jeudi 31 mars 2022

Boldini, les plaisirs et les jours au Petit-Palais en mars 2022

Encore une superbe exposition dans ce beau musée !
En voici la présentation :

Reconnu comme l'un des grands portraitistes de son temps, Giovanni Boldini capture la vitalité et l'effervescence de toute une époque, avec une extraordinaire virtuosité technique. Qu'il représente la Toscane des années 1860, le Paris de la Troisième République ou le milieu mondain et frivole de la Belle Époque, il est le peintre d'une période foisonnante. A l'instar de Marcel Proust en littérature, il se mêle à la société qu'il peint et livre ainsi un ample témoignage sur ses personnages, ses goûts, ses mœurs et ses plaisirs.

Mais Boldini fut victime de son succès. Trop exubérant pour les uns, trop mondain pour l'avant-garde, trop facile ou trop chic pour les autres : on lui a reproché de répéter la même formule et d'en tirer des avantages personnels et économiques, loin de l'image d'Epinal de l'artiste bohème. En réalité. Boldini ne se conforme à aucune règle. Innovateur infatigable, il a su se montrer sensible aux maîtres du passé tout en restituant la frénésie de la modernité, grâce à son coup de pinceau virevoltant. Par ce choix d'un art individuel et indépendant, il a conservé tout au long de sa carrière une originalité absolue.

Grâce à l'engagement exceptionnel du Museo Boldini de Ferrare, le Petit Palais présente l'artiste italien sous toutes ses facettes, de ses débuts à Florence à sa longue carrière parisienne, de ses tableaux de genre à ses portraits mondains, en passant par toute une production plus intime, jalousement gardée dans son atelier de son vivant. L'exposition rend hommage au peintre des élégances, mais invite aussi à découvrir un artiste plus secret.

Dans la suite de ce post, toutes les œuvres sont de Boldini sauf mention contraire.

Giovanni Fattori dans son atelier
1865 Huile sur bois
Milan, collection Intesa Sanpaolo, Gallerie d'italia

Fattori, l'un des plus importants représentants du mouvement des Macchiaioli est représenté au travail, à son chevalet. Conformément aux objectifs de ces peintres, qui cherchaient à se détacher de l'académisme, il balaie sa toile de taches de couleurs pour restituer un paysage d'arbres baigné d'une lumière automnale. Autour de lui, on découvre son intérieur, d'une grande sobriété : quelques toiles posées contre le mur, des sièges et un poêle en fonte qui chauffe si peu l'atelier que le peintre doit garder son chapeau. Derrière lui, posé sur un tabouret, le képi militaire rappelle que Fattori a été peintre de batailles.

Boldini avant Boldini (1864-1871)
En 1864, Boldini s'installe à Florence, qui est alors le centre de la vie culturelle et artistique en Italie. Deux peintres, Michele Gordigiani et Cristiano Banti, le prennent rapidement sous leur aile, l'introduisant dans les cercles artistiques et auprès d'une société mondaine qui lui procure des mandes. Pendant un temps, Boldini fréquente aussi les Macchiaioli, groupe d'initiateurs de la peinture moderne italienne. Il réalise plusieurs portraits des membres de ce groupe. Sa manière innovante de traiter les arrière-plans, en représentant les murs de son atelier plutôt que de faire ressortir ses figures sur des fonds neutres, frappe ses contemporains.

Boldini commence à être remarqué par la critique. Une richissime anglaise, Isabella Robinson Falconer, convaincue de son talent exceptionnel, le présente aux grandes familles italiennes et étrangères qui vivent à Florence ou qui résident l'hiver sur la Côte d'Azur. Cette familiarité avec la bourgeoisie et l'aristocratie lui vaut un succès toujours grandissant et davantage de commandes.

La prédilection de Boldini pour les portraits en intérieur l'éloigne des Macchiaioli, qui préfèrent la peinture de paysage et les scènes d'extérieur. À l'inverse de ses compatriotes Giuseppe De Nittis et Federico Zandomeneghi qui tenteront, à Paris, de se rapprocher des peintres impressionnistes, Boldini choisira une voie tout autre.

Portrait de Lilia Monti, née comtesse Magnoni Portrait of Lilia Monti, née Countess Magnoni
1864-1865
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Ce tableau est le premier que Boldini peint à Florence. La posture gracieuse de la jeune femme de profil et le format du portrait l'inscrivent dans une tradition académique. Mais le ruban rouge qui tombe sur l'épaule, défait comme par inadvertance, crée un effet inattendu. Le contraste du rouge avec la palette sobre du tableau ainsi qu'avec le noir de la chevelure et du vêtement révèle le raffinement du peintre.

Les Sœurs Laskaraky
1869
Huile sur toile / Oil on canvas
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Daté et signé « 4 septembre 1869 G. Boldini », ce petit tableau est comme la page d'un journal, le souvenir d'un moment paisible partagé avec les Lascaraky, une famille russe établie en Toscane. Les attitudes désinvoltes et naturelles des modèles renforcent le caractère intime de la scène. A gauche, la fille aînée, Lola, interrompt ses travaux de couture pour chercher le regard de l'artiste, trahissant ainsi le lien qui les unit. Le peintre conserva ce tableau dans son atelier toute sa vie.

Portrait de Mary Donegani
1869 Huile sur bois 
Viareggio, Istituto Matteucci

Portrait de la comtesse Carlotta Aloisi Papudoff
1869 Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Bottega d'Arte, Montecatini Terme


Les débuts parisiens de Boldini (1871-1880)

Le 23 octobre 1871, Boldini arrive à Paris pour un bref séjour. La capitale française vient tout juste de retrouver l'apaisement après la guerre franco-prussienne et la Commune. Alors qu'il a prévu de retourner à Londres où il s'est installé depuis le mois de mai, le peintre se laisse happer par la promesse d'une vie parisienne palpitante et d'une grande carrière artistique. Ainsi commence l'aventure française de Boldini, qui durera près de soixante ans.

Par stratégie commerciale, il se rapproche notamment du marchand Adolphe Goupil et met de côté sa vocation de portraitiste pour se consacrer à « l'art à la mode », à la manière d'Ernest Meissonier et de Mariano Fortuny. Ce style se caractérise par des peintures de genre de petites dimensions, avec des personnages en costume du xvi" siècle, aptes à séduire la nouvelle bourgeoisie entrepreneuriale. La jeune compagne et muse de Boldini, Berthe, avec son visage doux et son innocence mêlée de sensualité, devient la protagoniste de dizaines de scènes. Dans ses paysages, Boldini se montre particulièrement attiré par les lieux que fréquente la haute société, tels qu'Etretat, qui allait bientôt devenir une ville balnéaire à la mode. Si l'exécution en plein air lui permet de capturer des impressions visuelles fugitives, il retravaille néanmoins longuement ses peintures en atelier pour parvenir à la composition idéale.

Le succès ne se fait pas attendre: Boldini est très vite reconnu en tant que paysagiste et peintre de genre, en France comme à l'étranger. Ses tableaux nourrissent, dans l'imaginaire collectif, l'image d'une société française pacifiée, heureuse et harmonieuse, loin des souvenirs de la Commune.

L'Amateur d'art 
1870
Huile sur bois 
Bologne, collection particulière, anciennement Fondantico di Tiziana Sassoli

GIOVANNI BOLDINI (1842-1931)
Le Matador
ou Couple en costume espagnol avec deux perroquets
1874
Huile sur bois
Collection d'art Banca Carige

Très proche, par son sujet, du tableau La Sérénade, cette scène fut peinte par Boldini bien avant son premier voyage en Espagne, qui aura lieu en 1889. Le jeu des deux perroquets sur leur perchoir, qui attire l'attention des personnages, renforce la légèreté du sujet. Ce type d'oeuvres chaleureuses et insouciantes séduisait le public au même titre que les scènes de genre en costumes du XVIII siècle, y ajoutant une pointe d'exo- tisme et de sensualité.
La Sérénade ou La Joueuse de guitare
1872 Huile sur toile
Williamstown, The Sterling and Francine Clark Art Institute

Les représentations folkloriques et pittoresques de l'Espagne sont introduites par l'artiste Mariano Fortuny dans le répertoire de la galerie Goupil. Très à la mode depuis son arrivée à Paris en 1866, cet artiste catalan était en passe de détrôner le maître de la peinture de genre, Ernest Meissonier. On retrouve chez Boldini, qui admirait ces deux peintres, la même minutie dans le décor et les costumes, en particulier ici dans l'habit de lumière du torero et la mantille de la jeune femme.

Berthe fumant
1874 Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Concezione Ltd

Dans une composition qui rappelle Les Sœurs Lascaraky (Ferrare, Museo Giovanni Boldini), Berthe est saisie dans l'intimité de sa vie quotidienne avec Boldini. A demi allongée dans un canapé, en train de fumer une cigarette, elle témoigne du bien-être auquel toute une partie de la population de la Troisième République peut désormais prétendre. Les tableaux de ce type rejoignaient alors rapidement les collections privées européennes et américaines, nourrissant l'image d'une société française plus libre et élégante.

Sur un banc au Bois
1872 Huile sur bois 
Collection particulière

A son arrivée à Paris, Boldini tombe
amoureux de Berthe, qui restera auprès de lui pendant plus de dix ans, à la fois modèle, muse et compagne. Son visage doux encadré de cheveux blonds, son regard pur et son innocence mêlée de sensualité rappellent les bergères en apparence ingénues des tableaux du XVIII siècle. Elle sera l'effigie de dizaines d'oeuvres de Boldini: tel le Petit Chaperon Boulogne, son regard timide évitant celui du spectateur.

Jours tranquilles ou Jeune Femme au crochet 
1875 Huile sur toile
Williamstown, The Sterling and Francine Clark Art Institute

Sous une apparente spontanéité, la
scène est soigneusement élaborée dans l'atelier de l'artiste.

Berthe à la campagne
1874 Huile sur bois
Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

Le Retour des bateaux de pêche, Étretat 1879 Huile sur bois  Williamstown, The Sterling and Francine Clark Art Institute

Plutôt que de se concentrer sur les célèbres falaises d'Étretat, visibles à l'arrière-plan, Boldini représente une scène pittoresque située en contrebas, sur la plage de galets. La scène mêle habitants et touristes s'amassant autour d'un bateau de pêche pour observer les prises du jour. Avec force détails minutieux, Boldini restitue ainsi le caractère hybride des lieux où se rencontraient la communauté locale des pécheurs et la haute société parisienne.

La Machine de Marly ou La Seine à Bougival
Vers 1876 Huile sur toile 
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Peu après son arrivée à Paris, Boldini expérimente la peinture de plein air. Longtemps intitulée La Seine à Bougival, la toile est désignée aujourd'hui sous le titre La Machine de Marly, du nom de l'édifice en briques roses qui apparaît à l'arrière plan. Ce bâtiment abritait la pompe servant à alimenter les fontaines Inachevée, l'oeuvre témoigne de la technique du peintre.  De larges parties de la toile laissant voir les traits de crayon ayant servi à définir la composition.

Plage d'Étretat avec bateau de pêche
Vers 1878-1879 Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Marco Bertoli

Le Printemps ou Paysans et Chiens
1872 Huile sur bois
Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

Sur la Seine ou Rive de la Seine au mont Valérien
1877 Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Scène galante dans le parc de Versailles
Vers 1877 Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan


Le rythme de la ville
Vers la fin du 19ème siècle, Paris devient l'image même de la métropole moderne avec ses grands axes de circulation, sa compagnie générale d'omnibus et l'éclairage électrique qui lui vaut le surnom de « Ville Lumière ». Boldini, en pleine synergie avec le monde qui l'entoure, s'inspire de la ville et de ses plaisirs qui fascinent tant les étrangers. Cafés, théâtres, places fourmillantes et rues traversées par des voitures à cheval deviennent les sujets de prédilection du peintre, formant une chronique parisienne pleine d'originalité.

Pour restituer la vitesse et le rythme de la ville, le peintre met en oeuvre de savantes compositions marquées par des points de vue inhabituels, des cadrages audacieux et des points de fuite multiples qui anticipent le regard cinématographique. Admirateur de Meissonier, de Degas et des expériences d'Eadweard Muybridge sur la chronophotographie, il se consacre à l'étude de la représentation des chevaux, qui, alors, " [l']intéressent plus que les femmes ", comme il l'écrit à son ami Banti.

Boldini est aussi un mélomane averti. Comme ses contemporains, il se passionne pour la vie parisienne nocturne et mondaine, dont il restitue plusieurs facettes. Au fil de ses tableaux, on assiste aux soirées impro visées autour du piano de son atelier avec ses amis musiciens ou dilettantes, on rencontre des danseuses de l'Opéra, des compositeurs et des chefs d'orchestre, et on s'encanaille dans les cafés-concerts. La Scène de fête au Moulin Rouge dépeint un lieu à peine inauguré et déjà mythique grâce au French cancan, symbole à lui tout seul de la Belle Époque.

Conversation au café
1879
Huile sur bois 
Collection particulière

Assises à la terrasse d'un café parisien, deux femmes élégantes paraissent s'adonner aux joies du commérage. À droite, Berthe, la muse des premiers tableaux parisiens de Boldini, esquisse un sourire timide et réservé. À gauche, Gabrielle de Rasty, jeune femme sensuelle et mondaine qui introduira le peintre dans le beau monde, anime la discussion. La blonde et la brune, duo tout en contraste, incarnent à elles deux le passé et l'avenir tant sentimental que professionnel du peintre.

En traversant la rue
1873-1875
Huile sur bois
Williamstown, The Sterling and Francine Clark Art Institute

Une femme élégamment vêtue tra verse une rue pavée en relevant sa jupe. Elle attire le regard d'un homme qui passe dans une voiture à cheval et qui s'incline pour mieux observer le charmant spectacle. La structuration progressive des plans en profondeur confère à l'œuvre une dimension théâtrale, accentuée par les immeubles qui forment comme un mur de scène. Les voitures s'éloignant l'une de l'autre et les personnages, tous solitaires, partant dans des directions opposées, créent une impression de mouvement.

Omnibus de la place Pigalle
1882
Huile sur bois 
Collection particulière

Boldini quitte souvent son atelier pour peindre et dessiner des scènes de la vie parisienne et des vues de son quartier, en particulier la place Pigalle et la place de Clichy. Il cherche à restituer le rythme vivant de la métropole moderne. Ce qui frappe dans ce tableau, c'est l'audace de la composition : les chevaux figurent au premier plan de dos, comme si Boldini se donnait là un défi dans la représentation de l'animal.

Deux Chevaux blancs
Vers 1881-1886
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Cette œuvre correspond à la partie droite d'une  grande composition inachevée mesurant à l'origine plus de 2 mètres de large et intitulée Le pont des Saints Pères.
Elle représentait des chevaux blancs courant à vive allure,  manquant de renverser un enfant sauvé de justesse par sa sœur. Boldini est stimulé par les expériences d'Étienne-Jules Marey sur la locomotion animale: grâce l'alternance de zones méticuleusement détaillées et d'autres plus floues, il obtient un effet animé analogue à celui que produisent leurs photographies de sujets en mouvement.

Le Cocher
Vers 1880-1890
Huile sur panneau 
Collection particulière

Au printemps 1890, Boldini participe au premier salon de l'académie des beaux-arts. Il expose sept tableaux, dont six portraits et cette petite étude d'un cocher endormi dans son fiacre. Avec sa touche libre et sommaire, sa "rapidité de mouvement" (Huysmans), cette scène est le témoi- gnage vivant de la vie quotidienne dans les rues parisiennes. Le tableau avait disparu depuis plus de cent trente ans et vient d'être retrouvé dans une collection privée européenne, ce qui représente un ajout d'une importance fondamentale dans le catalogue des oeuvres connues de l'artiste.

L'Intérieur de l'église Saint Séverin 
1912 Huile sur toile Paris,
 collection Étienne Bréton - Saint Honoré Art Consulting

L'Église russe de la rue Daru
Vers 1910
Huile sur toile
Collection particulière, ancienne collection du duc de Gramont

Le Chef d'orchestre
Emanuele Muzio sur l'estrade
1882
Huile sur bois
Milan, Casa di riposo per musicisti Giuseppe Verdi

Spectateurs au théâtre
Vers 1885
Pastel et crayon sur papier
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Portrait de Mme Torri, danseuse à l'Opéra
Vers 1900
Huile sur bois 

Le Crieur de journaux parisien
Vers 1880
Huile sur bois 
Naples, Museo e Real Bosco di Capodimonte

Chiffonniers, nettoyeurs de réverbères, crieurs de journaux: les anciens métiers des rues de Paris sont immortalisés au même moment par les photographes comme Charles Nègre, Marville, etc. Boldini imite ici leur style documentaire. Sur les quais de Seine, le vendeur invite les passants à acheter les journaux empilés sous ses bras. Parmi les divers titres, on reconnaît  L'Intransigeant, quotidien fondé cette année 1880, dont le rédacteur en chef était le polémiste Henri Rochefort, qui sera portraituré par Boldini la même année.

Sortie d'un bal masqué à Montmartre
Vers 1876
Huile sur toile
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Nocturne à Montmartre
Vers 1883
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Paysage avec chevaux
Vers 1900
Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Amoureux au café 
Vers 1887
Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Gallerie Maspes

Scène de fête au Moulin Rouge
Vers 1889 Huile sur toile 
Paris, musée d'Orsay, accepté par l'État à titre de dation, 2010

Les Deux Amis
Vers 1884
Aquarelle sur carton
 Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

À côté des portraits officiels, Boldini consacrait une partie de sa production à ses amis, comme dans cette aquarelle représentant deux visiteurs, de passage représentés dans son atelier. Le point de vue en  plongée sur les personnages, dans une pose toute naturelle, donne l'impression que le peintre s'amuse à écouter avec indiscrétion leur conversation. Au premier plan, on reconnaît le compositeur Emanuele Muzio, élève de Verdi, que  Boldini avait rencontré en 1882 et dont il réalisa également un portrait à l'huile.

La Cantatrice mondaine
Vers 1884
Huile sur toile
Ferrare, collection Fondazione Estense, en dépôt au Museo Giovanni Boldini

Au début des années 1880, musiciens, danseuses, chanteurs et noctambules font leur apparition dans le répertoire de Boldoni. La scène représentée ici ne se situe toutefois ni dans un café ni à l'Opéra mais dans l'atelier de l'artiste, place Pigalle. La composition, inspirée des estampes japonaises  se caractérise par l'absence de profondeur, un point de vue en plongé, un cadrage resserré et des figures coupées par le cadre de l'oeuvre. Ainsi on ne voit que les mains et une partie du visage du pianiste dont le reste du corps sort du champ


Portraits intimes et officiels (1880–1890)

A partir des années 1880, les tableaux dits «à la Goupil », du nom du marchand à la mode. sont en perte de vitesse. Boldini, qui n'a rien de l'artiste bohème, est sensible aux fluctuations du marché, si bien qu'il fait progressivement disparaître les tableaux de genre de son catalogue. Il revient à sa vocation la plus personnelle : le portrait. Grâce à l'aide de la comtesse Gabrielle de Rasty, qui l'introduit dans les cercles de la haute société parisienne, le nombre de ses commandes augmente rapidement. Il conçoit pour la comtesse, qui devient sa muse, son amante et sa protectrice, une vive passion.

Boldini s'intéresse de plus en plus à l'art ancien, qui légitime son aspiration à la « grande » peinture. Il admire son confrère américain John Singer Sargent dont les portraits conjuguent l'influence du Greco. de Van Dyck et de Velázquez. Les oeuvres du peintre Frans Hals, découvertes lors d'un voyage en Hollande, le convainquent d'oser l'usage des noirs sur des fonds sombres, avec des blancs très forts. Boldini devient un véritable "coloriste du noir".

À la fin des années 1880, son évolution stylistique est achevée. Il obtient un grand succès lors de l'Exposition universelle de 1889, où il présente douze tableaux, dont le portrait d'Emiliana Concha de Ossa dit Le Pastel blanc. Il est désormais officiellement reconnu en tant que grand portraitiste, au même titre que Sargent, Whistler ou Zorn. Toutefois, Boldini conserve une forme d'originalité absolue, par le choix d'un art individuel, personnel et indépendant.

Portrait d'Henri Rochefort 
Vers 1880
Huile sur toile
Paris, musée d'Orsay, acquis en 1946

En 1880, à la faveur de l'amnistie des In 1880,  le polémiste et militant républicain Henri Rochefort rentre à Paris. Manet peint son évasion rocambolesque du bagne de Nouméa, ainsi qu'un portrait de Rochefort qu'il présente au Salon de 1881. Mais celui que réalise Boldini plut davantage au modèle. Il met en valeur sa physionomie particulière : front ample sous des cheveux ébouriffés, les traits tendus, le sourcil levé et le regard perçant donne une image très vivante d'Henri Rochefort.

Portrait du peintre Joaquín Araujo y Ruano 
Vers 1882 Huile sur bois
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Ce portrait, exposé à la galerie Georges Petit à Paris en 1882, représente le peintre Joaquín Araujo de manière vivante et détaillée, assis devant la table où sont étalés ses ustensiles de peintre. L'oeuvre se caractérise par des couleurs vives et par une exécution méticuleuse des détails, sensible dans le rendu du personnage. La vivacité de son regard et l'énergie nerveuse de ses mains élégam- ment posées révèlent l'influence de Frans Hals. Boldini a jalousement conservé toute sa vie ce petit tableau dans son atelier.

Alice Regnault à cheval ou L'Amazone
Vers 1879 Huile sur bois 
Milan, Galleria d'arte moderna

Boldini exécute deux portraits
d'Augustine-Alexandrine Toulet (1849- 1931), future épouse de l'écrivain Octave Mirbeau, qui avait commencé en 1871 une brève carrière théâtrale sous le nom d'Alice Regnault. Dans le premier, il la représente en cavalière, très élégante dans sa robe l'amazone qui met en valeur la finesse de sa taille. Exposé au Salon de 1880, il s'agit d'un des rares portraits en plein air de Boldini, qui démontre au passage sa virtuosité dans la peinture équestre. notamment par le rendu de la robe isabelle et des jambes nerveuses de l'animal,

Portrait d'Emiliana Concha de Ossa
Vers 1888
Pastel sur papier marouflé sur toile
Collection particulière

En 1888, Boldini réalise au pastel six portraits représentant différents membres de la grande famille chilienne des Subercaseaux. Très content de son travail, le peintre ne voulut jamais se séparer du portrait de la jeune Emiliana - connu sous le titre de Pastel blanc-, et donna à son modèle une réplique, parfaite, présentée ici. Le point de vue légèrement abaissé met en valeur la silhouette élancée de la jeune femme, et Boldini n'hésite pas à allonger ses bras et surtout ses mains, jusqu'à l'exagération.

Portrait de Mlle Concha de Ossa
1888
Pastel sur toile 
Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

Portrait de Cecilia de Madrazo Fortuny
1882
Huile sur toile 
Bordeaux, musée des Beaux-Arts

Abandon
Vers 1880
Huile sur bois
Collection particulière

La Comtesse de Rasty allongée 
Vers 1880
Pastel sur soie
Collection particulière, courtesy Massimo Vecchia

Compagne et modèle de Boldini à  partir de 1880, la comtesse Gabrielle est le sujet de nombreux portraits de l'artiste, des plus mondains aux plus intimes. A cette époque le peintre développe sa pratique du pastel dint les douces nuances lui permettent ici de  mettre en avant la sensualité du modèle.  Le regard perdu dans ses pensées, elle  est allongée dans une pose nonchalante, mais les lignes sinueuses de son corps et les touches énergiques animent la figure.  le peintre ne se soucie pas de donner un aspect fini au portrait, qui conserve ainsi une apparencede mouvement.

La Robe écossaise
Vers 1895 Huile sur toile 
Collection particulière

Le Peintre John Lewis Brown avec sa femme et sa fille
1890
Huile sur toile
Lisbonne, musée Calouste Gulbenkian

Les figures en manteau donnent l'impression d'être stoppées en pleine promenade, tandis qu'au centre le peintre et graveur Brown aborde le peintre, comme s'il le croisait en pleine rue. Mais la moulure derrière les personnages rappelle les lambris de l'atelier de Boldini. Au milieu des tons bruns et noirs ressortent quelques points lumineux, en particulier le journal froissé sous le bras du peintre. Brossé en quelques coups de pinceau, ce petit morceau de peinture frappe l'oeil par son caractère ébauché au milieu de la toile.

Portrait de l'actrice Alice Regnault
Vers 1884
Huile sur toile
Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

Ce second portrait d'Alice Regnault, resté inachevé, contraste avec celui en amazone que Boldini a réalisé quelques années plus tôt. Ici, la jeune femme très déshabillée prend une pose sensuelle qui traduit la fascination du peintre pour son modèle. Le monde du théâtre et des spectacles enchante Boldini, qui retrouve chez les actrices comme chez les danseuses l'idéal de beauté qu'il poursuit en peinture.

Femme (Gabrielle de Rasty?] à l'éventail assise dans une loge
Aquarelle et pierre noire 
Paris, musée d'Orsay


Le laboratoire de l'artiste
A Paris, Boldini a successivement habité trois ateliers. Le premier au 12, avenue Frochot, à proximité de la place Pigalle, le second sur cette même place, et le dernier au 41, boulevard Berthier, dans le quartier de la Plaine Monceau. L'atelier du peintre est d'abord un lieu de vie, de création et de sociabilité, peuplé du bric-à-brac de l'artiste, de ses couvres en cours d'achèvement, des meubles et des objets dont il aime s'entourer.

L'atelier est aussi le lieu où se cristallise la manière unique des portraits « à la Boldini » : le peintre demande presque toujours à ses modèles de poser dans son atelier, où il répète inlassablement les mêmes mises en scène. Les figures, isolées dans un espace fermé, avec leurs postures en déséquilibre et leur allongement parfois artificiel, rappellent la ligne  "serpentine"des peintres maniéristes 19ème siècle, ou encore certaines exagérations des portraits d'Ingres. Derrière elles, quelques touches rapides suffisent pour suggérer l'espace de l'atelier, qui est généralement évoqué par un simple détail - un divan, une bergère, une chaise, une boiserie ou un encadrement de porte.

Dans son laboratoire, le peintre, tel un alchimiste, met au point son langage exubérant, sa touche toujours plus impétueuse qui s'allège et se déploie sur la surface de la toile, comme un feu d'artifice. S'il se tient éloigné des avant-gardes du début du xx siècle, Boldini est sensible à la modernité qui l'environne, en particulier aux effets de la vitesse et de l'illumination électrique. Certaines de ses ceuvres parmi les plus expérimentales cherchent à traduire le déploiement de l'action dans le temps.

Portrait du petit Subercaseaux
1891
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Ce portrait représente Pedro Suber caseaux, l'un des deux fils du diplomate chilien Ramón Subercaseaux Vicuña. Raffiné, jouant sur diverses tonalités de blanc, de noir et de gris, Boldini se réfère à la grande tradition du portrait espagnol du XVII siècle. Mais il démontre aussi sa capacité d'analyse psychologique, qu'il auxquelles il est contraint.

Intérieur de l'atelier
avec le Portrait du petit
Subercaseaux
Vers 1899
Huile sur bois
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Ce tableau, issu de la collection per- sonnelle de Boldini, fait partie d'un pan plus intime de sa production consacré aux représentations de son atelier. Ici, ce dernier est plongé dans la pénombre et traversé par un rayon de soleil qui éclaire un buste en plâtre il s'agit du cardinal Léopold de Médicis, buste alors attribué à Bernin. La lumière fait éclater la blancheur du plâtre et crée un contraste saisissant avec le portrait du jeune garçon en arrière-plan, plongé dans l'ombre.

Intérieur de l'atelier avec la jeune Errázuriz 
Vers 1892
Hulle sur bois
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

A partir de la fin des années 1880, Boldini tend à gommer la présence humaine dans certains tableaux consacrés à des vues d'intérieur. Les figures sont remplacées par des objets, des meubles ou des toiles qui peuplent l'atelier du peintre. Souvent, le motif du « tableau dans le tableau » permet au peintre de reproduire ses oeuvres préférées - comme ici avec le portrait de la jeune Errázuriz. Il livre ainsi un témoignage sur les étapes les plus significatives de sa carrière artistique.

Femme en noir observant le Pastel blanc 
Vers 1888
Huile sur bois
Museo Ciami Beidies

Ce tableau offre un aperçu de l'atelier du boulevard Berthier. À l'arrière-plan, l'artiste a représenté son piano et plusieurs toiles. Au centre, une femme, vue de dos, observe le Pastel blanc, selon le procédé du tableau dans le tableau ». Il s'agit d'Emiliana Concha de Ossa, le modèle du pastel, en visite à l'atelier. Boldini explore le thème du double. La jeune femme se reflète dans son portrait comme dans un miroir, à cecl près que sa silhouette sombre contraste fortement avec les tons clairs du pastel sur lequel elle se détache.

Feu d'artifice
1892-1895
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Cette toile imposante, l'une des plus célèbres de l'artiste, représente à l'échelle une inconnue aux grands yeux sombres et aux cheveux noirs coiffés en chignon. Le portrait doit son titre, Feu d'artifice,  aux larges coups de pinceau de couleur qui enveloppent la figure, dont le a
peintre se sert pour dématérialiser la robe de son modèle et envelopper sa silhouette dans un halo vaporeux. L'audace et de la composition, jointe à une touche qui tend vers l'abstraction, traduit une liberté formelle inhabituelle pour l'époque.

Portrait de la comtesse de Leusse en pied
Vers 1889-1890
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Nymphes au clair de lune
1909
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Boîte de peinture avec le Portrait du jardinier des Veil -Picard
Vers 1897
Huile sur bois (portrait); bois (boîte) 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Autoportrait de Montorsoli 
1892
Huile sur toile 
 Florence, Gallerie degli Uffizi
Cet autoportrait de Boldini est exécuté lors d'un séjour chez son ami Banti. Il s'agit d'une commande express du directeur du musée des Offices, à Florence, visant à enrichir la galerie des autoportraits. A cinquante ans, Boldini rejoint ainsi l'élite des maîtres jugés dignes d'intégrer cette célèbre collection qui compte aujourd'hui plus de 1 600 tableaux acquis au fil des siècles.

Une cour artistique et littéraire (1890-1900)

Après l'Exposition universelle de 1889, Boldini cultive son succès en choisissant de peindre les personnalités de premier plan de son époque. Sous son pinceau naît ainsi une extraordinaire galerie de portraits, qui permet d'admirer les protagonistes de la haute société parisienne, cosmopolite, frivole et décadente, celle-là même que décrit Marcel Proust dans Les Plaisirs et les Jours en 1896 et, plus tard, dans À la recherche du temps perdu.

Cette société se presse dans les soirées parisiennes ou à Versailles, lors de fêtes inspirées du règne de Louis XIV. S'y croisent des écrivains et des dandys comme le comte Robert de Montesquiou et le marquis Boni de Castellane, mais aussi de riches héritières et des aristocrates comme la comtesse Greffulhe, célèbre modèle de Proust pour son personnage de la duchesse de Guermantes. On y rencontre également des artistes, le compositeur Reynaldo Hahn, la danseuse Cléo de Mérode ou encore Madeleine Lemaire, illustratrice et salonnière. Grâce à ses qualités mondaines, Boldini se mêle à cette société fin de siècle, qui porte aux nues le culte de l'individu.

Selon l'esthétique de Proust, « c'est en descendant en profondeur dans une individualité» que l'on peut comprendre l'âme humaine. À l'instar de l'écrivain, c'est l'individu singulier, dont il cherche à saisir l'essence, qui intéresse Boldini dans ses portraits. Ainsi, si la plupart des noms de ses modèles sont oubliés aujourd'hui, ils évoquent ce "temps perdu" cher à Proust, ces "plaisirs" et ces « jours » d'une époque si singulière.
Mme Charles Max
1896
Huile sur toile 
Paris, musée d'Orsay, don de Mme Charles Max, 1904

La belle Jeanne Max, cantatrice mondaine, recevait dans son salon toute l'élite parisienne. Son portrait en pied décline toute une harmonie de gris, allant des moulures de l'atelier à la robe du modèle. Le peintre la saisit dans l'élan d'un mouvement qui exalte sa sensualité. Son geste, relevant sa robe de soie gris, permet de souligner les courbes et les lignes de son corps, tandis que le galon d'or glissant sur son bras laisse apparaître son épaule nue. Typique de l'idéal féminin de Boldini, le portrait fut admiré au salon de la Société nationale des beaux-arts, où l'artiste l'exposera.

Portrait de Lady Colin Campbell, née Gertrude Elizabeth Blood
1894
Huile sur toile
Londres, National Portrait Gallery, don de Winifred Brooke Alder selon la volonté du modèle, 1911.

Boldini voit dans Gertrude Elizabeth Blood, aristocrate irlandaise rendue célèbre par son divorce scandaleux de Lord Colin Campbell, la personnification même de la femme fatale. Il la représente assise de face et vêtue d'une magnifique robe noire qui met en valeur sa taille très fine et son teint pâle. Elle regarde le spectateur avec un air de défi, presque intimidant. 

Statue dans le parc de Versailles
1895
Huile sur bois
 Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

Boldini représente ici la Vénus Richelieu, une sculpture du XVII° siècle de Pierre Legros située dans l'allée royale du parc de Versailles. Le peintre revient sur les lieux qu'il arpentait vingt ans plus tôt, mais la splendeur passée laisse place à la mélancolie de l'automne. Le marbre reflète le roussissement des arbres, tandis qu'un tourbillon de vent, matéri- alisé par la touche vibrante du pinceau, soulève et fait tourner les feuilles devant et autour de la statue.

Portrait du comte Robert de Montesquiou
1897
Huile sur toile 
Paris, musée d'Orsay, don d'Henri Pinard au nom du comte Robert de Montesquiou 1922

Aristocrate, poète, intellectuel, collectionneur, esthète, dandy,  Robert de Montesquiou est tout à la fois le modèle du baron de Charlus, chez Proust, et celui du Des Esseintes de Huysmans dans À rebours. Il évoque à lui seul toute la vie mondaine et artistique de l'époque. Dans son portrait tout en nuances de gris, Boldini ne dissimule pas l'impertinence et la vanité du comte. Assis de face les jambes croisées, avec son profil altier tourné vers sa canne à l'allure de sceptre, il semble déclarer, comme ce vers tiré de son recueil Les Chauves-Souris: « Je suis le souverain des choses transitoires.»

Portrait d'un pianiste dans l'atelier du peintre
Vers 1910
Huile sur bois
Collection particulière

Artiste [Vincenzo Gemito] devant un chevalet en train de peindre 
Mine de plomb / Graphite
Paris, musée d'Orsay

Artiste [Vincenzo Gemito] devant un chevalet en train de peindre
Mine de plomb / Graphite
Paris, musée d'Orsay

Le peintre Helleu 
assis à une terrasse de café
Crayon noir sur papier fin crème
Paris, musée Carnavalet

Portrait de l'artiste Lawrence Alexander


Portrait d'Henry Gauthier-Villars, 
dit Willy 
1905
Huile sur toile 
Collection particulière

Willy fut l'un des hommes les plus en vue de la vie parisienne: critique musical, auteur de romans populaires et séducteur compulsif. En 1893, il épouse Colette, dont il publiera sous son nom à lui les premiers romans - la série des Claudine. Ils connaîtront un succès considérable, jusqu'à ce que Colette en revendique les droits. Ils se séparent en 1905, l'année où Boldini réalise ce portrait. Passé de la collection Montesquiou à celle de Maurice de Rothschild, le tableau est exécuté dans une gamme chromatique restreinte raffinée, qui prouve le talent de Boldini pour peindre les noirs.

Helleu, Sem et Boldini

Après une formation d'illustrateur entre Périgueux, Bordeaux et Marseille, Georges Goursat, dit Sem, arrive à Paris en 1900. Il  conquiert rapidement le public parisien avec la publication de l'album Le Turf, portrait du monde des courses, et ses dessins corrosifs dans Le Rire et La Revue Blanche. Avec ses silhouettes du Tout Paris, l'objectif de Sem n'est pas tant de faire rire que de créer des types. La ressemblance de ses figures ne vient pas d'une somme de détails mais plutôt de sa compréhension de la réalité plus profonde des individus, qu'il exprime d'un trait élégant.

Très vite, Sem devient proche de Boldini et du peintre Paul-César Helleu, qui inspirera à Proust le personnage d'Elstir. Ces deux portraitistes mondains, qui s'étaient rencontrés en 1894, étaient déja liés par une profonde amitié. Sem ne les quittera plus. De nombreuses photographies de l'époque montrent les trois hommes en observateurs irrévérencieux de la vie mondaine parisienne: dans les rues de Paris, au café ou encore aux courses à Longchamp.

Dans son style immédiatement reconnaissable avec ses figures bidimensionnelles et sans ombre, Sem exécute de nombreuses caricatures de ses deux amis. Boldini y apparaît, petit et disgracieux, aux côtés de Helleu ou de figures filiformes et élégantes qui semblent tout droit sorties de leurs toiles. De même, le peintre ferrarais fixera plusieurs fois, et de façon magistrale, l'image de ses deux acolytes et de leurs proches.

J'ai été pendant trente ans le compagnon fidèle, le confident de Boldini, le spectateur assidu de sa vie et de ses travaux. [...] Pendant vingt-cinq ans. nous ne nous sommes pour ainsi dire pas quittés avenue du Bois, à Longchamp, à Auteuil, chez Maxim's à Deauville, sur le yacht d'Helleu, on ne voyait que nous. »

Georges Goursat dit Sem. «Boldini, par Sem». Le Figaro, 1931

GEORGES GOURSAT
 DIT SEM (1863-1934)
M. Bamberger (père), le baron Alphonse de Rothschild, M. Henri de Rochefort et Lina Cavalieri, cantatrice
1900
Lithographie
 musée Carnavalet 

GEORGES GOURSAT
 DIT SEM (1863-1934)
Chez Voisin
1904
Estampe 
musée Carnavalet 

Autoportrait à soixante-neuf ans 
1911
Huile sur toile
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Dans son atelier du boulevard Berthier, où défile toute la riche société cosmopolite, Boldini se représente assis sur une chaise Louis XVI, celle-là même où il a fait poser de nombreux modèles par le passé. Le sourcil levé, il semble se retourner vers un visiteur imaginaire, le scrutant de son œil sévère. Avec ce dernier autoportrait à l'âge de soixante-neuf ans, Boldini nous offre l'image d'un peintre sûr de lui, sur la scène parisienne et internationale.

GEORGES GOURSAT 
DIT SEM (1863-1934)
Jean Lorrain, Boldini, Kate Moore, Madeleine Lemaire, Montesquiou, Jean-Louis Forain et Yturri
1905
Chromolithographie 
musée Carnavalet

GEORGES GOURSAT 
DIT SEM (1863-1934)
Louise Balthy, Edmond Porgès, Giovanni Boldini et le marquis Antoine de Gontaut-Biron
1905
Chromolithographie musée Carnavalet - Histoire de Paris
GEORGES GOURSAT
 DIT SEM (1863-1934)
Giovanni Boldini
Crayon, aquarelle 
Collection particulière

GEORGES GOURSAT
 DIT SEM (1863–1934)
Giovanni Boldini
Crayon, aquarelle et rehauts de blanc 
Collection particulière

GEORGES GOURSAT DIT SEM (1863-1934)
Album Tangoville-sur-Mer : 
Le Noble Faubourg
1913
Album de chromolithographies
Collection particulière

Portrait de Georges Goursat, dit Sem
1902
Huile sur toile 
Musée des Arts décoratifs

Ce portrait représente le caricaturiste Sem dans une pose assurée : de face, bien planté sur ses jambes, et les mains sur les hanches qui manifestent une certaine impertinence. Très élégant dans son manteau et son costume gris, avec sa canne et son chapeau melon, il épouse le style des dandys britanniques. Ce portrait démontre le talent de Boldini alors qu'il était venu chercher le peintre à son atelier pour une sortie mondaine.

Peintre à son chevalet [Paul Helleu]
Vers 1910
Huile sur bois
Collection particulière


«J'ai peint tous les genres »
A partir de 1890, Boldini décide de ne plus montrer au public que ses portraits mondains. Le reste de sa production demeure caché dans son atelier. Là, l'attention du peintre se concentre sur les intérieurs, qu'il aime particulièrement et qui apparaissent comme des lieux propices à l'introspection et au réve. Dans ces oeuvres, souvent de petit format, la couleur se révèle un instrument essentiel pour faire surgir l'émotion.

Dans les années qui précédent la Première Guerre mondiale, le style de Boldini gagne en énergie. Sa palette s'illumine, sa touche véhémente se fait toujours plus fougueuse, et, dans les oeuvres qu'il garde pour lui-même, presque agressive. Tout l'inspire et se prête à l'expérimentation picturale: visages de femmes, bouquets de fleurs, natures mortes, nus et paysages virevoltent dans une étrange fantaisie de lignes et de couleurs. Certains tableaux, presque abstraits, prennent pour sujet des fragments de réalité qui ne semblent plus que des prétextes pour des morceaux de peinture pure.

Mais cette étonnante frénésie de vie et de mouvement s'accompagne d'un frémissement mélancolique, très sensible dans les paysages crépusculaires de Venise, marqués par la décadence et le passage irreversible du temps. Toute cette production intime concentre ainsi parfaitement l'ambiguité de Boldini, si manifeste déjà dans ses grands portraits mondains, entre agitation et mélancolie.

En soirée
1911
Huile sur toile
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Un coin de l'atelier avec un manteau rouge
Vers 1916
Aquarelle sur carton
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Manteau rouge sur une bergère
Vers 1916

Aquarelle sur papier cartonné  Ferrare; Museo Giovanni Boldini

Avec un coloris dilué jusqu'à la transparence, ces deux aquarelles représentent les bergères de Boldini, des fauteuils bas à l'assise assez large que l'on retrouve dans de nombreux grands portraits du peintre. Mais ici, la figure humaine a laissé la place à une robe de chambre rose vif en soie et fourrure. Abandonnée négligemment sur le fauteuil, elle semble garder la trace d'un corps de femme dans ses plis et ses volutes. C'est le tissu inanimé qui évoque, à lui seul, la présence humaine.

Le Melon
Vers 1905
Huile sur toile 
musée d'Orsay, legs Carle Dreyfus

Pommes Calville
Vers 1907
Huile sur carton 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Les Faisans
Vers 1911
Huile sur toile
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

L'Autel de l'église des Gesuati à Venise
Vers 1907
Huile sur bois
Collection particulière, courtesy Concezione Ltd

Marine à Venise
Vers 1909 Huile sur bois 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Le Port de Venise
Vers 1895
Huile sur toile
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Fasciné par le passé illustre de la ville, Boldini fait de Venise sa destination privilégiée. Entre 1887 et 1913, il y séjourne à de multiples reprises, notamment pour participer à la Biennale. Les vues de la ville deviennent pour lui un sujet de  prédilection : il en tire d'innombrables esquisses, aquarelles et tableaux,  souvent réalisés sur le motif. Ici, les épais panaches de fumée des cheminées de navires, se mêlant aux nuages, offrent une vision particulière de Venise, animée pars échanges commerciaux.

Rio à Venise avec le campanile de San Giorgio dei Greci
Vers 1895
Huile sur toile 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

La Pendule Louis XVI dans la chambre du peintre
1899-1905 Aquarelle et gouache 
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Dans les vues de sa chambre ou de son atelier, les meubles, accessoires et éléments de décor, qui sont réduits au minimum dans ses portraits, deviennent des sujets de peinture à part entière. Boldini choisit soigneusement un objet (un cadre doré, un buste en plâtre...) qu'il place au centre de ses compositions et qu'il enveloppe de lignes convergeant vers eux. Ici, le point focal est la pendule Louis XVI. Par sa précision méticuleuse, elle se distingue du reste de la composition brossée à larges coups de pinceau.

Un coin de la table du peintre 
Vers 1897
Huile sur bois 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Un coin de la table du peintre se distingue des autres natures mortes de Boldini par son format vertical très singulier et par le point de vue audacieux, en plongée, sur les objets posés sur la table. Cela permet à Boldini de donner tout son relief au précieux service en porcelaine et en argent, rehaussé par les notes orange et vertes des fruits. Sur la nappe sont brodées les initiales de l'artiste, «G» et « B ».

Le "Cardinal" de Bernin dans la chambre du peintre 
Vers 1899
Huile sur toile 
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

On remarque dans quelques tableaux le retour obsessionnel de certains motifs, en particulier un moulage en plâtre d'une ceuvre attribuée à l'époque à Bernin : le buste du cardinal Léopold de Médicis. Boldini avait obtenu ce plâtre en 1892, à sa demande, en échange de son autoportrait pour la galerie des Offices. Ici, le buste, qui se reflète dans le miroir, se détache nettement sur le rebord de la cheminée. Boldini alterne entre une facture précise - pour décrire le buste - et des coups de pinceau lâches et virevoltants tout autour.

Tête de jeune femme brune sur fond rose Vers 1912
Huile sur toile 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Étude de bras et fleurs
Vers 1909
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Un simple fragment de geste devient ici prétexte pour un morceau de peinture pure. Une série de lignes et de coups de pinceau brefs modèlent un bras de femme élégant, presque évanescent, qui attrape des fleurs éparses sur une table. Le bras flotte dans l'espace, détaché de la réalité du corps auquel il appartient
 Ce fragment de beauté évoque un rêve, un désir ou le souvenir d'une créature féminine réduite à l'essentiel : grâce, forme et mouvement.

Pensées
Vers 1910
Huile sur toile 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Boldini devient de plus en plus énergique. Dans les œuvres qu'il peint pour lui qu'il conserve dans son atelier, Boldini exprime sa grande liberté artistique, sans se soucier des conventions de style ou de sujet. Ici, il livre une interprétation très personnelle du genre de la nature morte.


Le temps de l'élégance et de la mondanité
la fin du xx siècle, Paris devient la référence mondiale de l'élégance et de la mode. Boldini est consacré "le peintre de la femme" par le premier numéro de la revue Les Modes en janvier 1901. Il choisit directement dans la garde-robe de ses modèles les créations prestigieuses qu'elles portent dans ses portraits des robes signées Worth, Laferrière, Poiret, Doucet ou encore Callot. Sous le pinceau de Boldini, on retrouve aussi bien le grand monde des princesses et des comtesses que le demi monde des comédiennes et des danseuses. La mode n'est plus l'apanage des aristocrates

Loin d'être simplement un peintre à la mode, Boldini est avant-gardiste: c'est lui qui dicte la mode. Les figures les plus célèbres de la Belle Époque défilent dans son atelier: Lina Cavalieri, Luisa Casati, Marthe Régnier, Geneviève Lantelme, et bien d'autres encore. Avec leurs grands yeux frivoles, leurs corps aux lignes serpentines, leurs coiffures relevées et leurs visages maquillés, les femmes célébrées par Boldini deviennent un archétype, si bien que certaines se mettent à s'habiller à la Boldini » ou à se soumettre à des cures amaigrissantes pour ressembler à cet idéal.

Cependant, loin de la complaisance qu'on lui préte parfois, la célébration boldinienne de la femme ne va pas sans cruauté. Le peintre savoure son rôle de démiurge en imposant son propre regard, parfois féroce, sur ses créatures. Des critiques comme Arsène Alexandre et Camille Mauclair ont vu en lui l'un des rares artistes à avoir exprimé la vanité, la coquetterie d'âme, la névrose de ces temps décadents, « tout ce qui n'est pas la vie essentielle ». C'est précisément en cela que Boldini a été le vrai peintre de son époque.

Portrait de Madame Speranza
1899
Huile sur toile 
 Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

La Promenade au Bois
Vers 1909
Huile sur toile
 Ferrare, Museo Giovanni Boldini

L'Américaine Rita de Acosta Lydig
posa à plusieurs reprises pour Boldini entre 1904 et 1911. L'artiste la montre ici en promenade au bois de Boulogne en compagnie de son second mari, le capitaine Philip Lydig. Elle s'avance  majestueusement, devant lui, telle une reine se dirigeant vers son trône. Présenté au Salon de 1909, ce tableau provoqua la jalousie de la jeune Luisa Casati, qui avait  posé pour le peintre à la même époque.

Portrait de la princesse Marthe-Lucile Bibesco
1911
Huile sur toile
Collection particulière

Historienne et femme de lettres d'origine roumaine, Marthe-Lucile Bibesco fit la connaissance de Boldini peu avant 1910. Elle se souviendra plus tard que les dames d'alors « s'habillaient à la Boldini» et s'astreignaient à des cures amaigrissantes pour ressembler à la femme idéale selon les canons de la beauté boldinienne ». Arborant une somptueuse et tourbillonnante robe du soir noir et argent, le corps de Mme Bibesco est parcouru d'une énergie flamboyante. Cependant, malgré l'enthousiasme de la princesse, la toile fut refusée par son mari, qui jugeait son décolleté inconvenant.

Portrait de Gladys Deacon
1916
Huile sur toile 
Woodstock, Blenheim Palace Heritage Foundation

On raconte que l'écrivain Gabriele d'Annunzio se serait évanoui devant la beauté de Gladys Deacon, richissime Américaine qui partageait sa vie entre Paris, Florence et l'Angleterre, où elle épousa le duc de Marlborough. Dans ce portrait, Boldini se laisse aller à toute l'exubérance de sa créativité. La pose serpentine et légèrement déséquilibrée de la jeune femme dans une robe légère, un éventail en plumes d'autruche à la main, met en valeur la sinuosité de son corps et son décolleté.

La marquise Luisa Casati avec des plumes de paon 
1911-1913
Huile sur toile 
Rome, Galleria nazionale d'arte moderna e contemporane

Aristocrate, mécène et collection- neuse, la célèbre marquise Luisa Casati marqua son temps par ses excentricitès et ses allures de femme fatale. Elle donnait de grands bals masqués où se rencontrait l'élite européenne et où elle apparaissait avec des guépards tenus en laisse ou portant des serpents vivants en guise de bijoux. De Boldini à Man Ray, de nombreux peintres et photographes ont fixé son image et contribué à faire d'elle un véritable mythe. Ici, la pose audacieuse du modèle et les nombreux coups de pinceaux virevoltant autour d'elle accentuent l'impression de mouvement, rappelant les recherches des peintres futuristes sur la multiplication du corps dans l'espace.

Portrait de Miss Bell
1903
Huile sur toile 
 Gênes, Raccolte Frugone 
- Musei di Nervi
Cette femme inconnue, assise sur une chaise de style Empire affiche une pose désinvolte et un détachement sophistiqué.

Josefina Alvear de Errázuriz avec un chapeau à plumes
Vers 1895
Huile sur toile 
Collection particulière, courtesy Enrico Gallerie d'Arte

Portrait de Mme Matías de Errázuriz Ortúzar
1912
Huile sur toile 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

L'Actrice Jane Renouardt
Vers 1910
Huile sur bois 
Collection particulière, courtesy Galleria Bottegantica, Milan

Femme en noir sur un divan ou Portrait de Madame R. L.
Vers 1901
Huile sur toile 
Paris, MAD - Musée des Arts décoratifs

Portrait de Mlle Lantelme
1907
Huile sur toile
Rome, Galleria nazionale d'arte moderna 

Actrice, chanteuse lyrique et demi-mondaine, conne sous le nom de Geneviève Anthelme, Maltilde Fossez était réputée pour sa beauté. Elle avait une multitude de courtisans et d'amants dont le banquier Henri Podatz commanditaire du tableau. 

Les Modes: revue mensuelle illustrée des arts décoratifs appliqués à la femme, nº l
Janvier 1901
Paris, Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris

En janvier 1901, l'ingénieur d'origine italienne Michel Manzi, ami des peintres et des dandys, lance la revue Les Modes. Cette publication mondaine et raffinée prévoyait une collaboration inédite entre art et mode pour célébrer les beautés françaises et étrangères de Paris. Manzi confie l'illustration de la revue aux portraitistes du beau monde comme Helleu, La Gandara, Carolus- Duran ou Gaston La Touche. Boldini est le personnage central de ce premier numéro, dans lequel Montesquiou le consacre "peintre de la femme".

Jeune femme coiffée d'un très grand chapeau orné de plumes
Vers 1900
Aquarelle 
Paris, musée d'Orsay

Portrait de Mme Eugène Schneider avec son fils Charles 
Signé et daté 1903
Huile sur toile 
Collection particulière

Pour l'effigie de cette femme de la haute société, Antoinette de Rafélis de Saint-Sauveur, épouse du grand industriel Eugène Il Schneider, avec son fils Charles, le peintre s'inspire de la tradition des portraits anglais et espagnols, avec leurs fonds neutres et sombres et leurs mises en scène fastueuses. M- Schneider. est vêtue d'une somptueuse robe du soir et d'un long manteau en velours et hermine dont la magnificence en fait presque un habit royal ou un costume de scène. De fait, elle était initialement vêtue beaucoup plus légèrement, ce qui suscita des critiques sur la bienséance du portrait. L'artiste fut donc amené à retoucher largement l'ensemble.

Portrait de Pauline Hugo avec son fils, Jean 
1898
Huile sur toile 
Collection particulière

Robes et parures

Portrait de Rita de Acosta Lydig assise 
1911
Huile sur toile
Mr and Mrs James O. Coleman

Mécène et collectionneuse d'art antique, Rita de Acosta Lydig est l'unecdes protagonistes les plus excentriques de la belle Époque, célèbre pour son immense garde-robe et pour sa collection de cent cinquante paires de chaussures de luxe signées Pierre Yantorny. Sa légère robe de soie de la maison Chéruit est relevée au-dessus de ses chevilles pour laisser apparaître les fameuses chaussures. Le peintre crée un mouvement ondulant depuis le cou de cygne du modèle, en passant par ses longs bras et finissant dans la torsion des jambes.

La Dame en rose
ou Portrait d'Olivia de Subercaseaux Concha
1916
Huile sur toile 
Ferrare, Museo Giovanni Boldini

Cette toile compte parmi les œuvres les plus réussies de la maturité de Boldini. Son habileté technique, son répertoire de poses élégantes et recherchées, sa vaste gamme chromatique lui permettaient, malgré son grand âge, de faire encore partie des portraitistes les plus appréciés du grand monde. Vers la fin de sa carrière, son style gagne même en audace: Boldini applique la peinture avec des coups de pinceau de plus en plus larges et vigoureux qui restituent tous les reflets moirés des soies et des velvets velours.



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