
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris
Donation M. Charles Wakefield-Mori, 1939
En dépôt au musée des Beaux-Arts de Menton, n° 159 120 644
AM 3780 P
Représentée en pied, regardant fixement et fièrement le spectateur, la Vénus noire semble sortir d'un bain en pleine nature. Son corps athlétique, dont les courbes sont cernées d'un épais trait noir, se confond presque avec le paysage sombre saturé de branchages qui l'entoure. C'est avec un regard féminin que Valadon représente ici une femme noire, sans exotisme, ni condescendance. En réimaginant une ancienne déesse romaine sous les traits d'une femme noire, l'artiste cherche peut-être à moderniser la tradition de l'histoire de l'art et élargir la définition de la beauté. Cette version est l'une des cinq œuvres d'une série créée en 1919 et présentée au Salon d'Automne l'année de sa réalisation.

Marie Laurencin
1883, Paris (France) - 1956, Paris (France)
Danseuse couchée, 1937
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État, 1937; 

Nu allongé à la draperie rouge,
1934

Nu au canapé rouge, 1920
Huile sur toile
Association des Amis du Petit Palais, Genève

Catherine nue allongée sur une peau de panthère, 1923
Huile sur toile
Collection Lucien Arkas
Cette toile offre une sorte de résumé des sujets de prédilection de Valadon. Cerné d'un trait noir appuyé, le corps nu de sa domestique Catherine, aux formes pleines et à la peau striée d'une multitude de couleurs (roses, bleus, jaunes, verts...), est présenté selon un dispositif particulier, peut-être inspiré d'une œuvre de Gustave Courbet (La Bacchante, vers 1844-1847). La perspective plongeante accentue le contraste entre les effets de volume et de surface, entre le corps de Catherine et la peau de panthère et les tapis sur lesquels elle est allongée. Le modèle semble travaillé par divers sentiments, entre la fatigue et le désir, tandis qu'un mélange de satisfaction et d'effronterie se lit sur son visage, devenu presque un masque. Le vase bleu placé à droite figure également dans La Boîte à violon, réalisée la même année.

Angèle Delasalle
1867, Paris (France) - 1939, Saint-Martin-de-Ré (France)
Femme endormie, 1920
Huile sur toile
Musée d'Orsay, Paris
Achat à Angèle Delasalle, 1921
Angèle Delasalle et Valadon se connaissaient certainement. Elles sont exposées au Salon d'Automne de 1909 dans la même salle. Toutes deux sont des fidèles du Salon des Femmes Artistes Modernes. Delasalle est, comme Valadon, l'une des premières femmes à peindre des nus féminins sans, comme le remarque Raymond Escholier, sublimer leurs corps : «Tout d'abord nacrées de reflets, puis, bientôt, maçonnées en pleine chair. Ce qui caractérise ces nus, c'est qu'ils sont bien modernes. Sans que l'artiste y ait songé, ils sont autant des déshabillés que des nus. C'est que Mile Delasalle n'obéit à aucun souci d'idéalisation académique et qu'elle peint simplement la femme qu'elle a sous les yeux. » (Raymond Escholier, Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art)

Jacqueline Marval
1866, Quaix-en-Chartreuse (France) - 1932, Paris (France)
Odalisque à la rose, vers 1908
Dédicace: «Amicalement à Arsène Alexandre, qui seul a su parler de Lautrec » Huile sur toile
Comité Jacqueline Marval, Paris
Jacqueline Marval partage avec Valadon ce goût pour la représentation du nu féminin contextualisé dans des postures, attitudes et décors inscrits dans un quotidien contemporain. Elles exposent toutes deux dans les mêmes Salons et sont représentées par les mêmes galeristes et marchands, Ambroise Vollard, Berthe Weill, Georges Petit. Dans L'Odalisque à la rose, Marval situe son modèle entre l'imagerie classique de l'odalisque et un registre plus réaliste. Le sexe poilu et les coussins en désordre tendent à attribuer un aspect banal à cette femme allongée caressant une rose. Son autre bras, en tenant sa tête, indique qu'elle se repose. À l'instar du nu, le rêve est un sujet que Marval abordera souvent dans sa peinture.

Nu 1925

Nu à la draperie blanche, 1914
Male sur le
Musis municipal Paint Wilante sur Sadne Donation Muguet Paul D, 1, 18

Nu assis sur un divan, 1922
Huile sur toile
Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône Donation Muguette et Paul Dini

Nu assis sur un divan, 1922
Huile sur toile
Musée municipal Paul-Dini de Villefranche-sur-Saône Donation Muguette et Paul Dini

Jeune fille au bain, 1919
Huile sur toile
Woman & Michel Collection

Jeune femme sentant un bouquet,
 1929
Huile sur toile
Collection particulière

Georgette Agutte
1867, Paris (France)-1922 Chamonix (France)
La Japonaise nue, 1910
Huile sur toile
Collection du musée de Grenoble

Femme nue assise, 1921
Huile sur toile
Weisman & Michel Collection
Ce portrait en gros plan d'une femme à demi-nue est inhabituel dans l'œuvre de Valadon. Valadon préfère peindre ses nus en pied ou allongés dans un plan qui laisse voir le décor qui les entoure. Avec ce plan rapproché, l'artiste cherche à mettre l'accent sur le visage de la femme à la chevelure abondante, et sur son imposante poitrine. Son bras gauche, dont la main tient ce qui pourrait être un mouchoir, cache en partie son sein. Son bras droit, détaché du corps, est plié à hauteur de sa tête. Le bieu profond de l'objet qu'elle tient dans la main souligne la carnation blanche du corps. L'arrière-plan constitué d'aplats colorés ne laisse apercevoir aucun décor excepté, en haut à gauche de manière furtive, le dossier de la chaise

Deux figures, 1909
Huile sur carton
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Legs Docteur Robert Le Masle, 1974
Le thème du nu groupé est une récurrence dans le travail de Suzanne Valadon. Souvent les femmes se trouvent représentées à différents âges, dans des tâches banales, comme ici. Elles sont nues pour elles-mêmes, comme si le spectateur n'existait pas. L'une d'elle semble s'être laissée tomber avec une certaine désinvolture, presque avachie, souriante. La particularité de cette proposition réside dans la physionomie des deux femmes, plus massive et tassée qu'à l'accoutumée, ainsi que dans l'espace, vu avec plus de hauteur, en plongée, traité sans décor, sur un fond vert foncé qui rappelle certaines peintures de Félix Vallotton. La présence du tapis oriental et du tub à l'avant de la composition peut suggérer que la scène se déroule dans un bordel à Montmartre.

Femme nue à la draperie, 1919
Huile sur toile
Association des Amis du Petit Palais, Genève

Nu assis au châle tapis, vers 1921
Huile sur toile
Fondation de soutien à l'Hermitage, Lausanne

Nu au châle bleu, 1930
Huile sur toile
Musée Unterlinden, Colmar

Nu debout se coiffant, vers 1916
Washington DC, National Museum of Women in the Arts Ben Wallace and Wilhelmina Halladay
Le thème du nu se coiffant est récurrent dans l'œuvre de Valaden. Elle l'aberde dans la gravure des 1895 (Catherine nue se coiffant). En 1916, elle reprend ce thème en peinture et réalise deux tableaux, celui-ci de profil, le modèle au centre de la composition, debout sur une pile de tissu blanc et l'autre, Nu se coiffant, de face, jambes écartées. L'artiste représente peut-être ici sa nièce Gilberte. En effet, la chevelure de la jeune femme est très proche de celle qui figure dans un tableau daté de 1920 intitulé Gilberte se coiffant. Valadon aime surprendre les femmes de son entourage dans leur intimité, se lavant, se regardant dans un miroir ou se coiffant.

Nu sortant de l'eau, 1909
Huile sur toile
Collection B. Courtaigne

Baigneuse nue, 1915
Huile sur toile
Musée des Beaux-Arts de Caen

Alice Bailly
1872, Genève (Suisse)-1938, Lausanne (Suisse)
Tireurs d'arc, 1911
Huile sur toile de jute
Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne Acquisition, 2002
Comme Valadon, Alice Bailly célèbre ici le corps athlétique de jeunes hommes nus s'exerçant au tir à l'arc. Leurs puissantes musculatures rappellent celles des Tireurs à l'arc de Georges Desvallières (1895, Paris, musée d'Orsay). Deux femmes nues, assises de dos sur un drap blanc, assistent à la scène. L'une tend le bras, la main pointant probablement la flèche d'un tireur. Bailly inscrit les corps nus de ses personnages dans un vaste paysage aux couleurs dissonantes et aux formes géométriques, formant ainsi une image très dynamique. Le nu masculin figuré dans la nature sans aucun prétexte biblique, mythologique ou historique a pu être jugé immoral par les moeurs de l'époque

Le lancement du filet, 1914
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État, 1937; attribution, 1937
En dépôt au Musée des Beaux-Arts de Nancy
Valadon reprend ici un classique du nu académique qu'elle détourne dans une veine contemporaine. Elle représente le corps nu de son amant André Utter lançant un filet de pêche sur le bord d'une plage en Corse. Le même geste sous trois angles différents est décliné dans un mouvement de rotation qui met en valeur les courbes athlétiques du modèle. Célébrant la beauté d'un corps aux couleurs chaudes et sensuelles, ce nu masculin est, à cette époque, l'une des rares représentations du désir féminin pour un corps masculin. Dans l'esquisse réalisée avant le tableau, le sexe du lanceur n'est pas caché par le filet. Une hypothèse veut que Valadon l'ait pudiquement couvert pour pouvoir le présenter au Salon des Indépendants de 1914. Le Lancement du filet est la dernière œuvre de Valadon consacrée au nu masculin.

André Utter nu, de dos,
vers 1909
Crayon sur papier 
Collection particulière

Adam et Eve, 1909
Huile sur toile
Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris Achat de l'État, 1937
AM 2325 P
L'iconographie religieuse traditionnelle d'Adam et Ève se teinte ici d'une charge nouvelle, amoureuse et érotique. Valadon se peint avec son amant André Utter. Dans ce double portrait en pied, la position frontale des nus est audacieuse. Tandis que le sexe d'Ève est bien visible, poils pubiens compris, celui d'Utter est caché par des feuilles de vigne. Cependant, une photographie d'un premier état nous révèle, qu'à l'origine le sexe d'Utter était totalement apparent. Valadon, qui est l'une des premières femmes à oser peindre le sexe d'un homme, ajoutera la ceinture de feuilles de vigne plus tard, sans doute à la demande des organisateurs du Salon des Indépendants de 1920, où le tableau sera révélé au public.

La Boîte à violon, 1923
Huile sur toile
Musée d'Art moderne, Paris
Achat, 1937
Réalisée à partir d'objets figurant dans l'atelier de Valadon, cette nature morte au thème inhabituel témoigne du talent de coloriste de l'artiste. Le rouge du drapé, sur lequel repose le violon posé sur une commode, contraste avec le bleu profond de l'intérieur de l'étui. Sur le rebord, un livre dont il est impossible de lire le titre, est près de tomber. En arrière-plan, on aperçoit la partie basse de son monumental tableau Le Lancement du filet partiellement dissimulé par trois vases très colorés. On peut voir dans cette nature morte une représentation de la synthèse des arts (musique, littérature, art plastique et art décoratif).

Vue de l'atelier occupé par Suzanne Valadon, s.d. [vers 1939 ?]
Épreuve argentique en noir et blanc, photographie André Utter
Centre Pompidou, MNAM-CCI, Bibliothèque Kandinsky, Fonds Robert Le Masle
Droits réservés



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