dimanche 29 janvier 2023

L'encre en mouvement au musée Cernuschi en janvier 2023


Une intéressante exposition bien documentée dont voici la présentation et la plupart des œuvres :

De la fin de l'Empire à la Seconde Guerre mondiale, de la révolution de 1949 à l'ouverture des années 1980, la Chine du xxe siècle est le théâtre de profondes mutations. La peinture chinoise, en phase avec ces changements, est elle aussi en mouvement. Définie depuis des siècles par l'usage de l'encre, elle se réinvente au contact de techniques nouvelles mais aussi grâce à la redécouverte de son propre passé.
Le voyage des artistes joue un rôle moteur dans ce renouvellement. Si les destinations évoluent d'une génération à l'autre, les échanges s'étendent de l'Asie à l'Europe et à l'Amérique. La peinture à l'encre est profondément marquée par ce dialogue interculturel. Tout au long du siècle, elle est au centre des débats théoriques, qu'il s'agisse de la définition d'une peinture nationale, de la question du réalisme ou de l'abstraction.
L'histoire de la peinture chinoise que nous présentons se confond avec celle de la collection moderne et contemporaine du musée Cernuschi. Constituée à partir des années 1950 et régulièrement enrichie, cette collection est l'une des rares en Europe à comprendre aussi bien des œuvres de peintres actifs en Chine que des créations des artistes de la diaspora.
Parallèlement aux œuvres du musée, cette exposition est ponctuée d'archives filmées qui présentent les enjeux proprement gestuels de la peinture à l'encre, depuis les démonstrations virtuoses des maîtres jusqu'aux performances qui remettent en cause les rapports classiques de l'encre, du papier et du pinceau. Ces films rares donnent à voir l'encre en mouvement.



Écritures anciennes et peinture moderne au début du XXe siècle
E n Chine, le xxe siècle commence véritablement avec la fin de l'empire et l'avènement de la république, en 1912. Pourtant les symptômes de la fin du système impérial étaient visibles depuis la première guerre de l'opium (1839-1842) et la révolte des Taiping (1851-1864). Du point de vue culturel, le signe le plus remarquable de la modernité naissante est l'apparition d'un nouveau rapport à la langue et à l'écriture, qui va générer un complet renouvellement de l'art calligraphique et pictural.
L'intérêt grandissant des intellectuels pour les inscriptions anciennes s'inscrit dans une approche critique des textes classiques, fondements de la culture des lettrés fonctionnaires. Ces recherches nourrissent le goût pour les graphies archaïques, figurant sur les vases rituels et les stèles. Ainsi, un réformateur politique de premier plan comme Kang Youwei (1858-1927) forge son style calligraphique en se détournant des élégants modèles classiques, pour adopter le style rugueux et énergique des stèles antiques.

Kang Youwei - 康有為 (1858-1927)
Souvenir de la dame Qiao - Réminiscence de la Falaise rouge
Années 1920
Encre sur papier
Ink on paper M.C. 8954. Don Georges Lecomte, 1947
Kang Youwei est une figure politique majeure de l'histoire de la Chine moderne. Fervent défenseur de la voie réformatrice, il prend brièvement part au gouvernement en 1898. En butte à l'opposition, il doit se résoudre à un exil qui durera seize ans.
Dans le domaine de la calligraphie, son admiration pour l'écriture archaïque des stèles anciennes influence aussi bien ses théories que sa pratique. C'est en effet en s'inspirant d'une inscription sur pierre, datée de 509, le « Shimen ming » P (inscription de la porte de pierre), qu'il forge son style unique, à la fois monumental et singulièrement énergique.

Moderniser la peinture, entre Chine et Japon
Les années 1920 et 1930 sont marquées par des luttes entre seigneurs de guerre, puis entre communistes et nationalistes, et, à partir de 1932, par les menées coloniales et militaires du Japon. La période est pourtant très fructueuse sur le plan culturel et artistique. En raison de l'affirmation, dès la fin des Qing (1644-1912), d'un lien entre progrès du pays et réforme des arts, la formation des jeunes créateurs devient un enjeu primordial.
Le Japon constitue, depuis le début du siècle, un relais majeur dans l'éducation de l'intelligentsia chinoise. Les artistes y étudient les techniques sy occidentales et se familiarisent avec le nihonga (peinture japonaise), qui opère, à l'encre et en couleurs, une synthèse entre apports étrangers et histoire de la peinture locale. Dans l'archipel, mais aussi dans les anciennes collections impériales de la Cité interdite nouvellement ouvertes au public, les artistes redécouvrent également une partie de la tradition picturale chinoise, notamment dans le genre des fleurs et oiseaux ou du paysage. Le naturalisme de certains styles Song (960-1279) est alors très apprécié car perçu comme un moyen pour sortir de l'idéalisme de la peinture de lettrés et être plus en prise avec la réalité. Cette manière de regarder vers son propre passé est renforcée, à partir des années 1930, par la lutte contre le Japon. Nombre d'artistes, stimulés notamment par la découverte de l'intérieur de la Chine où ils se replient, en tirent toutefois des formules nouvelles.

Qi Baishi-齊白石
(1864-1957)
Peintures aux sujets floraux et animaliers - 花鳥雜畫
1947
Encre et couleurs sur papier 
Qi Baishi pratiqua tous les genres, mais sa célébrité tient surtout à ses représentations d'animaux et d'insectes.
Ces quatre peintures sont une parfaite introduction à l'univers pictural de Qi Baishi.
Les animaux, saisis dans la spontanéité de leur mouvement, ont parfois une signification symbolique. Ainsi, l'association du poisson- chat, nianyu, et de l'omble-chevalier, guiyu, correspond à la formule de vœux de longévité et de prospérité chang nian da gui, dont deux termes (nian et gui) sont des équivalents phonétiques des noms des deux poissons. L'audace naïve qui se dégage de ses œuvres est à la fois primitive et moderne.

Détails du tableau précédent 

Détails du tableau précédent 

Yao Hua (1876-1930)
山水圖- Paysage - Landscape
1926
Encre sur papier
Yao Hua, tout comme Wu Changshuo (1844- 1927), fait partie des derniers fonctionnaires lettrés de la période impériale. Après la chute de la dynastie Qing en 1912, il se consacre à l'enseignement. Il s'impose sur la scène culturelle de la capitale, grâce à ses réalisations variées qui vont de la poésie à la calligraphie, sans oublier la peinture.
Yao Hua appréciait la monumentalité des paysages des Song du Nord (906-1127), qu'il revisitait en usant de traits vigoureux issus de modèles épigraphiques. Sur ses paysages, Yao Hua rédigeait souvent de longues inscriptions, poèmes ou essais qui témoignent de son talent littéraire.

Qi Baishi-齊白石
(1864-1957)
Liserons rouges - 1
1950
Encre et couleurs sur papier 
D'origine modeste, Qi Baishi fit ses débuts comme artisan, apprenant la peinture, la calligraphie et la gravure de sceaux en autodidacte. Après avoir parcouru la Chine, il s'installa à Beijing (Pékin) dans les années 1920. Il y deviendra célèbre, sa longévité lui permettant de connaître de son vivant une renommée mondiale.
Cette composition structurée par les modulations de l'encre croupie (sumo) est couronnée par les fleurs d'une couleur éclatante. Cet usage audacieux du rouge "occidental" (yang hong), emprunté à Wu Changshuo (1844- 1927), va s'imposer comme l'une des caractéristiques de l'œuvre de Qi Baishi.


Zhang Daqian (1899-1983)
Le Mont Emei - 峨嵋山
1955
Encre et couleurs sur soie
Le mont Emei, la plus célèbre du Sichuian , est aussi le sommet d'origine de Zhang Daqian. Celui-ci visite le site à trois reprises en 1939, 1944 et 1946. Lorsqu'il réalise cette peinture pendant son séjour au Japon, il peut donc faire fond sur ses souvenirs.
Cependant, il explique s'être appuyé sur des maîtres des Cinq Dynasties (907-960) pour composer ce paysage. La forme des montagnes et le traitement des textures témoignent de cette inspiration.

Détail du tableau précédent 

Zhang Daqian-張大千
(1899-1983) Lotus sous le vent- 西風荷花圖
1955
Encre et couleurs sur papier 
Le départ de Zhang Daqian de Chine
continentale, en 1949, inaugure une carrière internationale qui fera de lui l'un des peintres chinois les plus connus du xxe siècle. C'est d'ailleurs à l'occasion d'une exposition au musée Cernuschi
à Paris qu'il fait don de cette œuvre.
Les lotus sont un des sujets de prédilection de l'artiste. Probablement inspiré par des modèles de Zhu Da (1625- 1705), Zhang Daqian emploie l'encre éclaboussée pour réaliser de grandes compositions, dont la monumentalité doit beaucoup à sa découverte des peintures murales des grottes de Dunhuang.

Zhang Daqian- (1899-1983)
張大千
Gibbon d'après Li Sheng
1945
Encre et couleurs sur papier
Zhang Daqian apprend les rudiments du métier de peintre au sein de son cercle familial. Il part ensuite faire des études au Japon, de 1917 à 1919. À son retour, il étudie la calligraphie et commence sa carrière de peintre, qui prend son envol dès les années 1930.
Le gibbon est un sujet que Zhang Daqian traite à de multiples reprises. II s'identifie à ces singes et en élève comme animaux domestiques. La référence à Li Sheng, peintre du xiv siècle, atteste de la bonne connaissance de l'histoire de la peinture par Zhang Daqian.

Yu Fei'an - F 非闇 (1889-1959)
Pivoines et papillons
Encre et couleurs sur papier
Le poème, qui assimile la pivoine à une beauté féminine, est tracé au moyen de traits fins et élégants. Cette calligraphie évoque de manière délibérée le style de << l'or élancé » (shoujin) mis au point par l'empereur Huizong (r. 1100-1126).
Le choix du sujet, le naturalisme, la méticulosité du trait et le goût pour
des couleurs vives sont également des références évidentes à la peinture de l'académie impériale des Song, dont le réalisme est parfois perçu, dans la première moitié du xx siècle, comme un possible outil de modernisation de l'art chinois.

Yu Fei'an- 于非闇
(1889-1959)
Deux Oiseaux verts sur un
magnolia-木蘭翠鳥圖 
1947
Encre et couleurs sur papier
Yu Fei'an commence son apprentissage artistique auprès d'un peintre professionnel. II devient par la suite professeur de calligraphie et de peinture dans plusieurs institutions pékinoises, avant d'obtenir, en 1935, un poste au bureau des expositions de la Cité interdite.
Cet emploi lui permet de copier les œuvres du musée. Son travail s'en ressent, et il se
consacre dorénavant à la peinture de fleurs et d'oiseaux dans un style minutieux. La manière dont la branche du magnolia se déploie dans l'espace évoque d'ailleurs des peintures de cour de l'époque Song (960-1279).

Détail du tableau précédent 

Chen Zhifo - #
(1896-1962)
Oies sauvages - 蘆雁
Vers 1945
Encre et couleurs sur papier
Chen Zhifo vient à la peinture tardivement, dans les années 1930. Il met alors à profit sa maîtrise du dessin pour réaliser des peintures de fleurs et d'oiseaux dans un style minutieux, dit gongbi.
Le choix des sujets et la facture précise et délicate témoignent à la fois du goût de Chen Zhifo pour l'art décoratif et de son observation de la peinture de cour des Song (960-1279). Toutefois, certains modes de traitement et compositions rappellent également la tradition naturaliste japonaise, elle-même inspirée par ces modèles chinois anciens.

Chen Zhifo -
(1896-1962)
Prunier en fleurs-
Encre et couleurs sur papier 
Après une première formation dans l'industrie textile, Chen Zhifo poursuit ses études, de 1918 à 1923, au Japon, dans le département des arts appliqués de l'école des beaux-arts de Tōkyō. À son retour, il enseigne le graphisme en Chine, discipline dont il devient un pionnier.
Plusieurs de ses peintures témoignent de l'importance qu'eut le séjour au Japon dans sa formation. En atteste ici l'usage d'une technique connue en Chine, mais particulièrement mise à l'honneur dans l'archipel : le tarashikomi, qui consiste à appliquer une couleur sur un précédent lavis encore humide. On peut en voir un exemple caractéristique sur le tronc du prunier.

Huang Binhong
黃賓虹 (1865-1955)
Années 1940
Encre et couleurs sur papier 
Huang Binhong est un érudit doté d'une profonde culture classique. Il recueille et édite ainsi de nombreux textes anciens sur la peinture et participe aux travaux d'expertise des œuvres de la collection impériale.
Cette connaissance des chefs-d'œuvre du passé permet à Huang Binhong de
proposer un renouvellement de la peinture de paysage sans rompre avec son cadre traditionnel. Ce rouleau vertical adopte ainsi une composition dérivée de modèles Song (960-1279), tout en étant inspiré par les montagnes du Guizhou et du Sichuan, où Huang Binhong voyage dans les années 1930.

Pu Ru -
(1896-1963)
Années 1940
Encre et couleurs sur papier
Membre du clan impérial, Pu Ru bénéficie d'une solide éducation. Lorsqu'il
commence à s'adonner sérieusement à la peinture, il profite de son accès à la collection familiale pour étudier les maîtres anciens. Il devient une figure majeure de la scène artistique à Pékin dans les années 1930, puis à Taiwan, après 1949.
La présente œuvre témoigne à la fois de sa connaissance des styles passés, par les références à la peinture Song (960-1279) et Ming (1368-1644), et de sa capacité à innover, notamment dans l'emploi de la couleur.

Détail du tableau précédent 

Pu Ru - (1896-1963)
Promenade automnale
楓林策杖圖
1947
Encre et couleurs sur papier

La représentation d'un homme
contemplant une cascade est un
sujet commun dans l'histoire de la peinture chinoise et particulièrement
récurrent dans l'œuvre de Pu Ru.
Cette insistance sur la figure du sage ou du lettré au milieu d'un paysage relève d'une veine antiquisante de l'artiste, qui perpétue et revivifie des schémas iconographiques traditionnels. De même, l'explicitation ou la coloration de la scène par la citation d'un vers emprunté à un poète du passé, en l'occurrence Bao Zhao (414-466), est un procédé classique de la peinture lettrée.

Fu Baoshi
- 傅抱石
(1904-1965)
Reveur-
程邃詩意圖
Années 1940
Encre et couleurs sur papier
Fu Baoshi, en grande partie autodidacte, participe activement aux débats qui agitent la scène artistique chinoise pendant l'entre-deux-guerres. Grâce à ses études au Japon, entre 1933 et 1936, il joue notamment auprès de ses confrères chinois un rôle important de passeur des recherches menées dans l'archipel.
Il produit également de multiples œuvres qui, dans les années 1940, renouvellent profondément la peinture de paysage et la peinture de personnage, toutes deux réunies ici dans ce rêveur qui médite sur le passage du temps et la nature éphémère du pouvoir, comme le suggère la citation de Cheng Sui (1605-1691) annotée sur l'oeuvre.

Fu Baoshi-傅抱石
(1904-1965)
Tempête - 暴風雨圖 Tempest
1944
Encre et couleurs sur papier
L'œuvre témoigne de la créativité
et de la singularité de Fu Baoshi pendant les années de guerre.
L'artiste a souvent représenté des paysages traversés par des orages ou des pluies diluviennes. À cette fin, il projette sur sa peinture des jets d'une solution comprenant de l'alun. La vigueur du geste s'allie à la densité si particulière de ses textures pour transcrire la tension qui traverse le paysage. Celui-ci est inspiré par les grandioses panoramas du Sichuan que Fu Baoshi peut contempler pendant son séjour à Chongqing de 1939 à 1945.

Zhang Daqian-張大千 (1899-1983)
Deux Tibétaines aux dogues 番女掣厖圖 
1945
Encre et couleurs sur papier 
Cette représentation de deux femmes tibétaines peut être comparée à la peinture de Yang guifei, exposée à côté d'elle.
L'une évoque au moyen de couleurs vives deux femmes tibétaines, vêtues de leur costume traditionnel, que l'artiste a pu observer au cours de ses voyages. L'autre évacue la couleur au profit de la seule ligne, qui confère son dynamisme à la silhouette imaginaire d'une célèbre beauté antique. Pourtant les deux œuvres procèdent picturalement d'une même source: les peintures murales de Dunhuang, où Zhang Daqian a séjourné de 1941 à 1943.

Zhang Daqian - -張大千
(1899-1983)
Yang guifei jouant avec un perroquet
1945
Encre sur papier
La concubine impériale Yang guifei (719- 756), par sa beauté et son destin tragique, a nourri l'imaginaire de la Chine, depuis l'époque des Tang (618-906).
Pour figurer cette beauté légendaire, Zhang Daqian prend à contre-pied les figurations issues de la tradition pour s'inspirer directement des originaux Tang. À peine deux ans après son séjour à Dunhuang, où il a pu s'imprégner des peintures murales de cette période, il crée une image monumentale, qui détourne les canons de l'iconographie religieuse pour évoquer une beauté profane.

Pang Xunqin 龐薫琹 (1906-1985)
Femme miao sous un arbre 
Vers 1940
Encre et couleurs sur papier
Suite à la mission qu'il exécute pour le compte du Musée central au Guizhou en 1938, Pang Xunqin se familiarise avec les coutumes et l'artisanat des Miao. Entre 1940 et 1946, cette expérience lui inspire des peintures mettant en scène la vie des Miao. Souvent précises dans la description du vêtement, ces œuvres sont aussi l'expression idéalisée d'une vie sociale préservée à la fois de la modernité et des conflits en cours.

Pang Xunqin 龐薰琹 (1906-1985)
Femme miao portant une hotte 背簍苗
Vers 1940
Encre et couleurs sur papier
Pang Xunqin a été formé à Paris dans les années 1920. Il y développe un intérêt pour les avant-gardes, mais aussi pour les arts décoratifs. De retour à Shanghai, il fonde le groupe « La tempête >> et réalise des peintures qui prolongent ses expériences modernistes.
Ses créations de la période de guerre, nées du contact avec des peuples de l'ouest de la Chine, comme les Miao, se ressentent de son intérêt pour les arts décoratifs. Il étudie notamment les textiles dans le cadre d'une mission mandatée par le Musée central.

Zhang Bide-張比德
(1921-1953)
Copie de Deux Apsaras et dragon
1945
Encre et couleurs sur papier 
Cette œuvre à l'encre sur papier est une copie des célèbres peintures murales de Dunhuang. Ce site bouddhique majeur, placé sur la route de la soie, a connu une activité intense entre le ive et le xive siècle. Redécouvert au début du XXe siècle, il est devenu un lieu de référence et d'inspiration pour les artistes chinois.
Zhang Bide a séjourné à Dunhuang avec son oncle et maître Zhang Daqian (1899- 1983). Intégré à son équipe de copistes, il reproduit les peintures murales à la riche polychromie et s'imprègne de leur graphisme souvent dynamique, comme c'est le cas de ces créatures célestes, feitian.

Xu Beihong - 徐悲鴻
(1895-1953)
Cheval 
1947
Encre et couleurs sur papier
Ce cheval au galop est emblématique de l'œuvre de Xu Beihong. Fasciné par les chevaux, l'artiste les a souvent représentés au crayon ou à l'huile. D'abord connu pour sa maîtrise de cette dernière technique à son retour de Paris dans les années 1920, il peint de plus en plus à l'encre au cours de la décennie suivante, marquée par l'essor du guohua (peinture nationale).
Pendant la guerre, il réalise des œuvres qui évoquent l'histoire de la Chine et appellent à la résistance. Ses peintures de chevaux à l'encre, qui trahissent sa connaissance des techniques occidentales, deviennent l'une des représentations symboliques de la nation chinoise.

Un exil intérieur : à la découverte des peuples de l'Ouest
L'offensive japonaise de 1937 provoque l'installation du gouvernement à Chongqing, qui devient la capitale de la Chine libre. Les écoles des beaux-arts, récemment créées, doivent également se replier vers l'ouest du pays. Toutefois, la guerre ne signifie pas un arrêt de la création. Les territoires où se sont réfugiés les artistes vont même devenir l'une des sources principales de leur inspiration.
Le contact avec les populations des provinces de l'Ouest suscite particulièrement l'intérêt des artistes. C'est le cas de Pang Xunqin (1906-1985) qui réalise une importante série de peintures représentant des femmes et des hommes miao. Ces images sont le reflet d'une forme d'exotisme de l'intérieur qui va devenir un genre à part entière pendant la seconde moitié du xxe siècle.
Parallèlement, les artistes orientent leurs travaux vers les arts appliqués. Ainsi, les motifs géométriques traditionnels des textiles des ethnies du Sud-Ouest nourrissent des recherches formelles visant à formuler un vocabulaire décoratif moderne.
Au début des années 1940, certains artistes découvrent les peintures murales de l'ancien site bouddhique de Dunhuang. Ils sont alors confrontés à un art inconnu qui constitue pour eux une révélation tant par son caractère dynamique que par sa vive polychromie. Zhang Daqian (1899-1983) séjourne à Dunhuang de 1941 à 1943. En s'imprégnant de ces œuvres, il se réapproprie un héritage oublié, celui de la peinture de personnages du ler millénaire, dans ses dimensions sacrée et profane. Il ouvre ainsi la voie à de nombreux artistes.

Peindre le nu à l'encre : vers un art universel ?
S ynthèse d'un genre occidental et d'une technique orientale, les nus à l'encre sont révélateurs d'un phénomène majeur du xxe siècle : la réception de la tradition européenne par les artistes chinois. Sur une scène artistique républicaine (1912-1949) presque exclusivement dominée par la peinture à l'encre, la maîtrise du dessin et de la peinture à l'huile suppose de longs séjours à l'étranger. Si beaucoup choisissent le Japon, de plus en plus d'étudiants se rendent en Europe: Paris accueille un grand nombre d'entre eux à partir des années 1920.
Le nu se présente d'abord à eux comme un exercice incontournable de leur cursus académique. Pour s'approprier ce sujet inconnu ou marginal dans la tradition chinoise, certains artistes délaissent le crayon au profit du pinceau et de l'encre. Ce retour aux instruments et matériaux chinois, en parallèle à d'autres techniques, participe aussi bien à la métamorphose des corps chez Sanyu (1895-1966) qu'à la sensualité des femmes de Pan Yuliang (1895-1977).
À la faveur des allers et retours entre la Chine et l'Europe, ces recherches sur le nu à l'encre, caractéristiques des premiers artistes formés en France, participent à la définition de l'art moderne chinois. Ainsi, dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, Lin Fengmian (1900-1991) choisit l'encre pour représenter le corps nu et martyrisé du Christ. Cette pietà, née de la rencontre entre les arts asiatiques et européens, tend à une forme d'universalité que l'artiste appelle de ses vœux dans ses textes critiques.


Pan Yuliang 潘玉良(1895-1977)
Modèle nu
1942
Encre sur papier 
Les nus à l'encre monochrome de Pan Yuliang, réalisés seulement à partir des années 1930, sont immédiatement remarqués par la critique chinoise qui y voit une forme de synthèse remarquable entre l'Orient et l'Occident. Il en est de même dans la France des années 1940, puisque ces œuvres entrent dans les collections publiques l'année même de leur création.

Pan Yuliang - 潘玉良
(1895-1977)
Nu assis au qipao rouge
1955
Encre et couleurs sur papier 
Formée en Chine, en France et en Italie, Pan Yuliang s'est d'abord consacrée à la peinture à l'huile, même si elle pratique aussi le dessin à l'encre, la sculpture et la gravure. À partir des années 1950, elle réalise des œuvres qui empruntent librement à ces différentes techniques.
Le Nu au qipao rouge est l'un des chefs- d'œuvre de cette période de maturité. L'assimilation de la tradition occidentale du nu étant achevée, l'artiste élabore une vision de la femme très personnelle.
Hua Tianyou 滑田友(1901-1986)
Modèle nu
Années 1940
Encre et couleurs sur papier 
Hua Tianyou, tout en étant sculpteur, a développé une relation particulière à la peinture à l'encre. Formé en France à l'École des beaux-arts, il ne s'en revendique pas moins des six principes de Xie He (479- 502), fondements esthétiques de la peinture chinoise. Ainsi, ses sculptures sont précédées de dessins au pinceau à l'encre, une technique qui détonne dans les ateliers parisiens qu'il fréquente, aux Beaux-Arts ou dans les académies comme la Grande Chaumière.

Sanyu
常玉,1895-1966
Femme dessinant 
Années 1930
Encre sur papier 

Tout comme Pan Yuliang, Sanyu est une figure de Montparnasse, où il fréquente l'Académie de la Grande Chaumière. C'est dans ce lieu qu'il se fait connaître dans les années 1920 pour ses représentations virtuoses de modèles vivants au moyen d'encre et de pinceaux chinois.
Ce geste est le signe de l'appropriation d'un genre qui s'accompagne de la création de nus très personnels, dont les déformations anatomiques ont parfois été considérées comme une forme de jeu surréaliste.


Peinture rouge, dessins et encres révolutionnaires
E n 1949, les communistes l'emportent sur les nationalistes et fondent la république populaire de Chine. La période maoïste (1949-1976) est caractérisée par une activité intense dans le domaine des arts. Crédités d'un pouvoir d'entraînement et de formation idéologique de la population, les artistes font l'objet d'un contrôle étroit et constant. Chaque œuvre, avant d'être exposée, passe par un processus de validation au cours duquel elle est soumise à l'avis de représentants du peuple et de cadres du Parti, puis retouchée en fonction des remarques reçues. En outre, nombre de peintres subissent des campagnes de critiques publiques, parfois virulentes et dévastatrices.
Les artistes se doivent d'illustrer les épisodes marquants de l'histoire du Parti communiste chinois et de décrire l'avènement d'une Chine nouvelle. Dans un premier temps, la peinture à l'encre, considérée comme le vestige d'une époque féodale honnie, peine à trouver sa place face à l'imposition d'une peinture à l'huile basée en grande partie sur le réalisme socialiste des modèles soviétiques. Ses praticiens doivent donc lutter pour démontrer sa possible adéquation aux buts artistiques et politiques poursuivis par le maoïsme. À l'instar de Wang Shenglie (1923-2003) décrivant des martyres de la lutte antijaponaise, ils y parviennent au prix d'un changement des sujets et des sources d'inspiration, puisées pour l'essentiel dans les arts populaires et les peintures à l'huile.

Wang Shenglie 王盛烈 (1923-2003)
Esquisse pour Huit femmes se jettent dans le fleuve
1957
Fusain sur papier
Wang Shenglie apprend la peinture auprès de maîtres japonais du nihonga. Cette formation, basée sur la précision et la maîtrise d'un vocabulaire réaliste, lui permet de contribuer à la démonstration d'une possible adéquation de la peinture à l'encre aux buts du maoïsme.
En témoigne ici une démarche créative similaire à celle des peintres maniant l'huile, avec une multiplication des études et dessins préparatoires. L'artiste représente huit femmes, membres d'un régiment communiste, qui choisirent de se noyer plutôt que de tomber aux mains des troupes japonaises.

Tang Xiaohe-唐小禾
(né en 1941)
Esquisse pour Avancer contre vents et marées
1971
Fusain sur papier 
Tang Xiaohe mène une brillante carrière à l'époque maoïste (1949-1976). Il bénéficie ainsi de nombreuses commandes officielles.
Cette esquisse donne naissance à l'une de ses œuvres les plus connues. Elle représente une séance de natation dans le Yangzi, effectuée en juillet 1966 par Mao Zedong (1893-1976). Prélude à la Révolution culturelle (1966-1976), cet événement avait eu pour double objectif de montrer la vigueur persistante du Grand Timonier et de galvaniser la jeunesse en l'encourageant à avancer envers et contre tout.

Cai Liang (1930-1995)
Esquisse pour la Jonction des trois principales forces de l'armée rouge
1977
Fusain sur papier
Cai Liang voit sa carrière brisée en 1956, en raison d'un simple portrait d'aviateur jugé non conforme aux canons de l'art révolutionnaire. Il n'est totalement réhabilité qu'après la Révolution culturelle (1966-1976).
La signification politique du moindre détail est sensible dans cette représentation de la Longue Marche, périple de près d'un an accompli par Mao Zedong (1893-1976) et ses troupes en 1934 et 1935. Un an après la mort de Mao, Cai Liang prend soin d'évacuer tout élément pouvant faire allusion à un passé difficile. Le cheval sans cavalier disparaît ainsi de la composition finale.

Tang Xiaohe-唐小禾
(né en 1941)
Esquisse pour Pluie de printemps à Jinggang 
1976
Fusain sur papier
Pendant la Révolution culturelle (1966- 1976), Mao Zedong (1893-1976) doit apparaître comme la force d'entraînement d'une population admirative, tout en restant proche du peuple.
Les peintres privilégient donc souvent la description de moments de relâchement ou de travaux collectifs pendant lesquels la bienveillance du Grand Timonier et son autorité sont mises en valeur. L'esquisse témoigne de la recherche de cet équilibre, puisque Mao Zedong y est intégré d'une manière plus manifeste que dans l'œuvre achevée au groupe des travailleurs, dont il partage la bonne humeur.

Entre deux mondes: dialogue avec l'abstraction
L es années 1950 voient les plasticiens chinois basés hors de la république populaire de Chine être confrontés aux vocabulaires abstraits américains et européens. Une jeune génération d'artistes, pour la plupart nés dans les années 1920 et 1930, se pose alors la question d'une éventuelle intégration à une scène artistique en partie globalisée.
Ces problématiques concernent au premier chef les artistes actifs en Europe, tels que Zao Wou-ki (1920-2013) et Chu Teh-Chun (1920-2014). À partir des années 1950, ces peintres adoptent le langage de l'abstraction. S'ils sont d'abord des praticiens de l'huile, ils réalisent aussi des encres. Entre les créations sur papier ou sur toile se développe un dialogue fructueux, les deux techniques se nourrissant d'emprunts réciproques.
Taiwan, où les nationalistes du Guomindang se replient en 1949, compte également parmi les creusets majeurs de cette réflexion. Deux groupes d'avant-garde, la Société de peinture du cinquième mois et la société de peinture de l'Orient, y sont fondés en 1956 par des peintres nés en Chine continentale. Ces derniers opèrent une synthèse technique et formelle entre des styles occidentaux contemporains et des éléments issus de la tradition picturale chinoise. Ils conservent un lien avec celle-ci par l'emploi de l'encre, le recours à des concepts traditionnels ou la dimension paysagère souvent affirmée de leurs créations abstraites.


Zao Wou-ki
(Zhao Wuji, 1920-2013) Sans titre 
1989
Encre sur papier
Après sa formation à Hangzhou, auprès de Lin Fengmian (1900-1991) et Wu Dayu (1903- 1984) qui avaient tous deux étudié à Paris, Zao Wou-ki part pour la France en 1948.
Il propose au milieu des années 1950 sa propre version de l'art informel et s'intègre ainsi au sein de l'école de Paris. La singularité du vocabulaire abstrait qu'il déploie sur toile lui permet de mener une brillante carrière en Europe et aux États-Unis, avant de bénéficier également d'une reconnaissance en Chine continentale à partir des années 1980.

Zao Wou-ki

(Zhao Wuji趙無極,1920-2013) Sans titre 
1972
Encre sur papier
Zao Wou-ki produit, en parallèle de ses huiles sur toiles, de nombreuses peintures à l'encre. Malgré son recours aux matériaux et outils classiques de cette discipline, il rejette l'idée d'un ancrage de ses œuvres dans la culture chinoise et considère que la pratique de ce médium a pour but premier de donner plus d'étendue et de variété à son travail plastique. Il innove d'ailleurs, lorsqu'il réalise ses encres, en s'affranchissant des gestes traditionnels du peintre chinois. Ce travail nourrit en retour la création de ses huiles.

Chuang Che (Zhuang Zhe, né en 1934) Sans titre
1963
Encre et huile sur toile
Chuang Che rejoint dès 1958 la Société de peinture du cinquième mois. Comme les autres membres de ce groupe, il recherche une adéquation entre maniement d'un vocabulaire contemporain et attachement à la culture chinoise. Il réalise des huiles sur toile dont il dilue largement les pigments pour les appliquer à la manière de lavis.
Cette utilisation d'un vocabulaire et d'outils occidentaux est contrebalancée, à partir de 1963, par un retour à des matériaux issus de l'art traditionnel. Chuang Che mêle alors parfois à la peinture à l'huile des traits à l'encre.

Hsiao Chin
(Xiao Qin, né en 1935)
Chi-88
1980
Encre et couleurs sur papier
Hsiao Chin participe à la création en 1956 de la Société de peinture de l'Orient. Son départ de Taiwan la même année et ses séjours dans différents pays occidentaux l'amènent à jouer un rôle de trait d'union entre ce groupe et les mouvements d'avant-garde européens.
Dans la seconde moitié des années 1970, son regain d'intérêt pour le taoïsme et le bouddhisme l'amène à mettre l'accent sur le vide et sur la circulation de l'énergie, telle que conçue dans la cosmologie chinoise. Il intitule alors une de ses séries Chi (Qi), du nom du souffle censé parcourir et animer toute chose.

Wu Guanzhong 吳冠中(1919-2010)
Forêt de bambous et champs irrigués 
1992
Encre et couleurs sur papier 
Élève de l'Académie des beaux-arts de Hangzhou, Wu Guanzhong poursuit sa formation à Paris entre 1947 et 1950. Ses tendances modernistes lui sont reprochées à son retour en Chine alors que la scène artistique est orientée vers le réalisme socialiste.
Wu Guanzhong doit donc attendre la fin des années 1970 pour devenir véritablement une figure incontournable des débats artistiques en raison de sa défense d'une autonomie des recherches formelles. La concrétisation de cette idée dans ses encres, dont témoigne le processus d'abstraction à l'œuvre dans cette peinture, lui confère rapidement une célébrité internationale.

Actif successivement à Shanghai, Paris, New York et Amsterdam, Walasse Ting a fait du transfert culturel un mode de création à part entière.
S'il est proche de nombreux artistes de CoBrA, du pop art et de l'expressionnisme abstrait, il dialogue aussi avec la peinture chinoise, ancienne ou moderne.
Il recourt aussi bien à l'encre qu'à l'huile ou à l'acrylique pour créer des œuvres qui peuvent être abstraites ou figuratives. Cette polyvalence a fait de lui une sorte de pionnier, dont les créations expérimentales préfigurent le mouvement de l'encre contemporaine, qui émerge en Chine à partir des années 1980.

Walasse Ting
(Ding Xiongquan 丁雄泉,
1928-2010)
Beauté 
1970
Encre sur papier 
Cette œuvre est le fruit de la rencontre expérimentale entre l'encre et la couleur. Elle présente une créature hybride à tête de femme et à corps de serpent qui pourrait renvoyer à certaines figures légendaires chinoises, comme Nüwa, qui intervient dans de nombreux récits mythologiques décrivant l'origine du monde, ou encore au célèbre Serpent blanc, esprit serpent à l'apparence féminine.

Walasse Ting
(Ding Xiongquan 丁雄泉,
1928-2010)
Garçon 
1970
Encre sur papier 
Au-dessus de la tête de ce personnage se trouve une empreinte de sceau qui se lit: <<< Le voleur de fleurs >>. En adoptant ce surnom, qui possède en chinois une connotation érotique évidente, Walasse Ting transgresse les pratiques de la peinture chinoise lettrée.
Cette figure grimaçante tirant la langue pourrait être un possible avatar du voleur de fleurs.

Walasse Ting
(Ding Xiongquan 丁雄泉,
1928-2010)
Oiseau 
1970
Encre sur papier
Avec une liberté gestuelle qui renvoie à l'action painting de ses contemporains, Walasse Ting revisite les grands thèmes de la peinture chinoise.
Ici, l'oiseau perché sur une feuille de lotus dialogue avec les œuvres de Zhu Da (1626- 1705) ou encore de Qi Baishi (1864-1957), dont plusieurs peintures sont visibles dans la première salle de l'exposition.

Couper le fil du cerf-volant? L'encre des années 1980 et 1990
L a fin de l'époque maoïste (1949-1976) et la politique de Deng Xiaoping (1904-1997) permettent une plus grande ouverture sur l'extérieur. Les peintres de Chine continentale prennent alors connaissance des travaux menés en Occident, mais aussi à Hong Kong et à Taiwan. En parallèle, des théoriciens et des artistes affirment la pertinence d'approches formalistes déconnectées de tout contenu politique ou interrogent la place de l'encre dans l'art contemporain.
Les années 1980 et 1990 sont marquées notamment par la volonté de faire évoluer l'encre au moyen de recherches purement plastiques, en rupture avec les vocabulaires et les buts picturaux de l'époque précédente. Nombreux sont les peintres qui se rapprochent progressivement de l'abstraction sans abandonner le cadre technique de la peinture à l'encre et une inspiration puisée dans le monde environnant, ce que Wu Guanzhong (1919-2010) appelle "ne pas couper le fil du cerf-volant".
Le renouvellement de la peinture à l'encre de l'intérieur est au cœur de la démarche de nombreux mouvements. Les tenants de la nouvelle peinture de lettrés revisitent, par exemple, les genres de la peinture de personnages et de paysages, en réactualisent et en étendent les sujets. La calligraphie paraît également à beaucoup comme un domaine d'exploration privilégié permettant de tordre les codes de la culture classique sans rompre avec cette dernière. Certains artistes préfèrent toutefois sortir du cadre des arts graphiques et s'interroger sur l'encre en tant que symbole et matière dans des installations ou lors de performances.

Ma Desheng - (né en 1952)
Sans titre 
1991
Encre sur papier
Ma Desheng, installé en France depuis 1986, est l'un des fondateurs du groupe des Étoiles, premier mouvement d'avant- garde de la période postmaoïste. Comme d'autres membres de ce collectif, il est en partie autodidacte.
Connu pour ses gravures, il réalise aussi des encres sur papier. Le refus des règles académiques exprime une dimension contestataire, tandis que le recours ponctuel à des procédés d'impression souligne l'ambition de renouveler une pratique traditionnelle par des ruptures techniques et stylistiques.

Li Jin Jin - 李津
(né en 1958)
Le Vrai Corps 
1993
Encre et couleurs sur papier 
Li Jin contribue, à partir des années 1980, au développement en Chine d'une nouvelle peinture de lettrés, qu'il revivifie par le choix d'un style souvent naïf et des iconographies contemporaines volontiers érotiques.
Le caractère macabre et le titre de cette peinture, possible référence à la vénération des reliques et au concept de Corps de la loi dans le bouddhisme, évoquent le Tibet, où Li Jin effectue deux voyages. La superposition du caractère fo (bouddha) et d'un texte issu d'un rituel de repentance créé par l'entourage de l'empereur Wu des Liang (464-549) renforce l'ancrage de cette œuvre dans un contexte religieux.

Li Huasheng
(1944-2018)
- 李華生
Dans la crique
1984
Encre et couleurs sur papier
Li Huasheng se forme pendant l'époque maoïste (1949-1976) à la
peinture traditionnelle. Dès le début des années 1980, il apparaît en ce
domaine comme une des figures les
plus prometteuses de sa génération.
L'épure de ce paysage, le contraste entre le dessin du personnage et le traitement tachiste des berges ainsi que l'inscription mêlant des éléments de plusieurs styles calligraphiques sont alors perçus comme des audaces formelles. Toutefois, Li Huasheng est surtout connu aujourd'hui
pour les œuvres abstraites qu'il commence à réaliser à partir de la fin des années 1990.

Zhu Xiuli
朱修立
(né en 1938)
La source claire coule sur le rocher
1986
Encre sur papier
Membre du groupe de peinture d'après nature mené par Fu Baoshi (1904-1965), Zhu Xiuli connaît ses premiers succès dès l'époque maoïste (1949-1976). Il est alors considéré comme l'une des figures du renouveau de la peinture à Nanjing.
Au début des années 1980, il s'éloigne d'un style marqué par l'exemple de Fu
Baoshi et de Li Keran (1907-1989). Il prend alors part au mouvement visant à renouveler la peinture traditionnelle de paysage par la recherche d'une relative
autonomisation des formes et des traits.

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