jeudi 30 juin 2022

Simon Hantaï, l'exposition du centenaire à la fondation Louis Vuitton en juin 2022



Une belle expo, un peu mystique, des commentaires bavards et intellos 😉


En cette année anniversaire de la naissance de Simon Hantai, la Fondation Louis Vuitton accueille «Simon Hantai. L'Exposition du Centenaire ». Ce projet a été porté avec générosité, passion et détermination par Madame Zsuzsa Hantaï et ses enfants qui ont réuni prêts, tableaux, archives et documents afin de conférer à cette manifestation toute son ampleur.
Simon Hantaï naît le 7 décembre 1922 à Bia (aujourd'hui Biatorbágy) en Hongrie, un bourg rural proche de Budapest. En 1939, sa famille d'origine allemande souabe catholique émigrée au XVII siècle, magyarise son patronyme en Hantai. Destiné par sa formation à devenir ingénieur mais passionné d'art dès son jeune âge, Simon Hantal entre à l'Académie des beaux-arts de Budapest en 1941. Son activisme artistique et politique le conduit à devenir président de l'Association des étudiants. En 1944, Il s'oppose publiquement au régime pronazi. Incarcéré, il parvient à s'enfuir. Caché chez ses parents durant plusieurs mois il rejoint l'Académie début 1945. peu après la libération de Budapest. L'échec de la jeune République hongroise (1945-1948) le conduit à quitter le pays par le dernier train » avec Zsuzsa, une étudiante en art qu'il a épousée en janvier 1947. Le rideau de fer s'abat derrière eux. Parvenus en Italie en mai 1948, ils gagnent Paris en septembre. Ils intègrent un cercle d'artistes et d'intellectuels américains rencontrés à Rome et partagent les espoirs et les difficultés de la communauté hongroise émigrée. En 1949, le couple emménage au 21, Cité des Fleurs dans le 17 arrondissement de Paris, d'abord dans un simple studio puis dans un atelier En 1952, Hantar rencontre André Breton qui lui dédie une exposition dès janvier 1953. Il devient membre du groupe surréaliste, qu'il quittera en 1955 pour défendre la conception de l'automatisme portée par la peinture abstraite et gestuelle de Jackson Pollock.

L'Exposition du Centenaire se focalise principalement sur la période de l'oeuvre de Hantaï marquée, à partir de 1960, par l'invention du pliage ». Cent trente œuvres exceptionnelles par leur importance historique, leur qualité artistique, leur caractère souvent inédit, leur format monumental sont ici réunies pour témoigner de manière représentative des recherches radicales menées par le peintre entre 1960 et 2004. En prologue à l'exposition, est présenté un ensemble d'œuvres emblématiques de sa recherche initiale, Elles permettent de saisir les enjeux poétiques du « pliage comme méthode » (1950-2004), des expérimentations pictographiques du Grand Livre des petites peintures » (1949-1964) et du cycle des peintures à signes » (1957-1958), «< peintures á touches » (1958-1959), grandes « écritures » (1958-1959) et monochromes (1959). Ces séries déclinent, au seuil du pliage, les moyens plastiques élaborés par Hantaï pour conduire sa peinture vers une nouvelle dimension où dominent: prévalence de la matérialité de la toile à peindre et prégnance de sa blancheur, machinalisation du geste, illimitation des formats, peinture réalisée « en aveugle », couleur aleatoire, reversibilité de la surface picturale. L'exposition passe en revue les différentes periodes de l'oeuvre pliée de Hantaï entre 1960 et 1982, en commençant par les Mariales (1960-1962) qui en marquent la phase d'émergence puis les séries de Catamurons (1963-1965), Panses (1964-1967), Meuns (1967-1968), Etudes (1968-1971), Blancs (1973-1974) et Tabulas (1972-1982).

Au-delà de 1982, date à laquelle Simon Hantaï se retire de la vie publique et déclare qu'il arrête de peindre, l'exposition présente, pour la toute première fois de manière raisonnée, la dernière période de son œuvre réalisée entre 1982 et 2004. Elle permet ainsi de découvrir l'important travail pictural resté inédit exécuté par l'artiste dans le secret de son « dernier atelier », entre 1982 et 1985, puis de retracer la logique de ses recherches ultérieures avec les Laissées (1995), les Sérigraphies (1997), les Suaires (2001) et Buées/H.b./Hebbel (2004).

Afin de replacer l'oeuvre de Hantal dans l'histoire des filiations et le panorama des arts du XX" siècle, l'exposition la confronte à celles des artistes modernes qui ont joué un role essentiel dans sa recherche: Henri Matisse avec les papiers découpés (1947-1952), Jackson Pollock avec une Black painting (1948). 

Narcisse collectif Collective Narcissus
Paris, 1953
Huile, techniques mixtes et collages d'objets sur toile

LE PLIAGE COMME MÉTHODE

"Quand je plie, je suis objectif et cela me permet de me perdre. "

Dès son arrivée à Paris en 1948, Simon Hantaï étudie les collections ethnographiques du palais du Trocadéro dont il disait  "le musée de l'Homme était mon Louvre". En 1950, il exécute ainsi, sur la page illustrée d'une revue d'ethnographie, La Momie, une peinture tracée sur la photographie d'une figure humaine enveloppée d'un linceul. Cette œuvre est une clef majeure pour comprendre le travail ultérieur du peintre. Le pliage anthropomorphe de cet amas de linge, froissé et massé autour du corps du défunt forme la matrice des interprétations picturales qui vont nourrir ses différentes périodes : entrelacs abstraits, grouillements d'entrailles, signes, écritures, pliage. Simultanément, en 1950, il exécute ses premiers pliages mais sans en mesurer les potentialités et transpose La Momie dans sa peinture en froissant et plissant une toile qu'il colle tel un bas-relief au centre d un de ses tableaux. Il multiplie les transferts de ce relief initial par estampage, frottage ou copie dans sa peinture contemporaine. Durant sa période surréaliste (1953-1955) il reproduit ainsi ce vortex graphique dans ses peintures (Narcisse collectif, 1953). Ce travail le conduit à comprendre la place tenue par la toile à peindre dans le processus de production. C'est à cette période que Hantaï tend sur châssis des toiles brutes incarnant l'interrogation qu'il porte sur la matérialité de la peinture : "Stoff, matériau, support, toile". Il revendiquera à partir des années 1960 la prévalence de la toile à peindre : à la fois forme et fond, cadre et motif, figure et paysage. Cette propédeutique le conduit à la définition du « pliage comme méthode » qui se confond avec la dynamique de sa peinture dans les grandes series successives de pliages qui vont dominer son œuvre de 1960 à 1982. Puis Hantaï regarde son travail ancien et en modifie la perspective et la signifiance: il recadre en blanc les entrelacs des années 1950, trempe dans la colle les toiles crues de ses «pliages préparés», multiplie les expériences de "révisions" picturales du "dernier atelier" (1982-1985), découpe et recadre les « carreaux » de ses Tabulas de 1981 pour en tirer les Laissées (1994-1995), exécute des Sérigraphies (1996-1997) à partir de détails photographiques de ces Tabulas, en imprime des images à demi-effacées dans les Suaires (2001) et d'autres fragments vus en plan rapproché dans les Buées/H.b.l Hebbel (2004).

JACKSON POLLOCK
(1912-1956)
Number 26 A, Black and White
New York, 1948
Peinture glycérophtalique sur toile
Centre Pompidou, Paris
Musée National d'Art Moderne -
Centre de Création Industrielle
Dation Aimé Maeght, 1984

Sans titre (peinture interminable par réductions successives)
Paris, [1982-1985]
Acrylique sur toile 
Collection particulière

Sans titre
Paris, 1953
Collage et huile sur papier marouflé sur toile

Peinture recadrée
Paris, [1963-1985]
Huile sur toile

Tabula non dépliée (verso)
Paris, [1982]
Acrylique sur toile pliée

Buée/H.b.l
Le Fresnoy Studio National des Arts Contemporains, Tourcoing, 2004
Impression numérique sur papier 
Collection particulière

Peinture 
Paris, 1951
Toile pliée et technique mixte sur carton

La Momie
Paris, 1950
Huile sur photographie imprimée sur papier (feuillet de revue) 

SIGNES, TOUCHES, ÉCRITURES
1957-1959

"C'est le RIEN où commencent les choses. [...] en Orient, partout, dans le christianisme ou hors de lui, ou dans la révolte, ou dans l'athéisme, c'est toujours la même espèce de vidage, d'appauvrissement, de dénudement de l'être, qui est nécessaire... Au moins la tentative, vous comprenez."

L'exposition « Peintures récentes. Souvenir de l'avenir », tenue au mois de mars 1958 à la galerie Kleber, forme le centre de gravité de la salle consacrée aux années 1957-1959. Sur des fonds sombres indistincts, le peintre réduit à quelques signes essentiels la gestuelle expressionniste aléatoire empruntée par ses toiles de la période antérieure (1955-1958) au dripping all-over de Jackson Pollock (Number 26 A, Black and White, 1948). Il y trace les repères du monde mystique qu'il veut désormais examiner: l'ovale, le cercle, la croix.

Puis, de l'automne 1958 à l'automne 1959, durant une année d'ascèse, Hantaï conduit une expérience de méditation picturale singulière. Recopiant le matin des textes issus de la Bible ou de la philosophie, il conduit l'"exercice spirituel" d'Écriture rose. Simultanément, chaque après-midi, il recouvre uniformément ses peintures antérieures dont il efface la mémoire au moyen d'une lame apposant-enlevant des macules pigmentaires monochromes. Ces « peintures à touches » palimpsestes dialoguent avec ses peintures gestuelles en sous couche et trouvent leur accomplissement minimaliste dans A Galla Placidia [Ecriture grise]. Enfin, le « Monogold », une toile recouverte de feuilles d'or, transpose dans la peinture le principe de l'« abaissement » où le miroir opaque du retable décrit le vide de l'absence-présence de Dieu. La vacuité absolue, seule, permettrait à Dieu de venir remplir le sujet à ras-bord En 1959, au sortir de cette phase, les fonds envahissent la surface picturale la poussant aux confins d'une monochromie évacuant tout signe et marquage. Ces expériences concluent la trajectoire artistique antérieure de Hantaï et ouvrent le nouvel espace pictural dans lequel le pliage va desormais se déployer.

Peinture (Écriture rose) 
Paris, 1958-1959
Encres de couleur, feuilles d'or sur toile de lin
Centre Pompidou, Paris
Musée national d'art moderne
Centre de création industrielle
Ensemble de 4 peintures

Les Larmes de saint Ignace
Paris, 1958-1959
Huile sur toile

Détail de l'oeuvre précédente

Peinture
Paris, 1957
Huile sur toile 

Peinture
Paris, 1958
Huile sur toile
 Collection particulière

Souvenir de l'avenir
Paris, 1957
Huile et poussière sur toile 
 Centre Pompidou, Paris Centre de Création Industrielle

À Galla Placidia
Paris, 1958-1959
Huile sur toile
Musée d'art moderne de Paris

Détail du tableau précédent 

MARIALES
1960-1962

En 1960, Hantaï revient à ses premiers pliages expérimentés en 1950. Il écrira: "Tout est déjà là, mais ni vu, ni pensé. Toile pliée, peinte en vert, puis dépliée et badigeonnée en noir. Le trou est bouché, non accepté, il désigne par dénégation la question à venir."
A l'étape inaugurale du « pliage comme méthode », se trouve la série des Mariales. Ces peintures polychromes sont intitulées par l'artiste Mariales ou Manteaux de la Vierge, en hommage aux Madones en majesté de la peinture religieuse de la Renaissance italienne qui figurent la Vierge miséricordieuse protégeant sous son manteau largement ouvert, déployé comme une tente, les communautés monastiques ou la foule des Justes. On sait que Hantaï les peignit en un hommage particulier a la Madona degli Ognissanti de Giotto, contemplée en 1948 au musée des Offices à Florence, dont le manteau bleu-noir intense en nourrit la vision.
Avec les Mariales, la toile vierge ne fait plus l'objet comme dans les premiers pliages de 1950 d'un badigeon préalable mais elle est laissée en réserve, parfois maculée ou partiellement brossée puis finement pliée ou plissée. La couleur est alors passée sur cette surface, bord-à bord et all-over. Le processus de recouvrement par la couleur est limité à un ou deux passages, et le fond blanc transparaît illuminant de son infra-éclat les pigments purs en surface. Parfois le recouvrement est répété jusqu'à saturer entièrement la surface picturale. Puis, au terme de ce travail, la toile est tendue sur châssis afin d'effacer les reliefs induits par le pliage et les traces du processus. Ce protocole par aplanissement sera reitéré par le peintre lors de la présentation de ses œuvres. Il s'en expliquera : « Depuis le début les pliages étaient destinés au lissage, au maximum de lissage possible. Les peintures de 1960-1962, faites avec des peintures industrielles à vernis lourds, ont résisté à cet aplatissement, à l'élimination des inégalités de surface que laisse le pliage J'ai tout fait, construit des chassis, mouillé la toile; je l'ai tendue et clouée. Si j'avais eu les moyens, je les aurais réentoilées et repassées. Je ne veux pas de ces inégalités de surface, de ces naturalisations. Pas de miroir ni trace de peigne fin. Bientôt l'apparition des matériaux acryliques m'aide en ce sens, bien qu'avec d'autres inconvénients à surmonter. Mais toujours aplatir, appauvrir. Il n'y a que le matériau plié, rempli bord à bord. Déplié, il faut rentoller, une nouvelle fois décuisiner. Entendu ? »

Mariale m.a.4
Paris, 1960
Huile sur toile

Mariale m.b.4
Paris, 1961
Huile sur toile

Peinture 
Paris, 1958-1959
Huile et feuilles d'or sur toile
 Collection particulière

Mariale m.c.3
Paris, 1962
Huile sur toile

Mariale m.d.4
Paris, 1962
Huile sur toile

Mariale m.c.8
Paris, 1962
Huile sur toile


Le grand livre des petites peintures 
Paris, [1949-1964] Soixante-quatre peintures Huile et techniques mixtes sur toiles contrecollées sur feuillets de papier reliés et formant ouvrage 

« A Mosé Gorelichvili, ami et compagnon d'exil de tout temps avec toute l'estime et tendresse de mon cœur. Meun, Noël 1968, Simon >>

Peu après l'entrée en décembre 1952- le jour de ses trente ans de Simon Hantaï dans le groupe surréaliste, Benjamin Peret signe dans la revue Medium un texte témoignant de la place singulière occupée par ce jeune artiste émigré d'un monde fige dans l'immobilité des « temps anciens »: «À mi-chemin entre le fossile sorti de sa gangue et l'oiseau de feu qu'il poursuit, Simon tracé pour sa propre edification, toute la dém Hantaï retracé, surréaliste en art. Avec lui, les matériaux les plus indignes (un démarche os, une arête de poisson, un fragment de journal) acquièrent un éclat qui les révèle à eux-mêmes et à nos yeux. »

Ce texte décrirait assez fidèlement l'ensemble extraordinaire des soixante-quatre oeuvres composant le Grand Livre des petites peintures.

Hantaï réalise ici une sorte d'inventaire de ses recherches picturales en cours. Exécutées en majorité sur papier (42 oeuvres sur papier ou carton pour la période 1949-1957 22 œuvres sur toile pour la période 1963-1964), ces peintures. relèvent principalement de techniques graphiques, Feuillets minces ou épais, cartons, emballages. publicitaires, photographies de magazines, clichés photographiques, papier journal imprime, etc., constituent les supports hétérodoxes et hétéroclites sur lesquels la peinture est apposée. Ces indices du monde réel formés de textes et d'images préexistants sont l'objet d'une contemplation active ouvrant aux associations automatiques et oniriques sur le mode surréaliste. Le peintre y « voit » les signes, les appels inarticulés de la langue matricielle des images qui transite entre les êtres, les formes, les mondes. Empreintes, grattages, moulages, ces traces. prennent aussi la forme de bas-reliefs abaissés jusqu'à l'infime. Dans le « Grand Livre » subsistent les rares témoins des « peintures à écritures » presque toutes détruites depuis, où le peintre gravait des tables d'alphabets imaginaires de type. cunéiformes qui préparent au cycle des « peintures à signes » et de la grande Ecriture rose, 1958-1959. C'est vers 1966 qu'il fait don à son ami Mosé Goreli du Grand Livre des petites peintures, inventaire, table, alphabet indiciaire, clef méthodologique qui nous éclaire sur le cheminement pictural parcouru.


Le grand livre des petites peintures 
Paris, [1949-1963]
2 exemples

CATAMURONS
1963-1965
La série des pliages dits Catamurons emprunte son intitulé à une maison de vacances louée à Varengeville durant l'été 1963. Elle comprend une vingtaine de toiles de grand format. Dans ces œuvres polychromes, en général en bleu, noir, brun, la peinture ne traite que la partie centrale de la surface. Ce pliage très
dense est exécuté sur la toile pliée puis dépliée puis repeinte. Durant l'opération,les bords de la toile sont rabattus sur le verso, laissés en réserve pour former une large marge blanche rectangulaire. Avec les Catamurons le blanc de la toile,
bien que façonné par le dessin de ce cadre virtuel, commence à imposer sa présence et sa lumière.
Chaque Catamurons se présente tel un carré sombre inscrit dans un carré clair.
La série se réfère pourtant à l'effet visuel éprouvé par le peintre à la vue d'un grand torchon blanc laissé à sécher au soleil au revers d'une porte de bois sombre. Elle se conclut sur un ensemble de peintures en bleu et noir où le pliage envahit de son motif toute la surface du tableau. Les marges noires se substituant
aux marges blanches.
Ces effets répétés d'inversion optique entre positif et négatif matérialisent lesphénomènes de persistance rétinienne qui conditionnent le regard. Ils transposent dans la peinture les observations et expériences d'optique faites par Goethe dans son Traité des couleurs auquel Hantaï, a la suite de Matisse, se référait avec insistance.

Ensemble de 2 Catamurons
Paris, 1963 & 1964
Huile sur toile

Catamuron 1964


MEUNS
1967-1968

En 1966, Hantaï quitte Paris pour s'installer avec sa famille dans le hameau de Meun, en lisière de la forêt de Fontainebleau.
Après une année d'interruption de son travail, à partir de 1967, le peintre s'engage dans la réalisation de la série de nouvelles peintures pliées, les Meuns. La toile est désormais nouée aux quatre angles et en son centre, avant d'être recouverte de peinture, le plus souvent d'une couleur monochrome. Ses premiers pliages privilégient des formes simples. Puis s'imposent des Meuns où la forme se trouve modelée par des pliages complexes et des superpositions de couleurs.
Dans ces peintures, le blanc de la toile poursuit son travail d'envahissement progressif de la surface picturale. Les marges latérales, les lacunes du badigeon et les réserves du pliage combinent leur action pour attaquer et fissurer la forme colorée. Le blanc de la toile en réserve gagne. Le processus du pliage s'affirme dans les Meuns avec plus d'évidence. On perçoit le geste, le mouvement, la logique qui président à l'élaboration de la peinture.
En vis-a-vis, telle une clef, un papier découpé d'Henri Matisse, Algue Blanche, 1947, incarne la radicalisation du jeu formel de vides et pleins, positifs et négatifs, dessus-dessous, que le pliage provoque entre la toile blanche et la couleur, avec les Meuns puis les Études et les Blancs.

Ensemble de 3 Meuns
1967-1968

Catamurons
Paris, 1964
Huile sur toile
Collection particulière 
Catamuron 1965

Ensemble de 2 peintures
Paris 1964

HENRI MATISSE
(1869-1954)
Algue blanche sur fond rouge et vert
Vence, 1947
Papiers découpés peints à la gouache et collés sur papier
Fondation Beyeler, Riehen-Basel 

PANSES
1964-1967
Début des panses (M! M! saucisse). "Visiblement en forme sac, peint et après accroché sur un clou (sculpture peinte ?) "
La série des Panses, initialement intitulée par Hantai « Maman! Maman ! dites: La Saucisse, » en référence au texte d'Henri Michaux : « Tout, véritablement
tout, est à recommencer par la base : par les cellules [...] La cellule peut encore sauver le monde, elle seule, saucisse cosmique sans laquelle on ne pourra plus se défendre ». En la panse gésinent la pensée et le devenir de l'œuvre. Les peintures
sont réalisées au moyen de pliages polychromes pliés, peints, dépliés puis repeints. Les angles et les bords de la toile sont rabattus de manière irrégulière  sur le verso et laissés vierges. Dans ces peintures, la marge prend de l'ampleur et commence à envahir la surface du tableau non seulement par les quatre côtés mais par les angles. Ce traitement de la toile engendre dans la partie médiane  une forme vaguement ovoïdale assez densément peinte. Le blanc encercle et modèle les montages cellulaires de cet «alphabet de la vie ». Il creuse et
corrode la masse lovée en son centre. L'analogie soulignée par l'artiste entre ses peintures et l'univers de la cellule matricielle à la source de toute gestation permet de mesurer la dynamique picturale alors irrémédiablement enclenchée.
Ce développement ne va plus cesser et se manifester dans les séries de pliages suivantes: germination, dédoublement, multiplication, dissémination.
La salle des « panses » présente huit des vingt-six Panses de grand format
réalisées par le peintre. Des couleurs bleu-bistre-gris-sable-terre-noir fondées sur des complémentaires bleu-orangé plombées dominent ces grands pliages monocordes.

Ensemble de panses
Paris 1964-1967
Huile sur toile 

Ensemble de 2 Meuns 
1968
Huile sur toile 

Pré-Meun 1967
Huile sur toile 

MM 44 Pré Meun
Paris 1965

Étude 1971
Meun
Acrylique sur toile 

Peinture
Acrylique sur toile 
1982-1985


BLANCS
1973-1975
À partir de 1973, Hantaï réalise la série des pliages polychromes intitulés les Blancs. Dans ces œuvres, la surface de la toile blanche ou brute, laissée en réserve, domine sur la surface peinte.
Hantaï utilise désormais de la peinture acrylique et des toiles plus fines ce qui confère aux pliages des arêtes plus sèches et des empreintes plus dessinées et étoilées. A ce procédé pictural il associe l'extension de larges formats traités
all-over expérimentés avec les Études. La volonté d'illimitation se manifeste avec une puissance accrue dans ces peintures où le blanc gagne encore du terrain.
Chaque peinture est intitulée au pluriel car il s'agit ici de désigner les multiples blancs qui émergent et minent la surface optique et non d'une simple désignation générique. Le peintre exige que notre regard se défocalise et apprenne à voir les blancs du tableau qui commencent à sortir du cadre pourrésonner avec le vide des murs et l'envahir.
Simultanément, il expérimente d'autres potentialités physiques du pliage avecles Bourgeons et les Essais. Hantaï détruisit a posteriori la quasi-totalité de ces recherches. L'Exposition du Centenaire présente pour la première fois les pièces
les plus importantes que le peintre conserva au titre de « témoins » dans son fonds d'atelier (salle du dernier atelier).

Blancs, 1965, Meun

ETUDES
1968-1971
La série des Études, initiée en 1968, est formée de peintures monochromes
exécutées sur des toiles plissées plutôt que pliées, régulièrement et systématiquement, Les plis écrasés des pliages en aiguisent et en accusent le dessin, évoquant directement l'effet cut out des papiers découpés matissiens. Ces
pliages effilés effectués all-over remplissent uniformément la surface de la toile.
La peinture toujours monochrome est badigeonnée bord-à-bord et confère aux peintures prégnance optique et dynamique visuelle.
Ce protocole rompt radicalement avec la logique des pliages antérieurs, focalisés sur un « motif » occupant le centre de la toile. Avec les Études, le travail se défocalise et se délocalise en se développant latéralement, souvent sur de très
grands formats horizontaux. La peinture est littéralement soulevée de part en part par le pliage qui la recouvre et l'emporte telle une vague, agissant comme un pattern sans début ni fin. Le processus vise à une expansion dimensionnelle
reprenant les principes pollockiens du all-over et de l'illimitation de la surface picturale. Dans les Études s'instaure un espace-temps inédit. Le regard à son tour balaie et traverse la peinture ouvrant sur la blancheur du mur et se disséminant dans l'espace environnant.
Hantai dédie au poète Pierre Reverdy (1889-1960) les Études qui sont réunies dans une premiere présentation inaugurale à la galerie Jean Fournier de juin à juillet 1969.

Meun 1968
Huile sur toile 

Étude 1969
Huile sur toile 

Études 1969
Huiles sur toile 

TABULAS
1972-1982
Dans la série des pliages intitulés Tabulas, du terme latin signifiant
«nouage serré effectué au moyen de ficelles. Ce pliage est effectué en suivant le principe linéaire d'une trame orthogonale. Tous les x centimètres, le point d'attache définit un carré qui deviendra un «carreau» de la Tabula.
Jusqu'ici, il faut le souligner, le pliage était obtenu soit en froissant, rabattant ou plissant la toile (Mariales, Catamurons, Études, Blancs) soit en la ramassant sur elle-même par des sortes de nœuds géants comme dansles Panses ou les Meuns. Ce dispositif d'attache au moyen de liens serrés permet d'obtenir des fets d'étoilement plus secs, précis et réguliers.
Une fois nouée au verso, la surface de la Tabula au recto est badigeonnée d'une couleur souvent monochrome, bord à bord. Au moment du dépli, la peinture présente ainsi un quadrillage de carreaux quadrangulaires, rythmé
par les lignes blanches plus ou moins régulières, laissées en réserve.
Les Tabulas constituent un aboutissement des recherches de l'artiste à partir du principe du « pliage comme méthode » débuté en 1960. Elles semblent constituer la modélisation du pliage retenue par Hantaï comme étant théoriquement et visuellement la plus efficace pour son projet pictural. Il s'en tiendra là tout en poursuivant le développement des Tabulas jusqu'en 1982. Il travaillera principalement durant cette période sur les variations de leur échelle avec des toiles ou des ensembles
monumentaux réalisés notamment en 1976 pour sa rétrospective du Palais de Tokyo (Musée national d'art moderne) puis en 1981 pour le Capc de Bordeaux dont il remplit la nef. Ultérieurement, il soumettra les Tabulas en 1994 et 1995, avec les Laissées, à des manipulations physiques en découpant ses toiles monumentales des années 1981 en peintures à carreaux uniques ou multiples puis, en 1996 et 1997, avec les Sérigraphies à des mutations optiques au moyen de transpositions photographiques.
Les Suaires en 2001 puis, en 2004, les Buées/H.b.l/Hebbel constituent les
dernières étapes de ce travail de relecture des Tabulas.
En 1982, Hantaï représente la France à la 40° Biennale de Venise. Il expose
au Pavillon français un ensemble de grandes Tabulas monochromes et
polychromes comptant dix-huit peintures. Les Tabulas réunies ici veulent évoquer ce projet tel qu'élaboré initialement par le peintre. Il en reprend notamment le principe d'accrochage selon lequel les Tabulas mono-chromes passent par les différentes couleurs du prisme chromatique du jaune au rouge, au bleu, puis au vert pour venir fusionner dans des Tabulas polychromes. Le dispositif prismatique obtenu permet de
comprendre le caractère tout programmatique de la couleur dans
la peinture de Hantaï. Depuis les Études, la couleur est employée pure.
et n'obéit à aucune règle autre que théorique déclinaison aléatoire de
couleur primaire ou complémentaire. Henri Matisse et les couleurs pures de ses gouaches découpées (1943-1952) et Barnett Newman avec la série Who's Afraid of Red, Yellow and Blue? (Qui a peur du rouge, du jaune et du bleu ?) (1966-1970) nourrissent alors la réflexion picturale de Hantaï.

Laissée
Maisons-Alfort / Paris], 1981-1984
Acrylique sur toile

Ensemble de  Tabulas 1976-1982

ÉTUDES, LAISSÉES & SÉRIGRAPHIES
Réunissant des Études (1972-1975), Laissées (1994) et Sérigraphies (1996), cette salle monumentale en noir etblanc veut évoquer un important projet de commande
publique dont Hantaï fut chargé entre 1984 et 1986.
Dans le cadre d'un programme national de commandes publiques dans les monuments historiques, initié par le ministère de la culture et de la communication, Hantaï
se voit confier la conception des vitraux des 130 baies de la cathédrale Saint-Cyr-Sainte-Julitte à Nevers.
L'importance du projet incite Hantaï a solliciter la collaboration de son vieil ami le peintre américain
Sam Francis. Ce projet, pour lequel les deux artistes mèneront de nombreuses recherches originales, sera finalement abandonné et laissé sans suite.
Hantaï conduit durant deux années des expérimentations inédites avec l'aide du Laboratoire de recherche de Saint-Gobain, pour la création de vitraux en noir et blanc. Il s'inspire des œuvres de Jackson Pollock
menées en 1950-1951 pour les vitraux et les voûtes de l'église projetée par le sculpteur Tony Smith. Ce projet de Smith, Alfonso Ossorio et Pollock ne sera jamais réalisé,
mais les Black and White Paintings du peintre, qui sont contemporaines de ces études, témoignent de l'importante dynamique suscitée par ce projet pour Pollock.
Au terme de ses recherches Hantaï optera pour des vitraux en blanc sur blanc, entièrement transparents,
mais dont la composition faite de lamelles de verre pliées et superposées possédant des indices de réfraction spécifiques devait engendrer la projection
de couleurs prismatiques dans l'espace même de la cathédrale. Il voulait peindre directement l'espace,
Hantaï visait ainsi à approfondir et matérialiser le principe matissien des « couleurs immatérielles » tel
qu'il l'avait esquissé dans la Chapelle du Rosaire à Vence (réalisée en 1949-1951). Là, c'était le contraste entre les
vitraux colorés et les carreaux vernissés blancs dessinés en noir qui suscitait l'apparition d une couleur pourpre dans la chapelle.
Que ce projet à l'instar de celui de Pollock n'ait jamais été realisé, nous incite a l'évoquer aujourd'hui au moyen de cette grande installation de peintures noires et blanches. La symétrie, la récurrence, la monumentalité des trois ensembles d'œuvres qui se conjuguent ici nous
permettent de mesurer ce qu'aurait pu constituer une telle réalisation.
On a présenté plus haut la logique ayant présidé à la série des Études. L'ensemble exceptionnel constitué par ces quatre grandes peintures aux pliages all-over effilés, identiques dans leur principe et dissemblables dans leur résultat, présente la récurrence d'un motif pneumatique
animé par la variation.
Avec les Laissées (1994-1995), Hantaï entre dans un phase active de destruction-reconstruction de ses toiles anciennes. Il découpe les grandes Tabulas de 1981, dont il recadre des fragments pour donner naissance a une nouvelle série d'œuvres. La question des coupes, des marges et des blancs ajoutés parfois à la marge des "carreaux" des Tabulas est centrale pour Hantaï qui
fait alors référence directe tant aux papiers découpés de Matisse qu'aux protocoles de travail de Barnett Newman et en particulier à son utilisation de bandes de papier
collant (le zip) pour masquer /révéler le fond vierge de la toile sous la peinture.
Enfin, en 1996, dans la perspective de contribuer pour la première fois depuis 1982 à une exposition publique (« L'Empreinte », Centre Pompidou, 1997), Hantaï
réutilise des clichés de ses Tabulas en cours d'exécution à Maisons-Alfort, photographiées en 1980 par Kamill Major.
Il découpe ces images pour en isoler des fragments et élabore des maquettes croisant dessins, photographies et mises en couleur. Puis il fait tirer à partir de ces
maquettes une série de trois sérigraphies en noir, de grand format (3 x 0,98 m), et ultérieurement, en 1997, un quatrième état à l'encre bleu-nuit (3 x 1,03 m). Six exemplaires de cette série de quatre Serigraphies sont
alors imprimés. Les clichés de la Tabula géante vue initialement à l'horizontale sont redressés à la verticale provoquant une vision anamorphique à la fois dérangeante
et familière de l'oeuvre. La trace de la Tabula s'y laisse entrevoir malgré déformation et retournement.


Ensemble de 4 Laissée
[Maisons-Alfort / Paris], 1981-1984
Acrylique sur toile 

Ensemble de 4 Sérigraphies

LE DERNIER ATELIER 1
Les "pliages-drippés"

Déclarant se retirer de la vie publique en 1982 et arrêter de peindre, Hantai va accomplir dans le secret de son atelier une œuvre importante entre 1982 et 1985.
Cette « œuvre au noir » inédite est présentée ici pour la première fois au public.
Parmi les recherches et les expérimentations picturales qu'il conduit à cette période, les « pliages-drippés » s'affirment comme des peintures majeures. Cet intitulé que nous leur attribuons veut souligner l'intérêt ancien et toujours réitéré
par Hantai pour la méthode de Jackson Pollock. Avec ces œuvres il semblerait que Hantaï ait réussi à conjuguer les deux protocoles picturaux et à créer une
forme synthétique originale ou littéralement c'est le pliage qui "drippe".
Réemployant le principe présidant à la série des Blancs Hantaï exécute ces pliages polychromes en modifiant cependant leur forme: il plie la toile et la peint à plusieurs reprises (pliage sur pliage; couleur sur couleur) laissant au blanc de la toile le rôle principal dans l'organisation de la surface. La gestualité et l'énergie qui animent la peinture sont directement perceptibles dans ces peintures. Les pliages sont dépliés alors que la couleur acrylique employée sous
une forme liquide est fraîche. La peinture gicle alors de l'œil du pli, provoquant coulures et éclaboussures. Ces stries polychromes suivent des parcours
horizontaux de part et d'autre du pli. Ce lacis multicolore relie entre eux les aplats souvent larges de couleur, créant un enchevêtrement optique dense.
Ces peintures de grand format inédites dans leur résultat constituent une culmination de l'art du peintre

Ensemble de 3 peintures Sans titre
Paris, [1984]
Acrylique sur toile

LE DERNIER ATELIER 2
Pliages interminables par réductions successives, pliages "en forme",
pliages étoilés, pliages à usage domestique.
L'atelier carré, peint en blanc, largement éclairé par une verrière orientée plein sud, baigne dans une lumière d'exception. Une totale liberté est revendiquée ici par le peintre, désormais libéré des contraintes imposées par
le système muséal et marchand. Plusieurs types d'œuvres se superposent dans l'atelier en couches successives, agrafées les unes sur les autres. En attente de mutation, de gestation. On y trouve au premier rang des peintures
que Hantaï nomme « pliages interminables par réductions successives », et bien d'autres formes inédites, informes, incertaines, toutes issues du pliage.
Sans précédents, inconnues du public, ces œuvres ont été divulguées à traversles photographies en noir et blanc prises par Édouard Boubat qui suivit Hantaï dans ses pérégrinations et expériences durant plusieurs décennies.
Ces photographies cependant n'ont guère été publiées du vivant de
l'artiste (première publication en 1992). Elles ne laissent qu'entrevoir la richesse et la complexité de l'œuvre du « dernier atelier >>.
Ici, Hantaï échapperait à l'étau des procédures réglées qui avaient présidé à son travail antérieur. Après l'ascèse de la métrique des Tabulas, 1972-1982, puis l'extinction chromatique des Tabulas lilas, 1982, « le dernier atelier » affiche un
dérèglement délibéré du « pliage comme méthode ».
Les pliages interminables par réductions successives occupent l'essentiel du temps du peintre. Hantaï opère par superposition de peintures sur peintures, de
pliages sur pliages. Les Laissées avaient engagé, dès 1994, un tel processus de réduction des formats par la découpe des Tabulas monumentales. Le principe
est poussé cette fois jusqu'à l'usure de la surface picturale et la disparition physique de l'objet initial. Le peintre déchire en deux des peintures antérieures, les plie, les peint, les déchire en deux, les plie, les peint, ainsi plusieurs fois de
suite, jusqu'à obtenir des peintures de très petites dimensions, à la surface brouillée, plombée par la superposition des strates de couleurs. Ce travail d'approfondissement, où le pliage se referme et se replie sur lui-même,
explore une dimension interne et intérieure, visant à la disparition comme par involution. Il s'oppose directement aux expérimentations d'expansion et d'illimitation du format des années 1970-1980 qui opéraient par démultiplication
et augmentation symétrique.
On trouve aussi dans le « dernier atelier » des collections de "pliages préparés" simplement trempés dans la colle, apprêtés, qui agissent comme des sculptures. Ils servent de fond à de petites peintures, exécutées au moyen de pliages-sur-pliages.


ÉDOUARD BOUBAT
(1923-1999)
Portrait de Simon Hantaï dans « le dernier atelier

Portrait de la mère de Simon Hantai,
Anna, Bia (Hongrie)

Tabula non dépliée
En 1976, Simon Hantaï reproduit dans le catalogue de sa première rétrospective parisienne au
Musée national d'art moderne, Palais de Tokyo, deux images en vis-à-vis :
- le portrait photographique de sa mère vêtue de
son grand tablier quadrillé par le repassage (1918)
- une Tabula nouée, non dépliée, d'un bleu indigo intense.

Tabula
[Paris], 1982-1986
Huile sur toile 
Collection particulière

Chiffon d'atelier maculé, Pliages préparés, Pliage à usage domestique

HANTAÏ-BUREN-PARMENTIER
Confrontation
Lorsque Hantaï accueille Daniel Buren au 21, Cité des Fleurs, l'artiste est âgé d'une vingtaine d'années. Malgré leur écart générationnel, les deux peintres voisins d'ateliers engagent un long débat sur les moyens de la peinture et entrent dans une relation d'amitié que rien ne saurait effacer. En 1964, Daniel Buren présente à Hantaï Michel Parmentier, son ami depuis 1956 (Académie Charpentier, École
des Métiers d'art). Parmentier sera subjugué par la radicalité théorique de la pratique de Simon et lui empruntera la méthode du pliage.
Le principe du « pliage comme méthode » apparaît dans le travail de Parmentier mi-1966. Il passe alors d'une peinture lyrique abstraite à une peinture systématique faite de larges bandes monochromes. Ces bandes sont tout d'abord. réalisées au moyen de scotchs marquant en blanc les zones de la toile à protéger.
Puis un pliage horizontal démarque ces différentes zones. Après pliage, les peintures agrafées au mur sont passées à la bombe, puis dépliées, révélant de larges bandes alternées de toile préparée, blanche, laissée en réserve. Daniel Buren de son côté met au point en 1966 son «< outil visuel » fait de toile imprimée rayée de bandes de 8,7 cm de largeur. Ces travaux de Buren et Parmentier sont présentés dans le cadre de « Pour une exposition en forme de triptyque », organisée sur une proposition de Simon Hantaï et Jean-Paul Riopelle à la Galerie Jean Fournier (janvier-mai 1966). Confrontation entre générations d'artistes, l'exposition réunit également des peintures de
Hantaï, Riopelle, Pierre Buraglio, Jean-Michel Meurice et Antoni Tàpies. Les volets suivants de ce « triptyque » ne seront pas réalisés. On doit ainsi à Hantaï d'avoir
le premier fait connaître à Paris la démarche originale et iconoclaste de ces jeunes artistes. Il faudra attendre le 3 janvier 1967 pour qu'une présentation véritablement publique de leur travail ait lieu (avec celle de leurs acolytes Niele Toroni et Olivier Mosset) au Salon de la Jeune Peinture lors de ce qu'ils
intituleront « manifestation 1 » et « manifestation 2 >>.
Une confrontation à trois termes réunit ici deux Tabula de Hantaï, une Tabula lilas de 1982 et « un jus de peinture » de 1984-1986, avec des pièces de Buren et Parmentier conçues en 1991 pour une exposition au Canada (Toronto,
24 janvier-7 avril 1991).

Tabula lilas
[Paris], 1982
Acrylique sur toile 
Collection particulière

JEAN-MICHEL MEURICE
(Né en 1938)
Simon Hantaï, 1974
Collection Des formes et des couleurs
Documentaire 20 min
Simon Hantaï ou Les Silences rétiniens, 1976
Documentair 58 min
Paris - Centre Pompidou -
INA (Institut national de l'audiovisuel


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