samedi 22 avril 2023

Surréalisme au féminin au musée Montmartre en avril 2023

Quelques beaux tableaux mais beaucoup de compositions ésotériques et de performances torturées, des commentaires alambiqués dans cette rétrospective...

Surréalisme au féminin?

<< Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. >> C'est ainsi qu'André Breton définit le surréalisme en 1924 dans son premier manifeste.
Provocateur et dynamique, le surréalisme déclencha au 20° siècle une renaissance esthétique et des bouleversements éthiques. De nombreuses femmes en furent des actrices majeures mais néanmoins mésestimées par les musées et minorées par le marché de l'art. Le surréalisme offrit à celles-ci un cadre d'expression et de créativité qui n'eut sans doute pas d'équivalent dans les autres mouvements d'avant-garde. Mais c'est souvent en s'appropriant et en étendant des thèmes initiés par les fondateurs du groupe (André Breton, Louis Aragon, Paul Éluard, Philippe Soupault, etc.) qu'elles exprimèrent leur liberté. C'est aussi en se dégageant de ce qui devint parfois une doxa surréaliste qu'elles s'affirmèrent.
Les pratiques de ces artistes et poètes, fréquemment interdisciplinaires - picturales, photographiques, sculpturales, cinématographiques, littéraires... - reflètent leur volonté de s'affranchir des genres artistiques conventionnels, des normes sexuelles et des frontières géographiques.
Conçue comme une hypothèse plutôt que comme une démonstration, cette exposition propose un inventaire non exhaustif d'une cinquantaine d'artistes et poètes dont les créations, datées des années 1930 aux années 2000, excédent la date de dissolution officielle du groupe surréaliste (1969). Cette sélection tente de cerner ce que fut la part féminine du surréalisme et se veut une invitation à poursuivre les recherches sur un sujet infiniment complexe et varié 

Mimi Parent (1924-2005) et Marcel Duchamp (1887-1968)
La Boîte alerte, 1959
Boîte verte en carton, en forme de boîte à lettre, contenant moult éléments, dont deux tabliers en toile fabriqués par Mimi Parent en copie des originaux de 1959, spécialement pour le propriétaire de la boîte


Constellations surréalistes
De l'émergence du mouvement surréaliste au début des années 1920 à sa dissolution à la fin des années 1960, les artistes et poètes féminines qui le fréquentent régulièrement ou ne croisent que rapidement ses membres fondateurs, forment des constellations plus ou moins éphémères, au gré d'amitiés nouées dans et hors de ce cadre. Ces complicités donnent lieu à des œuvres à quatre mains (Toyen et Meret Oppenheim), des portraits réciproques (Dora Maar et Lee Miller, Valentine Hugo et Lise Deharme, etc.) et des échanges épistolaires affectifs et intellectuels. En d'autres termes, s'esquissent ici les conditions qui rendent poreuses les frontières entre l'art et la vie, ambition primordiale du surréalisme.

Jacqueline Lamba (1910-1993) 
La Femme blonde, 1930
Huile sur bois
Collection Guy Ladrière Ancienne collection Charles Ratton

Dorothea Tanning (1910-2012) Un tableau très heureux, 1947
Huile sur toile


Rita Kernn-Larsen (1904-1998) La Promenade dangereuse, 1936

Marion Adnams (1898-1995) 
Medusa Grown Old, 1947
Huile sur panneau
RAW (Rediscovering Art by Women)
Grinçant et irrévérencieux portrait de Méduse, cette peinture est exemplaire de la primauté, dans la créativité surréaliste, du hasard et des rapprochements de réalités sans rapports apparents. Adnams transcrit l'image née d'un accident arrivé dans son atelier: elle fait un jour tomber une statuette africaine empruntée au musée de Derby sur un dessin d'un vieux chêne. Hybridation qui produit une Méduse africaine dont les cheveux de serpents ont fait place à des branches mortes, Gorgone âgée, comme le titre l'indique, mais dont la forme s'est dynamisée au contact de la puissance plastique de la statuaire extra-occidentale,

Rachel Baes (1912-1983)
 La Trame des ancêtres, 1962

Jane Graverol (1905-1984) Quelque chose du cœur, 1965 (?)
Jane Graverol (1905-1984)
Quelque chose du cœur pour Irène et Scut, 1965

Maria Martins (1894-1973)
Le Guerrier, après 1947
Une vigueur agressive émane de ce guerrier malgré la gracilité de sa silhouette-liane dont les membres allongés tranchent nettement dans l'espace qui l'entoure. On retrouve ici la pulsion vitaliste, L'indistinction entre l'humain et le végétal et les torsions que l'artiste brésilienne fait subir au bronze - son matériau préféré - qui caractérisent sa sculpture. Chez elle, L'inspiration surréaliste se nourrit de la
culture et des légendes amazoniennes.

Maria Martins (1894-1973)
Sans titre, vers 1948
Lithographie Collection Clo et Marcel Fleiss, Paris

Claude Cahun (1894-1954)
 Le Père, 1932

Claude Cahun (1894-1954)
Prends un petit bâton pointu, 1936

Aline Gagnaire (1911-1997) 
Soweto, sans date (1992?)
Tapisserie
Collection Hélène et Jehan Van Langhenhoven
La dimension politique de cette tapisserie - support modeste dont les lignes droites des carreaux contrastent avec le biomorphisme des êtres hybrides qui prolifèrent à sa surface - est affirmée par son titre et le mot qui s'y devine dans le bas. Gagnaire fait référence la libération, après 27 ans en prison, de Nelson Mandela. En intitulant cette œuvre du nom du township (quartier pauvre d'Afrique du Sud réservé aux non-Blancs pendant L'Apartheid) où il vécut jusqu'en 1962, elle se retourne sur l'histoire d'un pays miné par la ségrégation raciale. Les organismes auxquels elle donne vie, à l'identité indéterminée, seraient-ils comme une réponse à ce système politique, comble de la distinction et de la discrimination entre les individus.

Le surréalisme, la vie véritable 
Âgés d'une vingtaine d'années en 1914, des intellectuels et poètes, agitateurs << las de ce monde ancien » (Apollinaire) portent le projet d'une émancipation totale de l'homme. Fédérés autour de cette cause après le gouffre de la Première Guerre mondiale, Breton, Éluard ou encore Aragon, prônent une libération des corps et une exploration sans tabous de la pensée. Dans la continuité du romantisme du 19e siècle, ils sont convaincus de l'urgence de dépasser les oppositions constitutives de l'être humain déchiré entre le conscient et l'inconscient, l'objectivité et la subjectivité, le civilisé et le primitif. Selon Breton, << tout porte à croire qu'il existe un point de l'esprit d'où la vie et la mort, le réel et l'imaginaire, le passé et l'avenir, le haut et le bas, le communicable et l'incommunicable cesseront d'être perçus contradictoirement >>. (Second Manifeste du surréalisme, 1930)

Lee Miller (1907-1977)
Eileen Agar and "Golden Tooth" sculpture, Londres, Angleterre, 1937

Lee Miller (1907-1977)
Nusch Éluard, Golfe Juan, France, 1937

Lee Miller (1907-1977)
Dorothea Tanning in her studio,

Lee Miller (1907-1977)
 Leonora Carrington, 1939

Lee Miller (1907-1977)
Kay Sage, Woodbury, 
Connecticut, USA, 1946

Lee Miller (1907-1977)
Dora Maar,
Mougins, France, 1937

Lee Miller (1907-1977)
Valentine Penrose, Downshire Hill, Hampstead, Londres, Angleterre, 1942

Anonyme
Lee Miller sous la douche, sans date

Soirée d'adieu à New York des surréalistes chez Pierre Matisse, 20 novembre 1945
De gauche à droite, en arrière-plan: Roberto Matta, Yves Tanguy, Aimé Césaire, Henri Seyrig, André Breton, Denis de Rougemont, Nicolas Calas, Marcel Duchamp.
Au premier plan: Elisa Claro Breton, Suzanne Césaire, Sonia Sekula, Jackie Matisse, Patricia Kane Matisse, Teeny » Matisse, Elena Calas

Ithell Colquhoun (1906-1988) La cathédrale anglaise, 1952
Huile sur toile
RAW (Redécouvrir l'art par les femmes)
Les pratiques occultistes et alchimiques mènent Ithell Colquhoun vers des références druidiques et des ordres maçonniques. Cela explique-t-il ce paysage insulaire dont un alignement de menhirs suggérant le signe de l'infini, évoque le site néolithique de Stonehenge qui fut occupé longtemps par les druides ? Bien qu'éloignée assez tôt du groupe surréaliste anglais, Colquhoun continue d'échanger avec André Breton dans Les années 1950, ce dernier partageant avec elle. à l'époque, des intérêts communs (magie, tarot. ésotérisme, astrologie, culture celte) à travers la quête du point supreme extase poetike engendrant une harmonie qui abolit les antagonismes imposés par la raison.

Edith Rimmington (1902-1986) Collectors of Spare Time, 1947
Crayon, plume, encre et aquarelle sur papier
Collection particulière


Dans la nature
Le surréalisme, parallèlement aux tendances plastiques qui dominent le début du 20° siècle - cubisme, Dada, abstraction constructiviste et néo-plastique - se retourne sur l'un des grands sujets de la peinture, le paysage. En cela, il continue l'une des préoccupations majeures des peintres de la Renaissance qui contribue à l'Humanisme: inscrire le corps humain dans la nature. De nombreuses femmes artistes surréalistes s'emparent de ce genre pictural, empruntent à la mythologie, pour réfléchir à ce qui est devenu un poncif philosophique, poétique et pictural: la fusion de la féminité et de la nature. Elles investissent ce motif en le modernisant.
L'audacieux Autumnal Equinox d'lthell Colquhoun est de ce point de vue exemplaire en fusionnant croissance végétale et surgissement d'une silhouette féminine. Outre ce devenir-végétal (Valentine Penrose, Rita Kernn-Larsen, Lise Deharme), certaines peintres évoquent des espaces minéraux énigmatiques. Colquhoun rêve un site archéologique mêlant une double référence insulaire et sacrée (Stonehenge) tandis que Marion Adnams installe un menhir à l'équilibre mystérieux parmi des fossiles-<< chandelles >>. À l'inverse de ces paysages désertiques, les signes de rotondité chez Elsa Thoresen et Grace Pailthorpe restaurent des symboles de fertilité.

Edith Rimmington (1902-1986) Collectors of Spare Time, 1947

Lee Miller (1907-1977)
Unknown woman, holding drift wood, Mougins, France, 1937

Rita Kernn-Larsen (1904-1998)
 Le Rêve, 1930-1939

Paule Vézelay (1892-1984)
Paysage, Three Horses, 1929

Jane Graverol (1905-1984)
 Les Hautes Herbes, 1946

Mimi Parent (1924-2005)
 La Fécondation des fleurs, 2002

Ithell Colquhoun (1906-1988)
Autumnal Equinox, 1948

Grace Pailthorpe (1883-1971) 
Dream of Giving Birth to an Egg, 
2 octobre 1937
En défendant la thèse selon laquelle psychanalyse et surréalisme ont le même but - la libération de l'homme - Grace Pailthorpe s'aliène ses pairs surréalistes. Avec Reuben Mednikoff, elle invente le mot-valise « psychoréalisme », à partir de ces deux termes, pour désigner sa pratique qu'elle voit comme artistique autant que scientifique. Les motifs biomorphiques - évoquant l'oeuf, le foetus et le spermatozoïde - abondent dans sa peinture marquée par une plasticité colorée qui engendre des environnements intra-utérins autant que des paysages abstraits. Elle revendique la dimension enfantine de la peinture surréaliste, marque de libération selon elle

Grace Pailthorpe (1883-1971)
24 février 1942

Elsa Thoresen (1906-1994)
 Terre brûlée (Scorched Earth), 1946

Marion Adnams (1898-1995)
A Candle of Understanding in Thine Heart, 1964


Féminités plurielles
Ces artistes et ces poètes s'emparent des clichés érotiques à travers lesquels le regard masculin sublime et soumet le corps féminin, subvertissant l'idéalisation surréaliste de la femme-muse. Elles ne cessent d'interroger leurs identités en multipliant les jeux de masques (Diana Brinton-Lee, Claude Cahun), en parodiant les codes de la séduction féminine (Mimi Parent, Jane Graverol) ou en se livrant aux incertitudes végétales et animales de la métamorphose (Leonora Carrington, Suzanne Van Damme, Mimi Parent, Meret Oppenheim). Certaines détournent avec humour les rites fétichistes et l'obsession voyeuriste en dévoyant l'ordre domestique par l'emprunt d'accessoires communs (gant, fouet, miroir, broderie). La revendication du plaisir, les fantasmes d'androgynie, l'homosexualité et la critique de la vie conjugale sont autant d'expressions de leur soif d'indépendance.

Valentine Hugo (1887-1968)
 Le Toucan, 27 janvier 1937

1. Myriam Bat-Yosef (1931)
 Déméter, 1985
Sculpture peinte en deux parties: tête surmontée d'une pelle Bois, fer, liège, peinture acrylique 
Musée d'art moderne de Paris
Depuis 1964, Myriam Bat-Yosef recouvre de peinture des objets du quotidien (piano, râteau, miroir, chaussures ou tabourets dont certains sont parfois utilisés dans ses performances) qu'elle détourne comme autant de parodies de readymade. Ses couleurs bigarrées donnent une présence étrange à des sculptures-créatures hybrides qui se jouent de binarités rigides - masculin/féminin, animé/inanimé - confirmant qu'elle est influencée par le principe de résolution des antagonismes chers au surréalisme comme par la recherche d'équilibre entre le Yin et le Yang prônée par la philosophie taoïste.

Suzanne Van Damme (1901-1986)
Couple d'oiseaux anthropomorphes, 1946
Huile sur panneau

Meret Oppenheim (1913-1985) Guéridon Traccia, 1936-1971

Mimi Parent (1924-2005)
 Sans titre, 1960-1970
Broderie sur tissu
 Collection Mony Vibescu
L'iconographie de cette œuvre reprend un des thèmes familiers des rêveries surréalistes: l'oiseau et la femme. Mais les artistes femmes telles que Mimi Parent (mais aussi, dans l'exposition, Valentine Hugo, Jane Graverol, Dorothea Tanning, Meret Oppenheim Suzanne Van Damme), renforcent une symbolique érotique dont des fictions mythologiques - Léda et le Cygne, les sirènes de la culture grecque, la déesse polynésienne Hina - ont fourni des modèles. Mimi Parent ajoute ici le cliché de « l'ouvrage de dame » (la broderie), perturbant ainsi la distance entre la noblesse d'un thème récurrent dans l'histoire de l'art et la soumission domestique féminine.

Mimi Parent (1924-2005) 
Sans titre, 1970

Dorothea Tanning (1910-2012) 
Femme dans une plume, 1965

Dorothea Tanning (1910-2012)
 Paysage agité, 1950-1960 (?)
Encre, fusain et aquarelle sur papier Collection Mony Vibescu
C'est le titre de cette œuvre qui oriente le regard et l'interprétation. On pense d'emblée à la surface d'une eau dormante dont l'agrandissement dessiné révèle des insectes arachnéens, des brindilles fragiles, d'imperceptibles vibrations dont l'aquarelle traduit idéalement la référence à un milieu aquatique. Cette feuille exceptionnelle dans l'oeuvre de Dorothea Tanning restitue une élégante et intense songerie née de l'insistance du regard que pose l'artiste sur le réel et qui donne accès à son agitation intérieure. N'est-ce pas ce que d'autres cherchent dans les bois flottants ou les agates ramassées dans les lits des cours d'eau ?
Mimi Parent (1924-2005) 
Léda, 1997
Assemblage de matériaux mixtes, boîte sous verre
Collection Mony Vibescu
Ici Mimi Parent fait sien un geste dont de nombreux surréalistes, de Man Ray à Breton et sa dernière femme Elisa ou Josette Exandier, se sont emparés pour créer des boîtes dont Marcel Duchamp et Joseph Cornell furent aussi de brillants inventeurs. Ce dispositif plastique, fondé sur L'intégration d'objets usuels et de matières insolites. est une réjouissante mise en œuvre du principe de juxtapositions hétérogènes inhérent à la pensée surréaliste. Décloisonnant les genres et brouillant Les lignes entre bi et tridimensionnalité, la boîte fait naître un petit monde dont le fonctionnement poétique est à la mesure de l'originalité de ses assemblages. Des références littéraires et mythologiques donnent
parfois une dimension narrative à celles de Parent dont le goût de la mise en scène se prolonge dans la minutie des décors peints.

Détail du tableau précédent 

Claude Cahun (1894-1954)
Entre nous, 1926-1934
Épreuves gélatino-argentiques d'époque Collection Soizic Audouard
Claude Cahun est célèbre pour la multiplication de ses autoportraits aux traits infiniment variés.
Cette expérimentation de la métamorphose s'étend au-delà de l'écran de son seul visage et exprime son tourment identitaire. En montrant la nature fatalement éphémère des apparences du monde en son entier, elle s'inscrit dans cette même veine et utilise la photographie pour traduire la friabilité de la matière, l'abandon indifférent des objets, la relativité des promesses menacées par la désagrégation de la matière réduite au sable informe.

Entre Nous (variante)

Entre Nous (variante)

Dora Maar (1907-1997)
 Les Yeux, vers 1932-1935

Mary Low (1912-2007)
 La chasse à l'œil, 1998

Mimi Parent (1924-2005)
Le pli des draps. Le puits des bras. Le bruit des pas, 1979

Anne Éthuin (1921-2009)
 Sans titre (de la série des objets habillés »), 1992
Chez Anne Éthuin, le collage se propage à la surface d'objets, reflétant l'absence de hiérarchies entre les genres inhérente à la pratique de nombreuses artistes surréalistes.
Ce flacon précieux et pourtant modeste, que le lieu commun renvoie à un imaginaire de la féminité et de ses apprêts, est détourné par de délicates interventions, Éthuin retravaillant ses collages revêtus et objets habillés à la peinture. Ici, elle juxtapose et emprunte des figures à la peinture primitive flamande, notamment au célèbre triptyque Le Jardin des délices (vers 1503-4) de Jérôme Bosch.

Mimi Parent (1924-2005)
 Zéro de conduite, 1980
Poupée et gants peints assemblés dans une boîte peinte sous verre
Collection Mony Vibescu

Détail de la poupée 

Valentine Dobrée (1894-1974)
Black Gloves, vers 1930

Mimi Parent (1924-2005)
Sans titre, 1965

Eileen Agar (1899-1991) 
The Butterfly Bride, 1938

Jane Graverol (1905-1984)
 Le Sacre du printemps, 1960

Rachel Baes (1912-1983)
La Première Leçon, 1951

Rachel Baes (1912-1983)
Sans titre (Princesse à la longue chevelure), 1952

Jane Graverol (1905-1984) 
Les Derniers Plaisirs, vers 1950

Leonor Fini (1907-1996)
 Sans titre (L'homme entre deux âges et ses deux maîtresses), 1961

Mimi Parent (1924-2005) 
Maîtresse, 1995

Dora Maar (1907-1997)
Sans titre (Main et miroir), vers 1934

Diana Brinton-Lee (1897-1982) Autoportrait, vers 1925

Marion Adnams (1898-1995)
 Emperor Moths/Thunder, 1963

Valentine Hugo (1887-1968)
Sans titre (pour un poème de Pierre Seghers), 1945

Josette Exandier (1944-2008)
 La Caresse, 1999

Josette Exandier (1944-2008)
 La très chère était nue, 1995 (?)

Claude Cahun (1894-1954)
 La Chevelure, 1936

Claude Cahun (1894-1954) 
Autoportrait avec Marcel Moore 
et un chat, 1930

Les surréalistes & Montmartre
Indissociable de l'histoire du surréalisme, Montmartre est un quartier que les surréalistes arpentent, habitent et rêvent: un espace de fantasmes - nourris par ses nombreux cabarets et de divertissements populaires, un lieu de réunions, de rencontres, de ralliements ou d'exclusions...
Sur la colline, nombreux sont les lieux que les artistes surréalistes fréquentent.
Citons quelques exemples emblématiques: Le Cyrano au 82, boulevard de Clichy, est l'un des cafés assidûment fréquentés par Breton et ses proches; au 10, rue Tholozé, le Studio 28 - première salle de cinéma d'art et d'essai du monde - accueille en avant- première en 1930 la projection de L'Age d'or de Luis Buñuel et Salvador Dalí, immédiatement suivi d'un scandale puis censuré, et ce jusqu'en 1981. Certains membres du groupe s'installent également sur la butte, notamment André Breton, qui occupe un atelier au 42 rue Fontaine dès 1922 et jusqu'à sa mort, ou encore le poète Pierre Reverdy, directeur de la revue d'avant-garde Nord-Sud et éditeur des premiers textes d'Aragon, de Breton, de Soupault et de Tzara, qui loge au 12, rue Cortot, aujourd'hui le Musée de Montmartre Jardins Renoir.
Pour certaines femmes artistes surréalistes, Montmartre est un passage obligé, la toile de fond de leur quotidien et de leur imagination. Au début des années 1930, Jacqueline Lamba se produit tous les soirs au Coliseum, rue Rochechouart, où elle "danse" nue dans un aquarium.
En 1934, c'est au Cyrano qu'elle rencontre André Breton. En 1947, Toyen choisit d'habiter rue Fontaine lorsqu'elle arrive de Tchécoslovaquie. Dans les années 1950, c'est au tour d'Isabelle Waldberg de prendre un atelier au 44, rue d'Orsel.
Si le lien avec Montmartre qu'entretiennent les femmes artistes influencées par le surréalisme fluctue au cours des années, le quartier reste un point de repère pour elles dont la géographie de leur existence est fréquemment plus éclatée que celle des surréalistes masculins.
Affirmer leur indépendance revient souvent pour elles à s'éloigner, au sens propre et figuré, d'un noyau parisien placé sous l'autorité de Breton

Hélène Vanel
1898-1989
Danses, performances et objet éphémères 
Hélène Vanel est formée à Londres dans les années 1920 par une pionnière de la danse moderne avant d'enseigner la danse à son tour. Elle réalise une performance, L'acte manqué, lors du vernissage de l'Exposition internationale du surréalisme le 17 janvier 1938 à Paris. Proto-happening en trois parties et réflexion sur l'hystérie, son intervention la voit se contorsionner nue sur un lit, danser le corps couvert de sparadraps un coq vivant à la main et enfin multiplier, comme en proie à des symptômes hystériques, hurlements, grimaces et contractions de son corps enveloppé d'une chemise de nuit. Paroxysme que des rares photos documentent. Connue pour réaliser des masques Vanel écrivait et peignait également.

Sheila Legge
1911-1949
Habillée d'une robe de mariée, la tête couverte de roses, Sheila Legge incarne "le fantôme du sex-appeal" - selon une mise en scène peut-être inspirée par Salvador Dalí - pendant une performance qui marque le lancement de l'Exposition internationale du surréalisme aux Burlington Galleries le 11 juin 1936. Apparition énigmatique, Legge arpente Trafalgar Square avant de parcourir l'exposition avec une jambe artificielle dans une main, et sans doute - les comptes rendus divergent - une côtelette de porc dans l'autre. Sa présence sur la photo du comité d'organisation de l'événement confirme un rôle plus actif que ce que l'histoire a retenu. Elle publie la même année un texte dans la revue surréaliste Contemporary Poetry and Prose. 

Sonia Mossé
1917-1943
Fascinante personnalité, d'une grande liberté, Sonia Mossé a de multiples facettes: artiste, décoratrice, dessinatrice de bijoux pour Hermès, modèle de Giacometti, Balthus et d'André Derain, elle est photographiée par Man Ray, Dora Maar et Wols. Actrice, elle joue dans une pièce montée par Jean-Louis Barrault. Proche d'Antonin Artaud, de Robert Desnos, de Paul et Nusch Éluard, parmi tant d'autres, elle gravite dans plusieurs cercles artistiques. Elle est la seule femme à concevoir un mannequin lors de l'Exposition internationale du surréalisme à Paris en 1938. Juive, elle refuse de porter l'étoile jaune. Victime d'une dénonciation, elle est déportée et meurt à Sobibor en 1943. Un de ses dessins est conservé au Centre Pompidou (Trois femmes, 1937).

Xenia Cage, 
Table pour un échiquier réalisé par Max Ernst, 1944
Née à Juneau d'un père russe et d'une mère d'origine Tlingit (population autochtone du sud-est de l'Alaska), Xenia Kashevaroff est une sculpteure dont les œuvres ont à priori toutes disparu. Ses mobiles en balsa et papiers de riz sont montrés à New York, chez Peggy Guggenheim dans l'«< Exhibition by 31 Women » de 1943, à la Julian Levy Gallery et en 1947-1948 à l'Art Institute de Chicago aux côtés, entre autres, de Kay Sage et Dorothea Tanning dans une exposition sur l'art surréaliste et abstrait américain. Épouse de John Cage entre 1935 et 1945, Xenia participe à certains de ses concerts et dessine des costumes pour Jean Erdman qui danse sur la musique de ce dernier. Amie de Joseph Cornell, apparaissant dans le cinéma de Maya Deren, elle met ses talents de relieuse au service de la fabrication de La-boîte-en-valise de Marcel Duchamp et conçoit une table pour un échiquier dessiné par Max Ernst en 1944.

Xenia Kashevaroff Cage
1913-1995

Chimères
Si la réappropriation des armes de la séduction est un moyen d'affirmation pour ces femmes, elles éprouvent le besoin d'aller plus loin, de recourir à une sauvagerie et une force qui leur permettent de résister aux normes de la civilisation occidentale (Judit Reigl, Suzanne Van Damme). Les métamorphoses deviennent des chimères chargées de violence. Les êtres composites qui peuplent leurs œuvres suscitent l'inquiétude sinon l'épouvante, et traduisent une agressivité à l'égard du monde et de ses représentations rassurantes dominées par la stylisation académique (Leonor Fini, Jane Graverol, Valentine Hugo, Leonora Carrington). La cruauté qui en émane témoigne d'une révolte - un des moteurs de leurs vocations artistiques et littéraires -, contre tout ce qui érode les pouvoirs de l'imagination (Josette Exandier, Joyce Mansour).

Valentine Hugo (1887-1968)
Le Rêve du 21 décembre 1929

Lee Miller (1907-1977)
Self-portrait with Sphinxes, Vogue Studio, Londres, 1940

Anonyme
Portrait d'Hélène Vanel, sans date

Anonyme
Portrait d'Hélène Vanel. sans date

Mimi Parent (1924-2005)
L'Hippocampe, 1980

Détail du tableau précédent 

Josette Exandier (1944-2008)
La Divination, vers 1990
Assemblage de matériaux mixtes (mains et yeux de poupée, corail, jouet) Collection Mony Vibescu
Josette Exandier compose en réunissant des objets fréquemment chinés aux marchés aux puces, des restes de la consommation promis à la destruction ou des éléments abandonnés de la production en série. Lorsque le hasard notion clé qui programme la créativité de cette mystérieuse et farouche artiste - lui offre la trouvaille de plusieurs exemplaires d'un même objet, elle se livre à des assemblages dont l'apparence décorative n'est que le leurre probable de sa mélancolie non dépourvue parfois d'une dimension funéraire. Une poésie onirique et une attirance pour l'art magique donnent aux compositions d'Exandier d'impressionnants effets d'étrangeté familière freudienne.

Josette Exandier (1944-2008)
Sans titre, 1976
Boîte, assemblage 
Collection Clo et Marcel Fleiss, Paris

Joyce Mansour (1928-1986)
Objet méchant, 1975-1980
Geste de détournement typiquement surréaliste, Mansour crée des sculptures hérissées de pointes à partir d'un objet pauvre - le clou. Elle exprime ainsi le même humour corrosif et la même cruauté sadique que dans son écriture hantée par l'angoisse de la mort. Chez celle qui intitule un de ses recueils de poèmes Déchirures en 1955, l'imaginaire de la blessure est indissociable d'un érotisme féroce qui résonne dans cette assertion implacable: << le sexe ressemble beaucoup à la guerre » (Les gisants satisfaits, 1958). Complémentaire de son lyrisme tragique, l'humour noir dont témoignent ses objets méchants, reflète l'irrévérence surréaliste de son être et de sa pratique littéraire.

Leonora Carrington (1917-2011)
Sans titre, vers 1929

Suzanne Van Damme (1901-1986) Composition surréaliste, vers 1946

Judit Reigl (1923-2020)
Ils ont soif insatiable de l'infini, 1950
Reigl offre ce tableau au titre emprunté aux Chants de Maldoror de Lautréamont, à André Breton qui écrit: "Je n'aurais jamais cru que cette parole de Lautréamont pût trouver image à sa hauteur, et j'ai été bouleversé de son adéquation totale à celle-ci, qui s'est jetée à ma tête quand j'entrais chez vous." (Lettre à Judit Reigl, 5 juillet 1954). La peinture est exposée en 1954 à la galerie surréaliste À L'Étoile scellée.
Reigl la peint l'année de sa fuite de Hongrie, alors sous le joug communiste, donnant à voir des chiens aboyant dans la nuit, décrits par Lautréamont comme ayant "soif insatiable de l'infini, comme toi, comme moi, comme le reste des humains à la figure pâle et longue." (Les Chants de Maldoror, 1869)

Toyen (1902-1980)
Sans titre, 1933

Hélène Vanel (1898-1989) 
Cathédrale consumée, sans date (?)
Peinture acrylique ou à l'huile Fondation des Artistes, Paris, INV. 816
<< Je naquis dans les flammes ou presque.... L'appartement où nous habitions rue d'Arquebuse, était en face de l'hôpital qui brûlait. Les hautes flammes se reflétaient dans une grande glace qui se trouvait directement en face du lit où ma mère me donnait naissance. Elle jura qu'elle ne recommencerait pas une expérience qui avait été si hallucinante.
Tout le long de mon enfance, je fus en proie à l'image de l'incendie. Les cloches de notre << cathédrale » sonnaient le TOCSIN au milieu de la nuit. >> (Jessica Warboys, Vanelephant, 2012. livre d'artiste basé sur les mémoires inachevées d'Hélène Vanel)

Constructions
Prolongements de l'imagination sans limites de ces artistes, contrepoints aux continents du rêve, des constructions tridimensionnelles et fantastiques donnent l'occasion à certaines artistes d'expérimenter avec les frontières poreuses entre architecture et sculpture, jusqu'à l'abstraction parfois (Paule Vézelay). C'est l'opportunité pour certaines, comme Kay Sage, de se jouer des illusions spatiales. Franciska Clausen s'amuse en composant un espace dont le réalisme perspectif rigoureux est dérangé par la présence incongrue d'une échelle qui ne mène nulle part et d'une table qui ne se soumet pas aux lois de la perspective. Selon Camille Morando, << tout en recherchant la forme la plus aboutie, la forme la plus désenchantée de l'apparence et dénuée de superficialité, Isabelle Waldberg invente des métamorphoses qui deviennent l'incarnation de la démesure, où le jeu de l'attraction et de la répulsion s'opère intrinsèquement au sein même de la sculpture ».

Franciska Clausen (1899-1986)
Stigen, 1922
Huile sur panneau
SMK-National Gallery of Denmark Statens Museum for Kunst, Copenhague, DEP611

Jane Graverol (1905-1984)
Sans titre, sans date
Huile sur panneau Collection particulière

Kay Sage (1898-1963) 
Magic Lantern, 1947
Huile sur toile
Don de Madame Alice Mayoux en 2018 Centre Pompidou, Paris, Musée national d'art m Centre de création industrielle

Isabelle Waldberg (1911-1990)
La Vague, 1964
Plâtre peint
 Collection Soizic Audouard

Isabelle Waldberg (1911-1990)
Palais Rose, 1963
Tirage en bronze d'un plâtre patiné Collection privée - Courtesy Galerie Berthet-Aittouarès
Ce Palais, comme tant d'autres constructions d'Isabelle Waldberg, conserve les traces de l'influence d'Alberto Giacometti. Elle visite son atelier en 1936 et ne cache pas le choc qu'elle ressent à la vision du Palais à quatre heures du matin de 1932 dont elle BIOG retient les stupéfiantes incertitudes visuelles entre les << pleins >> et les << vides ». Elle découvre également « comment la sculpture comme l'architecture créent de l'espace en cloisonnant le vide.

Anne Éthuin (1921-2009)
 Sans titre, 1985

Paule Vézelay (1892-1984)
Lines in Space n°42 (One White Plastic and One Copper Line in Space on White), 1964

Paule Vézelay (1892-1984)
Line in Space n°24, 1953
Boîte-construction composée de câbles et de fils de laine RAW (Rediscovering Art by Women

Dorothea Tanning (1910-2012) Halloween en noir, 1954

Unica Zürn (1916-1970)
 Le Château d'Eros, 1956

Bona (1926-2000)
Paysage aux deux insectes, 
années 1970
C'est une tradition reprise à des courants anciens de la peinture italienne et particulièrement à celle maniériste, d'Arcimboldo que Bona met en œuvre. Il s'agit de concevoir des "double-images", facéties visuelles, "dépravations" pour reprendre le mot (bienvenu ici) de Jurgis Baltrusaitis. Ainsi, dans cette image, selon la volonté du regardeur, un paysage de falaises s'impose d'abord Puis le regard patient peut deviner au premier plan un organe sexuel masculin et au sommet du dédale une figure féminine dénudée dont seules Les antennes rappellent la nature d'un insecte qu'évoque le titre de l'oeuvre. Il semble que celui-ci se tienne en embuscade en haut de ce canyon.

Kay Sage (1898-1963) 
Sans titre, 1954

Emila Medková (1928-1985)
Vodopád vlasů (Cascade de cheveux)
 1950

Emila Medková (1928-1985)
Křik (Cri), 1963

Aube Elléouët (1935) 
La Vénus Quinipilly, 1996

Aube Elléouët (1935) 
Bilboquet, 2005

Eileen Agar (1899-1991)
Witch Doctor, 1938

Unica Zürn (1916-1970)
 Sans titre, 1965
Le destin tragique d'Unica Zürn - ses nombreux internements en hôpital psychiatrique, à Sainte-Anne notamment au début des années 1960, puis son suicide - colore immanquablement la réception de ses fantasmagories graphiques. Mais n'y voir que le reflet de sa fragilité psychologique serait réducteur. Ses créatures monstrueuses et ciselées, ses arabesques grouillantes qui s'enchevêtrent à l'infini dans une vertigineuse minutie sont également l'expression d'une exploration inlassable de son médium et d'une maîtrise du trait qui la dotent d'une << lucidité» plastique d'autant plus douloureusement tranchante lorsque mise au service de la dissection de ses abîmes intérieurs.

Au-delà de la figuration
"Nomades du langage, des images et des désirs, les femmes surréalistes sont peut-être ailleurs" note Marie-Claire Barnet (Les femmes cent sexes ou les genres communicants, Peter Lang, 1998). Ailleurs jusque dans la tendance à l'abstraction qui s'affirme chez certaines, d'autant plus remarquable par rapport aux oppositions de principe de certains fondateurs du surréalisme peu enclins à se détacher de la figuration. Faut-il envisager l'abstraction comme une << méthode >>, pour ces artistes, au même titre que la métamorphose? Comme une manière de rester changeantes, de ne pas avoir à adhérer à elles-mêmes et au réel? Yahne Le Toumelin et Marcelle Loubchansky sont parmi celles qui ont franchi le plus résolument le pas hors de la vraisemblance figurative. Meret Oppenheim s'arrache à la dépendance de l'objet à laquelle on l'a souvent réduite pour expérimenter avec la suspension de formes géométriques associées au collage. À l'inverse, Bona continue d'articuler la figure humaine et la schématisation géométrique. Les parcours de Jacqueline Lamba et de Toyen sont faits d'alternances. Lamba passe d'un onirisme symboliste à une abstraction atmosphérique sans ignorer dans les années 1940 les solutions de la décomposition constructiviste. Si des éléments précurseurs de l'abstraction marquent les débuts de Toyen, l'essentiel de son œuvre est dédié à des formes de réalisme magique. Mais son audace expérimentale l'entraine fréquemment, à partir des années 1950, vers des dissolutions informelles. Pour beaucoup, le surréalisme constitue, sans doute, une étape vers l'abstraction. Eileen Agar ne dit-elle pas que ces deux pôles sont ceux qui ont le plus compté: «je n'y vois rien d'incompatible [...] nous marchons tous sur deux jambes, et pour moi l'une est abstraite, l'autre surréaliste - c'est le point et le contrepoint >> ?

Jacqueline Lamba (1910-1993)
 Sans titre, 1948
Si les œuvres de jeunesse de Jacqueline Lamba sont marquées par le symbolisme (La Femme blonde.
1930, exposée dans la première salle), son style évolue une fois qu'elle revient à la peinture en 1941. Lors de son séjour aux États-Unis. Ses recherches picturales, qui résonnent notamment avec celles de Roberto Matta et d'Oscar Dominguez, combinent automatisme et abstraction dans le déploiement d'un cosmos géométrisé où la lumière, un de ses sujets de prédilection, se << cristallise » et engendre une subtile palette colorée, traversée peut-être par le souvenir des paysages d'Amérique du Nord Dans une note. Lamba écrit  "1948: ne peins plus surréaliste" (Archive Eltéquet), signe des ruptures -elle détruit plusieurs fois ses oeuvres-qui jalonnent une pratique caractérisée par de nombreux renouvellements formels.

Aline Gagnaire (1911–1997)
Vivre (de la série des Transparents), 1995

Bona (1926-2000) 
Sans titre, 1955
Ce tableau est chargé de l'humour dont Bona savait si bien faire preuve parfois. Les personnages (masculins) sont réduits à des marionnettes animées par un engrenage de poulies qui peut laisser supposer une influence tardive de Francis Picabia. Il recourt, dans les années 1920, à une imagerie de corps suspendus ou emportés dans des spirales abstraites (Optophone I et II). Si cette œuvre trouve sa place parmi les tendances abstraites des années 1950, c'est à ses disques colorés et à cette flèche qui surgit qu'elle le doit. Exemplairement, s'illustrent ici les tensions qui sont alors au centre des débats qui traversent la sensibilité surréaliste entre figuration et abstraction.

Marianne Van Hirtum
(1935-1988) 
Sans titre, 1971
Bien que Marianne Van Hirtum ne tienne pas en sympathie l'activité de peintre - elle dessine et écrit de la poésie plus volontiers - ce tableau est d'une singulière élégance. Elle y représente une planche banale dont la surface est entamée par deux orifices qui lui confèrent une fonction mystérieuse. Cette œuvre reflète les qualités de chineuse de Marianne Van Hirtum, de cueilleuse d'objets jetés, d'herboriste de choses abandonnées et dont la vocation est oubliée. Cette planche ordinaire et intrigante à la fois, est anoblie telle une stèle votive qui recueillerait les offrandes (fleur et bijoux) d'un peuple lointain de notre Occident consommateur et destructeur.

Marcelle Loubchansky (1917-1988)
Composition abstraite, vers 1965

Mary Wykeham (1909-1996)
 Prism Head, 1945

Marianne Van Hirtum (1935-1988)
Totem, 1978

Toyen (1902-1980)
 En proie à leurs regards, 1957
Cette œuvre est exposée à la galerie Furstenberg en 1958 avec un ensemble de sept toiles réunies sous le titre « Les sept épées hors du fourreau >> emprunté au poème d'Apollinaire « Les sept épées » (Alcools, 1913). Si ne s'y devinent pas, comme dans cette série, des silhouettes féminines, la même
préciosité chromatique y matérialise, dans l'abstraction contrariée de trainées qui évoquent stalactites, stalagmites ou échassiers. L'insaisissable même, le phénomène de l'apparition. Celle qui refusait le qualificatif de peintre pour lui préférer celui de poète, y donne à voir le mystère de l'émergence des formes, menant aux confins du visible déchiré par le regard qu'il pose sur nous

Yahne Le Toumelin (1923)
La Navigation de Braun, 1955-1960 (?)

Meret Oppenheim (1913-1985)
Personnage sous astre rouge, 1967

L&#39;âge atomique, les artistes à l&#39;épreuve de l&#39;histoire au MAM en décembre 2024

Impressionnante exposition du MAM sur les horreurs découlant de la découverte du pouvoir destructeur de l'atome dont voici la présentati...