samedi 8 février 2025

La collection permanente du musée d'art moderne de la ville de Paris en février 2025


En accompagnant mon amie Hélène à l'exposition sur les peintres et l'atome, redécouverte des belles salles consacrées par le MAM  à ses trésors, espaces pratiquement déserts malgre la gratuité et qui avaient deja fait l'objet d'une escapade en juillet 2019. Cette fois-ci, un accrochage inédit sur Bonnard !

Ossip Zadkine
1888, Vitebsk - 1967, Paris
Orphée
1930
Orme


COLLECTIONS PERMANENTES
 La vie moderne
Le parcours dans les collections du musée se déploie chronologiquement à partir des salles monumentales qui donnent sur la Seine.
Il montre les principaux chefs-d'œuvre entrés dans les collections, dont la plupart grâce à la générosité de grands donateurs qui ont accompagné le musée depuis sa création, à l'occasion de l'Exposition internationale des arts et des techniques dans la vie moderne en 1937. Sont ainsi présentées des œuvres de Bonnard, Braque, Buffet, de Chirico, Delaunay, Derain, Dufy, Fautrier, Freundlich, Gontcharova, Herbin, Léger, Matisse, Modigliani, Picabia, Picasso, Rouault, Valadon, Vuillard. En écho aux mouvements artistiques qui ont façonné l'histoire de l'art depuis le fauvisme, le cubisme et l'école de Paris, l'accent est mis sur le surréalisme et sur les réalismes de l'entre-deux guerres, ainsi que sur l'abstraction et les nouveaux courants d'après-guerre qui se sont épanouis à Paris.
Le parcours se prolonge avec les nouvelles voies ouvertes par les artistes dans les dernières décennies du xxe siècle, alors qu'ils questionnent le rôle de l'art et de l'artiste dans l'histoire et la société. En particulier, les formes d'abstractions radicales et les nouveaux défis de la peinture, qui remettent en perspective le geste artistique et la création picturale au tournant du xxe siècle. La visite s'achève autour des dernières acquisitions contemporaines, qui participent à l'élaboration d'une modernité en mouvement répondant aux rapides métamorphoses de notre temps.

Alexandre Lenoir
1992, Chartres
Trois rivières
2021
Triptyque
Acrylique et huile sur toile
AMVP-2022-67
Don de Mme Marie-Aline Prat en 2022
Dans cette œuvre, Alexandre Lenoir s'inspire d'une photographie familiale prise en Guadeloupe, à Trois- Rivière la ville natale de sa grand-mère.
Le triptyque témoigne de la manière idéaliste dont l'artiste appréhende la nature. Résultat de nouvelles expérimentations picturales qui utilisent un processus combinatoire, chacun des panneaux présente deux des trois couleurs primaires qui se complètent. Au revers, la toile est revêtue quasi uniformément de la couleur primaire manquante qui l'imprègne et transparait sur le devant.
Suivant un protocole, la superposition de scotchs dessine les formes, tandis que les couleurs donnent un caractère abstrait à la représentation de l'eau et à son
mouvement.

Sonia Delaunay
1885, Gradizhsk - 1979, Paris
Prismes électriques, n°41
1913-1914
Huile sur toile

Robert Delaunay
1885, Paris-1941, Montpellier
Nu à la coiffeuse
1915
Huile sur toile

Gaston Lachaise
1882, Paris-1935, New York Floating Woman
1927 (fonte de 2015)
Bien que né à Paris, Lachaise a mené toute sa carrière de sculpteur à New-York, où, dès 1912, il suit sa future épouse, Isabel Dutaud-Nagel, poétesse américaine d'origine canadienne. Floating Woman est l'une des œuvres les plus emblématiques du scuipteur, résultat de ses recherches des années 1920 sur l'apesanteur et l'atemporalité, en lien avec sa passion pour le cirque et les acrobates et son intérêt pour l'art ancien. A l'origine, Lachaise a retravaillé une première statuette accidentellement brisée, représentant une femme étendue sur un divan. En repartant du fragment, dans un processus comparable à Rodin, il aboutit à cette figure à la fois massive et aérienne.

Abstraction-Création
Dans les années 1930, Paris devient le lieu où se renouvellent et s'organisent les différentes tendances de l'art abstrait. En février 1931 naît Abstraction- Création, une association d'artistes déterminés à unir leurs forces face à l'indifférence et au rejet de la critique et du public. Le groupe rassemble alors des artistes qui travaillent dans une veine non figurative excluant toute référence explicite au monde visible. Il s'agit, par le pur jeu des formes et des couleurs, d'accéder au rythme et à l'harmonie », explique Laure Garcin, l'une des membres du groupe.
Président d'Abstraction-Création, Auguste Herbin vante les vertus de la ligne courbe et présente des compositions aux volutes dynamiques. Georges Valmier isole les couleurs dans des formes précisément délimitées qu'il articule en stratifications complexes et harmonieuses. Dans le domaine de la sculpture, Etienne Béothy déploie des silhouettes abstraites toutes en ondulations, jouant d'un vocabulaire biomorphique qui rejoint les formes organiques et curvilignes des «< Concrétions » de Hans Arp. Chez Jean Hélion, des cylindres et d'autres éléments imbriqués évoquent des figures suspendues dans l'espace.
Le mouvement Abstraction-Création est également rejoint par certains de ceux qui furent les pionniers de l'abstraction dans les années 1910, comme Robert Delaunay, Otto Freundlich ou encore František Kupka. Ce dernier exprime ainsi son enthousiasme face à "la création d'un groupe d'artistes prêchant, de façon parfaitement fanatique, qu'il ne faut rien peindre ni imaginer d'après la nature. C'est pour moi un énorme succès [...] J'ai comme l'impression que je ne mourrai pas incompris et quasi-martyr ».
Porteurs d'un projet utopique, les artistes d'Abstraction -Création déploient un langage qui se veut universel. Face à la montée des totalitarismes en Europe, ils expriment des espoirs de réformes qui s'étendent bien au-delà du domaine purement esthétique, dans un dévouement intégral à un grand idéal humain."

Joaquín Torres-García
1874, Montevideo - 1949, Montevideo
Composition
1931
Huile sur bois

Jean Arp
1886, Strasbourg - 1966, Bâle
Concrétion humaine
1933
Plâtre original
Constellation aux cinq formes blanches et aux deux formes noires
1932
Bois peint
Dans ses Concrétions humaines, série débutée en 1932, Arp utilise la souplesse du plâtre pour façonner des formes rondes et douces, dans un mouvement de retour vers la nature. Ce modelage repose sur l'instinct et la spontanéité, qu'il oppose à la notion de composition. Il associe à ces oeuvres l'idée du corps humain ramené à des formes simples, essentielles, presque originelles, siège des émotions et des sentiments paisibles retrouvés à travers la plasticité de la sculpture.

Benedetta Cappa
1897, Rome-1977, Venise
Le Grand X
vers 1925-1930
Huile sur toile

Robert Delaunay
1885, Paris - 1941, Montpellier
Rythme n°1,
 décoration pour le Salon des Tuileries
1938
Les recherches optiques sur la lumière et les couleurs menées depuis 1910 par Robert Delaunay aboutissent aux décors monumentaux que lui et son épouse Sonia réalisent pour le Salon des Tuileries de 1938. Leurs créations saisissent l'effervescence de la vie moderne tout en repoussant les limites du tableau et de la peinture. Dans la continuité du Bauhaus et de l'Union des artistes modernes. ils participent ainsi à l'élaboration d'un art qui doit accompagner le progrès social et qui, pour être accessible à tous, se fonde sur la recherche de nouvelles formes plastiques. Ils développent ainsi cette esthétique abstraite et radieuse qui les caractérise.

Auguste Herbin
1882, Quiévy - 1960, Paris
Jazz
1936
Huile sur toile

Jean Hélion
1904, Couterne-1987, Paris
Figure bleue
Figure bleue est un assemblage de plans courbes et anguleux qui forment un volume plastique renforcé par des jeux d'ombres. Le fond, composé d'un dégradé bleu-vert, donne son titre à l'œuvre et suggère une figure anthropomorphe, notamment par la forme coudée cylindrique évoquant un bras. Hélion trouble ainsi les limites entre la représentation figurative et l'expression abstraite.
1935-1936
Huile sur toile

Otto Freundlich
1878, Stolp - 1943, Lublin-Majdanek
Composition
1933
Bronze patiné

František Kupka
1871, Opocno-1957, Puteaux
Trait austère
1925
Huile sur toile
Kupka, l'un des inventeurs de l'abstraction avec Kandinsky, Freundlich et Delaunay à partir du début des années 1910 - tout en refusant le terme d'"abstrait" -, a fait des recherches continuelles sur la couleur. Dans les années 1920, il délaisse la forme organique ou en expansion, les proliférations colorées et les tourbillons pour une forme plus rigide et plus austère, et développe un langage de force chargée d'énergies se heurtant. La composition de format vertical, réduite à cinq couleurs - blanc, gris, noir, jaune et vert -, renforce l'aspect de grille donné par les traits noirs.

Art Déco
En 1925, l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes consacre un nouveau style auquel elle donnera son nom, «l'Art déco ». En réaction aux excès ornementaux de la période précédente, l'Art déco se caractérise par des lignes simples et dynamiques, des formes géométriques épurées et des motifs stylisés et classicisants. La virtuosité technique et le savoir-faire artisanal sont également des valeurs essentielles du mouvement: ébénistes, orfèvres, sculpteurs, dinandiers, verriers et laqueurs rivalisent d'inventivité pour créer des objets de luxe à destination d'une clientèle fortunée.
Mobilisant les meilleurs artisans d'art dans des chantiers somptuaires, les grands paquebots transatlantiques participent d'un esprit d'émulation entre les nations et deviennent de nouvelles vitrines pour les arts décoratifs. Évoquant le thème des jeux antiques, le décor monumental en laque dorée de Jean Dunand ornait ainsi le fumoir des passagers de première classe du Normandie, à l'époque le plus grand paquebot du monde.
Précieux et raffinés, les matériaux employés témoignent du faste de la période. De nombreux créateurs utilisent des bois rares considérés comme << exotiques »>, tels que l'ébène de Macassar, la loupe d'amboine de Birmanie ou encore le palissandre de Rio. Venues des quatre coins du monde, ces essences témoignent de l'importance de la France en tant qu'empire colonial - une importance expressément célébrée à l'occasion de l'Exposition coloniale internationale de 1931.
Quelques années plus tard, l'Exposition internationale des arts et techniques de 1937 inaugure le nouvel édifice abritant le Musée d'Art moderne de Paris. De nombreuses objets et ensembles mobiliers sont alors acquis directement auprès de leurs auteurs par la Ville de Paris et l'État français, initiant un dialogue étroit entre l'architecture du musée et sa collection d'art décoratif.

Boris Lovet-Lorski
1894, Kovno - 1973, New York
Vénus
vers 1932
Bronze

Détail du Bronze 

Vue d'ensemble de la salle art déco

Jean Dupas
1882, Bordeaux - 1964, Paris
Dame à la licorne et colombe
1923
Huile sur bois

Joseph Csaky
1888, Szeged - 1971, Paris
Buste de jeune fille
vers 1938
Pierre

Kees Van Dongen
1877, Delfshaven - 1968, Monaco
Portrait de Renée Maha, dite Le Sphinx
1920
Huile sur toile

André Derain
1880, Chatou-1954, Garches
Nature morte aux raisins et aux poires
vers 1938
Huile sur toile

Jean Dunand
1877, Lancy-1942, Paris
Les Sports
1935
45 panneaux en laque dorée à la feuille
Les Sports font partie d'un ensemble de décorations monumentales réalisées par Jean Dunand pour le fumoir des passagers de première classe du paquebot Normandie. L'oeuvre reprend le thème des jeux antiques: dessinant une grande diagonale, de jeunes athlètes s'exercent au lancer du javelot, du disque et du poids. Cet immense décor témoigne du tour de force accompli par Dunand avec sa technique de prédilection, la laque, apprise auprès du maître japonais Seizo
Sugawara.

Vue du fumoir des passagers de première classe sur le Normandie, avec le panneau Les Sports à droite

Naissance du Musée d'art moderne
En mai 1937, le public de l'Exposition internationale des arts et techniques découvre le tout nouveau palais édifié entre l'avenue du Président Wilson et la Seine. L'avenue longeant le fleuve, aujourd'hui avenue de New York , mais à l'époque « de Tokyo », donnera à l'édifice un nom durable. À l'origine, le bâtiment est conçu pour abriter deux nouveaux musées d'art moderne, l'un relevant de la Ville de Paris (dans l'aile Est), l'autre de l'État (dans l'aile Ouest ; en 1977, le Musée national d'art moderne quittera le site pour rejoindre le nouveau Centre Pompidou).
Conçu par l'équipe d'architectes Dondel, Aubert, Viard et Dastugue, le bâtiment propose un
« classicisme moderne », avec des lignes simples et des volumes imposants qui ne se sont pas sans rappeler l'architecture totalitaire qui se développe alors en Italie et en Allemagne. L'aspect symétrique du bâtiment, sa monumentalité statique et austère, ou encore son immense colonnade reliant les deux ailes sont emblématiques de cette architecture officielle des années 1930.
Ornant l'extérieur du palais et animant sa surface, les différents décors sculptés témoignent du goût de l'époque pour l'Antiquité. A l'instar des bronzes agrémentant les portes des musées, les bas-reliefs d'Alfred Janniot pour le soubassement de la terrasse déploient un répertoire mythologique et antiquisant. Lors de la création du bâtiment, deux rangées de sculptures néoclassiques en pierre ornaient également l'esplanade ; cette salle regroupe des œuvres de dimensions plus réduites réalisées par ces mêmes sculpteurs, de même qu'une épreuve en plâtre de Janniot ayant servi de modèle au bas-relief final.
Enfin, deux œuvres de Valentine Prax rappellent la participation de cette dernière à l'exposition sur la ville de Paris qui inaugura le bâtiment en 1937. Dans une salle évoquant « les transformations les plus récentes » de la capitale, l'artiste réalisa une verrière peinte sur le thème de L'Aéroport du Bourget, motif emblématique de la modernité. Ce décor fut démonté dès la fin de l'exposition et semble avoir été perdu.

Valentine Prax
1897, Bône - 1981, Paris
Femmes et chevaux
1930
Huile sur toile

Maurice Utrillo
1883, Paris-1955, Dax (France)
Rue à Montmartre
Vers 1912
Huile sur carton

Alfred Auguste Janniot
1889, Paris -1969, Neuilly-sur-Seine
Tête de nymphe
1927
Plâtre
La Tête de nymphe est une étude pour le groupe sculpté Hommage à Jean Goujon que Janniot réalise pour l'exposition internationale de 1925. Elle témoigne de la poursuite d'un idéal classique entre les deux guerres, et du goût d'alors pour la Grèce antique et la Renaissance française, dont Jean Goujon (1510-1567) est l'un des plus célèbres représentants. Janniot participe ensuite à la décoration des musées construits pour l'Exposition internationale de 1937. Son grand relief sur le thème des Muses relie l'aile du Palais de Tokyo (autrefois Musée national d'art moderne) et celle du Musée d'Art moderne.

Les avant-gardes artistiques au début du XXe siècle
Au début du XXe siècle, Paris accueille l'avant-garde internationale et devient le théâtre de bouleversements artistiques majeurs. Plus précisément, c'est dans le quartier de Montmartre que s'inventent de nouvelles manières de peindre et de sculpter. Comme l'Espagnol Pablo Picasso, le peintre allemand Otto Freundlich loge pendant un temps dans l'un des ateliers du Bateau-Lavoir, cité d'artistes montmartroise. Avec sa grande Composition de 1911, il s'impose comme l'un des pionniers de la peinture abstraite, libérée de toute référence explicite au monde réel.
C'est dans ce même environnement que naît le cubisme, mouvement révolutionnaire appelé à devenir l'un des courants les plus décisifs de l'histoire de l'art moderne. Travaillant conjointement, Picasso et Georges Braque entreprennent de déconstruire leurs motifs - figures ou objets - en éléments géométriques simples. A leur suite, de nombreux artistes s'initient à ce nouveau langage visuel: Albert Gleizes, Jean Metzinger ou encore Natalia Gontcharova entreprennent de géométriser leurs compositions. De même, des peintres comme Raoul Dufy et Auguste Herbin se rapprochent du cubisme tout en continuant de travailler avec des couleurs vives.
Une esthétique du collage se développe également, les artistes superposant plans et motifs angulaires dans des compositions dénuées de profondeur. La sculpture n'est pas en reste : une nouvelle génération de plasticiens tels qu'Henri Laurens et Jacques Lipchitz transposent la syntaxe cubiste en trois dimensions.


Auguste Herbin
1882, Quiévy - 1960, Paris (France)
Route muletière et maison à Céret
août 1913
Huile sur toile

Albert Gleizes
1881, Paris-1953, Avignon (France)
Les Baigneuses
Peintre autodidacte, Albert Gleizes compte, avec Kupka, les frères Duchamp ou Picabia, parmi les membres fondateurs de la Section d'or en 1912. La même année, il coécrit l'essai Du cubisme avec Jean Metzinger, rattachant ce mouvement à la tradition picturale française. Reprenant ici un thème cher à Ingres ou Cézanne, l'artiste allie sujet classique (nymphes, femmes au bain, etc.) et réalité contemporaine (cheminées d'usine d'où s'échappent des volutes de fumée stylisées).
1912
Huile sur toile

Albert Marquet
1875, Bordeaux - 1947, Paris (France)
Nu à l'étagère
1898
Huile sur toile

Pablo Picasso
1881, Málaga - 1973, Mougins
Évocation (L'Enterrement de Casagemas)
vers 1901
Huile sur toile
Picasso est en Espagne lorsqu'il apprend le suicide de son ami Carlos Casagemas, âgé de vingt ans, dans un café parisien après une déception amoureuse. Ce choc émotionnel inaugure une période décisive de l'œuvre de l'artiste : « C'est en pensant que Casagemas était mort que je me suis mis à peindre en bleu. » L'Enterrement transpose les codes de la peinture religieuse espagnole en convoquant Zurbarán ou le Greco, auquel Picasso emprunte la superposition de deux registres, terrestre et céleste. Délocalisant l'iconographie de la vie des saints dans le monde contemporain de la prostitution, Picasso représente le porche de la prison des femmes de Saint- Lazare. Etirées et miséreuses, les filles de joie veillent le défunt quand d'autres accompagnent son ascension, sur un cheval, vers les nuées bleutées.

Raoul Dufy
1877, Le Havre-1953, Forcalquier
La Terrasse sur la plage
1907
Huile sur toile

Maurice de Vlaminck
1876, Paris-1958, Rueil-la-Gadelière
Berges de la Seine à Chatou
1906
Huile sur toile

André Derain
1880, Chatou - 1954, Garches
Trois personnages assis dans l'herbe
1906
Huile sur toile

André Derain
1880, Chatou - 1954, Garches
La Rivière
hiver 1904-1905
Huile sur carton

Pablo Picasso
1881, Málaga - 1973, Mougins
Le Fou
1905
Bronze

Georges Braque
1882, Argenteuil - 1963, Paris
Tête de femme
1909
Huile sur toile

Pablo Picasso
1881, Málaga (Espagne) - 1973, Mougins (France)
Tête d'homme
1912
Huile sur toile

Fernand Léger
1881, Argentan -1955, Gif-sur-Yvette (France)
Les Disques
Les Disques est un tableau majeur de la période dite "mécanique" de Fernand Léger,
inaugurée en 1918. Les contrastes de formes, de lignes et de couleurs manifestent les bouleversements du monde moderne - « la vie actuelle plus fragmentée, plus rapide que les époques précédentes », selon l'artiste. Ici, les disques syncopés et multicolores représentent la machine, ses engrenages et sa vitesse. Signes à la fois abstrait et concret, ils évoquent la puissance et le dynamisme de la vie urbaine contemporaine, ses cacophonies et ses dissonances.
1918
Huile sur toile

María Blanchard
1881, Santander (Espagne) - 1932, Paris (France)
Femme au panier de fruits
Vers 1922
Huile sur toile


Autour de CoBrA
CoBrA (conçu à partir des premières lettres de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam) désigne un mouvement pictural fondé à Paris en 1948 par des artistes d'Europe du Nord. Moins liés par un programme que par des modalités d'action, les artistes CoBrA placent l'expérimentation comme modèle de création afin de s'éloigner des codes de la représentation. Il s'agit pour eux de renouer avec une matière primitive, essentielle, et de s'y plonger totalement en ignorant tout savoir-faire et toute codification esthétique déterminant les notions de beauté et de laideur. Ils puisent volontiers leur inspiration dans les mythes primordiaux, l'art extra-occidental et l'art populaire.
La violence chromatique et la construction élémentaire des œuvres de Karel Appel a fait scandale dans l'immédiat après-guerre. L'artiste use de sa main gauche afin de retrouver une expression proche de l'univers de l'enfance. Passionné de calligraphie chinoise et japonaise, Pierre Alechinsky peint en jouant avec les codes de la typographie et de l'imprimerie. Son œuvre entretient un dialogue étroit avec la littérature et la peinture historiée. Les «
Le mouvement CoBrA englobe les expériences d'artistes comme Gaston Chaissac, élève d'Otto Freundlich, qui se qualifie de «< peintre rustique moderne »>, choisissant ses supports dans la nature ou dans son environnement quotidien. Autodidacte, Jean-Michel Atlan, professeur de philosophie, associe dans sa peinture aussi bien les traditions berbères de sa jeunesse en Algérie et la Kabbale que les réminiscences ésotériques de vieux royaumes disparus.
L'œuvre atypique et protéiforme d'Etienne-Martin est le reflet de sa mythologie personnelle, modelée par ses souvenirs et la structure des maisons de son enfance. Le Clin d'œil témoigne de la grande liberté formelle de l'artiste, et d'une certaine facétie

Pierre Alechinsky
1927, Bruxelles
L'œuvre au noir
1969
Acrylique sur papier marouflé sur toile
Pierre Alechinsky rejoint le groupe CoBrA fondé en 1948 par des artistes d'Europe du Nord tels que Karel Appel ou Asger Jorn, qui prônent un art spontané. Il en retient surtout le rapport à l'écriture et à la poésie, très présent chez les membres belges du mouvement. À la dissolution du groupe en 1951, il s'installe à Paris. Fasciné par la calligraphie japonaise, il abandonne la peinture à l'huile au profit de matériaux plus fluides, comme l'encre puis la peinture acrylique, avec une prédilection pour le support papier. En 1965, Alechinsky met en place un principe de composition «à remarques marginales», qui vient du monde de l'imprimerie et qu'on retrouve dans cette œuvre où les vignettes sont disposées dans la partie intérieure, à la façon d'une prédelle gothique. Le titre fait référence à l'alchimie, où l'œuvre au noir est la première phase du grand œuvre.


Gaston Chaissac
1910, Avallon-1964, La Roche-sur-Yon
Totem
1963-1964
Bois peint

Gaston Chaissac
1910, Avallon-1964, La Roche-sur-Yon
Personnages
1962
huile sur carton

Gaston Chaissac
1910, Avallon-1964, La Roche-sur-Yon
Grande porte de bois peint
1953
Peinture sur bois
Peintre et écrivain autodidacte, Gaston Chaissac est initié à l'art par Otto Freundlich à Paris en 1936, puis se lie à Albert Gleizes et Jean Dubuffet. Associé à l'art brut avec l'exposition «L'Art brut préféré aux arts culturels» en 1949, Chaissac s'en éloigne cependant très tôt pour se consacrer à ses recherches picturales définies comme «la peinture rustique moderne». Il crée, en marge du milieu de l'art, une œuvre alliant figuration et abstraction. Les aplats de couleur vive cernés de noir et les différents matériaux de récupération utilisés révèlent un esprit libre et spontané. En 1953, il peint sur commande plusieurs boiseries d'une maison de son voisinage en Vendée, dont cette porte de placard où, sur fond de motifs abstraits colorés imbriqués les uns aux autres, il signe une inscription en faveur de l'école publique et laïque. Exposé par Iris Clert, l'artiste bénéficie dès 1960 d'une reconnaissance française et internationale.

Karel Appel
1921, Amsterdam - 2006, Zurich
Oiseaux de nuit
1949
Tempera, crayon de cire et graphite sur toile
Originaire d'Amsterdam, Karel Appel, en 1948, participe à la fondation du groupe CoBrA à Paris où il s'installera dès 1950. Les artistes du groupe, originaires d'Europe du Nord, prônent un art spontané proche de la naïveté du dessin d'enfant dont, comme dans Nachtvogels [Oiseaux de nuit], ils reprennent souvent les traits - têtes et yeux hypertrophiés, membres minuscules et composition désaxée, le tout recouvert de gribouillages au crayon. Appel affectionne tout particulièrement les animaux, iconographie typiquement enfantine et qui incarne une force primitive. Il y restera fidèle tout au long de sa carrière, même après la dissolution du groupe CoBrA en 1951. Dans les années 1950, l'artiste délaissera la peinture fluide au profit d'épais empâtements à l'huile.

Zao Wou-Ki
1920, Pékin-2013, Nyon
01.10.73
1973
Huile sur toile

Hans Hartung
1904, Leipzig - 1989, Antibes
T 1946-16
1946
Huile sur toile

Anna-Eva Bergman
1909, Stockholm - 1987, Antibes
N°2-1964 Stèle
1964
Peinture vinylique et 
feuille de métal sur toile
Les stèles évoquent les roches taillées ancestrales aux fonctions funéraires ou sacrées. En Scandinavie, les majestueux et mystérieux monolithes runiques sont autant de monuments chargés de magie et de légendes qui fascinent Bergman, férue d'archéologie. L'emploi des feuilles de métal vise à « atteindre un effet irréel »: la pierre qui compose la stèle perd son épaisseur pour devenir une surface miroitante. La toile prend une dimension spirituelle, répondant au souhait de l'artiste d'inciter le spectateur à ressentir le silence intérieur que l'on ressent quand on entre dans une cathédrale.

Bonnard au Cannet
Dans le cadre d'une collaboration exceptionnelle avec le Kimbell Art Museum de Fort Worth, Texas, le Musée d'Art Moderne de Paris présente pour la première fois l'important Paysage au Cannet de Pierre Bonnard, aux côtés de son portrait peint par Édouard Vuillard et acquis par la Ville de Paris en 1937.
Le lien entre ces deux œuvres repose sur le regard attentif de Vuillard, qui choisit de représenter son ami face au Paysage au Cannet dans une remarquable mise en abyme picturale. Si Bonnard lui-même reste bien reconnaissable, la représentation de son tableau dans ce portrait agit comme une véritable signature artistique. En reproduisant avec une grande finesse les détails du Paysage au Cannet, Vuillard rend hommage à son ami en adoptant la touche colorée et sensible du peintre.
Cet accrochage inédit se trouve enrichi des autres tableaux de Bonnard appartenant au Musée d'Art Moderne de Paris, ainsi que de L'Atelier au mimosa prêté par le Centre Pompidou.
Ensemble, ces tableaux évoquent l'installation de Bonnard dans la villa « Le Bosquet » au Cannet, avec son épouse Marthe, modèle du Nu dans le bain et Femme à sa toilette. La demeure entourée d'un jardin devient alors une source d'inspiration inépuisable pour le peintre. Dans son Paysage au Cannet, Bonnard immortalise la vue qui s'étend au-dessus de la villa, tandis que dans L'Atelier au mimosa, il nous invite à contempler le même paysage, mais cette fois depuis la fenêtre de son atelier, révélant un autre point de vue sur ce lieu tant aimé. La végétation foisonnante qui entoure la demeure se manifeste également dans Le Jardin, où les vibrations colorées des différentes fleurs et plantes, alliées à la profondeur de la toile, nous invitent à marcher dans les pas de l'artiste.


Pierre Bonnard
1867, Fontenay-aux-Roses - 1947, Le Cannet
Paysage au Cannet
1928
Huile sur toile
Ce grand paysage, de l'ancienne collection de Henri Kapferer, est peint entre 1927 et 1928 au Cannet où le couple Bonnard s'est installé dans leur nouvelle maison, le Bosquet. Il est retravaillé par le peintre au retour dans leur appartement parisien du Bd des Batignolles. C'est là que Vuillard réalise les esquisses pour le portrait de son ami Bonnard dans son univers familier intégrant cette oeuvre très récente au format panoramique. Sa gamme de couleurs reprend les bleus, jaunes et verts qui illuminent la toile, en plans étagés surplombant sa maison et s'ouvrant sur l'Esterel. Comme souvent, le peintre, à droite, se fait visiteur de son paysage décoratif, et on découvre en s'attardant dans les champs colorés d'autres présences, chèvre, chien, promeneuse.

Edouard Vuillard
1868, Cuiseaux-1940, La Baule-Escoubac
Portrait de Pierre Bonnard
1930-1935
Peinture à la colle sur toile
Vuillard  Vuillard représente ses amis de jeunesse anciens Nabis (prophètes) comme lui, Bonnard, Roussel, Maillol et Denis, dans une série réalisée entre 1923 et 1930, qu'il intitulera plus tard « Les Quatre Anabaptistes ». Les portraits montrent l'univers et la signature artistique de chacun et leurs travaux les plus contemporains. Maillol, à Marly, travaille au plâtre de son Monument à Cézanne, tandis que Roussel médite dans son atelier. Accompagné de son basset, non loin d'une sculpture de Maillol, Bonnard regarde l'un de ses derniers paysages du Cannet (1928): un tableau dans le tableau avec ses accords de bleus, de jaunes solaires et de violine reproduisant la palette vibrante du peintre.

Édouard Vuillard
1868, Cuiseaux - 1940, La Baule-Escoublac
Portrait d'Aristide Maillol
1930-1935
Peinture à la colle sur toile

Pierre Bonnard
1867, Fontenay-aux-Roses-1947, Le Cannet
Femme à sa toilette
vers 1934
Huile sur toile
À de multiples reprises, Bonnard installe son modèle, de dos ou de trois quarts, dans une pièce dont il restreint volontairement le décor. Il resserre alors souvent le cadrage du tableau sur une porte vitrée ou, comme ici, sur un miroir vertical qui nous donne des vues indirectes de sa femme Marthe et de la pièce. L'image se révèle plus vivante de l'autre côté du miroir: Marthe, le corps tronqué, paraît consciente de la présence du voyeur caché derrière elle, tandis qu'une coulée de lumière éclaire le sol ainsi que le nuage de blanc bleuté de la lingette de toilette. Le système de construction montre un Bonnard paradoxal, maître du cadrage cinématographique de film d'action, dit "plan américain".

Pierre Bonnard
1867, Fontenay-aux-Roses-1947, Le Cannet
Le Jardin
vers 1936
Huile sur toile
De sa période nabie, à la fin du XIXe siècle, Pierre Bonnard conserve un intérêt certain pour le travail des couleurs sur la toile, comme l'illustre la célèbre déclaration de Maurice Denis en 1890: « Se rappeler qu'un tableau [...] est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.»> Une végétation luxuriante envahit cette peinture, où le chemin est le seul repère spatial qui subsiste. Le motif semble ainsi être un simple prétexte à une juxtaposition de tons éclatants, à des effets de matière et à la construction d'un espace.

Pierre Bonnard
1867, Fontenay-aux-Roses-1947, Le Cannet
Nu dans le bain
1936
Huile sur toile
Bonnard représente son épouse Marthe immergée dans son bain, selon un cadrage resserré multipliant les surfaces réfléchissantes. Les reflets, glissant en plans verticaux, étendent les résonances chromatiques à toute la surface de la toile, métamorphosant les carreaux blancs en support d'une féerie irisée. L'artiste crée le reliquaire flamboyant d'un corps pour toujours adolescent: le jaune solaire jouxtant les bleus plus froids et le violet, au rendement différé, produisent une impression de dissolution du corps dans la lumière.

Pierre Bonnard
1867, Fontenay-aux-Roses-1947, Le Cannet
L'Atelier au mimosa
1939-1946
Huile sur toile
Dans cette toile commencée au Cannet en 1939, et travaillée jusqu'en 1946 à Fontainebleau, Bonnard adopte un dispositif d'ouverture sur un foisonnement végétal, construit sur les verticales de la verrière rompues au premier plan par l'oblique de la mezzanine où le peintre a pris place. La grande fenêtre surlignée de rouge recadre l'apparition magique du mimosa en fleur, prolongé par une suite de taches - végétaux, maisons et ciel violine. La surexposition de cette scène, où le jaune solaire éclabousse de jaune d'or, de jaune de chrome et de rouge orangé l'intérieur de l'atelier, situé en léger contrebas, diffère la perception d'un visage dans le coin gauche dont les traits se surimposent sur le fond.


L'art à Paris dans l'entre-deux-guerres
Après la Première Guerre mondiale, des mouvements et aspirations contradictoires traversent la France. Si Paris s'affirme comme un lieu foisonnant d'énergies et d'expressions nouvelles, l'effervescence de ces << années folles » se voit tempérée par le souvenir de la barbarie du conflit, comme par les relents nationalistes qui imprègnent la société.
Installés à Paris depuis le début du siècle, une myriade de peintres et sculpteurs étrangers contribuent à la richesse artistique de la capitale. De Marc Chagall à Léonard Tsuguharu Foujita en passant par Chana Orloff et Jules Pascin, ces passant
artistes de toutes nationalités forment un vaste réseau d'amitiés personnelles et professionnelles. Solidaires dans l'adversité, mus par un même désir d'émancipation anti-académique, ils se retrouvent dans les cafés et cités d'artistes de Montparnasse et concourent ensemble à l'aventure de l'art moderne. Regroupés sous l'appellation hétéroclite d'<< Ecole de Paris », ils partagent un même intérêt pour l'étude de la figure humaine dont ils s'attachent à renouveler le traitement.
Les figures gracieuses et mélancoliques d'Amedeo Modigliani se distinguent ainsi de celles, sinueuses et distordues, peintes par son ami Chaïm Soutine. Des accents de gravité et un certain hiératisme imprègnent les œuvres de Natalia Gontcharova, tandis que María Blanchard s'éloigne du cubisme pour s'orienter vers une expression plus réaliste, peignant notamment de nombreux portraits d'enfants.
Loin de toute euphorie, certains peintres français traduisent l'atmosphère lugubre qui gagne le pays. La palette sombre de la « période noire » de Jean Fautrier évoque ainsi un monde de violence et de brutalité. Peintre socialement engagé, Marcel Gromaire incarne quant à lui une certaine veine humaniste de l'entre-deux-guerres : représentant paysans, soldats et ouvriers, ses tableaux affirment avec force et gravité la grandeur de ce « peuple inquiet, besogneux, sentant revenir la tourmente.

Marcel Gromaire
1892, Noyelles-sur-Sambre - 1971, Paris (France)
La toilette
1924
Huile sur toile

Amedeo Modigliani
1884, Livourne - 1920, Paris
Femme aux boucles d'oreilles
vers 1917
Huile sur toile

Kees Van Dongen
1877, Delfshaven (Pays-Bas) - 1968, Monaco
La Vasque fleurie
1917
Huile sur toile
Van Dongen rencontre la comtesse Casati en 1912. Femme excentrique, elle est l'organisatrice, à Venise comme à Paris, de fêtes somptueuses, dont elle confie décor et costumes au couturier Paul Poiret. Elle incarne le nouveau modèle de femme du peintre : silhouette longiligne, elle est drapée dans un déshabillé diaphane laissant deviner son corps verdâtre. Au centre du tableau, une vasque est surmontée d'une composition florale. Dans l'eau nagent deux poissons rouges, allusion à Matisse. Plusieurs symboles en relation avec la tradition picturale font de ce tableau un memento mori, une vanité des temps modernes : le lévrier, le crâne et les fleurs suggérant la fugacité du temps qui passe

Marc Chagall
1887, Biélorussie -
1985, Saint-Paul-de-Vence (France
Le Rêve
1927
Huile sur toile
Marc Chagall peint Le Rêve durant son deuxième séjour parisien (1923-1941). Dans un paysage éclairé par la pleine lune, un grand «lapinâne» emporte une femme, seins nus, renversée sur sa croupe, telle une écuyère exécutant une voltige. L'attitude de cette dernière évoque à la fois l'arc hystérique, Le Cauchemar de Füssli et l'enlèvement d'Europe, en donnant au tableau une connotation clairement érotique. La confusion des sens - envers/endroit - et des échelles, propre au rêve, induit un singulier effet de vertige, activé par des touches tourbillonnantes de bleu, de violine, de vert et de rose.

Jules Pascin
(Julius Mordecai Pincas, dit)
1885, Vidin (Bulgarie) - 1930, Paris (France)
Zimette et Mireille
1923
Huile sur toile
Né en Bulgarie, Jules Pascin arrive à Paris en 1905 puis revient s'y installer après la Grande Guerre. Il prend alors pleinement part à la vie nocturne parisienne et organise de nombreuses fêtes réunissant artistes et écrivains. Ce double portrait est emblématique de sa période dite <

Chaïm Soutine
1893, Smilovitchi (Biélorussie) - 1943, Paris (France)
Autoportrait dit Grotesque
1922-1925
Huile sur toile
Chaïm Soutine a peint très peu d'autoportraits (on en
compte trois). Le titre « grotesque » est un titre d'usage qui atteste la violence des déformations et des exagérations propre à son expressionnisme. Soutine est assis de profil, le visage tourné vers le spectateur que seul un œil noir fixe. L'épaule, exagérément développée, fait l'effet d'une bosse qu'accentue le cadre resserré. La veste d'un jaune-vert est l'objet d'une attention particulière : les plis sont autant de coups de pinceaux d'une grande fluidité et d'une rare nervosité. Le visage brouillé, déformé, enlaidi n'est pas sans annoncer les visages d'un Francis Bacon. Nez épaté et proéminent, lèvres lippues, caricature monstrueuse, Soutine, dans ce face à face avec lui- même, cherche à traduire le dégoût de lui-même jusqu'à la « cruauté ».

Chaïm Soutine
1893, Smilovitchi (Biélorussie) - 1943, Paris (France)
La Femme en rouge
vers 1923-1924
Huile sur toile

Chaïm Soutine
1893, Smilovitchi (Biélorussie) - 1943, Paris (France)
Femme à la robe bleue
vers 1924
Huile sur toile

Marcel Gromaire
1892, Noyelles-sur-Sambre - 1971, Paris (France)
La guerre
1925
Huile sur toile
Comme nombre d'artistes qui ont fait l'expérience de la guerre, Marcel Gromaire dépeint ici l'enfer des tranchées. En présentant cette toile au Salon des indépendants de 1925, le jeune peintre suscite l'enthousiasme de la critique. Ces cinq soldats français, entravés par leurs costumes bleu horizon qui laissent peine voir leurs visages inexpressifs, sont réduits
à des formes dénuées de toute vitalité, comme si l'attente et l'angoisse les avaient « pétrifiés »>. Les divers bleus traités en pointillés contribuent
à l'atmosphère froide et pesante, tandis que les formes
tubulaires et sphériques rappellent les œuvres de Fernand Léger. Gromaire met ainsi en exergue la dimension déshumanisante de la Première Guerre mondiale

Dada et Surréalisme
La brutalité sans précédent de la Première Guerre mondiale conduit une nouvelle génération d'artistes à remettre radicalement en question les valeurs d'une société capable d'une telle violence. Proclamant leur « dégoût » et leur «< méfiance » envers le monde contemporain, ils contestent le règne de la raison et les définitions conventionnelles de l'art. Regroupés sous la bannière de « Dada », mot qui << ne signifie rien», ils entendent faire table rase du passé dans un esprit subversif mais non dénué d'humour. Francis Picabia s'attaque ainsi à la tradition de la peinture par son utilisation provocatrice du Ripolin, peinture industrielle clinquante destinée au bâtiment. La technique du collage et l'emploi de matériaux peu nobles voire de déchets caractérisent certaines démarches, à l'instar de Kurt Schwitters dans son Miroir-collage.
L'esprit irrévérencieux de Dada se prolonge dans le surréalisme, mouvement lui aussi international et transdisciplinaire. Inspiré par les recherches sur l'inconscient, le surréalisme est défini par son fondateur, André Breton, comme un «< automatisme psychique pur, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison »> (1924). La pratique du photomontage, de l'assemblage ou encore du cadavre exquis permet des rapprochements incongrus qui évoquent les raccourcis de l'imaginaire et instaurent un monde onirique, étrange et fantastique. Un rôle primordial est accordé au hasard : chez Max Ernst, le << grattage >> procède d'une création à l'aveugle.
Quant à Victor Brauner, il emprunte aux sciences occultes et ésotériques pour inventer, entre autres, son Congloméros, personnage hybride composé de deux corps masculins et d'un corps féminin réunis par une seule tête. En partie cachés par les multiples mains de la créature, ses immenses yeux globuleux évoquent la thématique de l'oeil extralucide et de la vision hallucinatoire chère aux surréalistes.



André Masson
1896, Balagny-sur-Thérain - 1987, Paris
Engloutissement
1968
Huile sur toile

Victor Brauner
1903, Piatra Neamt - 1966, Paris
Portrait d'André Breton
1934
Huile sur toile

Toyen (Maria ČERMÍNOVÁ, dite)
1902, Prague-1980, Paris
Le Paravent
1966
Huile et collage sur toile
Achat en 1968
Membre du surréalisme tchèque dès 1934, Toyen rencontre André Breton et Paul Éluard lors de leur voyage à Prague, en 1935. Sa production, aux sujets souvent érotiques, alterne entre peinture et dessin. Le Paravent est un tableau surréaliste significatif des années 1960. La femme représentée sur le panneau central par les bras gantés de vert fait corps avec la panthère dont les yeux, également verts, et les lèvres surlignées de rouge surgissent de l'ombre, tandis que les taches de son pelage la drapent. Elle est devenue à la fois panthère et spectre - comme le suggère le halo qui estompe le corps et fait disparaître le visage. Sur les deux autres panneaux du paravent, on distingue les silhouettes inquiétantes d'hommes tapis dans l'ombre. Au milieu des têtes sans visage, deux papillons s'accouplent. Entre séduction et défense, attirance et répulsion, soumission et domination, Toyen représente les rapports ambigus qui s'établissent entre la femme, sur la défensive mais aussi séductrice prête à assouvir son désir, et l'homme prompt à surgir sur sa proie.

Victor Brauner
1903, Piatra Neamt - 1966, Paris
Congloméros
1945
Plâtre

Francis Picabia 
1879, Paris-1953, Paris 
Optophone II
1922-1925
Huile et ripolin sur toile
Donation Henry-Thomas en 1976
Destiné aux non-voyants, l'optophone est un appareil qui convertit les variations lumineuses en variations sonores. Dans la superposition d'une cible et de corps de femmes, accentuée par l'oeil, à la fois voyeur et témoin du jeu optique des cercles, Francis Picabia associe des formes abstraites à l'iconographie traditionnelle du nu - il reprendra en 1924, dans son film Relâche, le thème de l'éblouissement optique. L'artiste modifie cette œuvre achevée en 1922 en y effectuant, trois ans plus tard, des ajouts en rose et vert au Ripolin, peinture industrielle brillante qu'il expérimente alors.

Etienne Cournault
1891, Malzéville - 1948, Paris
Tête d'homme
1930
Huile sur toile

Max Ernst
1891, Brühl - 1976, Paris
Fleurs
vers 1929
Huile sur toile

Victor Brauner
1903, Piatra Neamt - 1966, Paris
Stéréofigure
1959
Huile sur toile

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome
Mélancolie hermétique
1919
Huile sur toile
AMVP 1888
Donation de Mathilde Amos en 1955
Mélancolie hermétique est l'un des derniers intérieurs métaphysiques peints à Ferrare pendant la guerre par Giorgio de Chirico. Le buste de l'Hermès Trismégiste- dieu, roi inventeur de toutes les sciences, mage et devin-, clin d'œil à Apollinaire qui a fait d'Hermès et Orphée ses figures créatives de référence, domine la configuration spatiale énigmatique du tableau : un plancher derrière lequel apparaît le dieu, entre une boîte contenant des biscuits du ghetto juif et un jeu de bois coloré. Hermès est à contre-jour et le spectateur, placé dans son champ de vision, semble comme une chose rangée au fond d'un placard. Ces compositions révèlent, selon Giovanni Papini (1919), «un étrange infini, peuplé de fantômes mécaniques et géométriques», «dans les lieux mêmes où notre vie insensée s'écoule».


Giorgio de Chirico (1888-1978)
Ces œuvres de Giorgio de Chirico appartiennent toutes aux dernières années de création de l'artiste. Habitées par une « inquiétante étrangeté », qui a nourri le surréalisme d'André Breton, elles présentent de vastes places désertes, des juxtapositions incongrues d'objets familiers, des architectures oppressantes, ou encore des mannequins orthopédiques aux visages ovales et vides comme dans Offrande à Jupiter.
Le peintre s'emploie à réitérer ses propres tableaux en rejouant ses premières toiles de jeunesse dans un dialogue ironique avec le passé. Cette pratique d'auto-plagiat comme celle consistant à antidater certaines toiles - apparaît comme un pied-de-nez aux impératifs d'innovation et d'originalité habituellement associés à l'art moderne. Chirico assume son extravagance et renchérit dans le second degré et l'auto-parodie. Ses tableaux plus tardifs révèlent le burlesque sous-jacent des tableaux antérieurs, tout en confortant le sens de l'absurde qui traverse l'ensemble de son œuvre.
Dans cette ultime réorchestration de ses thèmes, motifs et compositions, les toiles de Chirico des années 1960 et 1970 avancent une manière de peindre sensiblement différente, avec des couleurs vives, des traits épais et au style plus relâché qui n'est pas sans évoquer bande dessinée. Kitsch et souvent pleins d'ironie, ses tableaux affichent une insolente liberté et une part d'onirisme, comme Tête d'animal mystérieux, composée de monuments divers, qui rappelle que chaque individu porte avec lui son propre monde.
L'artiste contemporain anglais Malcolm Morley dialogue avec de Chirico en installant ses chevaliers aux allures de jouets sur le Palio improvisé de Place d'Italie. Il crée ainsi une puissante connexion entre leurs deux mondes. Ces chevaliers français et leurs apparences chamarrées, tout droits sortis de la bataille d'Azincourt (1415), rappellent l'histoire belliqueuse de l'Europe médiévale et rattachent l'artiste à ses racines anglaises.

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome
 Place d'Italie avec statue
Huile sur toile

Malcolm Morley
1931, Londres - 2018, New York
Piazza d'Italia with French Knights
 (Piazza d'Italia avec des chevaliers français)
2017
Huile sur toile

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome
 Composition métaphysique avec tête de Jupiter
vers 1970
Huile sur toile

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome 
Tête d'animal mystérieux
1975
Huile sur toile

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome
Combattants du Marathon
1971
Huile sur toile

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome
Intérieur métaphysique avec paysage, villa avec fontaine
1955
Huile sur toile

Giorgio de Chirico
1888, Volos-1978, Rome
Offrande à Jupiter
1971
Huile sur toile



Les Nouveaux Réalistes
Fondé en 1960 sous l'égide du critique Pierre Restany, le groupe des Nouveaux Réalistes réunit des individualités fortes ayant en commun de rejeter l'abstraction alors dominante et de chercher à « puiser une énergie neuve » dans le monde contemporain. Alors que s'impose la société de consommation, ils s'approprient les objets du quotidien pour procéder à un « recyclage poétique d'un réel urbain, industriel, publicitaire ». Les sculptures de Martial Raysse combinent ainsi des objets trouvés sur les étalages des magasins Prisunic. Les biens de consommation courante deviennent le matériau ou le sujet des œuvres de Gérard Deschamps et de Raymond Hains qui y puisent comme dans une palette de couleurs pour créer des œuvres insolites non dénuées d'humour et d'une grande force plastique.
De son côté, Arman procède à des accumulations », multipliant sur un même support des objets identiques produits à l'échelle industrielle. Le procédé de travail » impliqué dans la réalisation de ses œuvres se trouve, selon lui, « en corrélation avec les méthodes actuelles: automation, travail à la chaine et aussi mise aussi rebut en série ». l'abondance succède aux pénuries de l'après-guerre et que la France connait une phase de modernisation sans précédent, les Nouveaux Réalistes traduisent l'euphorie mais aussi les inquiétudes liées à ces bouleversements spectaculaires.
Également adepte de la stratégie de l'assemblage, dans ses « détrompe-l'oeil » Daniel Spoerri << piège >> des objets incongrus sur un support figuratif, orchestrant un étrange désordre qui provoque le malaise. Sous-jacente, la violence devient explicite chez Niki de Saint Phalle: dans Notre-Dame de Paris, des objets trouvés se trouvent collés et plâtrés pour former un tableau à la fois grotesque et terrifiant, par lequel l'artiste s'attaque aux institutions ancestrales d'une société étriquée, bourgeoise et patriarcale.
Au même moment, d'autres artistes non affiliées au mouvement s'emparent des mêmes techniques ou partagent le même contexte de création, comme Alix Rist, qui compose ses œuvres à partir de rebuts d'imprimerie, et Fausta Squatriti, qui réalise des sculptures colorées dans une veine qu'on pourrait qualifier de Pop, avec une connotation figurative et ludique, renvoyant à un univers touristique et à la consommation des loisirs.

Niki de Saint Phalle
1930, Neuilly-sur-Seine-2002, San Diego
Notre-Dame de Paris
1962
Bois, grillage, plâtre, colle, objets trouvés, jouets
AMVP 2582
Achat en 1987
Niki de Saint-Phalle est la seule membre féminin du groupe des Nouveaux Réalistes 

Détail de l'œuvre précédente 

Gérard Deschamps
1937, Lyon
Torchons et serviettes
1961
Textiles noués sur toile dans un cadre en bois et plexiglas
C'est avec Hains et Villeglé que Deschamps aborde l'aventure des Nouveaux Réalistes en 1961, année où il réalise Torchons et serviettes. Comme eux, il s'intéresse aux matériaux bruts tels qu'il les trouve dans l'espace urbain et dans tous les intérieurs modernes. Ce sont plutôt les tissus et les matières plastiques qui retiennent son attention, ainsi que les combinaisons possibles obtenues à partir de ces objets par collage, détournement, agrandissement ou en jouant sur les écarts de sens. Avec Torchons et serviettes, Deschamps agence ainsi des tissus colorés à la manière d'un «, citant à demi-mot l'expression française <

Alain Jacquet
1939, Neuilly-sur-Seine - 2008, New York
Le Déjeuner sur l'herbe
1964
Sérigraphie sur toile en quadrichromie

Paul-Armand Gette
1927, Lyon-2024, Lyon
La victoire ou Le bateau solaire
1964
Assemblage de caractères d'imprimerie en bois

Nomade land à l'abbaye de Pontigny en juillet 2025

De passage a Chablis, visite de cette exposition d'art contemporain de la Fondation Schneider L'abbaye Pontigny Je surveillerai mes ...